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sur les victoires de son époux. « Messieurs, leur dit l'impératrice, je suis très satisfaite que le premier sentiment que sa majesté « ait éprouvé après la victoire, ait été pour le Corps qui représente a la nation.» Les députés recueillirent précieusement cette phrase qui leur rappelait l'ancienne omnipotence des députés de la Constituante, de la Législative et de la Convention, alors que la représentation nationale n'était pas un mensonge. Deux ou trois journaux, qui ouvraient leurs colonnes à une opposition assez anodine, ne manquèrent pas d'insérer le mot de Joséphine..... Quelques jours après, parut dans le Moniteur une note rédigée par Napoléon lui-même, où se trouvaient ces passages significatifs : « Plusieurs « feuilles ont imprimé que sa majesté l'impératrice, dans sa réponse au Corps Législatif, avait dit qu'elle était bien aise de « voir que le premier sentiment de l'empereur avait été pour le Corps Législatif qui représente la nation. Sa majesté l'impé

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«ratrice n'a point dit cela. Elle connaît trop bien nos Constitutions; elle sait trop bien que le premier représentant de la nation, c'est l'empereur...... Le Corps Législatif, improprement appelé de ce nom, devrait être appelé Conseil Législatif, puisqu'il n'a pas la faculté de faire des lois, n'en ayant pas la proposition. Le Conseil Législatif est donc la réunion des mandataires des colléges électoraux ; on les appelle députés des départements, parce qu'ils sont nommés par les départements.

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Dans l'ordre de

« notre hiérarchie constitutionnelle, les premiers représentants de « la nation sont l'empereur, et ses ministres, organes de ses déci«<sions; la seconde autorité représentante est le Sénat; la troisième, le Conseil d'État, qui a de véritables attributions légis«latives. Le Conseil Législatif a le quatrième rang."

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L'avénement de Napoléon Bonaparte fut notifié aux cours de l'Europe. Toutes reconnurent le nouvel empereur, à l'exception de l'Angleterre avec laquelle la France était en guerre, et de la

Russie qui se tenait dans une menaçante réserve depuis la fin tragique du duc d'Enghien, et la note de Talleyrand. Mais une seule voix protesta réellement contre l'établissement de 1804, ce fut celle du prétendant Louis XVIII. De Varsovie, où il résidait alors avec son frère, il adressa à toutes les puissances l'acte que l'on va lire, et qui dénonçait, comme un attentat aux droits des Bourbons, l'élévation de Bonaparte. Cette protestation, qui obscurcit à peine un petit coin du ciel brillant sur lequel se levait l'étoile impériale, devait éclater un jour, comme un orage, sur la France envahie: pareille à ces nuées imperceptibles qui courent à l'horizon et que le marin méprise souvent, andis qu'elles portent dans leur scin la foudre qui le frappera.

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«En prenant le titre d'EMPEREUR, en voulant le rendre héréditaire dans sa famille, Buonaparte vient de mettre le sceau à l'usurpation. Ce nouvel acte d'une révolution, où tout, dès l'origine, a été nul, ne peut sans doute infirmer mes droits; mais, comptable de ma conduite à tous les souverains dont les droits ne sont pas moins lésés que les miens, et dont les trônes sont tous ébranlés par les principes dangereux que le Sénat de Paris a osé mettre en avant; comptable à la France, à ma famille, à mon propre honneur, je croirais trahir la cause commune en gardant le silence en cette occasion. Je déclare donc (après avoir, au besoin, renouvelé mes protestations contre tous les actes illégaux qui, depuis l'ouverture des États-généraux de France, ont amené la crise effrayante dans laquelle se trouvent et la France et l'Europe), je déclare en présence de tous les souverains, que loin de reconnaître le titre Impérial que Buonaparte vient de se faire déférer par un corps qui n'a pas même d'existence légitime, je proteste et contre ce titre et contre tous les actes subséquents auxquels il pourrait donner lieu.

