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pothèques de Saint-Calais qu'à celui de Tours; mais sa sécurité ne fut pas de longue durée. Un immeuble appartenant à la dame Gabiolle ayant été vendu par expropriation, un ordre s'ouvrit devant le Tribunal de Tours. Le sieur Baudoin demanda à y être colloqué; mais il fut repoussé, par ce motif que l'hypothèque qui lui avait été consentie, étant une hypothèque conventionnelle, ne pouvait produire effet, à défaut de désignation des biens hypothéqués.

Repoussé de l'ordre, le sieur Baudoin a poursuivi le notaire Prégent et a obtenu contre lui, à la date du 27 août 1838, un jugement qui le déclare responsable du préjudice éprouvé par suite de la nullité de l'hypothèque et du rejet dans l'ordre de la créance du demandeur. APPEL.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que le principe général posé dans les art. 1382 et 1383 C. C. sur la responsabilité, reçoit, dans l'art. 68 de la loi du 25 ventôse an 11, une application spéciale pour les notaires et pour les actes de leur ministère; que c'est donc dans cette législation spéciale qu'il faut rechercher le principe et l'étendue de leur responsabilité; Attendu que les notaires n'ont reçu de la loi que le pouvoir de conférer le caractère de l'authenticité aux actes ou conventions auxquelles les parties veulent ou doivent donner la forme authentique ; que, par corrélation à ce droit, ils ont l'obligation de revêtir les actes des formes qui en assurent la régularité et la validité; - Qu'il faut distinguer ce qui tient à la substance même de la convention de ce qui n'est relatif qu'à la forme probante et aux parties extrinsèques de l'acte; que, quant aux formes extrinsèques, le notaire chargé de leur accomplissement est nécessairement responsable des erreurs provenant de son fait qui vicient l'acte dans sa forme et lui ôtent la force probante qu'il devait lui donner; qu'ici son impéritie lui est imputable, parce qu'il a manqué à la mission spéciale que la loi lui a confiée, parce qu'il y a ignorance de ce que le notaire doit savoir; mais que, quant aux vices intrinsèques de l'acte, à la nullité de la convention en elle-même, le notaire n'a pas mission de la loi pour les prévenir, puisqu'il est contraint de prêter son ministère à toute partie qui le requiert; Que sans doute les notaires ont l'obligation morale d'avertir les parties des vices qui peuvent exister dans une convention intervenue entre elles; mais qu'il ne saurait résulter de là que, si, de bonne foi, ils errent sur l'efficacité d'une convention qu'ils sont chargés de constater, on doive les rendre responsables de toutes les erreurs qui tiennent au fond même de l'obligation; qu'ainsi entendue, la responsabilité des notaires ferait peser sur ceux-ci des obligations qui n'atteignent pas, dans les cas analogues, les autres personnes exerçant des professions libérales, parce que, quant aux vices du fond, l'erreur du droit retombe d'abord et principalement sur la partie qui ne peut dès lors rejeter sur le notaire les résultats d'une erreur qui est la sienne et qui lui est imputable, car l'ignorance d'une loi générale n'excuse personne; Et attendu, dans la cause, quel'erreur reprochée au notaire consiste dans le fait d'avoir créé ou voulu créer par contrat une hypothè

que judiciaire ou d'avoir généralisé une hypothèque conventionnelle qui ne pouvait être que spéciale; - Qu'évidemment cette erreur porte sur le fond de la convention elle-même, qui avait pour but d'établir une affectation hypothécaire sur les biens de la femme; que, dès lors, cette erreur ne tombe pas dans le cas de responsabilité du notaire; que celui-ci n'a pas non plus agi comme mandataire de Baudoin; —Que le mandat verbal pour suivre le recouvrement de la créance est postérieur à l'acte, et ne saurait rétróagir sur un fait déjà accompli; Par ce motif, déclare Baudoin mal

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l'art. 19

Lorsqu'il s'élève entre l'administration des douanes et des commerçants des difficultés sur l'espèce, l'origine ou la qualité des marchandises, les tribunaux doivent renvoyer l'appréciation de ces difficultés aux commissaires experts spéciaux, institués par de la loi du 27 juillet 1822. Dans ce cas, les juges ne peuvent ni apprécier eux-mêmes ces difficultés, ni recourir à aucune autre voie d'expertise.

