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réunit un conseil de guerre, et proposa une capitulation comme seul moyen de sauver l'armée. Cette proposition fut adoptée, et un parlementaire envoyé à Bonaparte. Celui-ci, de son côté, ne demandait pas mieux que de traiter. Après une telle victoire, l'évacuation de l'Italie était certaine; il avait hâte de retourner à Paris. En conséquence, on signa à Alexandrie une convention aux termes de laquelle il devait y avoir armistice entre les deux armées jusqu'à ce que la cour de Vienne eût statué sur les propositions de paix. En attendant, les Français entrèrent en possession de toute l'Italie septentrionale jusqu'à Mantoue et au Mincio. Les places fortes leur étaient rendues, et, de ce nombre, la ville de Gênes. Les Autrichiens leur abandonnèrent, en outre, 1,500 pièces de canon et des approvisionnements immenses.

M. Thiers, dans son excellente Histoire du Consulat, fait les réflexions suivantes sur cette bataille : « Quelques détracteurs ont prétendu attribuer au général Kellermann le gain de la bataille de Marengo et tous les résultats que cette mémorable bataille entraîne à sa suite. Pourquoi donc, s'il faut dépouiller de cette gloire le général Bonaparte, ne pas l'attribuer à cette noble victime de la plus heureuse inspiration, à ce Desaix qui, devinant, avant de les avoir reçus, les ordres de son chef, vint lui apporter la victoire et sa vie? Pourquoi ne pas l'attribuer aussi à cet intrépide défenseur de Gênes, qui, en retenant les Autrichiens sur l'Apennin, donna au général Bonaparte le temps de descendre des Alpes et les lui livra presque à moitié détruits? A ce dire, les généraux Kellermann, Desaix, Masséna, seraient tous les véritables vainqueurs de Marengo, tous, excepté le général Bonaparte. Mais, en ce monde, le cri des peuples a toujours décerné la gloire, et le cri des peuples a proclamé vainqueur de Marengo celui qui, découvrant avec le coup d'œil du génie le parti qu'on pourrait tirer des Hautes-Alpes sur les derrières des Autrichiens, avait trompé trois mois de suite leur vigilance, avait créé une armée qui n'existait

rendu cette création incroyable pour toute l'Europe, traversé le SaintBernard sans route frayée, paru à l'improviste au milieu de l'Italie confondue d'étonnement, enveloppé avec un art merveilleux son adversaire, et lui avait livré une bataille décisive, perdue le matin, regagnée le soir, et certainement regagnée le lendemain si elle l'avait été le jour même; car, outre les 6,000 hommes de Desaix, 10,000 hommes accourus du Tésin, 10,000 portés sur le lac Pô, présentaient le moyen infaillible de détruire l'armée ennemie.... « Le vrai vainqueur de Marengo est donc celui qui maîtrisa la fortune par ces combinaisons profondes, admirables, sans égales dans l'histoire des grands capitaines. >>

Ajoutons à ces observations pleines de justice et de sens que le vainqueur fut bien servi par ses lieutenants et par son armée, qui peut bien, elle aussi, revendiquer une partie de la gloire de Marengo, par cette armée qui, improvisée, pour ainsi dire, rivalise, en quelques mois, avec les plus belles armées de la république, par sa discipline, sa constance, son intrépidité et ses travaux prodigieux; par cette armée qui traverse les grandes Alpes au milieu des obstacles les plus grands, traînant ses canons à bras au milieu des précipices du

