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venons d'examiner, la voici : La constitution d'avoué couvre-t-elle les exceptions de nullité?

Pour ceux qui pensent qu'il y a fin de non-recevoir de la part de celui qui reconnaît, en se présentant, la remise de l'exploit, l'affirmative est certaine.

La négative doit être également incontestable dans l'opinion contraire ; car la constitution d'avoué est la présentation légale de la partie.

Aussi elle est enseignée par tous les auteurs. On peut consulter MM. F▲VARD DE LANGLADE, t. 2, p. 462; Boncenne, t. 3, p. 217 et 297; THOMINE DESMAZURES, t. 1, p.327; MERLIN, Questions de droit, vo Appel, § 10, art. 1er, no 2, et PIGBAU, Comm., t. 1, p. 393.

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Un arrêt de la Cour de Cassation, du 17 novembre 1823 (J. A., t. 25, p. 33), a posé le principe régulateur en prononçant une cassation fondée sur ce qu'il ne suffit pas pour qu'un individu soit valablement cité, qu'il ait eu ou pu avoir une connaissance morale de la citation; qu'il est nécessaire qu'il en ait eu une connaissance légale, laquelle ne peut avoir lieu que par exploit en forme régulière. Telle était aussi la jurisprudence de la Cour de Cassation, sous l'empire de l'ordonnance de 1667. (V. un arrêt du 9 janvier 1809, J. A., 1. 12, p. 462.) Cette opinion a été adoptée par arrêts de la Cour de Bruxel-> les du 4 avril 1807 (J. A., t. 13, p. 40), et de la Cour de Paris du 31 mars 1813 (J. A., t. 12, p.491).

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Cependant on oppose un arrêt isolé du 22 décembre 1812 de la Cour de Limoges (J. A., t. 1, p. 174), et quelques autres décisions rendues dans des espèces particulières.

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Le 17 février 1807, la Cour de Rennes; le 19 février 1812, la Cour de Liége; le 2 janvier 1818, la Cour de Colmar; la Cour de Metz, le 9 janvier 1821 (J. A., t. 12, p. 484 et 508; t. 13, p. 130, et t. 7, p. 161), ont décidé que, soit une constitution de nouvel avoué, soit un avenir pour plaider, soit une demande de remise de cause, élevaient des fins de non-recevoir contre la présentation ultérieure du moyen de nullité. Le contraire a été décidé par deux arrêts de la Cour de Bruxelles du 4 décembre 1807, et de la Cour de Liége du 23 novembre 1814 (J. A., t. 12, p. 453, et t. 13, p. 228), et enfin par deux arrêts de la Cour de Cassation, l'un du 28 octobre 1811 (J. A., t. 3, p. 158, 7o espèce), et l'autre du 6 novembre 1811 (J. A., t. 12, p. 481).

S 9. Mais on s'est demandé si la nullité d'un acte d'appel résultant d'un défaut de constitution valable d'avoué était couverte par la signification d'une constitution faite par l'avoué de l'intimé au véritable avoué de l'appelant?

Cette question n'est qu'un corollaire de la question principale : les principes sont les mêmes, la solution doit être la même : la négative nous paraît certaine, contrairement à l'opinion, déjà citée, de M. CARRÉ, Lois de ‹ la procéd., t. 1, no 744.

Toutefois la jurisprudence n'est pas fixée, et elle offre des monuments contradictoires.

Pour la fin de non-recevoir, on cite les arrêts de la Cour de Bourges, du 25 août 1808; de la Cour de Rennes, du 26 avril 1810; de la Cour de Cassation, du 24 février 1813; de la Cour de Douai, du 15 avril 1818; de la Cour de Paris, du 9 mai 1826; de la Cour de Limoges, du 7 février 1828; de la Cour de Nîmes, du 17 novembre 1828. (J. A., t. 12, p. 474, et t. 34, p.103;

Journ. de la Cour de Limoges, 1828, p. 78; et DALloz, 1829, 2o part., p. 188.). On oppose à ces décisions les arrêts de la Cour de Pau, du 22 juillet 1809; de la Cour de Cassation, du 4 septembre 1809 (1); de la Cour de Limoges, du 14 avril 1813; et de la Cour de Rennes, du 21 juin 1814. (J. A., t. 3, p. 232, et t. 12, p. 497.)

$10. Nous ne nous étendrons pas sur la question de savoir si un jugement de jonction de défaut couvre les nullitės?

Nous tenons pour la négative : aux arrêts que nous avons cités, J. A. t. 12, vo Exception, no 37), il faut ajouter une décision de la Cour de Bourges, du 30 août 1828. (J. A., t. 35, p. 350.)

