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ces sentiments, en consentant à la dissolution d'un mariage qui, désormais, est un obstacle au bonheur de la France, qui la prive d'être un jour gouvernée par les descendants d'un grand homme, si évidemment suscité par la Providence pour effacer les maux d'une terrible révolution et rétablir l'autel, le trône et l'ordre social; mais la dissolution de mon mariage ne changera rien aux sentiments de mon cœur. L'empereur aura toujours en moi sa meilleure amie. »

Ces deux déclarations furent portées au Sénat dès le lendemain, et ce corps déclara, séance tenante, la dissolution du mariage civil de Napoléon et de Joséphine. Sur quatre-vingt-dix-sept votans, quatre se déclarèrent contre le divorce ; l'abbé Grégoire voulut prendre la parole sur le projet de sénatus-consulte; mais le président déclara qu'il n'y aurait pas de discussion.

La dissolution du mariage civil ne suffisait point. Joséphine, en 1804, avait exigé de l'empereur que leur union, qui n'avait été contractée, en 1796, que devant la municipalité du second arrondissement de Paris, fut consacrée par l'église. La veille du sacre, le 1er décembre, le cardinal Fesch leur avait donné la bénédiction nuptiale, dans une chapelle particulière. La demande en nullité de mariage fut donc portée, par ce cardinal, devant l'Officialité de Paris, qui avait été reconnue apte à s'occuper de cette question, par une commission de deux cardinaux et de cinq évêques. Le 9 janvier 1810, l'Officialité prononça cette nullité, d'après un article du concile de Trente, qui déclare tout mariage non valable, du moment qu'il n'a pas été béni en présence du curé de l'une des deux parties contractantes, ou de son vicaire assisté de deux témoins.

Les négociations auprès de l'empereur de Russie avaient rencontré des obstacles assez sérieux. Le cabinet d'Alexandre Ier n'était pas favorable à une alliance française; le duc de Vicence n'en obtenait que des réponses évasives. Alexandre, cependant, paraissait personnellement disposé à accorder à Napoléon la main de sa sœur, mais il exigeait

qu'une chapelle de rite grec fût établie aux Tuileries mêmes, et que des Popes accompagnassent cette princesse à Paris et fussent spécialement attachés à sa suite. Napoléon, déjà en butte à tant d'embarras prenant leur source dans les affaires religieuses, hésitait à introduire ainsi, dans son palais, une secte de prêtres dont il connaissait l'esprit d'intrigue et l'astuce; lorsqu'une dépêche de M. de Narbonne dirigea définitivement ses vues du côté de l'Autriche. M. de Metternich, dans une conversation demi-officielle avec ce personnage, lui avait laissé entendre que, si Napoléon fixait son choix sur une princesse autrichienne, il ne rencontrerait pas de difficultés diplomatiques. Aussitôt l'empereur écrivit directement à Alexandre, en lui demandant une réponse catégorique ; il reçut des protestations d'amitié; mais la politique toute anglaise du cabinet de Saint-Pétersbourg avait dicté la lettre du souverain, qui laissait encore Napoléon dans le doute et l'incertitude.

Dès le mois de décembre 1809, après que le Sénat eut prononcé le divorce, on avait habilement sondé les dispositions de l'Autriche, afin de s'adresser à elle dans l'éventualité, et de se présenter au besoin sur un terrain connu. Messieurs Delaborde et de Sémonville avaient reçu l'ordre d'ouvrir des pourparlers avec le secrétaire de l'ambassade autrichienne, M. de Floret, et d'arriver, par son intermédiaire, à l'oreille de l'ambassadeur, le prince de Schwarzemberg. Celui-ci montrait un assez vif empressement, et il s'était presque engagé, au nom de son souverain, sans exiger le même engagement du cabinet français. Il était évident que l'Autriche, après avoir dû tous ses malheurs et sa décadence politique, à ses luttes contre Napoléon, espérait se relever par une alliance de famille. Cette affaire en était là, et l'empereur n'avait plus qu'un mot à dire, quand les dépêches de Narbonne et la réponse d'Alexandre levèrent toutes ses incertitudes. Le prince Eugène Beauharnais fut chargé de présenter une demande officielle à l'ambassadeur. Des instructions positives furent adressées de Vienne au prince de Schwarzemberg, et, dans les premiers jours de février,

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fut signée la convention d'un mariage entre Napoléon et l'archiduchesse Marie-Louise, fille aînée de François II. Un projet de contrat fut envoyé au comte Otto, ambassadeur français à Vienne. Le 16 février, ce contrat fut signé par l'empereur d'Autriche; le 27, les ratifications furent échangées entre MM. Otto et de Metternich. Le général Berthier, prince de Neufchâtel et de Wagram, se rendit à Vienne, avec le titre d'ambassadeur extraordinaire. En même temps, le comte Anatole de Montesquiou fut chargé de riches présents et du portrait de Napoléon, pour la jeune archiduchesse. L'empereur avait désigné le prince Charles pour le représenter dans la cérémonie du mariage qui devait avoir lieu, par procuration, avant le départ de Marie-Louise. Le 7 mars, Berthier fut reçu en audience par François II entouré de toute sa famille et des grands dignitaires de l'État. L'archiduchesse était présente.

«

Sire, dit-il, je viens au nom de l'empereur mon maître, vous demander la main de l'archiduchesse Marie-Louise, votre illustre fille. Les éminentes qualités qui distinguent cette princesse ont assigné sa place sur un grand trône. Elle fera le bonheur d'un grand peuple et celui d'un grand homme. La politique de mon souverain s'est trouvée d'accord avec le vœu de son cœur. Cette union des deux familles, Sire, donnera à deux nations généreuses de nouvelles assurances de tranquillité et de bonheur. »>

L'empereur d'Autriche lui répondit :

« Je regarde la demande en mariage de ma fille comme un gage des sentimens de l'empereur des Français que j'apprécie. Mes vœux pour le bonheur des futurs époux ne sauraient être exprimés avec trop de vérité: il fera le mien. Je trouverai dans l'amitié du prince que vous représentez de précieux motifs de consolation de la séparation de mon enfant chéri. Nos peuples y voient le gage assuré de leur bien-être mutuel. J'accorde la main de ma fille à l'empereur des Français.

Le prince de Neufchâtel prit alors la parole une seconde fois, et s'adressant à Marie-Louise:

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