Saint-Bernard, affrontant des dangers inouïs, tels, qu'il faut remonter aux pages de l'histoire ancienne pour lui trouver un point de comparaison (1); par cette armée qui, à peine descendue en Italie, surprend, étonne, confond, disperse les ennemis par la rapidité de ses marches, par l'audace de ses mancuvres, lui enlève au pas de course ses magasins, ses arsenaux, ses fonderies et jusqu'à ses équipages de siége, et qui, s'élevant par l'intelligence à la hauteur du génie du grand général, ne manque aucune des manœuvres qui doivent assurer l'exécution littérale de son plan de bataille; par cette armée qui, à Marengo, résiste, un contre trois et sans artillerie, à toute l'armée autrichienne précédée de 200 bouches à feu, la tient pendant plus de huit heures en échec, et, toute mutilée et sanglante qu'elle est, hésite encore à abandonner le champ de bataille, sillonné en tous sens par les boulets ennemis et jonché de ses cadavres; par cette armée enfin qui, après huit heures d'une pareille lutte, quand ses adversaires la croient épuisée, vaincue, démoralisée, dispersée, se relève tout à coup, se reforme, reprend ses rangs, et, suivant l'impulsion donnée par la division du général Desaix, recommence le combat avec une nouvelle ardeur, brise à son tour leurs bataillons victorieux, et bivouaque sur ce champ de bataille sanglant et dévasté, qui avait coûté aux ennemis huit heures de combat, et qu'elle lui a repris en moins d'une heure! De tels efforts sont dignes de la postérité. Gloire donc, gloire éternelle à cette armée de réserve, qui a gravé à Marengo une des plus belles pages de notre histoire militaire!

Quittons maintenant les champs de l'Italie et revenons à l'armée du Rhin, qui avait, elle aussi, une grande et belle mission à accomplir.

(1) On a comparé ce passage des Hautes-Alpes avec celui des soldats d'Annibal. Il serait plus juste, plus national surtout, de le comparer à celui des soldats de François Ier, qui allèrent vaincre à Marignan, le Marengo du XVIe siècle. En effet, la marche d'Annibal à travers les Alpes doit être regardée plutôt comme un événement merveilleux que comme un exemple à suivre. Le général carthaginois n'eut à vaincre que les obstacles de la nature et celui des populations sauvages de ces montagnes. Il était assuré d'ailleurs qu'il ne serait point inquiété par les Romains et qu'il trouverait un appui parmi les Gaulois cisalpins. Les Romains connaissaient si peu à cette époque les Alpes maritimes et la Ligurie, qu'à peine le consul Scipion eutil vu Annibal remonter la vallée de l'Isère, qu'il cessa de le poursuivre en queue, renvoya le gros de son armée en Espagne pour y faire diversion, et s'embarqua pour Gênes afin d'aller attendre l'ennemi au revers de l'Apennin; singulier moyen d'empêcher l'invasion de l'Italie!

Plusieurs passages eurent encore lieu par le Saint-Bernard. Un siècle après Annibal, il servit de route militaire aux Romains, qui y firent passer un corps d'armée, au cœur de l'hiver, à l'occasion des guerres d'Othon et de Vitellius. Les Lombards franchirent aussi le Saint-Bernard lorsqu'ils vinrent se faire battre aux environs de Bex par les troupes de Gontran. Un des lieutenants de Charlemagne y conduisit une colonne pendant que ce prince passait le Mont-Cenis. Enfin, au XIIe siècle, Frédéric Barberousse prit cette route pour pénétrer en Italie. Mais toutes ces armées ne traînaient ni artillerie, ni machines de guerre, ni éléphants, et ces passages sont peu dignes des regards de l'histoire. Le seul qui soit susceptible d'être mis en parallèle avec celui de 1800 est le passage de François Ier. Nous avons déjà fait ressortir dans notre premier volume les rapprochements qui existaient entre ces deux passages, et nos lecteurs ont pu se convaincre que, si la marche de François Ier fut moins habile sous le rapport des combinaisons stratégiques, elle ne mérite pas moins d'être étudiée avec attention.