S11. Et si le défendeur a besoin d'examiner l'original même de la citation ou de l'acte qu'il veut arguer de nullité, ne peut-il pas en demander la communication?

L'affirmative est hors de doute, puisque de cette communication seule peut dépendre la demande elle-même en nullité (2).

« Tous les préliminaires, dit M. BONGENNE, t. 3, p. 296, qui ne sont point » en désaccord absolu avec l'intention de proposer une nullité, ne peuvent » pas faire supposer qu'on y ait renoncé. »

Ainsi celui qui voudrait demander la nullité d'un exploit fondée sur ce que la délibération du conseil de famille, ou l'acte administratif qui l'ont autorisé ne sont pas réguliers, ne couvrirait pas cette nullité en demandant communication des pièces qui pourraient l'éclairer sur ces points prélimi

naires.

Il est essentiel de remarquer que la demande pure et simple de commu- ́ nication de pièces s'applique au fond et ne permet plus de proposer une nullité d'exploit ou d'acte de procédure.

Cette doctrine est celle de tous les auteurs. (V. MM. BoNCENNE, t. 3, p. 295; THOMINe Desmazures, t. 1, p. 319 et 327, et FAVARD DE Langlade, t. 2, p. 458 et 461.)

Le 26 juillet 1808, la Cour de Cassation a jugé avec raison que la demande en communication des pièces qui ne tiennent pas au fond n'élevait pas une fin de non-recevoir contre la nullité de l'exploit. (J. A., t. 12, P. 455.)

Mais, par arrêts des Cours de Paris, 27 août 1807; de Turin, 16 janvier 1809; de Rouen, 9 décembre 1809; de Cassation, 30 janvier 1810; de Rennes, 6 août 1813, 17 juin 1817 et 16 janvier 1818; de Besançon, 1o dé- ' cembre 1818; d'Orléans, 15 novembre 1820;. de Bourges, 30 mars 1819 et 25 février 1834 (J. A., t. 12, p. 462 ; t. 13, p. 256; t. 37, p. 191, et t. 46, p. 357), il a été jugé que la simple demande en communication de pièces était un obstacle à toute proposition en nullité d'exploit; peu importe, a dit la Cour de Rennes, le 23 septembre 1815 (J. A., t. 12, p. 503), que la demande en communication n'ait produit aucun effet.

Cependant on peut ne pas critiquer deux arrêts qui ont consacré deux

n° 2,

(1) On peut consulter aux Questions de droit, v° Appel, S10, art. 1er, le réquisitoire de M. Merlin, sur lequel cet arrêt a été rendu. (2) C'est ce qui a été jugé, le 4 avril 1810, par la Cour d'Agen. (J. A., t. 20,

p. 177.) Telle est aussi l'opinion de M. CARRÉ, t. 1, no 718.

exceptions; le premier, de la Cour de Pau, a décidé, le 26 juillet 1809, que l'intimé qui avait proposé un moyen de nullité dans une requête, ne couvrait pas ce moyen en demandant le dépôt au greffe d'une pièce du procès sans conclure au fond (J. A., t. 12, p. 469); le second, de la Cour d'Amiens, du 30 novembre 1821 (J. A., t. 23, p. 360), a jugé que les moyens de nullité ne sont pas couverts par une communication de pièces faite par l'intimé à l'appelant sur sa demande et sous la réserve des

nullité.

moyens de

Un arrêt de la Cour de Bordeaux, du 25 juin 1831 (Journ. des arrêts de cette Cour, t. 6, p. 331), est le seul qui contrarie la jurisprudence universellement admise.

§ 12. Certains praticiens ont pensé qu'à l'aide des réserves expresses, générales ou spéciales, on pouvait éluder le vœu formel de l'art. 173; mais, comme l'a dit M. Thomine Desmazures, il n'est pas permis de protester contre la loi, il faut l'exécuter. Les réserves sont de vieux style, c'est souvent un nonsens, elles ne servent à rien dans la plupart des cas; on ne les conçoit que pour le cas où la loi, vous accordant deux modes d'action sur la même ligne, ne pouvant pas les suivre tous les deux à la fois, vous prenez l'un en vous réservant l'autre.

On peut continuer à insérer des réserves dans les actes de procédure, car quod abundat non vitiat, mais on ne doit pas penser que ces réserves soient de nature à faire revivre un droit éteint par suite de l'acte lui-même qui contient ces réserves (1).

