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autorisait aussi, art. 31, tout créancier inscrit, au cas de vente volontaire, à surenchérir du dixième dans le mois de la notification à lui faite par l'acquéreur qui voulait purger.

Tel est le droit que le Code civil a consacré plutôt que créé, en réglant ses formes, délais et conditions. Les créanciers inscrits sont seuls admis à cette surenchère, parce qu'eux seuls ont intérêt à faire élever un prix de vente qui, entre l'acquéreur et le vendeur ou ses autres créanciers, est définitivement fixé. Le minimum est peu élevé, parce que le but de ces créanciers inscrits doit être moins d'acheter pour eux que de déterminer l'acquéreur ou tous autres à élever le prix. Un délai de quarante jours leur est accordé, parce qu'ils ne sont prévenus que par une notification qui peut les surprendre. Mais des formes et des justifications régulières leur sont imposées, ainsi que l'obligation de fournir caution, pour que l'acquéreur ne soit pas troublé inconsidérément.

L'autre surenchère est un droit extraordinaire, introduit par le Code de procédure actuel, dont le germe même ne se trouvait ni dans la loi de brumaire an 7, sur les expropriations forcées, ni dans aucune des dispositions de la loi du 9 messidor an 3, relatives à ces expropriations. On n'en peut trouver la source que dans l'ancienne jurisprudence, qui, n'admettant jamais l'action en rescision pour lésion dans les adjudications par décret, accueillait, dans l'intérêt du propriétaire dépossédé, une surenchère assez élevée, lorsqu'il apparaissait que l'adjudicataire avait employé des moyens dolosifs pour acheter à vil prix, ainsi que le rapporte Denizart (vo Enchère, no 14 et 15), en ces

termes:

Il ne faut pas confondre la lésion avec le dol; les surenchères s'admettent et se reçoivent quand il est prouvé que l'adjudicataire s'est ménagé l'adjudication par des précautions artificieuses. Dans une espèce où il était prouvé que le poursuivant,qui s'était fait adjuger une maison, louée 440 liv., moyennant 4,000 liv,, avait, par des pratiques sourdes, éloigné les enchéris seurs, la Cour, par arrêt rendu le 5 mars 1689, a admis la surenchère à la somme de 6,000 liv. dans les vingt-quatre heures de l'adjudication..

C'est cette crainte de manœuvres artificieuses, de la part surtout du poursuivant, au préjudice du saisi et de ses créanciers ordinaires, bien plus que d'une lésion, que peuvent prévenir les créanciers inscrits (avec lesquels sont contradictoires toutes les formalités de l'expropriation), qui a fait établir la surenchère du quart, au profit de toute personne, sans caution, et sous la seule condition de la déclarer au greffe dans les huit jours, puis de la notifier aussitôt aux avoués en cause. Voilà le véritable motif de l'art. 710 G. P. G., ainsi que le

remarque M. Troplong (des Priviléges et hypothèques, t. 4, ne 961 ) :

⚫ Cet article introduit un droit exorbitant: il permet de détruire une adjudication définitive, faite avec toutes les garanties de publicité, Mais un motif puissant dominait le législateur. Il est possible que des manœuvres aient été pratiquées pour écarter les enchérisseurs. Le saisi n'a pas toujours les moyens de prévenir ces inconvénients, puisque la vente est forcée. Il fallait doni que toute persoune pût, dans ce cas, faire tomber l'adjudication définitive, en faisant une surenchère du quart,?

Telle est la principale ligne de démarcation entre ces deux surenchères.

Différentes par leur origine, leurs motifs et leur but, leurs formes, délais et conditions de capacité, ces deux voies résolutoires ne peuvent être employées indistinctement l'une pour l'autre, en ce sens que lorsque l'une est ouverte par la loi pour telle vente, l'autre ne peut y être arbitrairement substituée. On peut même poser en principe qu'elles ne sauraient concourir simultanément, à moins que, dans un cas exceptionnel, quelque texte spécial n'ait ouvert les deux voies, une seule ne satisfaisant pas tous les intérêts qu'il fallait protéger.

Cela est hors de toute controverse quant aux deux classes principales d'aliénations: pour les aliénations purement consensuelles, parce que les créanciers, qui seuls peuvent avoir intérêt à surenchérir, ont toutes les garanties désirables dans les règles du Gode civil sur la purge; pour les adjudications sur saisie immobilière, parce que la surenchère du quart étant permise à toute personne, y compris les créanciers qui sont appelés à l'adjudication, la loi a dû poser en principe que l'expropriation purgerait de plein droit les hypothèques soumises à inscription, ce qui exclut l'application de l'art. 2185 C. C.

