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1789.

élevait une république en se réservant de l'appeler monarchie.

Mirabeau en Peu de temps après cette décision, Mira

butte aux atta

ques des deux beau fut poursuivi avec une égale ardeur par

paitis.

les deux partis. Une réunion nombreuse de députés qu'on appelait le club Breton, parce qu'elle avait d'abord été formée par les députés de cette province, conspira contre le puissant orateur. On se partagea les rôles : les uns le désignèrent dans l'assemblée comme un factieux infatigable. « Nous dé» libérons, s'écria un député, et Catilina » est à nos portes. » Tous les regards se dirigèrent sur Mirabeau; les autres l'attaquèrent comme une âme vénale qui ne faisait, des menaces à la cour que pour en être plus chèrement acheté. Surtout on s'attachait à démasquer son ambition, et on lui faisait un crime d'aspirer à devenir le ministre du Foi. Plut à Dieu qu'il ne fût jamais entré dans son cœur une pensée plus criminelle! L'orage éclata par une proposition qui fuț faite d'interdire désormais les fonctions de ministre aux députés de l'assemblée; on ne pouvait porter une atteinte plus terrible à l'autorité royale; c'était lui ôter toute influence indirecte sur les actes législatifs ; c'é tait l'isoler, l'avilir; c'était en quelque sorte

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tirer un cordon entre l'assemblée et le roi,
comme on le fait pour prévenir une maladie
contagieuse. Mirabeau sentit et développa
tous ces inconvéniens avec une précision
énergique, et fit ensuite une interpellation
adroite à ses ennemis. « Au lieu d'un décret

» qui va renverser tous les principes monar-
» chiques, j'en propose un beaucoup plus
» simple, et qui peut, sans déranger l'ordre
>> et la communication des pouvoirs entre
»eux, satisfaire aux alarmes qui troublent
» une partie de cette assemblée. Je demande
» que la mesure proposée soit bornée à un
» seul individu, à M. le comte de Mirabeau,
député de la sénéchaussée d'Aix. »

D

>>

Six semaines après, la proposition la plus anarchique que puisse inspirer le démon de l'envie, fut convertie en loi.

Peu de jours après, ce même Mirabeau, objet de tant d'ombrages, remporta le triomphe le plus signalé et le plus honorable de son éloquence. Voici quelle en fut l'occasion.

Le désordre des finances, auquel l'assemblée n'avait pas jugé encore à propos d'apporter quelques remèdes, s'était accru sans mesure par la nouvelle anarchie qui dévorait la France. Le peuple des campagnes commençait à se regarder comme

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affranchi de toute espèce d'impôts : c'était ainsi qu'il comprenait la révolution la constitution et la déclaration des droits de l'homme. Les percepteurs des contributions ne savaient plus sur quelles forces ils pouvaient s'appuyer dans leurs poursuites. Le trésor royal restait plus obéré depuis que la cour, épouvantée, dispersée et déserte, avait perdu toute splendeur, que dans les jours même de ses pompes et de ses prodigalités. De nombreux achats de grains faits à l'étranger formaient une charge nouvelle et intolérable. M. Necker, qui, à l'ouverture des états-généraux, avait rassuré les esprits sur la crainte d'un déficit regardé tout à l'heure comme si effrayant, et n'avait parlé que d'une somme de cinquante-deux millions pour le combler, reculait devant les nouvelles déclarations qu'il avait à faire, et pressentait bien que l'assemblée s'irriterait d'apprendre des désordres où elle serait forcée de reconnaître son ouvrage. Sans s'expliquer encore ouvertement sur toute la profondeur du mal, il demanda que le roi fût autorisé à lever un emprunt de trente millions; il en avait combiné les conditions en homme habitué à manier ce ressort des finances. Mais

l'assemblée s'indigna que le ministre eût paru mettre en doute l'empressement patriotique des capitalistes. Elle voulut montrer quelle différence l'opinion publique mettait entre des emprunts levés par un roi absolu, et ceux qui allaient recevoir pour garantie le consentement des représentans de la nation. En conséquence, elle réduisit à quatre et demi pour cent l'intérêt du nouvel emprunt. Son orgueilleux espoir fut cruellement déçu. A peine quelques capitalistes, jaloux de faire ostentation de leur richesse ou de leur patriotisme, firent-ils entre eux l'offre de septà huit cent mille francs. Les plus belles proclamations ne purent émouvoir le patriotisme de la bourse; la différence de quatre et demi pour cent à cinq pour cent glaçait tout, et cette maudite fraction épouvantait l'esprit d'hommes qui, pour aimer la liberté, n'en aimaient pas moins les caleuls exacts et les sommes rondes. Tel fut le sort de ce premier emprunt. Les progrès de la détresse furent tels, que l'assemblée se vit bientôt obligé de confesser sa faute, de rétablir l'intérêt à cinq pour cent, et de porter l'emprunt à quatre-vingts millions; mais la faute n'était déjà plus ré

1789.

1789. parable. Le crédit public était trop for

Détresse

du trésor royal.

le

tement ébranlé par une révolution qu'en vain on disait terminée. Le nouvel emprunt n'eut pas plus de succès que premier. On tenta la faible et incertaine ressource des dons patriotiques, ainsi qu'on l'avait tentée quelquefois dans les grands périls, après les batailles perdues et les provinces envahies. Le roi invita par son exemple les particuliers à faire le sacrifice de leur vaisselle. Malgré la munificence de quelques seigneurs, tels que le duc de Béthune-Charost, que l'on assimilait pour les goûts bienfaisans aux ducs de La Rochefoucault et de Liancourt, les dons patriotiques firent à peine entrer deux millions au trésor royal.

Necker voyait tout périr, tout s'abîmer autour de lui; il prit le parti de la franchise, et ne vit plus de salut que dans une mesure extrême. Après un tableau énergique et fidèle de la détresse du trésor royal et des causes multipliées qui l'aggravaient de jour en jour, il osa proposer à l'assemblée nationale une contribution nouvelle qui s'éleverait au quart du revenu de chaque particulier. Un tel sacrifice paraissait exorbitant, soit à ceux qui venaient de s'en

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