Armée du Rhin.-L'armée du Rhin ou d'Allemagne, confiée à Moreau, avait été formée, ainsi que nous l'avons dit, de la réunion des deux armées du Rhin et d'Helvétie. Elle était forte de 103,000 hommes. On avait épuisé les ressources de l'État pour l'organiser avec soin et lui fournir un matériel complet d'artillerie et des moyens de passage, pour en faire enfin la plus belle, la plus forte, la plus puissante armée de la république. Les demi-brigades qui la formaient étaient toutes composées de vieux soldats; à peine leur avait-on envoyé quelques conscrits, plutôt encore pour rajeunir les cadres que pour les compléter. C'étaient, du reste, les demi-brigades qui venaient de combattre, sous Jourdan et Masséna, à Stokach et à Zurich, et qui, précédemment, avaient suivi Pichegru en Hollande, Hoche, Kléber et Moreau au-delà du Rhin, et avaient pénétré au cœur de l'Allemagne jusqu'au Danube. En un mot, c'étaient des soldats éprouvés par leur courage, leur discipline, leur instruction et leur constance. Aussi, malgré les haillons de la misère dont ils étaient couverts, rien n'était superbe et imposant sous les armes comme les soldats de cette armée. Les vieux militaires qui se rappellent les avoir vus défiler sur les ponts de Kehl, de Bâle et de Cassel, lors du passage du Rhin en 1800, parlent encore avec admiration de leur tenue martiale. En les voyant partir, on augurait qu'ils allaient accomplir de grandes choses. Les généraux qui les commandaient étaient eux-mêmes sortis la plupart du sein de ces armées; simples soldats la veille, ils avaient conservé en s'élevant ce lien de fraternité que font naître si vite, sous les drapeaux, le bivouac dans les camps et les dangers sur le champ de bataille. Pour les soldats, c'étaient des compagnons d'armes plutôt que des chefs. L'égalité républicaine avait hiérarchisé avec trop de justice la capacité, le courage de chacun, pour que l'élévation des uns inspirât aux autres des sentiments de jalousie et de révolte. Dans ces armées, où tous étaient arrivés avec des droits égaux, où les grades avaient été répartis d'abord au choix, puis sous le feu de l'ennemi et comme récompense du dévouement ou du talent, ceux qui étaient parvenus avaient tous fait leurs preuves, et personne ne songeait à se plaindre; en sorte qu'on remontait, sans transition heurtée, du simple soldat jusqu'au général en chef.

En donnant à Moreau le commandement d'une telle armée, Bonaparte pensait, avec raison, que ce général aurait une grande mission à remplir. On sait comment il s'acquitta de cette mission à Stokach, Engen, Moeskerich, Hochstett et, enfin, à Hohenlinden. Nul, du reste, n'était plus digne et plus capable que Moreau de commander à une armée de 100,000 hommes. Les grands talents qu'il avait déployés dans ses campagnes sur le Rhin, les grands services qu'il avait rendus dans ses campagnes en Italie, le désignaient au choix du premier consul. C'était, après le vainqueur des Pyramides, la première capacité militaire de l'Europe.

Le nouveau général en chef vint prendre le commandement de l'armée du Rhin vers la fin de décembre. Son premier soin fut de l'organiser en trois corps principaux de trois divisions chacun et une réserve. Lecourbe fut chargé du commandement de l'aile droite, Gouvion Saint-Cyr de celui du centre et le gé

néral Sainte-Suzanne de celui de l'aile gauche. Le général Moreau se chargea du commandement personnel de la réserve. Ces corps formaient chacun des espèces d'armées ayant leur cavalerie et leur matériel d'artillerie.

Ces divisionnaires étaient tous des hommes de premier choix. Lecourbe n'avait pas d'égal dans l'armée pour la guerre des montagnes; Gouvion Saint-Cyr, esprit froid et profond, était aussi une des grandes capacités militaires de l'armée du Rhin; le général Sainte-Suzanne, guerrier méthodique, tacticien habile, passait pour un homme propre aux grands commandements.

Les généraux placés en sous-ordre étaient eux-mêmes l'élite de nos armées. C'étaient : Richepanse, Ney, Vandamme, Leclerc, Delmas, d'Hautpoult, Baraguay-d'Hilliers, Souham, Legrand, etc., tous éprouvés au feu des grandes batailles (1). L'armée s'élevait à 103,000 hommes environ, comme on le voit par

(1) Situation de l'armée du Rhin au CORPSLECOURBE (aile droite). - Division Vandamme. Brigades Jardon, Laval et Molitor: 1re légère, 36, 83e et 94e de ligne, 8e régiment de hussards; 9,632 hommes d'infanterie, 540 de cavalerie.-Divison Lorges. Brigades Goullus et Bontems: 10° légère, 37°, 81e et 109e de ligne, 9e régiment de hussards; 8,238 hommes d'infant., 467 de cav. - Division Montrichard. Brigade Daultane: 10e légère, 38 et 67° de ligne; 6,998 hommes d'inf.

commencement de la campagne de 1800.

suite Sahuc. Brigades Sahuc, Salligny et Debilly 16e de ligne, 5e régiment de chasseurs et 2 de dragons, 12 et 17e régiments de cavalerie: 2,474 h. d'inf., 1,616 de cav. Total 26,410 hommes d'infanterie, 3,338 de cavalerie.