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(Administration des douanes C. Arragon.) — ARRÊT. LA COUR ; Vu l'art. 19 de la loi du 27 juillet 1822; Attendu que, par cet article, le législateur a généralisé les dispositions spéciales de la loi du 28 avril 1816, relatives aux tissus, et les a étendues à toutes les marchandises, pour recevoir leur application dans tous les cas où il s'élèverait des doutes et des difficultés, entre la régie des douanes et le commerce, sur l'espèce, l'origine ou la qualité des marchandises; Qu'en chargeant des commissaires-experts spéciaux (à l'abri de toute influence) d'apprécier les faits qui donnent lieu à ces doutes et à ces difficultés, soit quand il s'agit de l'application des droits, des primes et des priviléges coloniaux, soit pour la suite de toutes autres instances dans lesquelles ne doit point intervenir le jury spécial créé par l'art. 59 de la loi du 28 avril 1816, la loi du 27 juillet 1822 a voulu que dans ces sortes d'affaires il fût donné aux tribunaux une appréciation certaine des faits, émanée d'hommes à ce connaissant, qui servît de base à leurs jugements lorsque les décisions à rendre dépendaient de la qualité ou de l'espèce des choses saisies; Que l'intervention de ces commissaires-experts spéciaux, institués par la loi, ne peut être considérée comme facultative, puisqu'il en est de ces commissaires comme du jury spécial établi par la loi du 28 avril 1816, et que leurs délibérations, comme celles du jury spécial, sont la base nécessaire des jugements intervenus dans les cas prévus par la loi; Que, lorsque la loi donne des experts, les tribunaux ne peuvent recourir à aucune autre voie d'expertise; – Attendu, dans l'espèce, que le Tribunal de Bourgoin, en confirmant la sentence par laquelle le juge de paix du canton de Pont-de-Beauvoisin avait substitué dans la cause sa propre appréciation à l'appréciation des

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commissaires spéciaux, institués et désignés en vertu de la loi pour prononcer sur la qualité des objets en litige, et en renvoyant la cause et les parties par-devant ce même juge, pour être procédé à la vérification par lui ordonnée, et, par suite, au jugement du fond et même des dommages et intérêts qui pourraient être dus, a commis un excès de pouvoir et expressément violé la loi précitée; Donnant défaut ; · CASSE.

Du 30 janvier 1839. Ch. Civ.

COUR ROYALE DE PARIS.

Caution judicatum solvi.

Etranger. Algérien.

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Ne sont pas regardés comme étrangers les Algériens qui plaident devant les tribunaux de France. - En conséquence, on ne peut les soumettre à la caution judicatum solvi.

(Mathan Bacri C. héritiers Bacri.)

Mathan Bacri, Algérien, naturalisé français, défendeur à une demande de 20,000 fr. de dommages intérêts formée contre lui par la veuve et les héritiers de Jacob Bacri, crut devoir opposer à ses adversaires l'exception de la caution judicatum solvi.-Jugement du Tribunal de la Seine, en date du 30 juin 1838, qui statue ainsi sur cette exception:

«Attendu que la veuve Bacri et consorts sont Algériens; - Attendu que si aucune disposition législative n'a prononcé la réunion de l'Algérie à la France, l'ordonnance du 10 août 1834 a soumis les Algériens aux lois françaises;

» Attendu, d'un autre côté, que la contestation dont se trouve saisi le tribunal est la conséquence d'autres demandes déjà soumises aux tribunaux français, entre les mêmes parties, et pour lesquelles l'exception préjudicielle aujourd'hui invoquée n'a pas été soulevée;

» Attendu que, d'après ce qui précède, Bacri et consorts ne peuvent être assimilés à l'étranger demandeur, qui doit au préalable être astreint à fournir la caution judicatum solvi exigée par l'art. 166 C. P. C.;

» Déclare Nathan Bacri mal fondé dans son exception.» APPEL.

LA COUR ;

ARRÊT.

Considérant que les actes de la juridiction française sont exécutoires dans l'Algérie qui est soumise aux lois françaises; adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges; CONFIRME.

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Exception.

COUR DE CASSATION.

Compétence. - Question du fond. — Jugement.

Les juges peuvent, sans contrevenir à l'art. 172 G. P. C., statuer par un seul jugement sur la question de compétence et sur la question du fond, lorsque la solution de l'une et de l'autre dépend de la constatation du même fait (1).

