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No XXV.

Dépêche du méme au même, datée de Madrid, le 6 juillet 1814 (1).

MYLORD,

Dans ma dépêche du 17 juin, j'exprimai mon appréhension qu'il ne seroit pas possible de porter le gouvernement espagnol à consentir à l'article abolissant la traite des esclaves, dont j'ai eu l'honneur de transmettre le projet à V. S. Durant la négociation, je lus dans les papiers anglois les observations qu'on a faites au parlement sur l'article relatif à la traite, inséré dans le traité de paix avec la France; et quoique j'eusse auparavant échoué dans mes efforts pour engager le duc de SanCarlos à admettre l'article projeté, je lui fis de nouveau connoître le peu d'espoir que j'ai qu'un traité qui ne stipule rien pour l'abolition d'une traite que la nation britannique déteste si vivement, puisse être vu avec plaisir en Angleterre.

Ces représentations ne firent cependant que peu ou point d'impression sur le gouvernement espagnol. Le duc de San-Carlos se lamenta de ce que le Roi seroit empêché de prendre une

(1) Traduite de l'anglois, ainsi que l'annexe.

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part active dans une mesure qu'on voyoit en An-
gleterre avec tant d'intérêt ; il observa toutefois
que dans les colonies britanniques, et à l'époque
de l'abolition, et pendant beaucoup d'années
auparavant, le nombre des Nègres se rapportoit
à celui des Européens, comme vingt à un ; que
par conséquent nos colonies ne souffrirent pas
d'inconvénient immédiat, lorsqu'elles furent
forcées d'abandonner ce commerce; que mal-
gré tous ces avantages dont aucun autre état
ne pouvoit se vanter, la législation britannique
avoit employé vingt années à effectuer l'abo-
lition; tandis qu'on exigoit de l'Espagne,
n'ayant pas plus d'un Nègre sur un Européen,
ainsi qu'on s'en étoit assuré par les derniers
rapports arrivés des Indes occidentales, qu'elle
renonçât, sans un instant de délibération, à
ce qui constituoit l'existence même de ses
colonies.

Trouvant que la répugnance du gouverne-
ment espagnol pour s'engager à l'abolition étoit
insurmontable, j'essayai de rédiger un article
qui, en disant que le Roi partageoit les senti-
mens du gouvernement britannique sur l'in-
justice et l'inhumanité de ce trafic, engageât
S. M. C. à ne pas permettre à ses sujets d'y
prendre part pour pourvoir quelqu'ile ou

possession autre que celles qui appartiennent à l'Espagne, ni à souffrir que le pavillon espagnol protégeât les étrangers faisant la traite.

J'obtins avec beaucoup de peine que le gou. vernement espagnol consentit à cet article, après toutefois qu'il eût éprouvé quelques amendemens; mais comme je pensois qu'il étoit convenable que cet article fût soumis au gouvernement de S. M. avant d'être inséré dans le traité, je convins avec le duc de San-Carlos que cet article et celui qui défend aux sujets de S. M. de fournir des armes aux rebelles d'Amérique, seroient soumis à V. S., et, en cas qu'elle les approuvât, joints au traité en forme d'articles séparés.

Si l'on jugeoit que l'article ci-joint qui se rapporte à la traite des Noirs n'est pas satisfai sant, j'espère que les autres avantages du traité n'en seront pas pour cela regardés sous un jour moins favorable pour le gouvernement de S. M. L'opinion que l'abolition de la traite compromettroit l'existence des colonies espagnoles, n'est pas seulement celle du gouvernement; M. Arguelles a fait, il est vrai, dans les cortès, une motion l'abolition de ce commerce; mais les députés de la Havane ayant représenté les conséquences sérieuses que cette loi pourroit avoir, il paroît qu'on laissa tomber

pour

la chose; au moins on n'en parla plus dans

cette assemblée.

Signé Henry WELLESLEY.

ANNEXE.

Extrait du Traité entre la Grande-Bretagne et l'Espagne, signé à Madrid, le 5 juillet 1814.

PREMIER ARTICLE SÉPARÉ.

S. M. C., partageant pleinement les sentimens de S. M. Britannique sur l'injustice et l'inhumanité de la traite des esclaves, prendra en considération, avec la réflexion qu'exige l'état de ses possessions en Amérique, les moyens d'agir conformément à ces sentimens.

S. M. C. promet néanmoins d'interdire à ses sujets de faire ce commerce dans la vue d'approvisionner des îles ou possessions, autres que celles qui appartiennent à l'Espagne, et d'empêcher également, par des mesures et des règlemens convenables, que la protection du pavillon espagnol ne soit accordée à des étrangers faisant ce commerce, qu'ils soient sujets de S. M. Britannique ou de quelque autre état ou puissance.

No XXVI.

Dépêche du vicomte de Castlereagh à sir Henry Wellesley, datée du département des affaires étrangères, le 15 juillet 1814 (1).

SIR,

Je vous transmets, par les ordres exprès du Prince-Régent, une copie de la note officielle que j'adressai, à Paris, aux ministres respectifs des empereurs d'Autriche et de Russie, et du roi de Prusse (2), pour insister sur la convenance que ces souverains fissent au congrès futur des efforts pour opérer une abolition complète de

la traite des esclaves.

S. A. R. ne regardera jamais le grand œuvre de la restauration de la paix comme achevé d'une manière complète et satisfaisante, à moins que cet objet ne soit aussi porté à sa fin.

Le retour des deux grandes branches de la maison de Bourbon sur leurs trônes légitimes, et la prochaine rentrée de S. A. R. le princerégent de Portugal dans ses possessions Européennes, paroissent à S. A. R. présenter la

(1) Traduite de l'anglois.

(2) Voyez ci-dessus, no III.

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