Pour toute réponse à cette protestation, l'empereur la fit insérer dans le journal officiel. La cause du prétendant semblait perdue, et ce fantôme de roi n'inspirait aucune inquiétude à Napoléon. Le procès de ceux qui avaient essayé de ressusciter, à Paris, le froid cadavre du royalisme Bourbonien, s'était dénoué devant le tribunal de justice criminelle de la Seine. Le 21 prairial (10 juin), cette cour avait condamné à la peine de mort vingt de ces accusés, savoir: George Cadoudal, Picot, Roger, Coster St-Victor, Deville, Joyaux, Burban, Lemercier, Lelan, Cadudal, Merille, Louis de Corps, Bouvet-Lozier, Armand Gaillard, Lajolais, Russillon, d'Hozier, Rochelle, de Rivière et Armand Polignac; cinq autres, à deux ans de prison seulement le général Moreau, Jules Polignac, Leridan, Rolland et la fille Hizay. Assailli de toutes parts par des demandes en grâce, Napoléon avait fait remise de leur peine, à Armand Polignac, de Rivière, Bouvet-Lozier, Rochelle, Armand Gaillard, Russillon et d'Hozier. Les autres condamnés interjetèrent appel du jugement du tribunal de justice criminelle, devant la cour de cassation; mais cette cour, après avoir entendu le rapport de M. Audier Massillon et les conclusions du commissaire impérial Merlin, rejeta le pourvoi et confirma l'arrêt du 21 prairial. Le 4 messidor (23 juin), les lettres de grâce accordées aux condamnés dont nous avons parlé plus haut, furent entérinées; Armand Polignac fut détenu dans le château de Ham, de Rivière au fort de Joux, Lajolais au château de Bellegarde, Bouvet-Lozier et Armand Gaillard au château de Bouillon, Charles d'Hozier et Louis Russillon, au château de Lourde, Rochelle au château d'If, dans la rade de Marseille. Les deux années de prison infligées au général Moreau furent converties en un bannissement du territoire de la république. Le 6 messidor, le jugement de la cour de justice criminelle fut exécuté sur la place de l'Hôtel-de-Ville, en présence d'une foule immense; à onze heures et demie, les douze condamnés, conduits dans trois charettes, montèrent sur l'échafaud. Cette boucherie excita dans l'esprit des spectateurs quelques sentiments de

pitié, mais aucune marque de sympathie ne fut donnée à George Cadoudal et à ses complices. Le peuple de Paris les regardait comme de vils assassins payés par l'Angleterre, et non comme des conspirateurs qui eussent été absous par le succès de leur complot. La génération qui s'élevait ne connaissait pas les Bourbons, et les événements extraordinaires qui avaient suivi la chute de Louis XVI, avaient pour ainsi dire effacé le souvenir du règne de ce malheureux roi. Le retour vers les idées monarchiques s'était opéré ainsi, sans que la dynastie déchue pût en profiter.

La cour impériale, secondant de tous ses efforts cette direction soudaine de l'esprit national, s'organisait et offrait un spectacle nouveau à la curiosité publique. L'empereur s'entoura de tous les hommes qui avaient conservé quelques-unes des traditions de l'ancien régime, et qui pouvaient l'aider à retrouver les lettres perdues de l'étiquette royale. Il se donna un grand aumônier; son parent, le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, fut investi de cette dignité (7). Talleyrand reçut le titre de grand chambellan, Duroc, celui de grand maréchal du Palais, Caulaincourt fut fait grandécuyer, Ségur, grand-maître des cérémonies, et Berthier, grandveneur. Il y eut encore plusieurs aumôniers, chambellans et maîtres des cérémonies ordinaires. MM. Salmatoris et Cramagel furent nommés introducteurs des ambassadeurs. L'impératrice choisit pour ses dames d'honneur et de palais, mesdames Chastulé de la Rochefoucauld, Lavalette, Darberg, Ney, Duchatel, Savary, de Luçay, Colbert et de Rémusat. Madame Letizia eut sa maison, ainsi que chacune de ses filles, dont Napoléon allait bientôt faire des reines.

Les généraux Berthier, Murat, Moncey, Jourdan, Masséna Augereau, Bernadotte, Soult, Brune, Lannes, Mortier, Ney, Davoust et Bessières furent nommés maréchaux de l'empire; le même titre fut donné aux membres du Sénat conservateur, Kellermann, Pérignon, Lefebvre et Serrurier. Lebrun fut investi de la dignité d'archi-trésorier, et Cambacérès, de celle d'archi-chancelier.

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