Page images
PDF
EPUB

était inséparable de la possession d'un fief. A cette époque, on commença à voir en eux des officiers nommés par le roi et chargés par lui d'administrer la justice en son nom; ainsi les pairs, qui jusqu'alors n'avaient eu à prononcer que sur des crimes de haute trahison, de félonie ou sur des discussions relatives à la pairie, prirent part à la décision des procès de tous genres, et ajoutèrent à leur titre celui de conseiller. Les femmes cessèrent d'intervenir dans les jugements et de prendre séance à la haute Cour.

[ocr errors]

La nomination de pair s'effectuant par lettres d'érection, ceux qui les recevaient durent en faire la communication au parlement, et ce n'était qu'après la vérification qu'ils pouvaient prêter leur serment. Ils ne furent même, par la suite, admis à cette formalité, et par conséquent reconnus membres du parlement, qu'après une information préalable de vie et de mœurs. La dignité de pair cessa d'être héréditaire en ligne collatérale. Les femmes qui étaient propriétaires d'une pairie n'en communiquaient plus les droits et les prérogatives à leur mari. On vit cependant presque toujours ceux-ci élevés à cette dignité, mais ce fut en vertu de lettres d'érection spéciales, et par lesquelles le roi la leur conférait.

Le troisième âge de la pairie remonte à l'année 1505. Pendant la précédente époque la dignité de pair n'avait été conférée qu'à des princes du

sang; dans celle-ci ils ne furent pas exclusivement choisis parmi les princes de la famille royale, et des princes étrangers furent revêtus de cette dignité.

Engilbert de Clèves en offrit le premier exemple sous Louis XII.

François Ier, à son avénement à la couronne, érigea trois grands fiefs en pairie, savoir : le comté de Vendôme en faveur de Charles de Bourbon, celui d'Angoulême en faveur de Louise de Savoie, et la vicomté de Châtelleraut en faveur de François, frère du connétable de Bourbon.

Des procès de la plus haute importance furent, pendant cette période, jugés par la Cour des pairs. Les deux plus remarquables sont celui du connétable de Bourbon, accusé de haute trahison, et celui qui fut commencé contre l'empereur Charles V.

Le quatrième âge de la pairie commence à l'année 1550 et finit en 1789, époque où cette institution tomba sous les coups de la révolution avec la royauté dont elle avait été long-temps le plus ferme, ou pour mieux dire l'unique soutien.

Pendant cette époque la dignité de pair, qui jusque-là avait été l'apanage exclusif des hauts seigneurs et des princes du sang, fut conférée à de simples gentilshommes. Anne de Montmorency, connétable et grand-maître de France, fut le premier en faveur de qui fut faite cette exception. Voici comment s'expriment les lettres d'érection par lesquelles

sa baronnie de Montmorency fut érigée en duchépairie : « Ayant mis en considération l'antiquité, « grandeur et noblesse de la maison des seigneurs << de Montmorency, les magnanimes et vertueux << personnages qui en sont issus, les longs et re<<commandables services qu'ils ont faits à la défense «et à la conservation des droits de la couronne de France, en quoi ils se sont employés avec le con<< tentement de nos prédécesseurs rois, etc.... »

Cette pairie s'éteignit en 1633, par la condamnation à mort et la confiscation des biens de Henri de Montmorency. Mais elle fut recréée l'année suivante en faveur de Henri de Bourbon, prince de Condé, et quitta en 1689 le nom de Montmorency pour prendre celui d'Enghien. On trouve dans les lettres - patentes qui établissent ce changement, quels en furent les motifs. En voici le texte :

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Mais à présent que notre dit cousin le << prince de Condé a bien voulu consentir, en faveur « de notre cousin Charles-François-Frédéric de << Montmorency-Luxembourg, que le duché de « Beaufort portât à l'avenir le nom de Montmorency, << notre dit cousin le prince de Condé nous a très<< humblement supplié de changer le nom dudit «<duché et pairie de Montmorency, dont il est pro«priétaire et possesseur, en celui d'Enghien, pour, « sous ledit nom, posséder ledit duché et pairie " avec les mêmes honneurs titres et dignités,

[ocr errors]

<< appartenance, et dépendances, comme il en jouit << sous le nom du duché et pairie de Montmorency, « et à cet effet, lui accorder nos lettres à ce néces<<< saires....."

Antérieurement à cette quatrième époque, les pairs, avant de prendre séance au parlement, déposaient leurs épées, ne siégeant que comme magistrats; les princes du sang eux-mêmes n'avaient pas cru devoir s'exempter de cette formalité, qui semblait un hommage rendu aux lois et à la magistrature. Le roi seul avait conservé le droit de se présenter dans le sanctuaire des lois sans déposer auparavant le glaive qui en assure le maintien. Mais Henri II abolit cet usage et rendit aux pairs la faculté de siéger avec l'épée. Le parlement s'opposa vainement à cette disposition, qui dès-lors eut son plein et entier effet.

Les articles de la Charte par lesquels la Chambre des pairs fut reconstituée en 1814, et les réglements particuliers qui concernent ce pouvoir, semblent donner aux membres qui en font partie, la faculté de ne pouvoir être soumis à la contrainte par corps. Cette question, agitée dernièrement devant les tribunaux qui l'ont résolue négativement, avait déjà été l'objet d'une discussion pendant l'époque dont nous nous occupons.

En 1624, le duc de Candole, pair de France, ayant été traduit devant le Châtelet de Paris pour

[ocr errors]

le paiement d'une somme de seize cents francs, fut condamné à peine d'y être contraint par corps. Il se pourvut en appel devant le Parlement, et son avocat opposa à l'arrêt rendu par le Châtelet la dignité de pair. Ce serait, dit-il, une chose indigne de voir une personne de cette qualité emprisonnée et souffrir un affront qui ne se peut réparer. Aussi personne n'a-t-il encore osé faire cette demande. L'avocatgénéral Servin s'en rapporta à la prudence de la Cour, qui, par arrêt du 19 mars 1626, confirma l'arrêt du Châtelet. Le président ajouta : Présumé qu'un duc et pair de France n'est pas exempt de la contrainte par corps.

[ocr errors]

Voici quelles étaient les pairies existantes en 1789, époque de la dissolution de ce pouvoir: Uzès Elbeuf, Montbazon, Thouars, Sully, Luynes, Brissac, Richelieu, Fronsac, Albret et Rohan, Puicy, Grammont, Villeroy, Mortemart, SaintAignan, Gèvres, Noailles, Aumont, Charost Saint Cloud, Harcourt, Fitz - James, Chaulnes, Villars, Brancas, Valentinois, Nivernais, Biron, Aiguillon, Fleury, Duras, La Vauguyon, Praslin, La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, Aubigny, Choiseul, Coigny..

Quelques difficultés survenues pendant l'époque qui précède la révolution relativement aux pairies, furent réglées par un édit du mois de mars 1711, qui devint pour ainsi dire le code de cette institution.

« PreviousContinue »