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tionnel de mutation, le double droit faute de déclaration, subvention de guerre, etc.

Le sieur Rougerie a formé opposition à cette contrainte, et soutenu qu'il n'était dû qu'un droit fixe qu'il avait acquitté: en conséquence, il a conclu à la nullité et au non recevable. Il s'est fondé sur l'art. 68, § 1, no 6, de la loi du 22 frimaire an 7, qui porte que les actes qui ne contiennent que l'exécution, le complément ou la consommation d'actes antérieurs enregistrés, ne sont assujettis qu'au droit fixe d'un fr., et il a appliqué cet article à la reprise qu'il avait exercée, le droit de retour ouvert à son profit devant être considéré comme stipulé dans la donation par lui faite en 1787, en sorte que l'acte par lequel la remise lui avait été faite n'était que l'exécution du contrat de donation.

Effectivement, la contrainte fut annulée par un jugement du tribunal civil de Limoges du 19 mars 1812,-Attendu que le droit de retour au profit des ascendans donateurs, dans les biens compris en leurs donations, qui se trouvent en nature dans les biens de leurs donataires décédés sans enfans, est fondé en pays de droit écrit du ressort du ci-devant parlement de Bordeaux, sur les lois 6, ff., de jure dotium; 4, C., de soluto matrimonio; 17, ff., de senatus-consulto macedoniano, et 2, C., de bonis quæ liberis, différemment des pays coutumiers et de droit écrit ressortissant du ci-devant parlement de Paris, où la réversion au profit des ascendans ne s'y fait qu'à titre de succession; que c'est cette première jurisprudence qui doit être appliquée à l'espèce actuelle, puisque le retour ou la reversion n'est exercé par Rougerie que sur des biens par lai donnés en 1787; qu'en effet les lois existantes à l'époque de tels ou tels contrats doivent les régir, et non les lois postérieures, lesquelles ne peuvent avoir d'effet rétroactif. Rougerie n'a donné, en 1787, ses biens à sa fille que parce qu'il savait que les lois d'alors lui en assuraient le retour, s'il avait le malheur de perdre sa fille et sa postérité; il ne stipulait pas alors le droit de retour, parce que, sans stipulation, il lui était assuré par la législation alors en vigueur, sans quoi on peut croire

qu'il l'aurait stipulé; que l'on peut croire encore que les donations par les ascendans à leurs descendans sont faites en avancement d'hoirie, sous la condition que les donataires survivront à leurs donateurs; en d'autres termes, que ce droit de réversion est tacitement inhérent à la donation, de sorte qu'elle est présumée faite sous cette condition, quoiqu'elle ne soit pas exprimée; qu'enfin ce droit de retour peut être séparé de la qualité d'héritier, puisqu'il est raisonnable de penser qu'il peut appartenir à un autre qu'à celui qui est héritier du défunt, comme, par exemple, à un ascendant donateur plus éloigné que l'ascendant héritier du donataire, et que cela est d'ailleurs constant en jurisprudence, établie par les arrêts cités par Lapeyrère, au mot Retour, no 114.

Pourvoi en cassation pour contravention à l'art. 747 du Code civil, d'après lequel le droit de retour légal ne doit être considéré que comme un droit successif dans toutes les successions ouvertes sous l'empire de ce Code.

par

l'au

On sait bien, disait la Régie, que le droit de retour, établi par les lois romaines, ne s'exerçait point à titre successif; et s'il s'agissait d'une succession ouverte sous l'empire de ces lois, il n'y aurait pas de difficulté. Mais ce n'est point là notre hypothèse. Le droit s'est ouvert sous l'influence du Code civil, et, par une suite nécessaire, ses effets doivent être réglés par ce Code: la raison de décider est péremptoire. Le droit de retour qui ne dérive pas de la convention ne peut s'exercer qu'en vertu et par l'autorité de la loi donc c'est en vertu et : torité de celle sous laquelle il se réalise, puisque la précédente, étant anéantie, abrogée, effacée, ne peut plus avoir aucune influence ni aucun pouvoir. Lorsque la loi du 17 nivôse an 2 eut aboli le retour légal, cette abrogation frappa le retour des anciennes donations comme celui des nouvelles, et il fallut une loi expresse pour le rétablir à l'égard des donations antérieures au 5 brumaire de la même année: donc le Code civil a de même agi sur toutes les donations de quelque date qu'elles fussent, et le droit de retour ouvert sous son empire n'a pu être qu'un droit successif, quelque ancienne que fût la donation où

il a pris sa source. C'est ce que justifie la décision donnée par le ministre des finances le 29 décembre 1807, portant qu'il y a lieu de percevoir les droits réglés pour les mutations par décès sur les rentrées en possession par les ascendans dans les biens par eux donnés, opérées par le prédécès de leurs enfans et descendans, depuis la promulgation du Code. Aussi, vertu de cette décision ministérielle, l'Administration a-t-elle constamment perçu un droit proportionnel sur toutes les mutations qui, depuis la promulgation du Code civil, se sont opérées par l'effet du retour, quelle que fût la date de la donation.

en

Le sieur Rougerie ne s'est pas présenté pour repousser l'attaque dirigée contre le jugement qu'il avait obtenu. Toutefois la Régie n'a pas moins succombé.

