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Cependant le tribunal civil d'Autun, par jugement du 8 janvier 1812, a déclaré la reconnaissance valable, « '1o sur le motif qu'un acte de dépôt, d'après l'art. 1925 du Code civil, n'est assujetti à aucune autre forme que celle d'être rédigée par écrit ; 2o parce qu'en supposant que l'art. 1526 da même Code fût applicable à l'espèce, la femme Changarnier, étant femme d'un marchand, suivait la condition de son mari, et se trouvait par conséquent comprise dans l'exception prononcée par le même article à l'égard des marchands, artisans, etc. ; 36 parce que la dame Changarnier, ayant profité de la somme déposée, se trouvait dans le cas prévu par l'art. 1926, lequel déclare que, quand le dépôt a été fait par une persone capable à une qui ne l'est pas, celle qui a fait le dépôt a une action en restitution jusqu'à concurrence de ce qui a tourné au profit du dépositaire. »

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Pourvoi en cassation pour violation de l'art. 1326 dụ Code civil et fausse application des art. 1923 et 1926 du même Code. Du 12 janvier 1814, ARRÊT de la section civile, M. Muraire président, M. Pajon rapporteur, MM. Darrieux et Raoul avocats, par lequel:

« LA COUR, cat-général;

Sur les conclusions de M. Jourde avoVů l'art. 1326 dù Code civil'; et attendu,

que, si l'art. 1925 du même Code exige qu'un acte de dépôt ne puisse être constaté que par écrit, il ne s'ensuit pas que l'acte qui le constate soit dispensé des formes que la loi a exigées par l'art. 1326; — Attendu 26 qu'un écrit portant rëconnaissance du dépôt d'une somme d'argent ne peut être · considéré que comme un acte unilatéral, dont l'effet est d'obliger le dépositaire à rendre la somme qui lui a été confiée : d'où il résulte que, s'il n'est pas écrit de la main du dépositaire, il ne peut être valable que par l'approbation de la somme y énoncée ; Attendu 3o que le jugement attaqué n'énonce point que la femme Chaugarnier fit un commerce séparé, ni même qu'elle fût daus l'usage de tenir les écritures ou de signer pour son mari ; qu'en conséquence il a faussement appliqué à l'espèce de la cause l'exception énoncée audit arti

cle 1326, sous le seul prétexte que la femme, suivant la condition de son mari, qui était marchand, n'était poit obligée de se conformer à la première disposition du même article; — Attendu 4° qu'en appliquant à la même espèce la disposition de l'art. 1926 du même Code, sous le prétexte que la femme Changarnier avait profité de la somme déposée, le jugement attaqué a commis une erreur de droit, en ce que cet article suppose nécessairement que le dépôt fait à la personne incapable l'a été dans une forme qui l'aurait valablement obligée sans son incapacité; et que, dans l'espèce, la femme Changarnier, eût-elle été libérée de la puissance martitale, n'aurait pu être valablement obligée en vertu d'une reconnaissance qui ne contenait point d'approbation de la somme déposée ; CASSE, etc. »

COUR DE CASSATION..

Un jugement rendu contré plusieurs cohéritiers en leurs propres et privés noms, pour raison d'une dette de l'hérédité essentiellement divisible, est-il susceptible de tierce opposition de la part de ceux qui n'y ont point été parties, et auxquels on n'a rien demandé? (Rés. nég.) Cod. de proc. civ.', art. 474."

En supposant la tierce opposition recevable, ses effets profiteraient-ils aux héritiers condamnés par le jugement attaqué? (Rés. nég.)

La preuve de la libération peut-elle se faire par témoins, lorsque la dette établie par titre excède 150 fr.? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 1541.

VIGNY, C. BURTEY.

La solution de la première question se trouve dans l'art. 474 du Code de procédure civile, ainsi conçu : « Une partie peut former tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni elle`ni ceux qu'elle représente n'ont été appelés. » Il faut donc, dans le cas particulier, distinguer l'obligation indivisible et celle susceptible de division entre les

cohéritiers. Dans la première hypothèse, il est bien certain que l'opposition serait recevable, puisque ce qui aurait été jugé contre les héritiers, parties au jugement, le serait également contre ceux qui n'y auraient point été appelés; qu'alors ces derniers auraient un intérêt éminent à attaquer une décision préjudiciable à leurs droits; et que, d'un autre côté, la partie adverse devrait s'imputer de ne les avoir pas mis en cause. Dans la seconde hypothèse, au contraire, les héritiers non appelés ne sont pas recevables à se plaindre, le jugement n'ayant aucune conséquence rigoureuse à leur égard, et l'adversaire pouvant leur dire: « De quoi vous plaignez-vous? Je ne vous demande rien. Je suis bien le maître d'agir contre vos cohéritiers et de garder le silence à votre égard ; je puis exiger leur part de la dette et négliger de demander la vôtre; le jugement intervenu contre eux ne m'est d'aucune utilité contrẹ vous: donc quand vous serez attaqués, vous vous défendrez. » Ce raisonnement est péremptoire et sans réplique.

