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péremption décennale. Ils appuyaient leur demande en dommages et intérêts sur ce que la mention des inscriptions les avait privés pendant long-temps du capital et des intérêts du prix des ventes par eux faites.

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Sur ces moyens, jugement du 23 juillet 1813, par lequel le tribunal: — «Vu la disposition de l'art. 2154 du Code civil, et attendu que, dans le fait, les quatorze inscriptions dont il s'agit sont périmées, déclare que c'est contre la disposition. dudit article que le conservateur a compris, dans l'état par lui délivré, lesdites quatorze inscriptions; en conséquence, ordonne que Jedit conservateur des hypothèques sera tenu de supprimer les¬ dites inscriptions dudit état; à quoi faire il sera contraint; quoi faisant, déchargé; condamne ledit conservateur à restituer les droits par lui perçus à raison desdites quatorze inscriptions, et én outre aux dépens pour tous dommages et intérêts. »

Appel; et, le 21 janvier 1814, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, 1 chambre, M. Séguier premier président, MM. Deluvigne et Jullienne avocats, par lequel :

« LA COUR, général;

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Sur les conclusions de M. Cahier, avocatFaisant droit sur l'appel interjeté par Tupigny du jugement rendu au tribunal civil de la Seine, le 23 juillet dernier, et adoptant les motifs des premiers juges; - A Mis et MET l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet; condamne Tupigny en l'amende et aux dépens.

COUR DE CASSATION.

Le pouvoir spécial de l'huissier, soit pour emprisonner, soit pour saisir réellement, doit-il avoir une date certaine avant les premiers actes de ces exécutions, et doit-il en étre fait mention dans ces actes? (Rés. nég.) Cod. de proc., art. 556.

Suffit-il, pour remplir le vœu de la loi, que le pouvoir de l'huissier puisse être représenté à la première réquisition du débiteur? (Rés. aff.)

S Ier.

GAUMONT, C. ROULAUD.

Un sieur Gaumont, emprisonné à la requête d'un sieur Roulaud, son créancier, forme sa demande en nullité de l'emprisonnement, et en conséquence à fin de mise en liberté, sur le fondement que l'huissier qui avait fait la capture n'était pas porteur d'un pouvoir spécial. (Le procès verbal portait que l'huissier était porteur de pièces et de réquisitions.)

Un premier jugement rendu par défaut adjugea au sicur Gaumont sa demande. Sur l'opposition du sieur Roulaud, jugement contradictoire du tribunal civil de Rouen, du 26 mai 1812, qui reçoit l'opposition, et déclare le sieur Gaumont non recevable dans sa demande, « attendu qu'aucune loi n'impose à l'huissier l'obligation de notifier son pouvoir, ui même de l'exhiber; qu'aucune disposition n'exige que ce pouvoir soit enregistré; qu'aucune autre formalité ne peut être nécessaire puisqu'elle n'est point exigée; qu'au reste il est à croire que Thuissier était porteur du pouvoir, puisqu'il dit dans son procès verbal qu'il était porteur de pièces et de réquisitions.

Sur l'appel, arrêt de la Cour de Rouen, du 18 juin 1812, qui confime purement et simplement, par les motifs des premiers juges.

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Pourvoi en cassation de la part du sienr Gaumont. Après avoir posé en principe que le pouvoir spécial est exigé comme condition de la validité de la procédure, le demandeur en a tiré la conséquence que ce pouvoir doit être énoncé dans le procès verbal de capture; qu'au moins il doit avoir une date certaine antérieure. Il a fait remarquer que, dans l'espèce, l'enregistrement du pouvoir représenté, étant postérieur à la demande en élargissement, ne constatait pas qu'il existât lors de l'incarcération; qu'en conséquence c'était la même chose que si la preuve de son inexistence fût acquise, et que l'art. 556 avait été violé.

Le 24 janvier 1814, ARRÊT de la section civile, M. Muraire

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président, M. Reuwens rapporteur, MM. Loiseau et Dupont avocats, par lequel :

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que

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général; Attendu le tribunal civil et la Cour d'appel de Rouen ont déclaré en fait que l'huissier, lors de Parrestation du demandeur, était porteur du pouvoir spécial voulu par l'art. 556 du Code de procédure civile ; qu'ainsi le vœu de cet article était rempli; REJETTE, etc. >>

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S II.

POIRSON, C. SENGEL.

Un sieur Sengel, sur lequel il avait été établi une saisie réelle à la requête du sieur Poirson, maire de la 'commune d'Ilkirch, et agissant pour elle, fait sommation à l'huissier de lui justifier du pouvoir spécial que, disait-il, il devait avoir lorsqu'il a procédé à la saisie. Sur cette sommation, on lui signifie copie d'un pouvoir portant une date antérieure à la saisie, mais enregistré postérieurement à la sommation.

