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diate ou d'un rapprochement du terme que chaque puissance pouvoit avoir fixé pour l'abolition définitive; et qu'il entreroit enfin dans l'examen des moyens d'obtenir immédiatement l'abolition partielle de ce trafic.

Avant d'entamer ces différentes questions, lord Castlereagh a communiqué des renseignemens authentiques pour prouver que l'abolition de la traite, opérant d'un côté un bien réel et inappréciable, en délivrant les habitans de l'Afrique d'un des plus terribles fléaux, n'étoit pas, de l'autre côté, comme on l'a cru pendant long-temps, contraire aux intérêts des puissances possédant des colonies, ou aux intérêts bien entendus des propriétaires dans ces colonies, attendu que dans tous les établissemens coloniaux où l'importation des Nègres étoit défendue, leur augmentation par les voies naturelles et légitimes avoit été plus que proportionnée à la diminution du nombre, causée par la cessation de la traite; que là même, où de nouveaux défrichemens n'avoient pas eu lieu, la culture n'avoit aucunement rétrogradé, et que la tranquillité et la prospérité générale de ces établissemens y avoient essentiellement et considérablement gagné. Ces mêmes documens tendent à établir que les dangers qui

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menacent les colonies européennes dans les Indes occidentales et dans l'Amérique méridionale, ne peuvent qu'augmenter sensiblement par l'importation sans cesse renouvelée des Nègres, et que cette seule considération suffit pour convaincre les puissances de l'Europe, comme il est exprimé dans l'une de ces pièces, « que dans cette affairele ur intérêt se << trouve du même côté que leur devoir, et que << la loi de leur propre conservation, autant que «celle de l'humanité, leur prescrit de s'occuper « à temps des moyens d'arrêter un torrent prêt « à les engloutir. >>

A la suite de ces explications préalables, lord Castlereagh en est venu à sa première proposition, relative à une déclaration par laquelle les puissances agissant au nom du congrès, énonceroient leur vœu commun pour l'abolition universelle de la traite.

M. le prince de Talleyrand a appuyé cette proposition, en ajoutant que, d'après l'engagement que la France avoit contracté par le traité de Paris, il se croyoit appelé à seconder la marche que lord Castlereagh avoit adoptée pour la discussion de cet objet, et qu'il approuvoit entièrement. Il a dit qu'il ne pouvoit y avoir, et qu'il n'y avoit en effet qu'une voix parmi les

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souverains de l'Europe, sur la nécessité et le devoir de faire cesser un trafic aussi odieux d'autant plus que le principe de l'abolition étoit hautement avoué par ceux mêmes qui par des considérations particulières se croient obligés d'en suspendre l'exécution illimitée. La déclaration proposée par lord Castlereagh produira, selon M. le prince de Talleyrand, l'effet le plus salutaire, en avertissant les sujets de toutes les puissances et les propriétaires dans toutes les colonies, de l'intention sérieuse de leurs gouvernemens de ne plus perdre de vue l'abolition de la traite, et en les empêchant de se livrer à des illusions sur la durée indéfinie de ce commerce,

M. le prince de Talleyrand est persuadé, en outre, qu'une pareille déclaration sera bien accueillie par la partie saine et éclairée du pu blic de tous les pays, et qu'elle fera honneur au congrès.

M. le comte de Nesselrode a annoncé que S. M. l'Empereur, son maître, étoit absolument d'accord avec le principe de l'abolition de la traite, et porté pour tout ce qui pouvoit assurer et accélérer l'exécution de cette mesure; que, dans ces vues, l'Empereur l'avoit chargé de seconder en tout les démarches que

lord Castlereagh jugeroit nécessaires pour l'accomplissement d'un aussi noble objet. Il a appuyé, sans réserve, la première proposition de lord Castlereagh.

MM. les plénipotentiaires d'Autriche, de Suède et de Prusse, se sont expliqués dans le même sens.

M. le chevalier de Labrador, plénipotentiaire d'Espagne, a dit que son intention n'étoit pas de voter contre la proposition, mais que dans l'état où plusieurs puissances se trouvoient, relativement à leurs colonies, il lui paroissoit indispensable de faire entrer dans la déclaration générale une clause, réservant à chaque gouvernement la liberté de déterminer l'époque où l'abolition de la traite des Nègres pourroit passer en loi dans ses états, sans blesser des intérêts qui méritoient les plus grands ménagemens.

M. le comte de Palmella, plénipotentiaire de Portugal, a observé que la nécessité de mettre un terme à la traite des Nègres étant pleinement reconnue par son gouvernement, il ne pouvoit pas avoir d'objection contre la déclaration proposée par lord Castlereagh, bien entendu qu'elle seroit conçue de manière à ne pas préjuger la question du terme définitif,

question sur laquelle chaque puissance devoit avoir le droit de consulter ses propres intérêts. M. le prince de Talleyrand a dit, que la restriction réclamée par MM. les plénipotentiaires d'Espagne et de Portugal seroit certainement admise par toutes les autres puissances, et que la déclaration générale n'en seroit pas moins utile; et lord Castlereagh a ajouté à cette observation que son désir étoit, que la pièce en question fût rédigée dans des termes propres à embrasser les opinions de tous les gouvernemens, et de ceux mêmes que des considérations particulières avoient le plus empêchés jusqu'ici de concourir efficacement à cette mesure bienfaisante.

A la suite de cette discussion, tous les plé nipotentiaires présens étant d'accord avec la proposition de lord Castlereagh, le rédacteur du procès-verbal de la conférence a été chargé de rédiger un projet de déclaration conforme aux bases convenues, et de le présenter dans une séance prochaine.

Lord Castlereagh a procédé ensuite à la question du terme à fixer pour la cessation entière de la traite des Nègres ; et il a déclaré que ses principes, ses devoirs, et le vœu de son gouvernement et de la nation britannique l'en

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