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très grand nombre de vieux fusils, qu'on appelle à Liége fusil-bord, plus dangereux pour celui qui s'en sert que pour celui qui en subit le feu. Dans le commerce, ces armes se vendent de 6 à 8 francs.

Après la prise des forts du Pe-ho, où les Anglais avaient perdu 30 hommes et les Français 85, on remonta le fleuve jusqu'à Tien-Tsin, presque à mi-chemin de Péking. Deux hauts commissaires, munis de pleins pouvoirs, y arrivèrent le 3 juin et se mirent en rapport avec les ambassadeurs des quatre puissances. Quatre traités furent conclus à des dates différentes. Les traités avec les Américains et les Russes furent signés le 18 juin; celui avec les Anglais le 26, et celui avec les Français le 27 du même mois. A tort ou à raison, cette division dans les conventions parut suspecte... Quoi qu'il en fût, les traités stipulèrent en faveur des Anglais le droit de tenir une représentation permanente à Péking, ouvrirent de nouveaux ports au commerce étranger, et fixèrent les indemnités de guerre à 30 millions pour l'Angleterre et à 15 millions pour la France. Les ambassadeurs devant rester à Tien-Tsin jusqu'après la ratification des traités, l'Empereur s'empressa de signer, afin que la flotte quittat le Pe-ho pour se rendre à Shangaï, où l'on devait négocier un traité additionnel réglant certaines questions relativement à la douane.

A Shangai, après avoir débattu les ordonnances du commerce, destinées à former une addition aux traités de Tien-Tsin, les commissaires chinois adressèrent une dépêche à lord Elgin, dans laquelle ils exposèrent catégoriquement « qu'à Tien-Tsin, en pré» sence des escadres alliées, les négociations s'étant faites sous » l'impression de la force, ne pouvaient pas être prises en sérieuse » considération par l'Empereur, qui avait été obligé de subir la loi » du plus fort; que la clause du traité, autorisant la résidence en » permanence d'une ambassade britannique à Péking, étant incompatible avec le sentiment de la population de la capitale, amènerait » de nouveaux conflits, que les deux parties avaient un égal intérêt » à éviter et que, en conséquence, ils proposaient un autre mode de » transactions; ils voulaient que la légation anglaise résidât en tout » autre lieu qu'à Péking, comme il était stipulé dans les traités » américain et français. »

Lord Elgin rejeta cette nouvelle proposition; le 28 octobre, les hauts commissaires adressèrent une nouvelle dépêche à Son Excellence, dans laquelle ils affirmèrent que la résidence d'étrangers à Péking aurait des conséquences désastreuses pour le gouvernement. impérial. Lord Elgin répondit que si l'ambassadeur de la Reine, chargé de ratifier les traités, était convenablement reçu à Péking, il interviendrait pour que le ministre anglais en Chine résidat ailleurs que dans la capitale, où il se rendrait seulement toutes les fois qu'une affaire de quelque importance ly appellerait.

Campagne de 1859.

Les négociations en étaient à ce point, quand en mars 1859 lord Elgin et le baron Gros remirent la gestion des affaires pour l'Angleterre à Sir Bruce, et pour la France à M. de Bourboulon.

La concession faite par lord Elgin relativement à la résidence des ministres étrangers ayant été considérée par le gouvernement chinois comme un acte de faiblesse, de peur même, les hauts commissaires prétendirent que les ratifications des traités fussent échangées à Shangai au lieu de Péking, et que le voyage des ministres de France et d'Angleterre se fit par terre. Ces propositions furent énergiquement rejetées.

Le gouvernement chinois ne s'en tint pas là; dès le mois d'avril, les ministres d'Angleterre et de France apprirent que non seulement la Gazette de Péking, le journal officiel, n'avait pas fait mention des traités de Tien-Tsin, mais encore qu'il avait annoncé la retraite des barbares en termes injurieux. On les informa en même temps que le général en chef, le redoutable Sang-Ko-lin-sin, relevait les forts du Pe-ho afin d'empêcher les ministres européens d'arriver une seconde fois à Tien-Tsin ou de se rendre à Péking.

Les ministres d'Angleterre et de France virent clairement qu'il fallait renoncer à échanger les ratifications des traités; on devait considérer ces traités comme nuls ou contraindre par la force le Fils du Ciel à observer ses engagements. Ce dernier moyen, la guerre, était donc de nouveau provoquée par la mauvaise foi d'un gouvernement suranné et ridicule, dont l'incurie et la duplicité sont les principales causes de la misère et du crétinisme où est tombée une population équivalente à celle de la moitié du monde.

