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pond pas, il est vrai, à la dictature républicaine, dont Auguste Comte annonçait l'avènement; mais aucune société contemporaine n'a évolué dans cette direction.

Au contraire, tous les vieux gouvernements autocratiques sont plutôt en voie de transformation constitutionnelle. Le régime représentatif s'est introduit au Japon et des tentatives se poursuivent, avec diverses chances de succès, pour le faire pénétrer en Russie, en Perse, en Chine. Seule, la Turquie résiste encore à ce mouvement politique universel; mais les mœurs du gouvernement actuel de ce pays ne sont pas de nature à réconcilier les amis du bien public avec le principe du gouvernement purement personnel, même affranchi des vices que l'origine héréditaire lui communique ordinairement.

D'ailleurs, la constitution de la troisième République ne fait nullement obstacle à l'institution d'un gouverneinent sociocratique, dont la valeur, sous quelque forme qu'il surgisse, ne sera jamais que le reflet de l'intelligence et de la moralité civiques de ses organes.

Par conséquent, les positivistes, dont la méthode consiste à toujours subordonner le subjectif à l'objectif, n'ont, pas plus que les autres républicains français, de bonnes raisons pour médire de cette constitution, et pour en réclamer le changement, sous prétexte qu'elle contredit quelques indications du Système de Politique Positive, élaboré par Auguste Comte.

ÉMILE CORRA.

(A suivre).

BULLETIN D'ANGLETERRE

Londres, le 28 Gutenberg (Montgolfier) 118.

9 septembre 1906.

POLITIQUE EXTÉRIEURE

Le Roi d'Angleterre a eu une entrevue avec son neveu l'Empereur d'Allemagne, en se rendant à Marienbad pour faire sa cure annuelle. De cette entrevue on a dit beaucoup de choses, mais comme le Roi n'était accompagné d'aucun de ses ministres, il n'est pas très probable qu'on y ait traité de questions politiques particulièrement importantes. Il y a quelques années, on aurait pu sûrement affirmer qu'il était impossible à un roi d'Angleterre d'engager une négociation sans un de ses ministres. Malheureusement, nous avons perdu cette saine politique, et des libéraux - des gens qui devraient avoir plus de bon sens semblent croire qu'il y a des avantages à ce que le Roi prenne quelquefois une initiative privée dans les questions politiques. Cela est sûrement très dangereux. Je concède, pour le moment, que l'Oncle de l'Europe a toutes les vertus politiques désirables, mais il ne faut pas perdre de vue que les Souverains ne sont pas immortels et que le nôtre pourrait avoir comme successeur un prince qui ne serait pas animé des meilleures intentions; on verrait alors combien on aurait eu tort de renforcer les prérogatives royales. Mais, dans notre relâchement général, on croit être très malin en ne regardant pas plus loin que le bout de son nez, suivant un dicton populaire. Espérons que nos neveux ne verront pas les mauvaises conséquences de cette politique imprévoyante et qu'ils n'auront pas à lutter pour reconquérir les libertés pour lesquelles nos prédécesseurs ont tant lutté.

L'Entente cordiale continue toujours. Je crois que les Français commencent à ne plus tant craindre le Détroit, et il faut dire que si la Manche ne permet pas aux hommes (ni aux dames) de la traverser à la nage, elle semble vouloir, en été au moins, rentrer ses vagues et dire aux vents de cesser leurs

ravages. Dans les rues de Londres on rencontre davantage de Français qui, même, viennent beaucoup plus en groupes qu'individuellement; des sociétés d'excursionnistes nous arrivent maintenant de différentes villes, de Dunkerque, de Rouen et d'autres cités. De même nous allons de plus en plus en France, et une centaine d'ouvriers d'un quartier pauvre de Londres de Walworth - ont été récemment passer quelques jours en Normandie. Nous ne pouvons que nous féliciter de cet état de choses, car plus les habitants des deux pays se connaîtront, plus les préjugés disparaîtront. On parle beaucoup d'une langue universelle, mais ce serait déjà un grand pas d'accompli si chaque Français savait l'anglais et chaque Anglais le français.

POLITIQUE COLONIALE

Le Gouvernement a accordé une Constitution au Transvaal. Il y aura une Chambre des députés ayant 69 membres : 34 de ces membres seront élus par le Rand, c'est-à-dire les districts des mines d'or, 6 par Prétoria, la capitale, et 29 par le reste du pays. On calcule que les 34 du Rand seront Anglais pour la plupart, de même que les 6 députés de Prétoria, tandis que les 29 seront certainement tous des Boers, et il se pourrait que quelques-uns des 34 le soient aussi. On voit que la majorité anglaise si on peut se servir de ce mot sera précaire. Les députés seront élus par le suffrage universel, tout électeur devant habiter au moins six mois dans la circonscription pour avoir droit à un vote. Les députés seront élus pour cinq ans ; ils recevront une indemnité et pourront prononcer leurs discours soit en anglais, soit en hollandais. Tout indigène ou Indien immigré n'aura pas de vote. Il y aura aussi une Haute Chambre composée de 15 membres nommés par le Ministère anglais. Mais dans l'avenir ses membres seront élus.

