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cette expédition, ont trouvé le moyen de se faire céder le vaste territoire d'Hassloou, situé sur le Continent, en face de l'île de HongKong qu'ils possédaient déjà. Ce territoire complète le développement de la colonie anglaise dans l'extrême Orient, et assure surtout l'extension de leur commerce en Chine.

Les Français, moins habiles, et surtout moins prévoyants que les Anglais, n'ayant pris, préventivement, aucune disposition qui leur garantit l'acquisition d'un territoire quelconque dans la mer de la Chine, tentèrent de se maintenir dans l'archipel de Chusan, qu'aux termes des traités de Péking ils ne pouvaient conserver. Lord Elgin, inquiet de la prolongation du séjour des Français dans ces iles, exigea si vivement l'exécution des traités qu'ils furent obligés de les évacuer et de retourner en France sans avoir obtenu en leur faveur d'autre avantage matériel qu'une part dans l'indemnité de guerre.

On croit rêver quand on pense qu'il a suffi de quelques milliers de soldats européens pour dicter des lois à un empire renfermant presque la moitié de la population du monde. La facilité avec laquelle quelques bataillons anglais et français ont dispersé ces innombrables hordes de Tartares ne laisse aucun doute, dit très justement le colonel Vandewelde qui nous fournit ce récit, sur la destinée réservée à cet empire vermoulu, dès qu'il sera aux prises avec un adversaire sérieux, comme peut l'ètre la France.

Depuis lors, à la vérité, l'armée chinoise a été réorganisée, mais sans avoir pu se débarasser de ses vices originels. Elle se compose de deux fractions distinctes les bannières, au nombre de huit, et la milice nationale. L'armée des huit bannières a une organisation en quelque sorte territoriale. Chaque bannière représente un corps d'armée assez fort et se trouve répartie suivant les nationalités, mandschoue, chinoise et mongol, en trois groupes désignés également sous le nom de bannières et correspondant chacun à la division, dans chacune desquelles les trois armes sont représentées. Chaque bannière (division) mandschoue ou chinoise compte cinq Eschalen (brigades) portant les numéros de 1 à 5. Chaque bannière mongole ne compte que deux Eschalen (brigades) portant les numéros 6 et 7. Les brigades mongoles n'ont pas d'existence propre. Elles sont rattachées deux par deux à chacune des divisions mandschoues, dont elles forment les 6 et 7e brigades. Chaque brigade se compose d'un nombre variable de compagnies (Riu-lu). Chaque compagnie a, pour le moment, un effectif moyen de 90 hommes, dit M. Noël Desmaysons dans le Spectateur militaire.

Les huit bannières forment ensemble 1165 compagnies, dont 678 mandschoues, 221 mongoles et 266 chinoises. Les hommes qui en composent l'effectif, au nombre de 105,000, constituent l'armée permanente, stationnant à Pékin (tsin-lu). A ce nombre, il faut ajouter environ 108,000 hommes (tschufang) qui, répartis sur tout le territoire du Céleste-Empire, forment encore 840 compagnies, soit

mandschoues, chinoises ou mongoles. Tous les hommes de bannières (tschi-tschin) ainsi que les tschufong habitent les villes et, en fait, des quartiers particuliers. Ce sont ceux qui, en cas d'invasion, seraient exposés en première ligne aux ravages de la guerre. A l'armée des tsin-lu il convient d'ajouter environ 10,000 hommes qui ne comptent pas parmi les troupes de bannières; de sorte que l'armée de Pékin, en y comprenant les officiers, s'élève à un effectif de près de 130,000 hommes.