La question s'élève à l'égard des ventes ou licitations qui se font en justice, quoiqu'il n'y ait pas saisie immobilière, pour cause d'incapacité ou d'indivision, suivant des formes spécialement réglées par le Code de procédure.

Quelques auteurs avaient pensé, dans le principe, que ces aliénations n'étaient passibles ni de la surenchère du Code civil, n'étant pas faites par contrat, ni de celle du Code de procédure, n'étant pas le résultat d'une saisie immobilière. Cette opinion a été abandonnée, et la difficulté est aujourd'hui de savoir si elles comportent, soit exclusivement la surenchère de l'article 2185, soit concurremment ou exclusivement celle de l'article 710.

Un premier principe doit servir de guide: c'est qu'une aliénation qui n'est point la suite d'une expropriation forcée ne perd pas son caractère d'aliénation volontaire par cela seul

qu'elle est faite avec le concours de la justice, dont la juridiction en pareil cas est plutôt gracieuse ou volontaire que contentieuse; que les adjudications volontaires ne purgent pas par elles seules, les créanciers n'y étant pas personnellement appelés; qu'ainsi elles comportent par leur nature et leurs formes l'application de l'art 2185, où est la règle pour toutes les aliénations qu'il faut transcrire et notifier.

C'est ce que dit assez clairement l'art. 775 C. P. C., qui, en cas d'aliénation autre que par expropriation, ne permet d'ouvrir l'ordre pour la distribution du prix qu'après les délais de purge fixés par les art. 2185 et 2194 C. C.; d'où la conséquence qu'il y a lieu à purge et partant à surenchère au profit des créanciers inscrits.

Le caractère légal et les effets de ces aliénations ont été exprimés plus nettement encore par le Tribunat, sur l'art. 775 (Locré, Esprit du Code de procédure, t. 3, p. 366) : « Il doit en être de même (on doit purger) lors des ventes faites d'autorité de justice, autrement que sur expropriation forcée. Toutes ces ventes sont regardées comme volontaires, et doivent être soumises aux mêmes chances que les vraies ventes volontaires. »

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Ce premier point est aujourd'hui reconnu par tous les auteurs; entre autres: M. Tarrible (Répertoire de Merlin, vo Transcription, §3, n° 7): «Toute vente à laquelle ne sont pas appelés les créanciers est à leur égard vente volontaire, et comme » telle soumise aux règles prescrites pour la purgation des hypothèques; » M. Favard (Rép., vo Surenchère): « Toute autre » alienation (que celle sur saisie immobilière) est réputée volon»taire; » M. Grenier (Traité des Hypothèques, t. 2, n° 336): >> Ces transmissions ont tous les caractères des ventes volontaires, » abstraction faite seulement des formes; » M. Troplong (des Hy» pothèques, t. 4, no 909) : « L'adjudicataire est soumis au pur»gement, comme si la vente eût été purement conventionnelle. » Si donc ces aliénations, quoique faites avec le concours de la justice, sont généralement réputées volontaires, et, comme telles, demeurent régies par les règles du Code civil sur la purge, pourquoi le Code de procédure leur aurait-il appliqué en outre la surenchère introduite pour les expropriations, qui purgent par elles-mêmes? Une pareille innovation, sans exception aucune pour celles de ces aliénations qui s'éloignent le plus des ventes forcées, serait difficile à justifier, et il faudrait du moins qu'elle eût été proclamée par un texte bien formel.

La seule disposition du Code de procédure où on ait pu apercevoir l'expression d'un droit aussi exorbitant pour les aliénations dont il s'agit, est l'art. 965, au titre de la vente des biens immeubles, auquel titre renvoient plusieurs articles concernant les partages et licitations, les successions bénéficiaires, les successions vacantes, etc.

On sait la controverse qui a eu lieu et existe encore sur la porté du mot suites, dans cet art. 965, ainsi conçu : « Seront observées, au surplus, relativement à la réception des enchères, à la forme de l'adjudication et à ses suites, les dispositions contenues dans les art. 707 et suivants du titre de la saisie immobilière. » Ce renvoi aux art. 707 et suivants comprend-il l'art. 710, qui a créé un droit de surenchère au profit de toute personne, dans les ventes forcées ? Le pronom possessif ses se rapporte-t-il à l'adjudication ou seulement à la forme de l'adjudication? Le droit de surenchère de l'art. 710, qui n'est pas assurément une forme, est-il du moins une des suites dont l'art. 965 prescrit l'observation?

La discussion sur ce point est épuisée, et on doit se borner ici à rappeler les explications qui émanent des plus graves autorités.

