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La solution no 5 a été approuvée par 4 journaux comptant 5.400 abonnés.

Plus de la moitié des journaux d'Alsace-Lorraine n'a pas donné de réponse. Ce serait une grosse erreur de croire que ces journaux, partisans de la première solution, ont redouté de donner leur opinion. Il est beaucoup plus probable que la plupart auraient été partisans de la cinquième solution, car ce sont en grande partie des feuilles officielles ou sans opinion. On peut donc prétendre que le résultat ci-dessus obtenu donne à peu près exactement la situation et l'état d'esprit de l'Alsace-Lorraine, en d'autres mots, que si peu de personnes désirent le retour à la France ou l'autonomie complète du pays, peu de personnes également sont satisfaites de l'état actuel.

Il se trouve en effet une majorité énorme pour réclamer l'Autonomie intérieure du pays impérial et une situation égale à celle des autres États de la Confédération. Tous les partis doivent le reconnaître. C'est ainsi que M. Wolf, rédacteur en chef du Journal de Strasbourg, et vice-président du « Parti Libéral », en parlant de la question IV, remarque que ce programme est le terrain commun de tous les partis qui veulent que l'Alsace-Lorraine demeure allemande. Le journal chauvin, « la Gazette de Strasbourg » est lui-même partisan de la quatrième solution et déclare qu' « avec le temps on en viendra à l'autonomie intérieure, qu'il ne faut pas presser les choses ». << Ne pas presser les choses » est vraiment bon quand on pense que, depuis 36 ans, les Alsaciens-Lorrains attendent en vain la reconnaissance de leurs droits les plus élémentaires.

Ils ne veulent pas être des Allemands de deuxième classe et ils ont raison.

Plusieurs journalistes de la partie Alsacienne-Lorraine de langue française se montrent également partisans de la solution IV. L'un d'eux écrit :

« J'approuve entièrement la haute et noble pensée qui a présidé à la fondation de la Ligue franco-allemande. Je partage entièrement votre conviction, que les destinées politiques de l'Allemagne resteront faussées, tant qu'elles ne seront pas liées, d'une façon ou d'une autre, à celles de la France. Je déplore, avec vous, l'aveuglement de l'opinion en Allemagne sous ce rapport. En ce qui concerne les questions que vous me posez, j'éprouve quelqu'embarras à y répon

dre...... La Haute-Alsace Mulhouse et Colmar voteraient certainement pour I. Les sentiments anti-allemands y sont beaucoup plus vivaces que dans la partie de la Lorraine parlant le français, que vous proposez, le cas échéant, de rendre à la France - ce qui, par rapport aux populations de la Haute-Alsace, constituerait une injustice. »

......

... Cependant ceux qui conservent l'espoir de redevenir jamais Français, sont le petit nombre. La plupart des AlsaciensLorrains ont écarté complètement cette éventualité de leurs supputations d'avenir. On peut donc se demander ce qui serait leur désir en l'état actuel des choses.

La question V est à rayer. Aucun Alsacien autochtone n'y souscrira jamais.

La question IV est un minimum qui rallierait tous les suffrages, à défaut de la question III — un maximum sur lequel on pourrait obtenir aussi une puissante majorité, le jour où cette éventualité sortirait réellement du domaine de l'utopie pour entrer dans le domaine des choses possibles.

Une autre voix très sensée s'écrie :

« Vous désirez connaître ce que nous pensons au sujet d'un rapprochement entre la France et l'Allemagne, et demandez à ce que nous répondions à l'une de vos cinq questions.

« Je ne puis que vous donner mon opinion personnelle que voici :

<< Personne en Alsace-Lerraine ne désire une guerre, tout le monde la déplorerait, et un rapprochement entre la France et l'Allemagne serait un heureux événement.

« Mais avant tout, il serait nécessaire que l'Allemagne se rende sympathique aux Alsaciens-Lorrains; malheureusement trop souvent on a fait le contraire, et il semble qu'en haut lieu on a toujours été défavorablement renseigné.

« L'incorporation dans l'armée allemande des jeunes gens nés avant 1871, a été une lourde faute, elle a été la cause que chaque année, des milliers de jeunes gens se sont rendus en France, ce qui a engagé de nombreuses autres personnes à quitter aussi le pays, de sorte qu'aujourd'hui, il n'existe que peu de familles en Alsace Lorraine, qui n'aient pas des liens de parenté de l'autre côté de la frontière.

« Pourquoi a-t-on négligé d'accorder une amnistie générale à tous les réfractaires Alsaciens-Lorrains, pour mettre une fois un terme à ces cruelles séparations entre enfants et

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parents? Peut-on demander à ce que cette catégorie, de nombreux Alsaciens-Lorrains, puisse se déclarer satisfaite ?

« Avec cela, il faudrait l'autonomie intérieure de l'AlsaceLorraine ; ces deux actes importants ne manqueraient pas de produire la plus heureuse influence sur les populations des deux provinces, cela arrondirait bien des angles, et conduirait à des résultats plus importants. »

Un rédacteur de l'Alsace Supérieure écrit :

« Je crois bien vous décrire l'état d'esprit de la plupart des habitants de l'Alsace (autant que j'ai appris à connaître la population des régions de Strasbourg, Colmar, Mulhouse et Guebweiler) en vous disant que nos compatriotes — je suis natif de Strasbourg et un vieil Alsacien — désireraient l'autotonomie intérieure de l'Alsace-Lorraine, c'est-à-dire la quatrième solution de votre circulaire. J'en suis également partisan. »

Un autre rédacteur de l'Alsace Supérieure écrit :

« La tendance que tous les partis ont en Alsace à transformer le pays Impérial en un État jouissant de l'autonomie intérieure ne peut être favorisée par une telle enquête... »

Nous croyons tout au contraire qu'il est très important de pouvoir, documents en mains, expliquer ce que dit l'opinion publique et ce que veulent les Alsaciens-Lorrains.