Du 8 février 1814, ARRÊT de la section civile, M. Mourre président, M. Carnot rapporteur, par lequel :

« LA COUR, — Sur les conclusions de M. Joubert, avocatgénéral; - Attendu que, d'après les lois romaines et la jurisprudence du parlement de Bordeaux, qui régissaient les parties le 11 janvier 1787, époque de la donation contractuelle dont il s'agit, le retour légal produisait le même effet que le retour conventionnel; -Que le droit qui en était acquis au donateur par la puissance de la loi ne pouvait dès lors être considéré comme droit de succession, ni régi par l'art. 747 du Code civil, qui ne peut rétroagir; -Qu'ainsi le tribunal civil de Limoges a fait une juste application de la loi et des principes; - REJETTE, etc. »

COUR DE CASSATION.

Une rente dont le prix est un immeuble et un droit féodal cumulés doit-elle étre considérée comme mélangée de féodalité? (Rés. nég.)

Peut-il y avoir féodalité sans inféodation ou mouvance,› noble, soit roturière? (Rés. nég.),

soit

PATOCKY, C. SCHNEIDER.

Les mots seigneur direct, et autres semblables, ne constituent pas les rapports féodaux, car ils sont dérivés des termes latins relatifs à l'emphytéose, qui n'était rien moins qu'une seigneurie, laquelle était parfaitement inconnue aux Romains. Le mot seigneur, par exemple, est dans nos anciens titres l'équivalent de dominus, lequel, dérivant de dominium, veut dire exactement propriétaire, comme dominium signifie propriété. De même notre vieux terme direct équivaut tout simplement au mot latin dominium directum, qui indique la propriété foncière séparée de la propriété utile.

Il est arrivé, par une suite des mêmes usages, et de l'habibitude de parler latin en français, que l'on a appelé lauds la redevance due pour les mutations au bailleur à emphyteose, d'après la langue latine, dans laquelle ce droit était appelé laudimium. En conséquence il est certain que tous les titres où l'on trouve les termes seigneur, seigneurie directe, lauds ou lods et ventes, et autres semblables, n'indiquent pas pour cela des droits féodaux. La féodalité consiste essentiellement dans la mouvance. Si elle a pour marque la foi et hommage, c'est une seigneurie ou une mouvance en fief; si elle est marquée simplement par le report d'un fonds à un autre, c'est une censive ou une mouvance en roture. Mais s'il n'y en a d'aucune espèce, il n'y a pas même alors de trace de féodalité : c'est une simple emphythéose perpétuelle.

Dans ce contrat, le propriétaire utile doit un canon annuel, qui est la reconnaissance de la directe ou propriété foncière, que les anciens titres appellent seigneurie. Ce propriétaire utile ne peut pas vendre sans offrir au propriétaire foncier la préférence; et quand celui-ci ne l'accepte pas, il lui est dû un droit que les auteurs latins appellent laudimium, et que nous avons nommé lauds. Tout cela ne constitue qu'une emphytéose, et point du tout une féodalité, parce qu'il n'y a pas de mouvance. Dans ce cas, la rente ou canon est absolument une

rente foncière, et rien autre chose.

La vérité de ces principes, dont on s'est trop souvent écarté

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depuis la révolution, vient d'être reconnue et proclamée dans l'espèce suivante.

Au mois de brumaire an 9, il fut fait transfert par l'administration de l'enregistrement et du domaine, au profit d'un sieur Patocky, d'une rente foncière provenante de l'évêché de Spire, et due par des biens que possédait une veuve Schneider. Le sieur Patocky a fait signifier son transport, et la rente lui fut exactement payée jusqu'en 1807. A cette époque, les sieur et dame Schneider, possesseurs des fonds, ont refusé de continuer de servir la rente, sous prétexte qu'elle était féodale ou mélangée de féodalité, et en conséquence supprimée par les décrets de 1793.

Le sieur Patocky les fit assigner au tribunal de Weissembourg pour se voir condamner au paiement de la rente. Les défendeurs opposèrent, et firent signifier un acte du 28 juin 1786, d'où ils prétendaient faire résulter la féodalité. Cet acle est le renouvellement du bail emphytéotique d'un moulin et d'une scierie y attenante, ou plutôt le consentement à la transmission de ces objets d'une emphytéose à une autre, de la part des officiers de l'évêque de Spire, c'est-à-dire l'approbation d'une mutation. Et, en effet, les officiers de l'évêché ont reçu Edmond Schneider et sa femme comme preneurs à la place des possesseurs qui leur avaient transporté la propriété utile, à la charge par les nouveaux emplytéotes 1o de payer le droit du domaine direct; 2o de faire, lors des mutations subséquentes, leur déclaration à la chambre des recettes de l'évêché comme seigneur direct, et autres charges semblables. Cet acte en rapporte un autre du 26 juin 1698, qui est un bail emphyteotique consenti par l'évêque de Spire au profit de JeanMichel Hardi et de son fils, à la charge entre autres de un droit pour la chute d'eau du moulin, et les autres droits d'usage dans ce contrat,

payer

Le sicur Patocky mit le préfet en cause, et forma contre, lui sa demande en garantie, dans le cas où la rente serait déclarée féodale. Le préfet intervint, et contesta fortement la prétention des sieur et dame Schneider.

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