Le Gouverneur aura certains droits de surveillance sur les indigènes, et on ne permettra pas aux Chinois de rester dans le Transvaal, ni d'y venir à l'avenir sous les conditions actuelles de servage.

On peut dire que cette Constitution accorde des libertés nécessaires au Transvaal, mais en même temps elle montre une fois de plus la faillite de la politique de l'impérialisme. Le Transvaal devient une colonie, pour ainsi dire, indépen

dante, et on songe avec tristesse aux crimes qui ont été commis quand il aurait été si facile d'arriver à un bon résultat par des moyens pacifiques. Puissent les Boers oublier nos Camps de concentration et nous pardonner les horreurs de la guerre ! La question des indigènes offre bien des difficultés et demandera beaucoup de sang-froid pour qu'on puisse aboutir à un résultat satisfaisant. Le Caffre n'aime pas travailler dans les mines, et cependant, pour que les mines paient un bon dividende la seule chose qui intéresse les actionnaires

il faut de la main-d'œuvre à bon marché. On devra veiller avec soin ou, sans cela, les rois de l'or tâcheront toujours de forcer par un moyen ou un autre — l'indigène à descendre dans la mine.

Lorsque M. Chamberlain fit son voyage en Afrique, il nous dit avec un air de triomphe que le Transvaal allait nous faire un cadeau de 30 millions de livres sterling pour subvenir aux frais de la guerre ; je crois même que c'étaient les généreux propriétaires des mines qui devaient nous donner cet argent. Comme Sœur Anne de la légende, nos ministres des Finances regardent, mais, hélas ! ne voient rien venir. On a définitivement renoncé à ce cadeau, il paraît qu'on s'était trompé. Mais on va demander à ces généreux propriétaires d'avoir la grande bonté il faut toujours être poli avec tout le monde et, encore plus, avec les financiers de vouloir bien souscrire un emprunt de 4 millions sterling qui serait employé dans le Transvaal. On ne connaît pas encore leur réponse, mais on conviendra que la déception est grande entre un don de 30 millions et un emprunt de 4, car il va sans dire que les généreux souscripteurs recevront des intérêts.

On devra sous peu accorder une Constitution aussi à l'Orange, et là, comme c'est un pays agricole, l'élément boer sera prépondérant, car tous les rêves d'en faire une colonie où nos agriculteurs émigreraient se sont évanouis comme de la fumée.

L'insurrection au Natal a pris fin, mais on raconte à ce sujet toutes sortes d'horreurs. Une enquête s'impose et on devra aussi sérieusement considérer si, dans des colonies comme le Natal, où les indigènes sont si nombreux, on peut les laisser sous la dépendance du gouvernement local et si le gouvernement de l'Angleterre ne devrait pas les protéger. Aux Indes, l'agitation des indigènes contre l'importation

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des produits de l'Angleterre continue et le mécontentement paraît devenir plus grand. Il est évident que l'Hindou est en somme plus intelligent que le paysan Russe - doit se demander pourquoi il ne prendrait pas part au gouvernement de son pays, alors qu'il entend dire que, même en Chine, on va peut-être instituer un Parlement. Si notre gouvernement était prévoyant, il ferait tout son possible pour initier les Hindous au gouvernement de leur pays, car ce serait la seule manière de prévenir des désastres effroyables.

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POLITIQUE INTÉRIEURE

La session du Parlement a été close au mois d'août et les Chambres se rassembleront au mois d'octobre. Ceci n'est pas habituel, car ordinairement les Chambres ne siègent qu'en février. Les conservateurs trouvent cette innovation très dangereuse, mais, en fait, les vacances des Chambres sont trop longues. Il y a beaucoup de réformes à faire dans la conduite des affaires au Parlement les séances sont trop longues (de deux heures de l'après-midi à onze heures du soir), il y a trop de coutumes surannées qui avaient peut-être leur raison d'être il y a deux ou trois siècles, mais qui ne signifient plus rien actuellement; on considère trop le Parlement comme un Cercle, un endroit où on peut inviter ses amis et ses amies à prendre le thé ou à dîner. Or il conviendrait de se rappeler que le but du Parlement est de faire des lois et non d'être un endroit où on peut passer des heures agréables. Si les représentants de la jeunesse dorée et de l'aristocratie ne peuvent pas s'adapter aux nouvelles conditions sociales, on en sera quitte pour choisir des députés appartenant à d'autres classes de la société.

L'Irlande a perdu en M. Michael Davitt un des plus dévoués de ses enfants. Il fut l'un des fondateurs de la célèbre. Ligue agraire et toute sa vie fut consacrée à la défense du petit paysan contre les grands propriétaires. La plupart des Irlandais sont conservateurs, mais M. Davitt était un démocrate convaincu, et un de ses rêves était l'alliance du paysan irlandais et de l'ouvrier anglais.

MOUVEMENT POSITIVISTE

Le discours commémoratif du 5 septembre a été prononcé cette année par une dame Mme Bridger. La confé

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