MM. FAVARD DE LANGLADE, t. 2, p. 461; THOMINE DESMAZURES, t. 1, p. 327, et BONGENNE, t. 3, p. 503, professent la même opinion. Voici comment s'exprime M. Boncenne: 11 est des praticiens qui ne rédigent ni conclusions ni requêtes sans y ajouter des protestations contre ce qu'ils n'entendent pas faire, lesquelles se terminent notamment par des réserves de faire valoir tous moyens de nullité ainsi qu'ils aviseront. »

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« Ces précautions ou cautèles, comme on disait autrefois, n'ont pas la moindre vertu : si vous commencez par discuter le fond de la cause, vous couvrirez la nullité de l'ajournement, en dépit des plus énergiques réserves; il en sera de même pour les autres actes de procédure dans le cours de l'instruction: Qui protestatur nihil agit. Cette maxime s'applique à tous les cas où celui qui proteste avait la liberté d'agir autrement qu'il n'a fait.» La jurisprudence s'est en général rangée à cette opinion; nous nous contenterons d'indiquer notre Dictionnaire général de procédure, vo Exceptions, nos 51, 62, 71, 72, 74, 76 et 77.

Cependant nous croyons pouvoir approuver trois décisions qui, au premier examen, sembleront contraires aux principes que nous venons de poser, à savoir: 1o qu'une nullité d'exploit n'est pas couverte, lorsque sous toute réserve sommation est faite de déposer au greffe certaines pièces de la procédure (Liége, 31 juillet 1811; J. A., t, 13, p. 174);

2o Que des réserves formelles doivent produire tout leur cffet lorsqu'elles n'ont été suivies de la part de l'avoué que d'une sommation d'instruire

(1) Il faut excepter cependant le cas d'enquête ou tous autres semblables pour lesquels les réserves forment une protestation contre une procédure à laquelle on est forcé de prendre part.

(Angers, 27 juillet 1820; J. A., t. 12, p. 514); ou qu'il a fait simplement un autre acte d'instruction (Agen, 4 avril 1810; J. A., t. 20, p. 177).

Les réserves peuvent encore être considérées sous un point de vue qui, sans leur donner une utilité réelle, leur permet de rendre la procédure plus claire.

Ainsi l'intimé peut conclure à la nullité de l'appel, puis subsidiairement au fond. En concluant sur le fond pour établir plus clairement la volonté de subordonner ses conclusions sur le fond à la décision qui sera rendue sur le moyen de forme, cet intimé conclut au fond sous toutes réserves de ses moyens de nullité déjà proposés.

C'est aussi ce qui a été jugé le 15 mars 1821 par la Cour de Rennes (J. A., t. 19, p. 231).

$ 13. Si des principes que nous venons de poser, il résulte assez clairement, selon nous du moins, quelles sont les nullités dont a voulu parler le législateur dans l'art. 173, examinons maintenant ce que signifient ces expressions: Toute défense ou exception autre que les exceptions d'incompétence.

Sect. I. TOUTE DÉFENSE... Les diverses hypothèses qui ne peuvent offrir aucune difficulté sérieuse ne méritaient pas de notre part un examen séparé, aussi avons-nous cru devoir les indiquer en note (1).

(1) Jurisprudence.

Nous pensons que :

1o Une nullité ne peut être proposée par celui du fait duquel elle provient (Cassat., 4 germinal an 8; J. A., t. 12, p. 426). M. Carré, en citant cet arrêt, s'exprime ainsi : C'est une conséquence du principe, qui résulte d'un grand nombre de textes, qu'on ne peut jamais plaider contre son propre fait. Nous ajouterons cependant: à moins qu'il ne s'agisse d'une incompé tence matérielle ou d'une nullité d'ordre public.

2° Lorsqu'un jugement passé en force de chose jugée a supposé valables des procédures nulles, on ne peut plus attaquer ces procédures et en faire prononcer la nullité (Cassat., 29 juin 1812; J. A., t. 12, p. 488). C'est ainsi qu'un jugement qui a prononcé une contrainte par corps contre le vœu de la loi doit néanmoins être exécuté lorsqu'il est passé en force de chose jugée (Paris, 29 pluviôse an 10; J. A., t. 8, p. 455 et 457).

3o Les communes, comme les particuliers, doivent proposer les nullités d'exploit avant toutes défenses au fond (Cassat., 10 janvier 1810; J. A., t. 4, p. 741).

4° Les nullités de forme d'une contrainte se couvrent par la défense au fond du contribuable (Cassat., 7 août 1807; J. A., t. 12, p. 449).

