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un fils, Charles d'Humieres, qui fut auffi Chevalier des Ordres, & un des plus ardens & des plus redoutables ennemis de la Ligue. Je ne fuivrai point mon Roi au Prêche, difoit-il à Henri IV mais je le fuivrai & prodiguerai par-tout mon fang contre fes ennemis.

XVII.

JEAN D'AUMONT, Comte de Châteauroux, Baron d'Eftrabonne, de Chapes, &c. Maréchal de France, Chevalier de l'Ordre du Roi, Confeiller d'État, Capitaine de cent Hommes-d'armes des Ordonnances, Gouverneur de Champagne, enfuite de Bretagne.

Il fit fes premieres armes à la bataille de Cérifoles; fervit enfuite en Piémont sous le Maréchal de Briffac; repaffa en France en 1557; fut bleffé & retiré de deffous un tas de morts à la bataille de S. Quentin; fut encore bleffé à celle de Dreux, de S. Denis, & de Moncontour, & enfin au fiége du Château de Compar en Bretagne; il mourut de cette derniere bleffure à Rennes, le 19 Août 1595, âgé de foixante-treize ans. Le Roi & tous les bons François le pleurerent, dit (1)

(1) A Rege ac univerfo Regno deploratus, tantoque in Tome VI.

K

M. de Thou; il étoit en une fi haute estime, ajoure-t-il, qu'en cherchant dans ce fiècle un homme tel que l'étoient les anciens Preux, on l'auroit d'a bord nommé; il rempliffoit entièrement l'idée qu'on s'en fait, par fa vaillance, fes fatigues, fes travaux, fa force, fa taille, la droiture de fon caractère, fa généreuse franchise & fa fermeté.

Le 30 Octobre 1589, Henri IV vint camper devant Paris. Quelques-uns des Seize, dans une affemblée qu'ils tinrent, délibérerent de mener les enfans du Maréchal d'Aumont à l'endroit des murailles qu'il attaqueroit, de les percer de coups à sa vue, & de jetter enfuite leurs corps tout fanglans dans le foffé. Aubray (1), fon ancien ami,

pretio..... ut fi noftro avo quarendus effet, qui antiquum Francorum-Galli equitis, hoc eft fine fuco, verè fortis ac probi Ducis fpecimen, & corpore &ingenio, referret eum Aumontium effe. L. 113.

(1) Claude Aubray, Prévôt des Marchands en 1578. II fut toujours très-fidèle à Henri III & à Henri IV, & ne reftoit dans Paris, & ne feignoit d'être Ligueur, que pour leur être utile. Pendant la prompte attaque des Fauxbourgs, les Seize n'eurent pas le tems de penfer aux enfans du Maréchal d'Aumont : on voit dans l'entretien du Manant & du Maheutre, Satyre Ménippée, T. III. p. 470, que dans la fuite Aubray trouva le moyen de les faire fortir de Paris.

lui écrivit à quels excès de rage ces forcenés étoient capables de porter la haine qu'ils avoient contre lui. Mon tendre & cher Aubray, lui répondit-il, le Roi a divifé fon armée en trois corps ; il en commande un, M. de Biron l'autre, & moi le troifième; nous attaquerons tous à la fois les Fauxbourgs S. Germain, S. Jacques & S. Marceau. J'espère que Dieu, qui me verra fidèle à mon devoir, à mes fermens, combattant pour mon Roi, proté-, gera & confervera mes enfans. Mon tendre & cher, Aubray, au milieu de quels furieux êtes-vous, & quels inftans pour moi?

Le premier Novembre, à minuit, les Fauxbourgs S. Germain, S. Jacques & S. Marceau furent attaqués & emportés l'épée à la main en moins d'une heure; mais, faute de l'artillerie néceffaire pour battre la Ville, & le lendemain, 2 Novembre, le Duc de Mayenne y étant entré avec fon armée par les portes S. Martin & S. Denis, Henri IV fut contraint d'en remettre le fiége à un autre tems. Il fortit des Fauxbourgs, dit l'Étoile, le 3 Novembre & demeura en bataille rangée, dans le Pré (1) aux Clercs, pour attirer le Duc de

(1) Où font aujourd'hui les rues Jacob, de l'Université,

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Mayenne à une bataille; mais perfonne ne fortit hors les portes.

Le foir de la glorieufe journée d'Ivry, 14 Mai 1590, Henri IV, à qui l'on avoit fervi à fouper, voyant entrer le Maréchal d'Aumont qui venoit lui rendre compte de la pourfuite des fuyards, &. lui demander fes ordres pour le lendemain, fe leva, courut à lui, l'embrassa à plusieurs reprises, & le prenant par la main, le fit affeoir à table à côté de lui, en lui difant qu'il l'avoit trop bien fervi le jour de fes noces, pour n'être pas du feftin.

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Le Maréchal d'Aumont, en 1594, avoit affiégé un Fort que les Espagnols, favorisés par le Duc de Mercœur, avoient conftruit près du Conquet en Bretagne; deux attaques qu'il y fit donfurent vigoureufement répouffées. Si j'avois cru, dit-il, ce Fort fi difficile à prendre, il feroit déja pris: oui, répéta-t-il, il feroit déja pris, parce que je me ferois mis, comme je viens m'y mettre, à la tête de nos gens. Il s'y mit ; & le Fort fut emporté; il avoit alors foixante-douze ans.

On m'a raconté qu'en achevant de démolir, il y a dix ou douze ans, la Cathédrale de Rennes,

Taranne, de S. Pere, de Beaune, de Bourbon, de Verneuil, &c.

on avoit trouvé le Maréchal d'Aumont, dans fon cercueil, comme s'il n'étoit mort que depuis trois ou quatre jours; fa longue barbe parut un prodige; on s'imagina qu'elle lui avoit cru dans le tombeau, ne fçachant ou ne réfléchiffant pas que de fon tems, toute la Nobleffe & les Militaires portoient la longue barbe.

XVIII.

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JEAN DE CHOURSĖS, Seigneur de Malicorne Chevalier de l'Ordre du Roi, Gouverneur du Poitou. A la nouvelle de la mort des Guises, tués à Blois, Paris & plufieurs Villes fe révolterent. Le Comte de Malicorne harangua fi bien les Habitans de Poitiers, qu'ils envoyèrent des Députés à Henri III, pour l'affurer de leur obéiffance, & que s'il lui plaifoit de venir dans leur Ville, ils le recevroient avec tous les honneurs & l'obéiffance qu'ils lui devoient. Il y alla; on lui ferma les por& l'on tira même quelques coups de canon fur la petite troupe qui l'accompagnoit les prédications fougueufes de l'Évêque & des Moines avoient entièrement changé les efprits. Ces féditieux promenèrent long-tems le Comte de Malicorne dans les rues le menaçant, & lui portant à chaque pas leurs hallebardes à la gorge. Je n'ai

tes;

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