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mes de leur contrat, ils n'étaient tenus de payer leur prix qu'après la purge des hypothèques, et sans intérêts jusque là; que la purge n'avait été effectuée que par le règlement de l'ordre; que, s'ils n'avaient pas payé immédiatement après ce règlement, c'était uniquement à cause des oppositions qui étaient survenues entre leurs mains, et des contestations auxquelles elles avaient donné lieu ; qu'ils n'avaient été ni en retard ni constitués en demeure; que d'ailleurs les intérêts n'auraient pu, d'après les termes du contrat, commencer à courir que du jour du règlement de l'ordre ; et que, suivant l'art. 767 du Code de procédure civile, ils devaient cesser à la même époque; qu'en conséquence, il n'avait pu en courir aucuns à leur préjudice.

Le tribunal, par jugement du 16 février 1813, adoptant ces moyens, déclara les offres valables, et condamna le sieur Pénavère aux dépens.

Gelui-ci interjette appel. Il se fonde sur la règle que l'acquéreur d'un fonds produisant des fruits doit les intérêts de droit, et qu'il ne peut en être affranchi que par une clause expresse du contrat de vente. Or, a-t-il dit, les sieur et dame Tobler n'ont été exemptés des intérêts que jusqu'à la purge des hypothèques, qui a été consommée par le règlement de l'ordre. Les intérêts ont donc commencé à courir à compter de cette époque. Les contestations postérieures n'ont pas pu en empêcher le cours, puisqu'elles n'ont point empêché les acquéreurs de jouir et de percevoir les fruits de la chose vendue. Inutilement invoque-t-on l'art. 767 du Code de procédure civile: il ne parle que des intérêts et arrérages des créances utilement ⚫ colloquées, et non des intérêts du prix dû par l'acquéreur.

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Le 5 juin 1813, arrêt de la Cour d'appel de Paris, qui infirme le jugement de première instance, et ordonne la continuation des poursuites commencées contre Tobler et sa femme,

« Attendu que tout débiteur d'une chose susceptible de produire des fruits doit les intérêts de son prix jusqu'au paiement où à la consignation, à moins qu'il n'en ait été dispensé par le contrat; que l'art. 767 du Code de procédure civile, ne fai

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sant cesser que les intérêts des créanciers utilement colloqués, est sans application à l'égard de ceux dus par l'acquéreur ; que les intérêts ayant continué de courir doivent être joints à ce qui reste dû sur le capital, pour remplir d'autant le créancier sur lequel les fonds manquent, ou être remis à la partie saisie ». Pourvoi en cassation de la part des sieur et dame Tobler, pour violation de l'art. 767 du Code de procéduré. Aux termes de cet article, disaient les demandeurs, les intérêts cessent dès que le juge-commissaire a arrêté l'ordre : dès ce moment, l'acquéreur est donc affranchi de l'obligation de les payer. Ce texte est formel. Le motif qui l'a dicté est facile à saisir. La loi suppose avec raison que, du moment de la clôture de l'ordre, l'acquéreur tient son prix à la disposition des créanciers colloqués, qu'il n'en a plus la jouissance, qu'il n'est qu'un simple dépositaire, tenu de représenter la somme qu'il doit, à la volonté des créanciers. Or il eût été injuste de l'obliger, dans cette position, à rembourser les intérêts qu'il ne recueille pas: l'obligation de payer l'intérêt du prix ne peut être fondée que sur la supposition que l'acquéreur retire cet intérêt en même temps que les revenus de la chose.

L'arrêt attaqué suppose que l'art. 767 ne fait cesser que les intérêts des créanciers utilement colloqués, et non ceux dus par l'acquéreur, comme débiteur du prix. Mais cette supposition fait naître une contradiction choquante: les intérêts des créanciers cessent, et le débiteur est cependant tenu de les payer. Il est vrai que, d'après l'arrêt attaqué, ces intérêts couraient au profit des créanciers non colloqués; mais il résulterait de ce système que l'ordre ne serait pas définitivement clos, qu'il faudrait procéder à une nouvelle distribution; il en résulterait que l'acquéreur serait dispensé de servir des intérêts à ses véritables créanciers pour les payer à ceux qui n'auraient aucun droit au capital conséquence qui démontre l'absurdité du système. Tout porte donc à croire qu'il faut s'en tenir aux termes de l'art. 767, et décider que les intérêts, cessant du moment de la clôture définitive de l'ordre, ne peuvent être dus par l'acquéreur.

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Da 16 mars 1814, ARRÊT de la section des requêtes, M. Hen, rion de Penser président, M. Favard de Langlade rapporteur, M. Darrieux avocat, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocatgénéral; - Considérant que l'acquéreur d'un immeuble produisant des revenus doit l'intérêt du prix de son acquisition jusqu'au jour du paiement, à moins de convention contraire; - Que l'art. 767 du Code de procédure civile n'est relatif qu'aux créanciers colloqués, et qu'il ne peut être appliqué à l'acquéreur, qui, jusqu'au paiement effectif, n'en continue pas moins d'avoir la chose et le prix, et qu'en le décidant ainsi, la Cour d'appel a fait une juste application de la loi ; —Rejette,»

Nota. Voyez un arrêt dans le même sens, de la Cour d'appel de Paris, à la date du 7 juillet 1813, tom. 15, pag. 187.

COUR DE CASSATION.

L'avocat peut-il étre désavoué comme le procureur? (Rés. aff.) Cod. de procéd., art. 354.