5o La nullité de la notification d'un protêt fait à l'étranger et rapporté à la Guadeloupe, de la lettre de change et de l'assignation, fondée sur le défaut de légalisation dudit protêt, doit être proposée avant toute défense au fond (Bordeaux, 10 décembre 1827; Journ, des arrêts de cette Cour, 1827, P. 499).

6o La partie qui ne se borne pas à demander la nullité d'une opposition pour vice de forme, mais qui conclut formellement à ce que l'opposant soit débouté au fond, couvre la nullité (Rennes, 28 avril 1814; Grenoble, aa avril 1815; J. A., t. 12, p. 496).

7o Le demandeur n'est plus recevable à demander la nullité de l'assignation qui lui a été donnée en reprise d'instance, lorsque cette nullité n'a pas été proposée avant toute défense au fond, et surtout lorsqu'un jugement

T. LV.

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Voici quelques cas particuliers qui nous ont paru dignes d'observations détachées.

1o Le 6 août 1827 (J. A., t. 34, p. 122), la Cour de Paris a décidé que des conclusions prises à l'audiencé sans avoir été préalablement signifiées et remises au greffier, ne lient pas l'instance, et qu'alors le déclinatoire ultérieurement proposé est censé l'avoir été in limine litis.

"Le 12 avril 1813, la Cour de Paris avait consacré le même principe, en 'refusant à une partie le droit de prendre au greffe une expédition de con

passé en force de chose jugée a déclaré l'instance reprise ( Cassat,, 1or mai 1824; J. A., t. 26, p. 158).

8. L'intimé est comme le défendeur en première instance, en sorte que s'il n'a pas proposé, dans ses réponses à un écrit de griefs, la nullité de T'acte d'appel, il est non recevable à la proposer plus tard (Rennes', a juin 1808 et 31 juillet 1810; J. A., t. 12, p. 447). M. Carré approuve aussi cet arrêt: En effet, dit-il, l'analogie entre l'intimé et le défendeur est parfaite, et l'on doit appliquer contre lui la règle générale portée à la question 740.,

9o La nullité résultant du défaut de transcription du procès-verbal de non conciliation en tête de l'exploit d'assignation, ne peut être opposée pour la première fois en appel (Paris, 29 pluviôse an 10; J. A., t. 12, p. 431).

10° Après avoir procédé en première instance avec un avoué, on ne peut arguer d'irrégularité la constitution en cause d'appel, en soutenant que la partie représentée par cet avoué doit être considérée comme ayant fait défaut (Rennes, 31 août 1810; J. A., t, 1 5, p. 348).

11o La partie qui en première instance a demandé contradictoirement plusieurs remises de cause ne peut opposer en appel les irrégularités qué présente la constitution d'avoué de son adversaire devant les premiers juges (Bruxelles, 21 septembre 1831; J. A., t. 45, p. 458).

12o L'exception de nullité d'une signification de requête en péremption d'instance ne peut être proposée pour la première fois en appel (Nîmes, 16 août 1815; J. A., t. 12, p. 511). Peu importe, dit M. Carré, que cette nullité de la demande soit péremptoire de l'instance, puisqu'il ne s'agit que de prononcer sur une nulli'è de forme.

13° Le prévenu qui en première instance défend au fond ne peut, pour la première fois en appel, demander la nullité de l'action dirigée contre lui, en se fondant sur ce que l'huissier n'aurait pas signé l'original de la citation à lui donnée (Cassat., 20 juillet 1832).

14 Mais l'intimé est recevable à proposer la nullité de l'appel dirige contre lui, quoique son avoué ait signifié à celui de son adversaire la déci· sion dont est appel (Bordeaux, 6 juin 1832. J. A., t. 43, p. 564).

15° La partie qui a comparu en référé sur une assignation donnée à trop bref délai, et à un domicile qui n'est pas le sien, est recevable à demander la nullité d'une assignation semblable qui lui est ensuite donnée devant le tribunal (Paris, 13 messidor an 12; J. A., t. 12, p. 439).

16o Une partie peut demander la nullité d'un arrêt qui a jugé en audience solennelle une cause qui devait l'être en audience ordinaire, quoiqu'elle ait elle-même provoqué l'inscription de la cause au grand rôle. Notre solution est contrariée par un arrêt du 12 décembre 1811 de la Cour d'Aix (J. A., t. 12, p. 482); mais cet arrêt est antérieur à la nouvelle jurisprudence de la Cour de Cassation, qui a considéré cette nullité comme étant d'ordre public (Arrêts Cassat. des 28 décembre 1830, 17 janvier et 7 février 1832, 13 et 15 mars 1833; J. A., t. 40, p. 343; t. 43, p.666 et 667, et t. 46, p. 358).

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