La guerre étant résolue, on rassembla les forces navales disponibles. En juin 1859, l'escadre combinée arriva devant l'embouchure du Pe-ho. L'amiral Hope avait 2 frégates, 3 corvettes, 2 avisos et 9 canonnières; la marine française, occupée en Cochinchine, était représentée seulement par une corvette et un tout petit bâtiment portant 2 canons. C'était avec ces faibles forces que les ministres d'Angleterre et de France voulaient forcer l'entrée du Pe-ho et de la Chine.

Le 21 juin, les ministres de France et d'Angleterre se présentérent pour se rendre à Pékin par la route directe; on leur répondit qu'ils avaient à aborder à Pe-tang, à 10 milles au nord du Pe-ho, où une escorte les attendait. Connaissant la mauvaise foi de la diplomatie du Céleste Empire, sachant qu'elle ne manquerait pas de taxer de faiblesse la moindre hésitation de la part des alliés, sùrs enfin d'essuyer un second refus à Pe-tang, ils décidèrent à l'instant de s'ouvrir un passage par la force.

Le 22, on fit vainement sominer les autorités chinoises de livrer

passage; le 23 et le 24 on se préparait au combat, et bien qu'on reconnût que l'entrée du Pe-ho était mieux défendue que par le passé, qu'on avait élevé un triple barrage à l'entrée du fleuve, et que les forts étaient bien conditionnés et bien armés, l'amiral anglais persista dans sa résolution d'attaquer le lendemain.

Le 25 juin, les embarcations anglaises franchirent la première estacade du Pe-ho et détruisirent en partie le barrage flottant, sans ètre dérangées par le feu des forts. Le gouverneur du Pé-tchi-li (province du Pe-ho), voyant que les obstacles n'arrêtaient point les attaques des alliés, leur adressa une dépêche qui n'avait d'autre but que de gagner du temps; l'amiral Hope n'en continua pas moins les opérations commencées: monté sur le Plover, suivi de l'Opossum, il alla hardiment amarrer ses deux navires aux pieux de la première estacade, afin de les arracher par l'impulsion de la vapeur.

Les forts du Pe-ho, restés silencieux jusqu'alors, entrèrent en action leur feu convergent, dirigé sur l'espace resserré compris entre les deux barrages, eut d'autant plus d'effet que les Anglais y avaient accumulé leurs principales forces et n'y pouvaient répondre que par un feu divergent.

L'amiral, voyant bientôt que les opérations navales n'offraient point de chances de succès, que la journée était compromise, fit un supreme effort, engagea sa réserve, continua la canonnade et jeta des troupes à terre, avec ordre d'enlever immédiatement les forts. Le terrain marécageux offrant de grandes difficultés aux troupes de débarquement, leurs opérations manquèrent d'ensemble et d'impulsion, et l'attaque combinée par terre et par mer échoua.

Dans cette journée du 25 juin 1859, les Anglais eurent 3 canonnières coulées, l'amiral Hope et 450 hommes mis hors de combat. Les Français, qui n'avaient eu que peu de monde engagé, perdirent 15 hommes dont 10 blessés.

Cet échec fit dire à quelques écrivains que les campagnes de 1857 et de 1858 avaient aguerri les troupes chinoises et que dorénavant. les Européens n'en auraient plus aussi facilement raison.

Les faits n'ont pas tardé à faire ressortir le peu de fondement de ces assertions; et en effet, un an plus tard, nous voyons que la redoutable cavalerie tartare, pas plus que la garde de l'empereur, ne peuvent seulement soutenir le regard des troupes européennes ; qu'à Tang-tchou comme à Palikao, une poignée d'Anglais et de Français sont parvenus, sans perdre presque personne, à dissiper les innombrables armées du Céleste Empire.

Ce n'est donc ni la bravoure des Chinois ni les progrès qu'ils avaient faits dans l'art de combattre qui amenèrent l'échec du 25 juin, mais bien la mauvaise direction donnée à l'attaque et les trop

faibles moyens dont on disposait pour la mener à bonne fin. Personne n'ignore que, dans la défensive, les Chinois ont pour principe de pointer toutes leurs pièces avant l'action, de manière à battre la chaussée, le défilé ou la passe par où ils supposent que l'ennemi cherchera à les aborder. Dans la défense de Pe-ho, fidèles à leur principe, ils avaient disposé toute leur artillerie de manière à défendre le barrage, à battre la passe, et c'est précisément là qu'on a été les attaquer... De telles opérations ne dénotent-elles pas plutôt défaut de calcul que faux calcul?