En supposant l'affirmative, les aveux par lui faits, assisté du procureur de la partie, sont-ils censés faits par la partie elle-même, et sont-ils suffisans pour prouver le fait qui en est l'objet, tant que l'avocat n'a pas été désavoué ? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1356.

ALLAUZE, C. DELAQUEILLE.

Le plus beau privilége attaché à la profession d'avocat est cette liberté, cette indépendance, avec lesquelles il peut exercer son talent quand il lui plaît, et en faveur de qui il lui plaît. Son seul empire est celui que donnent les lumières, la probité, la confiance; les hommes n'ont sur lui d'autres droits que ceux qui naissent de l'intérêt qu'inspirent le malheur ou la probité indignement persécutée. Mais une fois que l'avocat s'est chargé de la défense d'un client, sa délicatesse ne lui permet pas négliger, ui de compromettre ses intérêts par des déclarations

de la

et des aveux qui sortiraient de son ministère, ou qu'il ne serait point autorisé à faire: donc, sous ce point de vue, il semble qu'il peut être désavoué, lorsqu'il dépasse les limites qui ont été tracées par la partie. Jusque là, ses aveux font foi et suffisent pour établir le fait qui en est l'objet, parce qu'il est présumé les avoir reçus de la partie ou du procureur.

Il n'y a de difficulté que sur l'époque et le mode du désaveu, question qui n'est pas décidée nettement par l'arrêt dont nous avons à nous occuper. Les auteurs du Répertoire de jurisprudence enseignent à cet égard que le désaveu doit se former verbalement, sur-le-champ, par la partie ou par son procureur, qui sont censés présens à l'audience, sans quoi l'avocat est présumé n'avoir rien avancé que de leur aveu. (Au mot Avo→ cat, § 9, tom. 1er, pag. 414.)

« Nous ajouterons, disent les auteurs du Répertoire, qué, si la partie ne réclame pas sur-le-champ, elle n'est plus recevable à se plaindre par la suite : c'est ce qui a été jugé par arrêt du 14 février 1759, en faveur d'un avocat du siége de Mayenne contre l'avocat fiscal de la justice d'Averton. »

Ainsi, il résulterait de cette autorité que le désaveu contre l'avocat n'est valable qu'autant qu'il est exercé sur-le-champ à l'audience par la partie ou par son procureur; qu'autrement la déclaration subsiste avec toutes les conséquences qui en dérivent. Il faut néanmoins convenir que, s'il y avait preuve de mauvaise foi, l'avocat serait toujours passible de dommages et intérêts. (1)

(1) M. Carré, Lois de la procédure, tom. 1or, pag. 822, enseigne, comme les auteurs du Répertoire, que l'avocat ne peut être désavoué que verbalement à l'audience. Ce commentateur ajoute qu'on peut tirer une induction contraire de l'arrêt ci-après: cet arrêt porte que l'aveu fait par l'avocat ne pouvait être critiqué devant la Cour de cassation, parce que l'avocat n'avait pas été désavoué légalement. Mais M. Carré n'en persiste pas moins à penser qu'il n'y a pas lieu à formaliser contre l'avocat une action en désaveu, conformément au titre 17 du Code de procédure, parce que la discussion du conseil d'Etat prouve que l'action dont ce titre établit la forme ne procède que contre les officiers ministériels

Dans l'espèce, il s'agissait d'une demande formée par les sieurs Delaqueille contre le sieur Allauze, en paiement d'une redevance autrefois connue sous le nom de percière, et dont on réclamait les arrérages depuis 1792.

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En première instance, le sieur Allauze s'est borné à soutenir qu'il n'avait jamais été assujetti à cette redevance.

Les sieurs Delaqueille ont offert de prouver par témoins qu'ils avaient toujours joui de cette percière ; et pour faire admettre cette preuve, ils excipèrent de la circonstance que tous leurs titres avaient été brûlés, conformément à la loi de 1793. Le tribunal de première instance a ordonné une enquête sur le fait du service de la prestation réclamée.

Appel de cet interlocutoire par le sieur Allauze.

A l'audience, l'avocat de l'appelant, assisté de son avoue, a reconnu qu'en effet la redevance avait été payée par son client aux sieurs Delaqueille; mais il a soutenu qu'étant supprimée comme féodale par la loi du mois de juillet 1793, la demande soit à fin de preuve, soit à fin de continuation du service de la redevance dont s'agit, était non recevable et mal fondée.

Arrêt de la Cour d'appel de Riom, qui, attendu la déclaration faite par l'avocat de l'appelant pour sa partie, dit qu'il n'y a plus lieu à l'interlocutoire, et renvoie devant les premiers juges sur la question du fond, consistant à savoir si la redevance est ou non supprimée comme féodale.

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Pourvoi en cassation, pour fausse application de l'art. 1556 du Code civil, qui ne considère comme aveu judiciaire que la

à l'appui de son opinion, M. Carré cite un arrêt de Colmar, du 22 děcembre 1820 (il est à remarquer que cet arrêt a été cassé le 26 avril 1824, mais non point dans la disposition invoquée et contre laquelle on 'ne's'était pas pourvu). L'opinion de M. Carré nous semble devoir être d'autant moins contredite, que l'arrêt suivant ne décide pas nettement la question de savoir quel est le mode à suivre pour désavouer un avocat; l'arrêt n'explique pas ce qu'il entend par un désaveu légal. Voy. les observations qui précèdent un arrêt de Bruxelles, du 12 décembre 1812, - tom. 13, pag. 1031.

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