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Quant à la seconde question, elle n'est pas plus problématique que la première : « Chaque héritier du débiteur, observe le judicieux Pothier, n'est tenu des dettes divisibles que pour la part dont il est héritier, et il n'est pas même tenu subsidiairement du surplus, en cas d'insolvabilité de ses cohéritiers. La loi 2, Cod., de hæred. act., qui décide que chaque héritier n'est tenu des dettes du défunt que pour sa part, ne distingue point si les héritiers sont solvables ou non. Cela est pris même de l'idée d'héritier. Un héritier est celui qui succède aux droits actifs et passifs, c'est-à-dire aux dettes et obligations du défunt. Celui qui n'est héritier que pour partie n'y succède que pour cette partie: il n'est donc tenu que pour cette partie. L'insolvabilité de ses cohéritiers qui survient ne le rend pas successeur pour le total aux droits du défunt; il ne l'est toujours que pour sa part, et par conséquent il ne doit être tenu des dettes que pour sa part. »

Cela posé, il est clair que des héritiers peuvent être irrévocablement condamnés au paiement de leur part de la dette, et les autres se faire renvoyer ultérieurement de la demande, et que,

par la raison que ce qui est jugé à l'égard des premiers ne l'est pas à l'égard des autres, le jugement ultérieur rendu en faveur des derniers ne profite pas aux premiers. Il n'y a de limitation à ce principe que pour le cas où il s'agit d'une chose indivisible comme d'une servitude ou autre service de cette nature.

car,

L'ordonnance de 1667 et l'art 1341 du Code civil répondent à la troisième question. Il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes: telle est l'économie de leurs dispositions concordantes sur ce point. Et ce serait évidemment y contrevenir que d'admettre la preuve vocale de la libération, quand la dette résulte d'un titre non contesté : à l'aide de deux témoins gagnés et corrompus, il serait facile de détruire la foi due au titre le plus authentique, à l'acte le moins équivoque. La dette fondée sur un titre ne peut être détruite que par un autre établissant la preuve de la libération, suivant cet axiome: Contra scriptum testimonium, non scriptum non admittitur. Il n'y a d'exception à cette règle que lorsqu'on articule que la quittance a été perdue par suite d'un événement de force majeure, comme d'un incendie ou d'une inondation.

Boiceau professe à la vérité l'opinion contraire, et pense que la faveur de la libération doit faire admettre la preuve par témoins, parce que, l'ordonnance étant contre le droit commun, en ce qu'elle restreint les preuves et qu'elle ne parle que des contrats, elle ne peut être étendue à aucune autre hypothèse. Mais ce sentiment est combattu par son annotateur, par Danty lui-même, qui observe très-judicieusement « qu'il ne faut pas que la faveur de la libération nous fasse violer le premier précepte de la justice, qui est de ne point ôter à chacun ce qui lui appartient, en admettant la preuve par témoins que l'ordonnance a réprouvée elle-même à l'égard des conventions, cette preuve étant aussi périlleuse en matière de paiement qu'en matiere de convention, ainsi que Boiceau le reconnaît lui-même ».

Aussi Berault, sur l'art. 528 de la Coutume de Normandie, rapporte un arrêt du parlement de Roucn qui jugea que l'on

n'était pas même recevable à faire preuve qu'une quittance sous seing privé avait été vue et lue, parce qu'il est facile de supposer aux témoins une fausse quittance: ainsi, ajoute l'arrêtiste, cette preuve ne doit avoir lieu que quand il s'agit de prouver la perte d'une quittance devant notaire par accident de force majeure.

Le dernier état de notre jurisprudence est conforme à cette doctrine, que la Cour de cassation a consacrée de nouveau par l'arrêt suivant, dont voici l'espèce.

Par arrêt du parlement de Besançon, du 19 août 1786, et par deux exécutoires de dépens rendus en conséquence les 23 septembre et 8 mars suivant, la veuve Burtey avait été condamnée à payer au sieur Vigny une somme de 1,157 fr., tant pour dommages et intérêts que pour dépens.

Il paraît que la veuve Burtey paya un à-compte de 240 fr. sur ces condamnations. Depuis, elle décéda, laissant six héritiers, au nombre desquels étaient les sieurs Albin et Baptiste Bresson.

En 1809, les héritiers Vigny (car celui-ci était lui – même décédé) poursuivirent quatre des héritiers Burtey en paiement de leur part des condamnations prononcées contre leur auteur; et, le 20 novembre 1809, ils obtinrent contre eux un jugement non attaqué et devenu irrévocable.

Les sieurs Albin et Baptiste Bresson, qui n'avaient point été parties au jugement, y formèrent tierce opposition, et offrirent de prouver que la créance réclamée avait été entièrement acquittée. Les quatre autres héritiers précédemment condamnés intervinrent et demandèrent que la preuve fût admise, et que le jugement à intervenir fût rendu commun

avec eux.

Par un premier jugement du 9 avril 1810, le tribunal de Lure reçut la tierce opposition, la rendit commune aux quatre autres cohéritiers, et enfin admit les opposans à la preuve vocale de leur prétendue libération.

Un second jugement, du 20 août 1811, déclara l'enquête concluante, et rapporta celui du 20 novembre 1809, même

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