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loi sur la liberté de la presse, malgré les abus inévitables qu'elle a provoqués.

C'est le point de départ du grand mouvement d'éducation populaire, que les conférences littéraires, scientifiques, philosophiques, économiques et politiques, rendent, d'année en année, plus régulier et plus intense.

Le Positivisme, pour sa part, a largement profité de cette liberté; grâce à elle, avec la plus complète indépendance, il a pu propager ses théories dans tous les milieux.

Enfin, la législation républicaine, relative aux libertés publiques, a été complétée par la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels. Cette loi a reconnu, à toutes les personnes exerçant la même profession, le droit de s'associer librement; elle a supprimé, pour les syndicats de cette nature, toutes les autorisations préalables, toutes les prohibitions arbitraires, toutes les formalités inutiles, antérieurement en vigueur.

Les patrons et les agriculteurs ont retiré de cette loi des bénéfices considérables. Les résultats n'ont pas été, jusqu'à ce jour, aussi satisfaisants pour le prolétariat, parce que son éducation civique laisse encore beaucoup à désirer, parce qu'il se montre inhabile à choisir, appuyer et conserver des chefs, parce qu'au lieu d'organiser de solides associations corporatives et de puissantes fédérations de métiers, comme en Angleterre et dans les États-Unis de l'Amérique du Nord, il se disperse généralement en une multitude de syndicats inconsistants, et surtout parce que, lâchant la proie pour l'ombre, il dédaigne trop les moyens d'aboutir à des améliorations professionnelles, immédiates, pour se mettre à la poursuite obstinée des chimères révolutionnaires.

Toutefois, la liberté d'association, accordée par la loi

du 21 mars 1884, est circonscrite à ceux qui exercent la même profession, des métiers similaires, ou des professions connexes concourant à l'établissement de produits déterminés.

De plus, les syndicats professionnels doivent avoir exclusivement pour objet « l'étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles ».

La loi du 1er juillet 1901 a généralisé la liberté d'association. Désormais, toutes les associations de personnes << qui mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité, dans un but autre que de partager des bénéfices », peuvent se former librement, sans autorisation ni déclaration préalable. La loi accorde même la personnalité juridique à ces associations, moyennant des formalités extrêmement simples qui consistent essentiellement dans la déclaration publique de leur existence.

Il n'y a d'exception à cette règle que pour les associations religieuses qui, en raison de leur hostilité permanente contre la République, ont été soumises, par la même loi, à des dispositions spéciales.

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Ainsi, la République n'a pas hésité à doter la France de la liberté municipale, de la liberté de la presse, des libertés de réunion et d'association, et toutes ces mesures ne l'ont nullement ébranlée, en dépit des clameurs des timorés, des armes qu'elles ont fournies à ses adversaires, et des quelques excès auxquels l'apprentissage de la responsabilité personnelle devait fatalement donner naissance chez un peuple longtemps dominé par des gouvernements oppresseurs et par des habitudes mentales théologiques.

De même, malgré les sombres pronostics des intéressés, momentanément troublés dans leur béatitude égoïste, elle n'a souffert de l'application d'aucune des nombreuses lois sociales qu'elle a promulguées dans le but d'introduire, dans les rapports des entrepreneurs et des travailleurs, plus de justice et d'humanité.

Après une effervescence passagère, provoquée par la réaction des intérêts effarouchés, les lois relatives à la réglementation du travail, à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs, aux accidents du travail, à l'assurance contre l'invalidité et la vieillesse, au placement des ouvriers, au repos hebdomadaire, sont entrées ou entreront dans les habitudes, sans violence, sans contrainte, parce qu'elles sont inspirées par des sentiments généreux auxquels ceux que leur application incommode finissent toujours par rendre hommage.

Le Positivisme lui-même n'a pas été sans influer directement sur cette partie de l'œuvre bienfaisante de la troisième République.

Sans négliger, un seul instant, le devoir qu'il s'est imposé de faire, de la Fédération Française des Travailleurs du Livre, dont il est le secrétaire général depuis plus de vingt-cinq ans, le type de l'organisation syndicale ouvrière, dans notre pays, notre confrère, M. Keufer, a collaboré fructueusement à tous les travaux du Conseil supérieur du Travail que M. Jules Roche a institué, en 1891, au Ministère du Commerce et de l'Industrie, pour fournir, au gouvernement, des avis éclairés sur la législation du travail; il est, depuis 1900, vice-président ouvrier de ce Conseil, et c'est sur un rapport de lui qu'un Office du Travail a été créé, pour l'étude et la réunion permanentes des matériaux de la même législation.

En outre, M. Keufer a été, plusieurs fois, délégué, par le gouvernement de la République, aux conférences

internationales que les États Occidentaux tiennent pour

l'élaboration de lois internationales sur le travail.

Un autre prolétaire positiviste, M. Isidore Finance, d'abord chef de section à l'Office du Travail, aujourd'hui sous-directeur à la Direction du Travail, a été l'inspirateur, puis, pour la plus grande partie, l'auteur de la loi du 27 décembre 1892 sur la conciliation et l'arbitrage facultatifs en matière de différends collectifs entre patrons et ouvriers ou employés.

Enfin, c'est encore un de nos confrères, M. Fagnot, enquêteur à l'Office du Travail, qui a été le promoteur de la décision qui attribue, dans des conditions déterminées par le décret du 9 septembre 1905, des subventions de l'État aux ouvriers victimes de chômages involontaires que les fluctuations économiques engendrent trop

souvent.

Néanmoins, sans nier l'efficacité de l'intervention législative dans les problèmes de cette nature, dont la solution a toujours pour dernier objet la socialisation de la richesse, sans méconnaître non plus l'utilité d'une action politique parallèle à l'action philosophique, les positivistes doivent continuer à mettre toutes leurs espérances d'avenir dans la régénération, plus lente, mais plus sûre, des idées et des mœurs, et dans l'avènement d'une morale sociale qui pousse les patrons et les prolétaires à remplir spontanément leurs devoirs réciproques, si bien synthétisés par Auguste Comte dans ces deux formules:

Dévouement des forts aux faibles.
Respect des faibles pour les forts.

ÉMILE CORRA.

(A suivre).

LA CRISE DE L'ORIENT

Ses Causes, ses Remèdes

AVANT-PROPOS

« Je dédie ce modeste travail à la mémoire des hommes illustres de mon pays. C'est à leurs talents, à leurs efforts, à leur dévouement patriotique que la Turquie doit son existence. >>

A. R.

Quand on cherche la vérité dans un but humanitaire, la première règle de conduite est d'entendre indistinctement tous les témoignages. Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son. Ceux qui veulent voir clair dans les affaires de la Turquie ne refuseront peut-être pas de prêter une oreille sympathique à la voix d'un Turc.

Il est rare l'Européen qui va, sur les lieux mêmes de leurs souffrances, interroger les diverses nationalités du pays, sans parti-pris et sans se préoccuper de flatter telle ou telle opinion courante. Il est rare celui qui a pu voir les choses, dans leur ensemble, comme elles sont, et examiner, analyser les institutions fondamentales dans leurs rapports avec les croyances, les mœurs et la condition sociale du peuple.

La plupart des étrangers qui ont été en Orient n'ont recueilli que des renseignements incomplets. Ils on peutêtre causé avec quelques indigènes, isolément, et cela toujours par l'intermédiaire d'un truchement peu fidèle. Mais

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