Alors Sengel demande la nullité de la saisie, attendu que l'huissier en y procédant n'était pas porteur d'un pouvoir spécial; que celui dont on lui avait donné copie ne remplissait pas le vœu de la loi, puisque, n'étant pas donné par un acte authentique, il n'avait pas de date certaine avant la saisie, et qu'il avait été aisé de le fabriquer pour le besoin de la cause; que, dans tous les cas, l'écrit ne pouvant avoir d'autre date aux yeux de la loi que celle de l'enregistrement, il était légalement prouvé qu'il n'existait point au moment de la saisie,

Le tribunal de première instance de Strasbourg a rejeté la demande en nullité, attendu que l'art. 556 du Code de procédure civile n'exige ni l'authencité ni l'enregistrement du pou

voir.

Appel de la part de Sengel; et, le 3 juin 1812, arrêt de la Cour de Colmar, qui infirme et déclare la saisie nulle, « Attendu que la loi, en exigeant que l'huissier soit porteur d'un pouvoir spécial pour procéder à une saisie immobilière, n'aurait fait qu'une disposition illusoire, si elle n'eût prescrit

également que l'existence de ce mandat, à l'époque où il est nécessaire, dût être prouvée d'une manière légale; que, dans l'espèce, le pouvoir représenté ne mérite aucune considération, puisque étant sous seing privé, il n'a d'autre date que celle de son enregistrement, laquelle est bien postérieure à celle de la saisie. »

Le sieur Poirson a demandé la cassation de cet arrêt, pour excès de pouvoir et violation de l'art. 556 du Code de procédure civile.

Le défendeur ne s'est pas présenté.

Et, le 10 août 1814, ARRÊT de la section civile, M. Muraire président, M. Oudot rapporteur, M. Huart-Duparc avocat par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Giraud, avocatgénéral ; — Vu l'art. 556 du Code de procédure civile ; — Attendu que cet article n'exige pas que le pouvoir soit donné par acte authentique ni qu'il soit enregistré avant la saisie; qu'il suffit, pour remplir le vœu de la loi, que cet acte puisse être représenté à la première réquisition du débiteur : d'où il suit que la Cour de Colmar, en annulant la saisie dont il s'agit, sous prétexte que le pouvoir en vertu duquel il a été procédé n'était pas authentique, ou n'avait pas été enregistré avant la saisie, a faussement appliqué l'art. 556 du Code de procédure, et que, par suite, elle a commis un excès de pouvoir, en prononçant une nullité sans être autorisée par une disposition précise de la loi;-CASSE, etc. »

Nota. La Cour de cassation a jugé, par arrêt du 6 janvier 1812 (voy. tom. 13, pag. 12) que la saisie immobilière est nulle, faute par l'huissier d'être porteur d'un pouvoir spécial pour y procéder. « Depuis cet arrêt, dit M. Persil (Questions sur les priviléges, etc., tom. 2, p. 323), le principe qu'il consacre a été appliqué par plusieurs Cours d'appel; mais ne peut-on pas dire que la Cour de cassation a elle-même, sinon abrogé, du moins modifié sa jurisprudence en décidant plusieurs fois (par les ari êts ci-dessus et par deux arrêts confor

mes des 12 juillet 1814 et 12 janvier 1820 ) qu'il n'était pas nécessaire que le pouvoir spécial eût une date certaine car, si un pareil pouvoir est suffisant, comme le créancier sera toujours à même d'en donner un et de l'antidater, on ne pourra jamais convaincre l'huissier qu'il n'en eût aucun, et la nullité

serait illusoirement demandée.

« Il semble donc qu'il faut tenir au principe ou l'abandonner entièrement. Si l'on exige, à peine de nullité, un pouvoir, il faut qu'il soit tel qu'il fasse preuve de son existence à une époque antérieure à la saisie. »

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Cette opinion est tranchante; on peut cependant y répondre. Il est vrai que, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation, la nullité de la saisie sera le plus souvent illusoirement demandée pour défaut de pouvoir, comme l'observe M. Persil, parce que, la date de cet acte n'étant pas certaine, il arrivera très-rarement qu'il soit constant en fait, comme dans l'espèce de l'arrêt du 6 janvier 1812, que l'huissier n'en était pas muni au moment où il a procédé à la saisie. Mais il ne s'ensuit pas, selon nous, que le principe de la nécessité du pouvoir doive être abandonné ni qu'il l'ait été par les arrêts ci-dessus. D'abord il importe, afin de prévenir le préjudice qui résulterait pour le débiteur d'une poursuite sans pouvoir, que l'huissier soit tenu de représenter cet acte à la première réquisition. Mais comment l'obliger à l'exhibition de son pouvoir, si ce pouvoir n'est pas requis à peine de nullité? Le principe consacré par l'arrêt du 6 janvier 1812 doit donc être main

tenu.

Il nous semble, en second lieu, que les arrêts ci-dessus ne l'ont pas abandonné et qu'ils en ont assuré l'exécution par l'unique moyen que la loi autorisât. Décider que, quand le pouvoir de l'huissier n'aurait pas une date certaine antérieure à la saisie, cette saisie serait nulle, c'était suppléer à la loi, ce qui n'exige nulle part que le pouvoir soit enregistré ou délivré par acte authentique. Ce moyen d'obliger l'huissier à être porteur d'un pouvoir ne pouvait donc être adopté par la Cour de cassation. Tout ce qu'exige la loi, tout ce que la Cour s'est-elie-même

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