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DU

CONSULAT ET DE L'EMPIRE.

PREMIÈRE PARTIE.

NAPOLÉON BONAPARTE.

EMPIRE.

CHAPITRE VI.

Procès

Constitutions de l'Empire. Protestations du prétendant Louis XVIII. et jugement de George Cadoudal et de ses complices. Bonaparte à Boulogne - Résultat du vote du peuple Français, sur le Sénatus-Consulte du 28 Floréal. - Pie VII à Paris. - Cérémonies du couronnement et du sacre de Leurs Majestės impériales.

(MAI 1804. JANVIER 1805.)

Le fait est accompli. Le génie de Bonaparte a triomphe de 1789. Ne demandons pas au nouveau régime qui va se lever sur la France, ce qu'il ne saurait lui donner la liberté civile et politique. Comme un arbre immense, dont les robustes racines plongent dans les entrailles de la terre, l'empire étendra désormais sur la nation son

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nation son dôme protecteur. La gloire en sera le fruit brillant, mais infécond. Les hautes cimes attirent la foudre, il est vrai, et le pays sera frappé un jour par le feu du ciel, pour avoir cherché un abri sous le colosse impérial; mais l'avenir d'un grand peuple, l'affranchissement de vingt générations, ne sont pas trop chers au prix de telles catastrophes. Toute menteuse qu'elle était, l'élection quasi populaire de Napoléon empereur, consacra cependant le principe de la souveraineté du peuple, que la France paya, ainsi, de 1804 à 1815, de sa liberté et de son sang. Aurons-nous le courage de la plaindre, lorsque nous aurons compté les lauriers et les triomphes de cette époque fabuleuse ?

Le sénatus-consulte organique du 28 floréal, qui bouleversait de fond en comble la Constitution de l'an VIII, ou plutôt qui substituait à celle-ci une Constitution toute nouvelle, était divisé en seize titres et en cent quarante-deux articles, savoir: Le titre I: du Gouvernement, en 2 articles; le titre II: de l'Hérédité, en 6 articles; le titre III: de la Famille impériale, en 8 articles; le titre IV de la Régence, en 15 articles; le titre V: des Grandes dignités de l'empire, en 16 articles; le titre VI: des Grands officiers de l'empire, en 4 articles; le titre VII: des Serments, en 5 articles; le titre VIII: du Sénat, en 18 articles; le titre IX: du Conseil d'Etat, en 3 articles; le titre X du Corps-Législatif, en 10 articles; le titre XI: du Tribunat, en 10 articles; le titre XII: des Colléges électoraux, en 3 articles; le titre XIII: de la Haute Cour impériale, en 33 articles; le titre XIV: de l'Ordre judiciaire, en 3 articles; le titre XV: de la Promulgation des lois, en 5 articles; le titre XVI: en un seul article, soumettant la question de l'hérédité impériale à la sanction populaire.

Le titre 1" plaçait le gouvernement de la république entre les mains d'un empereur, au nom duquel était rendue la justice; Napoléon Bonaparte, premier Consul de la république, était nommé empereur des Français.

Par le titre II, la dignité impériale était héréditaire dans la descendance directe, naturelle et légitime de Bonaparte, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion des femmes et de leur descendance. L'adoption était permise à Bonaparte, mais interdite à ses successeurs. A défaut d'héritier naturel et légitime ou d'héritier adoptif de Napoléon Bonaparte, la dignité impériale était dévolue et déférée à Joseph Bonaparte et à ses descendants, par ordre de primogéniture, de mâle en mâle; à défaut de Joseph Bonaparte ou de ses descendants mâles, la couronne impériale était attribuée à Louis Bonaparte, dans les mêmes conditions qu'à ses deux frères; enfin, à défaut d'héritiers de Napoléon, de Joseph ou de Louis Bonaparte, un senatus-consulte organique, proposé par le titulaire des grandes dignités de l'empire et soumis à l'acceptation du peuple, devait nommer l'empereur et régler, dans sa famille, l'ordre de l'hérédité.

L'empereur avait quatre frères; deux seulement étaient donc éventuellement appelés à lui succéder, d'après le titre II du senatus-consulte. Lucien et Jérôme se trouvaient, comme on le voit, exclus du trône impérial. Sans chercher, comme on l'a fait avant nous, les motifs de cette exclusion dans les opinions politiques des deux disgraciés, constatons seulement que Jérôme et Lucien s'étaient rendus coupables, aux yeux de Napoléon, d'une faute que son orgueil d'empereur ne pouvait leur pardonner : ils s'étaient aliéné son amitié, le premier, en s'unissant à miss Paterson, la fille d'un négociant de Baltimore, et le second, en épousant, par amour, une dame Jauberton. Le 11 ventôse suivant, le Journal des Débats donna au public le mot de cette énigme; il publia un acte du gouvernement, qui faisait défense à tout officier de l'Étatcivil de l'empire français, de recevoir sur ses registres la transcription de l'acte de célébration d'un prétendu mariage, que monsieur Jérôme Bonaparte avait contracté en pays étranger, en âge de minorité, sans le consentement de sa mère et sans publications préalables dans le lieu de son domicile. Les temps étaient loin déjà,

