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chambre des pairs, lorsque le duc de Fitz-James proposait à l'assemblée de voter des remercîments au duc d'Angoulême au sujet de son entreprise dans le midi, s'y opposa formellement en prononçant ces belles paroles : « Français et prince français, le duc d'Angoulême peut-il oublier que c'est « contre des Français égarés qu'il a été forcé de combattre? Au retour de sa malheureuse tentative de l'île Dieu, prince alla résider à Édimbourg, en Écosse. En 1799, il crut l'occasion favorable pour renouveler quelques efforts et passa en Suisse, où l'armée de Condé était réunie à l'armée russe, sous le commandement de Korsakow; mais il arriva trop tard, Korsaków venait d'être battu : le prińce reprit la route de l'Angleterre.

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Enfin éclata à Paris la révolution du 18 brumaire an VIII(10 octobre 1799); la famille royale, si long-temps malheureuse par le sort des armes, espéra un moment avoir un meilleur succès par la voie des négociations. Sur la haute réputation que s'était acquise en Europe l'intrépide soldat, auteur de cette révolution, elle s'était facilement laissée aller au plaisir de voir en lui le Monck futur de la restauration française; elle crut devoir hâter sa résolution par d'actives démarches: le roi Louis XVIII lui fit remettre, par l'abbé de Montesquiou, une lettre où, sans se départir de la dignité de son caractère, il le comblait des plus flatteurs éloges. M. le comte d'Artois, de son côté, dépêcha en France un émissaire féminin, madame la duchesse de Guiche, brillante de tout l'éclat de l'esprit, de la jeunesse et de la beauté ; mais, on le sait, l'homme auquel ils s'adressaient n'était pas fait pour apprécier la gloire qui lui était offerte, et bientôt une affreuse catastrophe avertit les Bourbons qu'il n'y aurait jamais rien de commun entre eux et Bonaparte.

Ayant renoncé à l'espoir de faire du premier consul le restaurateur de leur autorité, les princes ne durent plus voir en lui. que leur plus dangereux ennemi, et ce fut surtout contre sa personne et son pouvoir que furent dirigés désormais tous les efforts de leurs agents en France. Ces agents, toutefois, se livrèrent souvent de leur chef à des entreprises pour lesquelles ils n'avaient aucune mission, et certes il ne tombera dans la pensée d'aucun Français de reporter l'abominable complot de la machine infernale plus haut qu'aux individus qui en ont été reconnus les auteurs et ont été condamnés comme tels. Après avoir séjourné successivement à Londres et à Édimbourg, M. le comte d'Artois vint en 1809 se fixer au château d'Hartwell, auprès du roi Louis XVIII, qui en avait fait l'acquisition pour y réunir sa famille. Mais, par un de ces caprices ordinaires à la fortune, au moment où, lassés de combattre contre elle, et résignés en quelque sorte à leur destinée, les princes se choisissaient un lieu de retraite paisible et stable, elle, de son côté, se disposait à les replacer, seule et sans aucun concours de leur part, sur le trône : tout à coup, cet homme qu'elle avait favorisé pendant quinze ans par une série des plus insignes miracles, elle l'abandonna, au faîte de ses grandeurs et de ses prospérités; il tombe, et à sa place, sans coup férir, comme par un véritable enchantement, Louis XVIH se trouve l'heureux maître de la couronne de France! Déçue tant de fois dans ses espérances, la famille royale n'entrevit guère qu'à la fin de 1813, après la bataille de Leipzig, la possibilité du changement qui allait s'opérer dans son existence. Aussitôt M. le comte d'Artois se rendit sur le continent, en Allemagne, et il suivit l'armée alliée lors de l'invasion de la, France, en février 1814; toutefois les puissances étrangères n'osaient

plus, à cette époque, lui reconnaître aucun. caractère, et l'on sait que, sur les plaintes du duc de Vicence au congrès de Châtillon, elles l'obligèrent à quitter Vesoul et à rétrograder au-delà des frontières. Mais enfin l'abdication de Napoléon lui laissa le champ libre. On put juger aussitôt, par la proclamation qu'il répandit en qualité de lieutenant général du royaume, combien l'expérience et le malheur avaient rectifié les idées politiques auxquelles sa jeunesse s'était trop facilement laissé entraîner : ce prince ne parla que du règne des lois, du triomphe de la liberté; il montra pour le peuple la plus touchante sollicitude, en lui promettant l'abolition des lois que l'empire lui avait rendues le plus onéreuses, celles de la conscription, des droits réunis, et du monopole du tabac. Il était entré à Paris le 12 avril; le 14, le sénat lui remit l'autorité au nom du roi Louis XVIII, en lui soumettant un projet de constitution. Le 15, répondant à la harangue du président de ce corps, il dit : « qu'il n'avait point reçu du roi de pouvoirs «<>pour accepter une constitution, mais qu'il assurait, sans hésiter, que les bases en seraient admises, d'autant plus « que le roi son frère, en déclarant qu'il maintiendrait la forme actuelle du gouvernement, avait reconnu que