La milice nationale est répartie par provinces. Dans chaque province elle est sous les ordres du gouverneur. Elle compte environ 650,000 hommes. Quoique les troupes provinciales soient loin de représenter une force militaire d'une valeur correspondant à leur nombre, les gouverneurs ont, dans tous les cas, le mérite d'avoir cherché à appliquer, chacun en ce qui le concernait, les institutions militaires des temps modernes, d'avoir fait instruire leurs soldats par des instructeurs européens et adopté l'armement des armées européennes. Deux gouverneurs, Lihungtschang, de Tschili, et Tsotsuntsang, de Kansou et Schensi, se sont particulièrement distingués dans cette voie. Leurs efforts ont eu ce résultat qu'aujourd'hui la plupart de leurs compatriotes éclairés n'accordent plus aux anciennes institutions militaires du pays que la valeur d'un noyau destiné à la reconstitution d'une armée nouvelle. Les troupes placées sous les ordres de ces deux gouverneurs pourraient déjà, à l'heure actuelle, ètre estimées à l'égal des armées modernes. Du moins leur armement est déjà conforme aux modèles européens et leur instruction professionnelle, qui a été dirigée par des militaires russes et allemands, peut être considérée comme parfaite. Depuis 1880, l'infanterie est armée du fusil Mauser, l'artillerie de campagne et de forteresse est pourvue de canons Krupp. Des arsenaux d'une certaine importance ont été créés par les soins des gouverneurs en question; ces arsenaux, sous la surveillance de directeurs allemands, sont en pleine activité. Le représentant de la Chine à Berlin s'occupe de faire traduire en langue chinoise les règlements de l'armée allemande. Des instructeurs spéciaux, formés à l'école allemande, exercent à Pékin un détachement modèle, composé de 3 bataillons, 2 escadrons et 2 batteries, dont l'influence sur l'enseignement militaire dans les provinces est incontestable. Le gouverneur Lihungtschang (en quelque sorte vice-roi) travaille avec zèle et succès à la centralisation des forces militaires jusqu'alors trop disséminées ; à tel point que l'on peut dire qu'aujourd'hui le centre militaire du Céleste-Empire n'est point Pékin, mais bien Tientsin, la ville où réside Lihungtschang et où se trouvent les principaux établissements militaires du moment.

Il est certain qu'en ce qui touche maints détails d'organisation, l'armée chinoise est aujourd'hui à la hauteur de toutes celles des

armées étrangères qui pourraient attaquer la Chine par la mer. Autre chose est la question des qualités morales. Le mépris de la mort, le courage passif sont hors de doute chez les soldats de la Chine, mais l'initiative leur manque absolument. Le Chinois n'est pas né soldat, bien qu'on ne puisse en aucune manière lui adresser le reproche de lâcheté.

Et si, pour terminer, on pose de nouveau la question de savoir si la Chine fera la guerre à la France à propos du Tonkin, nous pensons qu'on peut répondre « non, tant que la Chine ne se sentira pas sûre de l'appui d'une solide et sincère alliance.» Trouverait-elle une telle alliance...? That is the question!

Société des Officiers de la Confédération suisse. PROCÈS-VERBAL DE L'ASSEMBLÉE DES Délégués et de L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE.

Procès-verbal de l'Assemblée générale du 13 août 1883, dans la salle du jury à Zurich.

(Suite et fin.)

V. Fondation Winkelried.

Lieut.-colonel Escher présente le rapport de la Commission chargée par le Comité central d'étudier cette question; il dit en substance ce qui suit :

« Lorsque dans nos cercles, il est question d'une fondation Winkelried, nous nous figurons que ce soit une institution nationale au moyen de laquelle il est pourvu à la subsistance des citoyens blessés et à celle des familles des soldats morts en combattant pour la patrie. Il est vrai que, depuis 1874, nous avons une loi fédérale des pensions par laquelle des pensions et des secours, non pas riches, mais suffisants et en rapport avec les ressources du pays, sont institués. Mais ce qui manque, ce sont les moyens de continuer le payement de ces pensions dans des temps de détresse, car chacun comprend bien qu'après une guerre malheureuse qui aurait tout mis en ruines, la Confédération n'aurait pas le crédit nécessaire pour contracter de gros emprunts pour cet objet et pour d'autres. Ces moyens, il faut s'occuper de les créer en temps de paix.

Dans ce moment, nous ne possédons qu'un fonds d'environ 4 millions de francs affecté à cet objet, et encore, il n'y a proprement que le fonds des Invalides, montant à environ 600,000 fr. dont les intérêts soient employés au paiement des pensions légales; et comme il faut pour celles-ci 57,000 fr. par an, les intérêts de ce

fonds ne fournissent pas seulement la moitié de cette somme. Le fonds Grenus, d'environ 3 1⁄2 millions, et les fondations Winkelried cantonales, montant ensemble à 500 — 600,000 francs, ne peuvent être mis de réquisition que pour secours extraordinaires, hors de la limite des pensions et secours légaux. On a calculé que dans une guerre pour son indépendance, la Suisse pourrait avoir 5-6 % de morts et 12 1⁄2 % de blessés dans son armée, et qu'il lui faudrait alors, en comptant une beaucoup plus faible proportion pour la landwehr, 3 1/2 millions de francs par an pour pensions et indemnités.