M. Pigeau, un des rédacteurs du Code de procédure, qui peut mieux que personne faire connaître le sens intentionnel de l'art. 965, s'exprime ainsi (t. 2, p. 438, no 11, et 481, no 19):

Les suites dont on entend parler ici sont les suites de la forme de l'adju• dication, et non la suite de l'adjudication. D'ailleurs la surenchère, quoiqu'elle ne puisse être faite qu'après l'adjudication, n'en est pas une suite, mais seulement un incident, puisqu'elle peut n'avoir pas lieu... Enfin la surenchère étant un droit exorbitant, elle ne peut être étendue aux autres ventes que celles sur saisie, qu'autant qu'il y a une disposition claire et précise, ce qui ne se rencontre pas ici.

M. Grenier (Traité des hypothèques, t. 2, p. 180) nie également que l'art. 965 renvoie à l'art. 710 :

. On voit en effet, dit-il, dans les art. 707, 708 et 709 les trois choses qui seules étaient l'objet du renvoi fait par l'art. 965. La réception des enchères? On la trouve avec ses formes dans l'art. 707. La forme de l'adjudication? Elle est dans l'art. 708. Les suites de l'adjudication (peut-être pourrait-on dire les suites de la forme de l'adjudication)? On les voit dans l'art. 709. Mais quel est l'objet de l'art. 710 ? C'est la faculté d'enchérir d'un quart après l'adjudication. Or, cette enchère est tout autre chose que l'adjudication; elle est hors de l'adjudication, puisqu'elle tend à la révoquer. Ainsi disparaît toute relation entre les formes indiquées par l'art. 965 et l'enchère admise par l'art. 710, qui n'est ni réception d'enchères, ni adjudication, ni suite d'adjudication; qui est un acte particulier formant un nouvel ordre de choses. »

Ajoutons, pour ceux qui veulent étendre le renvoi de l'art. 965 au delà de l'art. 709, que si l'art. 965 a songé à d'autres suites qu'à celles énoncées dans cet art. 709, ce serait nécessairement à celles qui font l'objet des art. 714,715 et 716;

ce qui expliquerait ce renvoi général aux art. 707 et suivants, dont on n'aura pas songé à excepter les articles intermédiaires qui ne se rapporteraient pas aux trois objets pour lesquels avait lieu le renvoi.

M. Carré (Lois de la procédure, t. 3, n° 3181) donne la substance d'une consultation délibérée entre lui et MM. Toullier, Lesbaupin et Vatar, et rédigée après mure discussion, dit-il. Après avoir établi que ces ventes sont soumises aux formalités de purge réglées par l'art. 2185, il fait remarquer que les formes de la vente ne doivent avoir aucune influence sur les principes concernant les droits qui en dérivent, d'où il conclut que la surenchère du dixième, rationellement, doit seule être admise; puis il arrive à l'explication de l'art. 965, fait remarquer que, lors de la discussion au Conseil d'Etat, il ne fut, en aucune manière, question de surenchère relativement aux adjudications volontaires; il explique, par les observations du Tribunat, que la rédaction dernière de l'article n'a eu en vue que les formalités, ce qui ne peut s'entendre d'un droit tel que celui de surenchère accordé à des tiers; et il soutient avec ses coconsultants que le mot suites ne saurait s'appliquer à la surenchère, qui peut être une suite de l'adjudication, en ce qu'elle n'a lieu qu'après elle, mais qui n'en est pas une suite nécessaire.

C'est aussi dans ce sens qu'a été interprété l'art. 965 par un grand nombre d'arrêts, un notamment de cassation, du 16 novembre 1819.

Et en effet, indépendamment de ce que le droit exorbitant de surenchère au profit de tous ne se concevrait guère dans toutes les ventes judiciaires en général, la rédaction de l'article 965, loin de l'établir, paraît au contraire l'exclure par ses deux premiers mots, qui révèlent le but du législateur.

«Seront observées, »ditl'article. Cette expression peut convenir à des formalités que la loi veut rappeler; mais ce n'est pas ainsi qu'on crée un droit, et surtout un droit extraordinaire comme la faculté accordée à toute personne, sans distinction ni exception, de venir rompre un contrat judiciaire. La pensée première de la loi, déjà assez claire, devient encore plus manifeste, par les expressions suivantes qui limitent le renvoi, pour ce qu'il faudra observer, à ce qui est exclusivement relatif à la réception des enchères, à la forme de l'adjudication et aux suites naturelles, soit des formalités, soit de l'adjudication.

Et qu'on ne dise pas que la surenchère du quart est simplement un moyen de parvenir à la vente, laquelle n'est définitive qu'après le délai de huitaine. C'est supposer que le droit de surenchère du quart, qui certes n'est pas de droit naturel, était déjà créé pour les adjudications volontaires, ce qui n'était pas assurément lorsqu'a été employée cette locution première se

ront observées.

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