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car il

ment la perte toute entière retomberait sur lui seul, ne serait pas juste que les autres fussent victimes de sa négligence ou de sa connivence.

Lorsqu'un héritier a cédé ses droits successifs, ce n'est plus contre lui que l'action hypothécaire peut être intentée, mais contre le cessionnaire ; la raison en est, que les actions de cette espèce ne peuvent être exercées que contre le détenteur de l'immeuble hypothéqué (1).

Le créancier hypothécaire a, comme nous l'avons dit au commencement du chapitre I du présent titre, le choix de l'action hypothécaire ou de l'action personnelle; il s'ensuit que s'il a laissé prescrire l'action hypothécaire, il peut encore se servir de l'action personnelle, sans que les héritiers, légataires et donataires, puissent lui opposer sa négligence. Il avait la faculté de renoncer, comme bon lui semblait, à l'une de ses deux actions, et d'ailleurs l'extinction de l'hypothèque n'opère pas l'extinction de l'obligation principale qui peut encore subsister sans son ac

cessoire.

CHAPITRE III.

Du bénéfice de séparation des patrimoines

SECTION I.

De la nature de ce bénéfice et des personnes auxquelles il compète.

Les créanciers de la succession ont le droit d'exiger

(1) Pothier, Traité des successions, chap. 5, art. 4. Lebrun, Traité des successions, liv., chap. 2, sect. 1.

leur payement sur les biens qui la composent, par préférence aux créanciers personnels de l'héritier; mais ceuxci pourraient facilement les dépouiller de ce droit en acquérant hypothèque sur les biens : c'est pour éviter cet inconvénient, pour assurer aux créanciers de la succes→ sion l'entier exercice de leurs droits, que la loi leur a accordé la faculté de demander la séparation du patrimoine du défunt d'avec celui de l'héritier (1).

Ce droit, tiré originairement de l'édit du préteur, était admis en France, tant dans les pays coutumiers que dans ceux de droit écrit; le nouveau Code l'a adopté. II compète :

1o. Aux légataires, sur la partie des biens qui reste après l'acquittement des dettes (2);

2o. A tous les créanciers du défunt, tant chirographaires qu'hypothécaires (en tant qu'il peut être utile à ceux-ci (3)), contre tous les créanciers de l'héritier, sans distinction (4); peu importe que les droits des créanciers de la succession soient exigibles, ou ne soient que conditionnels ou à terme (5).

Ce bénéfice peut être utile aux créanciers hypothécaires de la succession:

(1) L. 1. § 1, L. 4, princ. L. penult. pr., D. de separ.

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(2) L. 4, IS 1. L. 6, in princ., D. de separat. Art. 2111 du C. N.

(3) Voët, ad tit. D. de separat., § 2. Lauterbach, diss. de separ., C. III, § 8.

(4) L. 1, § 4, D. de separat. Art. 878 du C. N.

(5) L. 1, § 1 L. 4, princ., et L. penult., D. de separat.

1o. Lorsqu'il y a des créanciers de l'héritier dont les hypothèques grèvent généralement tous ses biens présens et à venir, et sont en même temps plus anciennes que celles des créanciers de la succession;

2o, Lorsque les créanciers hypothécaires de l'héritier sont privilégiés, comme le fisc, car alors ceux-ci sont préférés aux créanciers de la succession non privilégiés, lors même que les hypothèques de ces derniers sont plus anciennes (1).

Le premier cas ne peut plus avoir lieu depuis l'introduction du nouveau système hypothécaire, d'après lequel l'hypothèque conventionnelle ne peut plus être que spéciale (2).

Le second cas peut encore avoir lieu, car les créanciers de l'héritier qui, d'après le Code Nap., ont des priviléges, sont préférés aux autres créanciers, même hypothécaires, par conséquent aussi aux créanciers hypothécaires du défunt, en cas de confusion des biens de celui-ci avec les biens de l'héritier (3).

L'héritier partiaire du défunt peut aussi demander la séparation des patrimoines pour ce qui lui est dû par la succession (4).

Le droit de demander la séparation des patrimoines ne compète pas aux créanciers de l'héritier (5). Il y a pourtant, selon le droit romain, deux exceptions à ce principe,

(1) L. 1, § 3, D. de separat.

(2) Art. 2129 du C. N.

(3) Art. 2095 du C. N.

(4) L. 7,

C. de bon. auth, jud. poss.

(5) L. 1, §1, 2, de separat. Art. 881 du C. N.

savoir: 1o. si on avait engagé frauduleusement un individu à accepter une succession suspecte, avec l'intention de la restituer, et qu'il ne trouvât ensuite personne à qui la rendre, ses créanciers et lui-même pouvaient demander la séparation des patrimoines (1).

2o. Si l'héritier avait accepté la succession en fraude des droits de ses créanciers, et sachant qu'elle était mauvaise, le préteur venait extraordinairement, et dans des cas trèsrares, au secours de ces derniers, et leur accordait la séparation (2). Cette dernière exception peut encore avoir lieu d'après le Code Napoléon (3).

SECTION II.

Des effets de la séparation de patrimoines.

Les effets de la séparation de patrimoines accordée par le juge, sont :

1o. Que la séparation ne profite qu'à ceux des créanciers de la succession qui l'ont demandée. Les patrimoines ne sont donc séparés que pour la portion de ceux qui l'ont réclamée, et de là il suit qu'ils ne reçoivent que ce qu'ils auraient reçu, si tous les créanciers eussent demandé la séparation. Le reste du patrimoine du défunt, c'est-à-dire, la portion de ses biens que ses autres créanciers auraient reçue, s'ils eussent demandé la séparation, se confond avec le patrimoine de l'héritier. Les créanciers dont il s'agit y

(1) L. 1, § 6, D. de separat. (2) L. 1, § 5, D. de separat. (3) Art. 1167 du C. N.

viennent concurremment avec les créanciers de celui-ci (1).

2o. Que ceux qui ont demandé la séparation sont préférés, relativement aux biens de la succession, à tous les créanciers de l'héritier, et même autres créanciers de la successi on qui ne l'ont pas demandée (2).

Cependant d'après les principes du Code Napoléon, les créanciers de la succession et les légataires qui ont demandé la séparation du patrimoine du défunt, ne conservent, à l'égard des créanciers des héritiers ou autres représentans du défunt, leurs priviléges sur les immeubles de la succession, que par des inscriptions faites sur chacun de ces immeubles dans les six mois, à compter de l'ouverture de la succession; avant l'expiration de ce délai, aucune hypothèque ne peut être établie avec effet sur les biens par les héritiers ou représentans, au préjudice de ces créanciers ou légataires (3).

Il est hors de doute que si les créanciers de la sucession, au nombre desquels se trouvent aussi les légataires, n'absorbent pas entièrement les biens de l'hérédité, tout ce qui reste de ces biens est soumis aux droits des créanciers personnels de l'héritier, parceque c'est la propriété de leur débiteur (4).

Mais, au contraire, les créanciers de la succession qui ont obtenu la séparation de patrimoines, et qui n'ont pu

(1) Voët, ad tit. D. de separat.

(2) L. 1, § 16, D. de separat. Art. 878 du C. N. (3) Art. 2111 du C. N.

(4) L. 1, § 17; L. 3, in fin.; L. 4, D. de separat.

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