L'entreprise contre le Pe-ho ayant complètement échoué et le peu de forces dont disposaient les alliés ne permettant pas de faire une nouvelle tentative, l'escadre se retira à Shangaï.

L'échec subi dans le Pe-ho par les troupes alliées causa une vive sensation par toute l'Europe. La France et l'Angleterre, dont les pavillons avaient été indignement outragés, ne pouvaient rester sous la fâcheuse impression d'une défaite et ne pouvaient non plus laisser impunément déchirer les traités de Tien-Tsin. Les deux gouvernements résolurent une nouvelle expédition sur une vaste échelle; la mauvaise foi de la cour de Péking devait amener de terribles représailles.

Campagne de 1860.

L'association de deux puissances rivales dans le but d'entreprendre une guerre contre une troisième puissance éveille toujours des susceptibilités, des jalousies même parmi les associés.

Bien que l'Angleterre semblât accepter avec empressement le concours de la France dans la guerre contre la Chine, son gouvernement, cependant, ne vit pas sans appréhension les proportions que son alliée cherchait à prendre dans la nouvelle expédition.

Jaloux de conserver intacte la prépondérance que son pavillon exerce depuis des siècles dans ces contrées lointaines, le gouvernement anglais refusa un concours qui menaçait de dépasser les forces dont il pouvait disposer lui-même.

Le gouvernement français, dans un but de conciliation et d'entente cordiale, réduisit les proportions qu'il s'était d'abord proposé de donner à l'effectif des troupes destinées à l'expédition de Chine, et se conforma ainsi au désir exprimé par son alliée.

Dans le principe, il ne s'agissait de rien moins, dit un auteur » français, M. Paul Varin, que de créer quatre nouveaux régiments » de zouaves avec tous les volontaires qui se présenteraient; et, » pour être agréable au gouvernement belge, qui en avait fait la demande, de leur adjoindre un bataillon composé de mille soldats » de cette nation: en un mot, de porter l'effectif des troupes de

» débarquement au chiffre de 15 à 18 mille hommes. Mais les exi» gences de l'alliance anglaise firent évanouir ces projets trop gran» dioses. Pour tout concilier, le gouvernement français les réduisit » à des proportions plus modestes, et l'extrême susceptibilité de » nos voisins, désormais respectée, on put espérer que l'entente >> cordiale garderait sa sérénité. »

Le gouvernement français se borna donc à envoyer en Chine deux brigades d'infanterie formant une division composée comme suit :

Commandant en chef, le général de division Cousin de Montauban. Etat-major général 4 officiers.

Service topographique
Etat-major de l'artillerie
Etat-major du génie.

Service de l'intendance.

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Artillerie.

Génie

Cavalerie

Soldats d'administration

Infirmiers.

Train

Total.

1200

300

50

220

80

120

7480 hommes.

La 1re brigade, commandée par le général Janin, était composée de 2 bataillons de chasseurs et de 2 bataillons du 101° de ligne; la 2e brigade, commandée par le général Collineau, s'était formée de 2 bataillons du 102o de ligne et 2 bataillons d'infanterie de marine. Les 50 cavaliers étaient pris dans le 2e régiment de spahis d'Afrique. L'artillerie, forte de 30 pièces, était divisée en 4 batteries, une compagnie de pontonniers, un détachement de fuséens et une section d'armuriers.

L'effectif de l'armée anglaise était de 7783 soldats anglais et de 4830 soldats indiens, en tout 12,613 hommes, formant deux divisions d'infanterie et une brigade de cavalerie. Sir John Mitchell commandait la 1re division, sir Robert Napier, la 2a. Pattel commandait la cavalerie; Crafton l'artillerie; et sir Hope Grant, qui s'était fait 4000 connaitre dans la guerre des Indes, commandait en chef. coolies chinois suivirent l'armée anglaise. Ces coolies, chargés de toutes les corvées, rendirent de grands services. On les employa même à faire des travaux de fortification où plusieurs d'entre eux se firent bravement tuer.

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