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« monarchie devait étre pondérée par une représentation « divisée en deux chambres, et que la nation devait jouir «de la liberté individuelle, de la liberté de la presse, ENFIN

"DE TOUS LES DROITS POUR LESQUELS ON AVAIT COMBATTU SI LONG

« TEMPS. » Il était impossible de mettre ni plus de franchise ni plus de bienveillance dans ses déclarations; les derniers mots surtout avaient, dans la bouche du prince, un caractère de loyauté et de bonhomie auquel on reconnaissait un descendant de Henri IV; et quand on pense que ses discours à cette époque étaient la manifestation spontanée de ses

sentiments, qu'il n'avait autour de lui ni ministres ni gens de cour qui l'égarassent par leurs pernicieux conseils, combien n'est-on pas autorisé à maudire ceux qui depuis quinze ans ont tenté d'obscurcir aux yeux de la nation d'aussi belles, d'aussi précieuses qualités! M. le comte d'Artois fut chargé, par le roi, de régler avec les puissances étrangères les indemnités qu'ellès réclamaient pour la guerre, et ici sa tâche fut à la fois et beaucoup moins facile et beaucoup moins agréable ces puissances abusèrent manifestement de la position de la famille royale pour lui arracher des sacrifices indignes du haut patronage qu'elles affectaient, et le cœur du fils de France dut saigner en souscrivant au traité du 24 avril, qui leur abandonna cinquante - trois places fortes occupées par nos troupes, douze mille bouches à feu, trente-un vaisseaux de haut-bord et douze frégates! La France, en 1813, comprenait dans son sein Rome, Hambourg, Amsterdam et Paris; en 1814 elle ne conserva pas même ses limites naturelles du Rhin et des Alpes! A l'arrivée du roi, le comte d'Artois fut nommé colonel général des gardes nationales de France, et colonel général des Suisses. Vint le mois de mars 1815, et le retour de Napoléon de l'île d'Elbe; on sait quelle fut la rapidité de sa course de Cannes à Paris : vainement le roi, vainement le comte d'Artois, qui s'était rendu immédiatement à Lyon, voulurent-ils, par tous les moyens, essayer de l'arrêter, rien ne put s'opposer au flot qui l'apportait. Le 16 mars, le comte d'Artois, revenu de Lyon, où il n'avait trouvé aucun appui, accompagna Louis XVIII au corps législatif, et y jura fidélité au roi et à la Charte; mais le 20, force luit fut, ainsi qu'à toute sa famille, de quitter les Tuileries et la France, où Napoléon venait de reconquérir l'autorité; il se retira dans les Pays-Bas. Après les cent jours, chargé

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de présider le college électoral de la Seine, il se livra å l'impulsion de ses sentiments naturels, et se concilia tous les esprits. Il siégea à la chambre des pairs, et y présida le premier bureau; mais les années suivantes, la chambre fut privée de ses lumières, ainsi que de celles des autres princes du sang, le roi n'ayant pas jugé à propos de continuer à les y appeler. Depuis cette époque jusqu'à celle de son avénement au trône, le 16 septembre 1824, le comte d'Artois n'a plus rempli de fonctions publiques, et ses actes, privés de tout caractère officiel, ne sauraient figurer ici; car il est certain maintenant que l'opinion était induite en erreur quand elle lui attribuait une participation quelconque soit à la conspiration du bord de l'eau en 1818, soit au gouvernement occulte si énergiquement dénoncé par M. Madier de Montjau en 1820. Cependant, l'effet qu'avaient produit à la longue ces sourdes rumeurs, ne laissa pas de contribuer à l'enivrement universel qui se répandit dans la capitale, quand on vit Charles X ouvrir son règne par la fameuse ordonnance qui supprimait l'infâme censure, quand on l'entendit s'écrier: «< Point de hallebardes! » quand on le vit accueillir avec une égale bonté les débris de tous. les naufrages politiques. La France reconnut aisément que ce prince, secouant encore une fois dans cette occasion solennelle le joug des cours et des ministres, s'abandonnait à toute la bonté de ses sentiments; il en recueillit le prix le plus précieux pour son cœur, car il aime la popularité, et jamais on n'en avait reçu de plus éclatants témoignages : il est à remarquer, même, que l'odieux triumvirat dont la monarchie est enfin délivrée, n'a jamais pu, par ses actes iniques, ralentir cet élan de reconnaissance auquel le peuple français aime, plus qu'aucun autre, à se livrer envers ses rois. Mais ce n'est pas à l'article consacré au prince que nous

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