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Pourvoi de Claude Devilliers.

Le ri mai 1814, Claude Devilliers avait été condamné, par arrêt de la Cour d'assises de la Nièvre, à dix ans de travaux forcés. Un des témoins qui avait déposé contre lui avait juré de parler sans haine et sans crainte, de dire la vérité, rien que la vérité, ou du moins c'est ainsi que ce serment était rapporté dans le procès verbal de la séance.

Pourvoi en cassation de la part de Claude Devilliers, pour violation de l'article 317 du Code d'instruction criminelle, en ce que le serment susénoncé ne contenait pas la mention de dire toute la vérité.

Le 16 juin 1814, ARRÊT de la section criminelle, M. Barris président, M. Vasse Saint-Ouen rapporteur, M. Lavaur avocat, par lequel :

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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Pons, général; Vu l'article 517 du Code d'instruction criminelle; ---- Vu aussi la disposition du même Code qui veut, art. 372, qu'il soit dressé un procès verbal de la séance, à l'effet de constater que les formalités prescrites ont été observées ;Attendu que la forniule du serment prescrite, à peine de nullité, par le susdit article 317, se compose de plusieurs parties différentes entre elles par leur sens et leur objet; "qu'une de ces parties ne peut donc être omise dans le serment sans qu'il ne devienne incomplet, insuffisant, et ainsi sans que la prévoyance du législateur ne soit trompée, et la nullité par lui prononcée encourue; que les formalités qui ne sont pas déclarées par le procès verbal des débats avoir été observées sont réputées de droit avoir été omises ; Et attendu que le procès verbal des débats qui ont eu lieu dans l'affaire de Claude Devilliers énonce que le premier témoin à charge, Nicolas-Henri Gaté, a prêté serniënt de dire la vérité et rien que la vérité; que la loi exigeait néanmoins qu'il jurât de dire toute la vérité ét rien que la vérité; que la formule da sernent prêté par ce témoin u'est donc pas celle de la loi ; qu'elle

présente pas la même étendue d'obligation que celle-ci; u'elle est donc insuffisante; - CASSE. »

Notu. La première question a été résolue dans le même sens par arrêts des 27 mai 1815, 5 et 27 janvier 1815, Cette jurisprudence est adoptée par M. Carnot, Traité de l'instruction criminelle, tome 2, page 123. La Cour a rendu, sur la seconde question, trois arrêts semblables au précédent, les 4 février 1813, 1er juillet 1814 et 9 octobre 1817. Voyez aussi un arrêt du 3 janvier 1812, tome 13, page 1.

COUR D'APPEL D'AMIENS.

La femme qui, après le décès de son mari, a accepté la communauté, ne peut-elle revendiquer que la moitié de ses propres aliénés durant sa minorité, parce qu'elle est garante de la moitié des ventes, en sa qualité de commune ? (Rés. ! aff.) Cod. civ., art. 1401 et 1428.

Celui qui a acheté les biens propres d'une femme mineure, assistée et autorisée de son mari, doit-il étre considéré comme possesseur de bonne foi, et, en conséquence, n'étre obligé à la restitution des fruits, au cas de rescision de la vente, que du jour de la demande ? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 550.

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LES HÉRITIERS ESSEUX, C. LE SIEUR MINARD. Une dame Esseux, étant encore mineure, vendit, en 1787 et 1788, au sieur Minard, avec l'assistance de son mari, qui promit de la faire ratifier, quelques héritages à elle propres.

Elle survécut à son mari, et fit acte de commune en se mettant en possession des biens de la communauté. Elle mourut en 1801, sans avoir ratifié ni attaqué la vente par elle faite.

Ses héritiers ont formé, de son chef, la demande en rescision des deux contrats de vente, et elle fut admise par jugement du tribunal de Laon, du 6 mai 1813, qui condamna l'acquéreur à délaisser les héritages vendus, avec restitution des fruits depuis son entrée en jouissance,

Le sieur Minard a interjeté appel, et soutenu que la demande en rescision ne pouvait être admise que pour moitié, et qu'il ne pouvait être tenu de la restitution des fruits qu'à compter du jour de la demande.

Voici comment il a raisonné sur l'un et l'autre objets.

Il est constant, a-t-il dit, que la veuve Esseux, après la mort de son mari, a accepté la communauté. Comme commune, elle est devenue débitrice des dettes de cette commanauté pour moitié. Or une de ces dettes était les dommages et intérêts qui seraient dus à l'acquéreur des propres, en cas que, faute par le mari de remplir la promesse qu'il avait faite de faire ratifier par sa femme l'aliénation de ses propres, cet acquéreur fût évincé. Telle est la doctrine de Renusson et de Lebrun, dans leurs Traités de la Communauté; de Duplessis, et de Delaurière, son annotateur, sur l'art. 226 de la Coutume de Paris; de Bourgeon, dans son Traité du Droit commun de la France; de Prévôt de la Janés, dans ses Principes de la Jurisprudence française ; enfin de Pothier, dans son Traité du Contrat de vente. Cette doctrine a toujours été suivie par la jurisprudence, et elle est implicitement consacrée par le Code civil, qui ne fait, en cette matière, que maintenir les anciennes règles.

