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que

Dispositio hominis facit cessare dipositionem legis. Il y a d'ailleurs une grande différence entre la question de savoir si le testateur peut ordonner, au préjudice de ses créanciers, qu'ils n'auront le droit d'exiger leurs créances de l'un des héritiers, et celle de savoir si le testateur pout stipuler avec les créanciers, au préjudice des héritiers, que ceux-ci seront tenus solidairement du payement de toutes les dettes la première question, comme nous venons de le dire, doit être résolue négativement; la seconde, au contraire, tire sa solution affirmative du principe que nous venons de rappeler, que les héritiers doivent tenir toutes les promesses légalement souscrites par leur auteur (1). Il ne peut y avoir qu'une exception, c'est le cas où le contrat porterait atteinte à la légitime d'un héritier (2).

Les auteurs qui soutiennent l'opinion contraire (3), se fondent principalement sur les L. 56, § 1, de V. O., et 69, § 2, de leg. 10. Mais la première de ces lois parle du cas où le testateur, par contrat passé avec ses créanciers, a chargé un seul de ses héritiers de payer toutes les dettes, et elle dispose que ce payement total, fait par l'héritier, ne profite pas aux autres, qui doivent chacun lui rembourser leur portion ; et quant à la loi 69, S2, de legat. 1o., elle parle d'un cas entièrement différent de celui dont il s'agit ici.

(1) L. 14, C. de reivind.

(2) Stryckius, Cautel. contr. 3, c. 4, § 6. ›

(3) Mevius P. 5, Decis. 66.

Carpzovius P. 3, Dec. 252.

Il y a pourtant, suivant le droit romain, un cas où le testateur peut faire un partage de ses dettes autre que celui de la loi, partage qui est même obligatoire pour les créanciers de la succession; c'est lorsqu'il institue un individu héritier de son pécule militaire, et un autre, héritier de son pécule païen; alors le premier n'est tenu que du payement des dettes que le testateur avait contractées comme militaire; le dernier doit payer toutes les autres. Si un de ces héritiers répudie la succession, l'autre est tenu, ou d'accepter la part à laquelle son cohéritier a renoncé, et de payer toutes les dettes du défunt, ou de délivrer la succession entière aux créanciers (1).

que

Nous avons dit les héritiers ne sont tenus de contribuer au payement des dettes que chacun pour leur part et portion; mais cependant, si l'un d'eux a payé plus qu'il ne devait, peut-il réclamer des créanciers la restitution du surplus comme donné indûment? L'opinion la plus juste me paraît être qu'il ne le peut pas. Les créanciers n'ont reçu que ce qui leur était dû (2); or, la condictio indebiti n'est pas admise contre le créancier qui n'a touché que le montant de sa créance, lors même qu'il n'a pas été payé par le vrai débiteur (3).

Les principes du droit romain sur la manière dont les cohéritiers doivent contribuer au payement des dettes de

(1)L. 17, § 1, de testam. milit.; L. 16, de compensat.-Voël, Comment. ad D. L. 29, tit. 2, § 23.

(2) L. 6, § 7; L. 24, quæ in fraud. credit.
(3) L. 44, D. de condict. indeb.

la succesion, étaient contraires à l'esprit de nos anciennes coutumes, qui avaient admis, dans chaque hérédité,diverses espèces de successions et diverses classes d'héritiers; en conséquence ces coutumes ne les avaient point admis, et avaient assujetti chaque héritier à contribuer aux dettes, en raison de son émolument dans chaque espèce de biens sur lesquels ces dettes étaient affectées.

L'article 334 de la coutume de Paris l'ordonnait expressément, et la disposition en était observée dans toutes les coutumes qui n'avaient pas réglé cet objet. Il faut cependant observer que, suivant le même article 334, l'aîné ne devait pas contribuer au payement des dettes plus que ses cohéritiers, quoiqu'il eût droit à une plus grande partie de la succession; pour régler sa contribution, on faisait abstraction de ce qu'il recueillait à cause de son droit d'aìnesse. Ainsi, par exemple, il n'était pas tenu de payer une plus grande portion que ses frères et sœurs du prix du fief qui était encore dû (1).

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La règle établie par l'article dont il s'agit, n'avait cependant lieu qu'entre les héritiers; elle ne concernait aucunement les créanciers du défunt ; ceux-ci avaient le droit de poursuivre les héritiers, personnellement pour leurs portions viriles, et hypothécairement pour le tout, sauf à celui qui payait au delà de ce qu'il devait, d'exercer son recours contre les autres. La raison en était, que pour ecnnaître l'émolument qui revenait à chaque héritier, il fallait faire une ventilation des biens de la succession, et

(1) Dumoulin sur l'art. 18 de la Cout. de Paris, nomb. 12.

que

que

les créanciers ne pouvaient être obligés, ni de la demander, ni de l'attendre.

Telle était la manière de contribuer aux dettes personnelles du défunt. Quant aux charges réelles attachées au fonds, de telle manière que le défunt en eût été déchargé en abandonnant le fonds même, les coutumes en avaient chargé seulement l'héritier qui succédait à ce fonds; il ne pouvait prétendre, à cet égard, aucune récompense de ses cohéritiers, si ce n'était pour les arrérages échus au jour de l'ouverture de la succession (1).

Le Code civil, de même que le droit romain, n'ayant ad mis aucune distinction entre les biens de la succession, et en ayant ordonné le partage entre tous les héritiers sans aucun privilége, ni quant à la qualité des personnes, ni quant à la qualité ou à l'origine des biens, il en résulte, que sous l'empire de ce Code, comme dans le droit romain, la division des dettes doit s'opérer entre les héritiers à proportion de leurs portions héréditaires. Lors même que le partage d'une succession se fait par souches, ce n'est point par souches que doit avoir lieu la contribution aux dettes entre les héritiers; c'est toujours par tête, et dans la proportion de la part que chacun recueille personnellement dans la masse totale des biens qui composent l'hérédité (2).

Ce principe sur la division des dettes souffre pourtant

(1) Louet, lett. D., somm. 14 et 15. — Leprêtre, cent. I, chap. 6.

(2) Chabot, Commentaire sur la loi du 29 germinal an XI à l'art. 870 du C. N.

une exception nécessaire à l'égard des dettes indivisibles; comme elles ne peuvent pas être partagées, chaque héritier en est tenu pour la totalité (1). L'héritier assigné a néanmoins la faculté de demander un délai pour mettre en cause ses cohéritiers, à moins que la dette ne soit de nature à ne pouvoir être acquittée que par lui-même ; dans ce cas, il peut être condamné seul, sauf son recours contre ses cohéritiers (2).

Une seconde exception a lieu à l'égard des dettes hypothécaires si un héritier a reçu, par le partage, une portion quelconque d'un immeuble hypothéqué, il peut être * contraint à payer la totalité de la dette, ou à délaisser l'immeuble, l'hypothèque étant toujours indivisible de sa nature (3); cependant, lorsqu'il a payé plus qu'il ne devait personnellement, il a un recours contre ses cohéritiers.

Si un héritier est en même temps créancier de la succession, il ne s'opère de confusion de sa créance que pour la part dont il est tenu comme héritier; il peut toujours, mais après avoir fait déduction de cette part, contraindre hypothécairement pour le reste ceux de ses cohéritiers qui sont détenteurs des immeubles spécialement affectés à sa créance.

(1) Art. 1222 et 1223 du C. N. (2) Art. 1225 du C. N.

(3) Art. 2114 et 2172 du C. N..

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