En admettant même que ces chiffres soient exagérés, il résulte néanmoins de ce que nous venons de dire que les moyens actuellement disponibles sont absolument insuffisants et que les droits légaux de nos soldats à la pension sont sans base solide parce qu'en cas de guerre sérieuse, il ne pourrait pas y être satisfait. Pour y porter remède, il a été fait, dans les vingt dernières années, une suite de propositions, à l'une desquelles la Commission se rattache, du moins dans ce qu'elle a d'essentiel, savoir la capitalisation des fonds existant actuellement. Ce moyen paraît devoir conduire au but, lentement il est vrai, mais les autres moyens proposés sont ou trop compliqués, ou peu en harmonie avec les idées du peuple suisse.

COMPARAISON DE PROJETS DE LOI CONCERNANT L'INSTITUTION D'UNE FONDATION WINKELRIED FÉDÉRALE

Proposition de la Commission.

Proposition de la minorité de la Commission.

Projet d'une loi fédérale instituant une Fondation Winkelried fédérale.

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse voulant, avec l'aide de la nation entière, assurer aux soldats devenus invalides dans le service actif pour la défense de la patrie, ainsi qu'aux familles des soldats morts à ce service, des secours convenables, décide:

Art. 1er. Les fonds existants ou ceux encore à créer pour pourvoir au paiement des pensions et indemnités fédérales

Projet d'une loi fédérale instituant une Fondation Winkelried fédérale.

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse voulant, avec l'aide du pays tout entier, assurer aux soldats devenus invalides dans le service actif pour la défense de la patrie, ainsi qu'aux familles des soldats morts à ce service, les secours qui leur sont promis par la Constitution fédérale et par la loi fédérale sur les pensions militaires et indemnités, décide :

§ 1er. Sous le nom de « Fondation Winkelried,» il est constitué un fonds destiné à pourvoir au paiement des pensions et in

forment la Fondation Winkelried.

Art. 2. La Fondation Winkelried comprend:

a le fonds des pensions; b le fonds Grenus des Invalides;

c le fonds de secours.

Art. 3. Le fonds des pensions est destiné à pourvoir au paiement des pensions et indemnités résultant du service actif, instituées par la loi fédérale.

Il est formé :

a) Du fonds actuel des Invalides;

b) de contributions de la Confédération;

c) de contributions des cantons;

d] de donations testamentaires et legs en faveur de ce fonds, ainsi que d'autres contributions volontaires.

Art. 4. La contribution annuelle des cantons est fixée à 50 centimes par homme qu'ils doivent fournir à l'armée fédérale.

La contribution annuelle de la Confédération ne peut pas être inférieure à celle des cantons.

Art. 5. Le fonds Grenus des Invalides se compose de la fortune léguée à la Confédération par le baron de Grenus, par testament du 22 août 1850. Les intérêts de la caisse Grenus des Invalides seront capitalisés afin que les revenus du tout soient, en cas de besoin, employés comme supplément de secours en faveur des militaires nécessiteux blessés au service de la Confédération suisse, ainsi que des veuves, enfants, pères et mères des soldats morts à ce service.

demnités prévues par l'art. 18 de la Constitution fédérale et par la loi fédérale sur les pensions et indemnités militaires.

§ 2. Le fonds est formé de la manière suivante :

a par un emprunt national de 20 millions;

b par l'annexion du fonds Grenus des Invalides.

Les dispositions du testament de M. de Grenus sont réservées.

§3. L'augmentation ultérieure du fonds se fera:

a) par la capitalisation des intérêts annuels pour autant que ceux-ci ne seront pas absorbés par l'application des §§ 1 et 4 de la présente loi.

b) par une contribution annuelle de fr. 150,000 prise par la Confédération sur le rendement de l'impôt militaire ;

c par legs et contributions volontaires.

§ 4. Il sera payé à la Confédération l'intérêt à 4 0/0 des sommes livrées par elle en vertu du § 2 litt. b, et cela aussi longtemps que les intérêts du fonds ne devront pas être consacrés au but prescrit § 1 et à couvrir les frais d'administration.

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