où le général en chef de l'armée d'Italie sollicitait, comme une grande faveur, la main de la veuve d'un député à l'assemblée Constituante, tandis que la fille d'un simple négociant, mademoiselle Clary, était un parti sortable pour son frère Joseph. Napoléon avait déjà assez de mésalliances dans sa famille; il voulait désormais que la raison d'État présidât seule aux mariages qui se feraient parmi ses proches, et il avait honte de mettre un jour, sur le trône de France, les descendants de miss Paterson ou de madame Lucien. Le sang de sa famille, illustré cependant par la victoire et le succès, ne lui paraissait même plus assez noble; bientôt, il allait demander à une fille de la maison d'Autriche, quelques éclats de ce prestige que possèdent les vieilles races aux yeux du vulgaire.

La liste civile de l'empereur, le douaire de l'impératrice, les titres affectés aux membres de la famille impériale, l'établissement de palais impériaux aux quatre points principaux du territoire français, formaient l'objet du titre III du senatus-consulte. Le titre IV prévoyait le cas d'une régence, et fixait la majorité de l'empereur à vingt-cinq ans. En cas de minorité, le pouvoir exécutif était attribué à un régent âgé de vingt-cinq ans, au moins, et nommé parmi les princes du sang, par le prédécesseur; à défaut de cette nomination, la régence était accordée à celui qui se trouvait le plus proche en degré dans l'ordre de l'hérédité, à moins qu'aucun de ces princes n'eût l'âge requis. Le Sénat choisissait alors ce haut fonctionnaire, parmi les titulaires des grandes dignités de l'empire. Ces titulaires composaient, dans tous les cas, un conseil de régence. Tous les actes du gouvernement étaient rendus au nom de l'empereur mineur, dont la garde était confiée à l'impératrice mère, à un prince français, ou, à défaut, à l'un des grands dignitaires, désigné à cet effet par le Sénat.

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Les grandes dignités de l'empire, fixées par le titre V, étaient celles de grand-électeur, d'archi-chancelier de l'empire, d'archichancelier d'État, d'archi-trésorier, de connétable, de grandamiral. Les titulaires étaient nommés par l'empereur ; ils jouissaient

des mêmes honneurs que les princes français, et prenaient rang immédiatement après eux; inamovibles, ils formaient le grandconseil de l'empereur; ils étaient en même temps, sénateurs ou conseillers d'État, membres du conseil privé et du conseil de la Légion-d'Honneur. Chacun d'eux présidait un collége électoral de département le grand-électeur, celui de Bruxelles; l'archi-chancelier, celui de Bordeaux; l'archi-chancelier d'État, celui de Nantes; l'archi-trésorier, celui de Lyon; le connétable, le collége de Turin, et le grand-amiral, le collége de Marseille.

Les grands officiers de l'empire, d'après le titre VI, étaient les maréchaux, choisis au nombre de seize parmi les généraux les plus distingués; les inspecteurs et colonels-généraux de l'artillerie et du génie, des troupes à cheval et de la marine; les grands officiers civils de la couronne, tels qu'ils seraient institués par les statuts de l'empereur. Chacun de ces grands officiers de l'empire, présidait un collége électoral de département; ils étaient inamovibles.

Dans les deux ans qui suivaient son avénement ou sa majorité, l'empereur, entouré de tous les corps de l'État, des évêques et archevêques de l'empire, des maires des trente-six principales cités et des présidents de consistoire, prêtait un serment ainsi conçu : « Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la république; « de respecter et de faire respecter les lois du Concordat et la e liberté des cultes; de respecter et de faire respecter l'égalité des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes « des biens nationaux; de ne lever aucun impôt, de n'établir << aucune taxe qu'en vertu d'une loi; de maintenir l'institution de « la Légion-d'Honneur; de gouverner dans la seule vue du bonheur et de la gloire du peuple français. » Le serment du régent était aussi contenu dans le titre VII; celui des grands dignitaires de l'empire, des ministres, des secrétaires d'État, des grands officiers, des membres du Sénat, du Conseil d'Etat, du Corps Législatif et du Tribunat, des colléges électoraux et des assemblées de canton, se bornait à cette courte formule: « Je jure obéissance • aux Constitutions de l'empire, et fidélité à l'empereur. »

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