:

CORPS SAINTE-SUZANNE (aile gauche). -Division Collaud. Brigade Girard, dit Vieux: 48e de ligne, 20° régiment de chasseurs; brigade Lacoste 10 et 16e régiments de cavalerie; 2,740 h. d'inf., 981 de cav.-Division Souham. Brigade Decaen : 8e et 95° de ligne; brigade Puthod 1er régiment de chasseurs et 6e dragons, 7 régiment de cavalerie; 4,687 hom. d'inf., 1,394 de cav. Division Legrand. Brigade Boivin 7e et 27e de ligne; brigade Drouet 6e régiment de chasseurs et 13 de dragons; 5,286 hommes d'inf., 1,094 de cav.

Division Delaborde. Brigade Mercier : 29e et 65o de ligne, 2e helvétique; brigade Thuring 4e et 19e régiments de cavalerie; 2,573 hom. d'inf., 286 de cav. La 29o partit pour l'Italie. Total: 15,286 hommes d'infanterie, 3,755 de cavalerie.

Total de l'armée active, 89,585 hommes d'in-
fanterie, 14,065 de cavalerie.
DIVISION D'HelvétIE. - Division Montchoisy.
Brigade Mainony: 1re légère, 90, 28, 44e et
102 de ligne; brigade Chabert: 14 et 22e
régiments de cavalerie; 7,715 hommes d'inf.,
519 de cav. Toute la division partit pour
l'Italie avec Moncey.

- Réserve de l'aile. Brigade Nansouty: Grenadiers réunis, 11e régiment de dragons et 12e chasseurs, 25e regiment de cavalerie; 1,500 hommes d'infanterie, 1,280 de cavalerie. Total 26,368 hom. d'inf., 2,287 de cavalerie. Lorges partit le 13 avec les fre légère, 67e de ligne, 2o de chasseurs et 28e de cavalerie. CORPS MOREAU, général en chef (réserve). Division Delmas. Brigades Jacopin, Grandjean, Lorcet, Quétard et Boyer: 14e légère, 46°, 50o, 57 et 108€ de ligne, 4e régiment de hussards et 110 chasseurs, 6e régiment de cavalerie; 8,638 hom. d'inf., 1,031 de cav.. Division Leclerc. Brigades Bastoul, Walther et Desperrières: 14 légère, 53° et 89e de ligne, 10 et 23e régiment de chasseurs; 6,035 hom. d'inf., 963 de cav. Division Richepanse. Brigade Digonnet Grenadiers réunis, 4, 50e et 100 de ligne; brigade Durutte: 5e régiment de hussards et 17e de dragons, 13e régiment de cavalerie; 6,848 hom. d'inf., 1,187 de cav. Division d'Hautpoult (réserve de cav.). Brigade Espagne : 1er et 2e regiments de carabiniers; brigade Dévrigny : 8e et 9e régiments de cavalerie; 1,504 hommes de cavalerie. Total: 21,521 hommes d'infant., 4,685 de cavalerie. CORPS GOUVION SAINT-CYR (centre). Division Baraguay-d'Hilliers. Brigades Joba, Sabatier et Roussel: 12o légère, 1re, 15 et 23e de ligne, 2o régiment de hussards; 8,340 hom. d'inf., 542 de cav. La 1re de ligne partit pour l'Italie. Division Tharreau. Brigades Heudelet, Aubrée et Beauregard 2e légère, 420, 51 et 101 de ligne, 16e régiment de chasseurs et 23 de dragons; 8,326 hommes d'inf., 611 de cav. La 101e de ligne partit pour l'Italie. -Division Ney. Brigade Bounet: 12e légère, 54, 76 et 103e de ligne; brigade Bonamy: ge régiment de chasseurs; 7,270 hom. d'inf., 569 de cav. La 12e légère partit pour l'Italic, Total: 128,642 hommes, dont à l'armée active

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→ Division Desbrulys, général de brigade, en-l