(Leballe C. Préfet d'Ille-et-Vilaine. )

En 1835, le sieur Leballe, propriétaire, fit citer devant le juge de paix de Pleurtuit le sieur Joly, entrepreneur, chargé de la construction d'une route, attendu que celui-ci s'était indûment emparé d'une portion de terrain appartenant au demandeur, sans qu'aucune formalité d'expropriation légale eût été accomplie à son égard, et sans qu'on l'eût préalablement indemnisé.

Sur cette action en complainte, le sieur Joly demanda un délai pour mettre l'administration en cause; mais celle-ci n'intervint pas.

Le 7 décembre 1835, le juge de paix, après avoir visité les lieux, ordonna la réintégration du sieur Leballe dans sa possession.

Le sieur Joly interjeta appel, et assigna devant la Cour le préfet d'Ille-et-Vilaine pour s'entendre condamner à garantir l'appelant de toutes condamnations qui pourraient intervenir contre lui. Le préfet, prenant le fait et cause du sieur Joly, a soutenu, d'une part, que la juridiction administrative était seule compétente, puisqu'il s'agissait d'une contestation relative à l'exécution de travaux publics; et, d'autre part, qu'il résultait du rapport des ingénieurs qu'on n'avait pris pour la cale de la route aucune portion du terrain appartenant au sieur Leballe en conséquence le préfet concluait à l'infirmation du jugement pour incompétence, sauf à l'intimé à se pourvoir devant qui de droit pour faire fixer l'indemnité à laquelle il pouvait prétendre, à raison de l'occupation provisoire de sa propriété.

Le 13 août 1836, jugement du Tribunal civil de Saint-Malo, ainsi conçu :

<«< Attendu que le sieur Leballe a cité le sieur Joly au possessoire devant le juge de paix du canton de Pleurtuit pour ouir maintenir, et au besoin réintégrer le sieur Leballe dans la libre et paisible possession et jouissance de quantité de terrains, rochers et falaises situés au Bec de la Vallée en SaintEnogat, envahis par ledit sieur Joly;

(1) V. dans le même sens J. A., t. 50, p. 252, l'arrêt de la Cour de Cassation du 18 février 1835 et la note.

» Attendu que, devant le premier juge, l'appelant n'a point contesté cet envahissement, et qu'il est constant, en fait, qu'une partie de la propriété de l'intimé a été prise par voie de fait et employée à l'établissement du chemin qui conduit à la nouvelle cale du petit port du Bec de la Vallée; que non-seulement ce chemin y a été tracé, mais qu'il a été construit avec remblais et rigoles; qu'ainsi il est évident que ce n'est pas pour des dommages momentanés, pour une occupation temporaire dont l'administration seule pourrait connaître, mais pour une dépossession définitive, que le juge de paix a été saisi de l'affaire ;

» Attendu qu'un tel acte, que ne pourrait se permettre un agent de l'administration, ni l'administration elle-même, aurait pour résultat d'éluder les lois protectrices de la propriété; que cependant, suivant la jurisprudence constante et invariable du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation, c'est aux tribunaux qu'il faut recourir lorsqu'il s'agit, soit de la propriété, soit même de la possession du sol, parce que la possession est un moyen d'acquérir la propriété;

» Attendu que si le prescrit de l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an 8 semble soumettre à la décision des conseils de préfecture les contestations relatives aux terrains occupés, et même définitivement, pour l'établissement des chemins publics, il n'en peut plus être ainsi depuis la promulgation de la loi du 8 mars 1810, qui a déterminé la mise à exécution du grand principe proclamé par l'art. 545 C. C. ; — « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité; » que, suivant cette loi (celle de 1810), l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut s'opérer que par autorité de justice; que ce principe éminemment social, éminemment conservateur du droit de propriété, a été maintenu par la loi du 7 juillet 1833, qui a seulement abrégé les délais et modifié le mode de procéder en cette matière;

>> Attendu que si, suivant ces deux lois, c'est aux tribunaux de première instance qu'il appartient de juger la cause d'intérêt public et de fixer le montant de l'indemnité, c'est l'administration seule, et non les particuliers dépossédés par voie de fait, qui doit provoquer l'exécution de la loi, en se conformant aux formalités qu'elle indique;

» Attendu que, dans l'espèce, l'administration ni ses agents n'ont observé aucune des formalités prescrites; qu'ils n'ont pas même donné un simple avertissement au sieur Leballe, avant de commencer les travaux sur son terrain; que, dans de telles circonstances, il a dû nécessairement recourir au juge de paix, seule juridiction compétente en premier ressort, pour le réintégrer dans sa possession; que s'il avait agi autrement, il

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