Il est donc incontestable que la dame Esseux était tenue, comme commune, de la moitié des dommages et intérêts dus à l'acquéreur évincé ; et comme ces dommages et intérêts ont pour objet la valeur des héritages au temps où l'acquéreur en souffre éviction, il est tout simple, pour éviter le circuit des procédures, de n'admettre la rescision que pour moitié.

Quant aux fruits, la restitution n'en est due à compter de F'entrée en jouissance que par le possesseur de mauvaise foi. Or il est impossible d'attribuer cette qualité à l'acquéreur des propres de la femme, vendus par elle, quoique mineure, avec l'assistance et l'autorisation de son mari. Ce contrat n'est pas nul: il est seulement résoluble. Tant que la femme n'a pas réelamé, l'acquéreur a possédé en vertu d'un juste titre. Il a été bien fondé à croire que la femme rat:fierait, jusqu'à ce qu'elle

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manifestât une volonté contraire. Il a donc possédé de bonne foi; il ne doit donc restituer les fruilts qu'à compter du jour de la demande.

Les héritiers de la veuve Esseux convenaient que les anciens auteurs étaient favorables à la prétention du sieur Minard; mais ils observaient que Pothier, dont ils s'étayaient aussi, était revenu, dans son Traité de la Communauté, sur ce qu'il avait enseigné dans celui du Contrat de vente. Il pense que l'on doit faire, dans ce cas, une exception à la règle générale qui oblige la femme commune au paiement de la moitié des detles de la communauté, parce que son application rigoureuse tendrait à faciliter l'aliénation des propres de la femme, et la réduirait ou à répudier une communauté avantageuse, ou & renoncer à une revendication que les lois favorisent de tout leur pouvoir, parce qu'elles veillent avec une grande sollicitude à la conservation des biens dotaux.

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A l'égard des fruits, les héritiers ont dit que le sieur Minard ne pouvait pas ignorer, en achetant les biens d'un mineur, que sou titre était invalide; qu'en conséquence il n'avait pas pu posséder un seul instant de bonne foi; que, d'ailleurs, rescision résolvant la vente dès son origine, et remettant les parties au même état où elles étaient avant le contrat, l'ac quéreur se trouvait n'avoir eù, dans aucun temps, le droit de percevoir les fruits.

Le 18 juin 1814, ARRÊT de la Cour d'appel d'Amiens deuxième chambre, M. Dubourg président, MM. Chrétien de Poly et Le Francois avocats, par lequel :

« LA COUR, Considérant qu'il n'a pas été disconvenu par les intimés que Benoîte-Elisabeth-Nicole Macquart, femme de François Esseux, après la mort de son mari, s'était immiscée dans la possession des objets qui composaient la communauté, sans avoir fait d'inventaire; que les intimés eux-mêmes, ses héritiers, s'étaient aussi, après la mort de ladite veuve Esseux, emparés sans inventaire ni liquidation de toute la suc→ cession de cette dernière, et ont même vendu un immeuble reçu par François Esseux et sa femme en paiement de 145 liv.

10 sous-restant dues sur le prix des premiers immeubles vendus, aujourd'hui réclamés ; qu'il suit de là que ladite veuve Esseux, et par suite ses héritiers, ont dû participer à toutes les obligations contractées pendant la communauté, et que par conséquent, comme garans de la moitié des ventes, ils doivent être exclus pour moitié de la revendication des biens acquis desdits Esseux et Benoîte-Elisabeth-Nicole Macquart; que cependant le jugement dont est appel a autorisé les intimés à rentrer en possession de la totalité des biens par eux réclamés, comme ayant été vendus par Esseux et sa femme pendant la minorité de cette dernière; En ce qui touche la restitution des fruits, à laquelle Minard a été condamné à partir du 51 mars 1787 et du 6 mars 1788, époques de la passation des contrats de vente dont est question, -Attendu, que d'après les principes qui ont toujours été suivis, et qui se trouvent consacrés par les art. 549 et 550 du Code civil, le possesseur évincé ne doit la restitution des fruits, à partir du jour des actes annulés, qu'autant qu'il est de mauvaise foi; - Attendu que la circonstance que la veuve Esseux était mineure à l'époque où son mari, conjointement avec elle, a vendu les immeubles dont est question, et que l'acquéreur ne l'a pu ignorer, n'est pas suffisante pour constituer ce dernier en mauvaise foi, puisque ces actes n'étaient pas nuls de droit, mais simplement révocables, et qu'ils pouvaient même être ratifiés par la veuve Esseux en majorité ; -Statuant sur l'appel de la partie de Chrétien, MET l'appellation et le jugement dont est appel au néant; émendant, et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, condamne la partie de Chrétien à se désister, au profit de celle de Le François, de la moitié des fruits, à compter de la demande, lesque's seront et demeureront compensés avec les intérêts de la moitié du prix des acquisitions faites par Minard, laquelle moitié du prix lesdites parties de Le François seront tenues de restituer à celle de Chrétien; ordonne que l'amende consignée sera restituée. »

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Nota. Cet arrêt ne fera peut-être pas jurisprudence. Les dom

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