GARNISONS EN ALSACE ET A MAYENCE.- Division Leval: 65e, 91e et 110e de ligne, 1er helvétique, 3e régiment de hussards; 5,640 h. d'inf., 426 de cav. La 91e de ligne partit pour l'Italie. Division Laroche: 20 de ligne, légion des Francs du Nord, 16o régiment de cavalerie; 3,001 hom. d'inf., 91 de cav. — Division Châteauneuf-Randon: 80% de ligne, légion polonaise du Danube, 15e et 240 régiments de cavalerie; 3,430 hom. d'inf., 485 de cav.- Division Gillot : 6e régiment de hussards et 1er de dragons; 750 hom. de cav. Division Freytag: 29 et 95 de ligne, 3e helvétique; 2,935 hommes d'infanterie. La 29e partit pour l'Italie. Total: 112,306 hom. d'infanterie, 16,336 de cavalerie.

103,650 hommes.

reau, qui craint pour Richepanse, dont il entend redoubler le feu, s'arme alors de cette résolution audacieuse que le danger fait naître en lui. Il dirige en personne une troisième attaque sur la position ennemie et décide la victoire à la tête de quelques compagnies de grenadiers.

Richepanse, de son côté, soutenu enfin par les premières divisions du corps de Saint-Cyr, parvient à s'emparer des hauteurs si héroïquement attaquées par lui, si énergiquement défendues par les Autrichiens pendant plusieurs heures. La nuit commençait à tomber et le canon grondait encore sur le champ de bataille. Enfin Kray, informé des événements de Stokach, se décida à la retraite. Il laissait 3,000 hommes sur le champ de bataille et 4,000 prisonniers dans nos mains. De notre côté, nous avions eu 2,000 hommes hors de combat.

La victoire, cette fois, était due tout entière au courage et au dévouement de l'armée, car les généraux en chef avaient tous des fautes à se reprocher: Moreau d'abord, qui avait, avec 25,000 hommes, engagé une action contre 40,000 hommes au moins, tandis que son lieutenant Lecourbe, avec 20,000 hommes, n'avait à combattre que 12,000 hommes; Saint-Cyr ensuite, dont le rôle s'était borné à celui de simple observateur, et qui n'entra en ligne que vers la fin du jour; Lecourbe enfin, qui, vainqueur à Stokach de fort bonne heure, aurait pu pousser jusqu'à Moeskirch ou Liptingen, et forcer ainsi Kray à se jeter sur la rive gauche du Danube, ce qui l'aurait séparé pour longtemps du prince de Lorraine et du corps du Vorarlberg. Quoi qu'il en soit, la victoire avait couronné les efforts de l'armée française dans cette journée du 3 mai, et si les généraux avaient manqué à leur devoir, les troupes avaient admirablement fait le leur.

Moreau, au lieu de poursuivre vivement l'ennemi, passa une partie de la journée du 4 mai à rectifier la position de son armée. Cependant, ayant été informé que les généraux Kienmayer et Starray arrivaient à marches forcées au secours du général Kray, il résolut de frapper un dernier coup décisif sur l'armée autrichienne avant l'entrée en ligne de ces renforts. En conséquence, il fit avancer ses troupes vers le Danube, par Tuttlingen et Moeskirch. Le général Kray, de son côté, était résolu à tenter encore une fois le sort des armes avant d'abandonner le terrain. Aussitôt il forma son armée sur les hauteurs de Moeskirch, dans la principauté de Furstemberg. Sa position était formidable. Son armée, renforcée par l'arrivée du prince Ferdinand et par sa réunion avec le prince de Lorraine, s'élevait à 40,000 fantassins et 15,000 chevaux; une formidable artillerie protégeait sa ligne, dont tout le front était couvert par un grand ravin qui va de Heudorff à Moeskirch. En avant de Moeskirch, sur un plateau qui domine la chaussée très-resserrée qui s'étend jusqu'à Crombach, on avait établi une batterie de 25 pièces de canon.

Le général Moreau, décidé à attaquer quand même, donna ses ordres en conséquence dans la journée du 4. Lecourbe se porta de Stokach à Moeskirch, laissant à sa droite une brigade pour éclairer le lac de Constance, et une autre sur Closterwald pour éclairer les routes de Pfullendorff et de Mengen. Le général Saint-Cyr avança sa droite sur Liebtingen en refusant sa gauche, qui de

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