Notre Circulaire a pour résultat de montrer clairement qué tous les partis du pays exigent une autonomie intérieure et une situation égale à celle des autres États Allemands. L'Alsace-Lorraine veut être allemande, mais elle ne veut pas être une province prussienne dirigée par Berlin.

Aussitôt que nous aurons donné au pays Impérial un Langtad propre et une représentation au Bundesrath, nous verrons immédiatement disparaître ce qui reste de réfractaires. Une politique tendant à infuser aux Alsaciens-Lorrains l'esprit allemand à l'aide de chicanes et de mesures répressives est une politique anti-nationale. Traitons-les en frères, ils agiront envers nous fraternellement et se tiendront à nos côtés le jour où nous en aurons besoin.

(Traduction Pierre Ajam).

H. MOLENAAR.

Est-il besoin de spécifier que les conclusions de M. Molenaar (en contradiction formelle avec celles que M. Anton Nyström a déduites de son impartiale enquête) lui sont strictement personnelles et ne sauraient engager, à aucun degré, la responsabilité de la Direction et du Conseil de rédaction.

C. H.

Anarchisme et Positivisme.

Notre confrère, Maurice Ajam, vient de faire paraître dans la Revue Politique et Parlementaire (du 10 septembre 1906) un important article sur les idées-mères de l'Anarchisme.

Notre confrère a surtout étudié la manière dont l'école anarchiste comprend la sociologie et il a analysé dans ses grandes lignes le dernier ouvrage de Kropotkine, l'Entr'aide (1), livre dans lequel ce philosophe de l'anarchie a essayé une dynamique sociale.

M. Ajam fait justement remarquer que l'apologie du MoyenAge, considérée comme une époque d'harmonie sociale, est tout entière empruntée à Auguste Comte. Les admirateurs de Kropotkine auraient tort de considérer cette vue comme une nouveauté. L'écrivain anarchiste a esquissé une histoire du développement de la sociabilité humaine qui est tout simplement un résumé du troisième volume de la Politique Positive. Il ne se sépare d'Auguste Comte qu'au XVIIe siècle, car, pour lui, toute la période d'organisation de la Royauté et de formation de l'idée d'État est une période de régression.

Il était fort intéressant de noter tout ce que la philosophie anarchiste avait emprunté à la doctrine positiviste, laquelle est directement une source où viennent s'abreuver les esprits les plus divers.

M. Ajam termine son étude en observant que si le Positivisme a fourni une documentation sociologique précieuse à Kropotkine, il oppose à ses rêves un obstacle insurmontable qui est tiré de l'étude même de la nature humaine.

Le système anarchique est tout entier basé sur ce principe que l'homme est naturellement bon et qu'il suffit de le laisser obéir à ses instincts pour qu'il construise une société parfaite. Le critique positiviste a établi fortement qu'il n'y avait nulle société sans une discipline extérieure et intérieure. Il suffit de regarder pour voir que seul le Positivisme est en accord avec les faits.

L'étude de notre confrère mérite d'être lue attentivement par tous nos coreligionnaires.

(1) L'Entr'aide, 1 vol., Stock, édit., 1906.

L. R.

Ce qui manque au commerce belge d'exportation. Un vol. in-16 de 295 p., par G. de LeeneR. (Édité chez Tisch et Thron, Bruxelles et Leipzig).

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On sait avec quel intelligent esprit de vulgarisation l'Institut de Sociologie de Belgique, soucieux de ne point limiter son activité à de pures investigations scientifiques, s'est donné la tâche dans une série spéciale de publications — d'étudier et de mettre à la portée du grand public les principales questions d'actualité sociale. « Rechercher entre des solutions diverses celle qui assure à l'activité des hommes le rendement maximum; dégager les facteurs qui modifient la productivité des groupes ou des individus pour découvrir les moyens de l'accroître rationnellement », tel est le principal objectif des distingués collaborateurs scientifiques de l'Institut de Sociologie dans les travaux qu'ils publient successivement sous la rubrique « Actualités Sociales ». C'est ainsi que dernièrement M. G. de Leener vient de faire paraître une étude des plus circonstanciées sur « Ce qui manque au commerce belge d'exportation » - Ainsi que l'indique ce titre, un peu spécial peut-être, M. de Leener s'adresse plus particulièrement à ses compatriotes mais il n'a pas fait seulement une étude d'économie nationale. Certes, son dessein le plus direct est bien d'avertir les exportateurs belges des défauts de leurs méthodes commerciales en même temps que de leur donner des conseils destinés à remédier à ces défauts; mais par les considérations générales, par les observations précieuses qu'il multiplie à chaque page, par la nature même de son sujet, M. de Leener doit retenir l'attention des économistes aussi bien que celles des commerçants et des industriels du monde entier. La portée de son livre et des nombreux enseignements qu'il renferme est beaucoup plus générale que son titre ne pourrait le faire prévoir. Par la brève et forcément incomplète analyse qui va suivre, nous n'avons d'autre but que d'en signaler l'intérêt à tous ceux qui se préoccupent des questions d'économie sociale.

Nous ne nous arrêterons pas aux premières pages dans lesquelles M. de Leener jette le cri d'alarme et montre par des statistiques et des graphiques des plus clairs les signes de décadence relative du commerce belge d'exportation. Cette partie est, en effet, d'un intérêt presque exclusivement national, et, bien que nous ne nous désintéressions nullement des

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