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refusant de payer l'indemnité et de ratifier le traité, les hostilités recommencèrent au mois de février. Les forts du Bogue furent enlevés de nouveau, les Chinois chassés de leurs positions, les jonques coulées, l'amiral chinois tué, Canton menacé, les faubourgs occupés, et, le 24 mai, le général Hugh-Gouha, descendu à terre avec 2500 hommes et 13 pièces de canon, s'empara des hauteurs fortifiées à l'ouest de Canton, en chassa les défenseurs; il se préparait à ouvrir le feu contre la ville, quand les autorités de Canton, pour échapper au désastre d'un bombardement, proposèrent de payer l'indemnité que l'empereur avait refusée.

Les Anglais acceptèrent la proposition, Canton échappa au sac, mais la guerre n'en continua pas moins avec une grande vigueur.

Au commencement d'août, le capitaine Elliot, rappelé, est remplacé par sir Henri Pottinger, nommé ministre plénipotentiaire, haut commissaire du gouvernement britannique. Une nouvelle division navale, arrivée en Chine, porte la flotte d'Hong-Kong à 80 navires et à 15 mille hommes. L'amiral Parker prend le commandement de la flotte, le général Hugh-Gouha celui des troupes de débarquement.

Le 21, la flotte fit voile vers le nord; le 5 septembre, on prit Amoy, et le 29, on réoccupa l'ile de Chu-san, à l'embouchure du fleuve Bleu, où on hiverna.

Dès le mois de mai 1842, on remonta le fleuve Bleu, on enleva successivement, sans peine, Shangaï et plusieurs autres villes; mais, au point de jonction du canal impérial avec le fleuve, à Tchin-Kiangfou, les Tartares défendirent ce noeud stratégique et commercial avec acharnement, ils se battirent dans les rues et dans les maisons et, quand ils se virent dans l'impossibilité de se défendre plus longtemps, ils se poignardèrent, après avoir tué leurs femmes et leurs enfants. A la suite de cette boucherie, les Anglais, exaspérés par suite des pertes qu'ils avaient subies, mirent la ville et les environs à feu et à sang, et inspirèrent une telle frayeur aux populations chinoises, que la petite ville de Koua-tchou paya 3 millions de francs pour échapper à l'occupation anglaise.

Pendant qu'une partie de la flotte bloquait le canal, le reste remontait le fleuve jusqu'à Nanking, seconde capitale de l'empire. Cette ville, sans défense, prise au dépourvu, comprit que son sort était décidé et fit les plus pressantes instances auprès du gouvernement pour en arriver à un arrangement. La cour de Péking, voyant sa capitale exposée à une destruction certaine, l'empire coupé en deux, les communications fluviales interrompues, la famine sur le point de se déclarer dans tout l'empire, envoya un membre de la famille impériale, Ky-Yng, à Nanking, muni de pleins pouvoirs.

Le 29 août, en rade de Nanking, à bord du vaisseau le Cornwallis, sir Henry Pottinger et Ky-Yng signèrent un traité en vertu duquel

le gouvernement chinois s'engageait à payer en trois ans 120 millions de francs et à tenir ouverts et libres au commerce anglais les cinq ports de Canton, d'Amoy, de Fou-Tchou, de Ning-Po et de Shangaï. La cession de l'ile de Hong-Kong, déjà stipulée dans le traité du 20 janvier 1841, fut de nouveau reconnue.

Aux avantages commerciaux que l'Angleterre en particulier obtenait dans l'exécution du traité de Nanking, se trouvait ainsi implicitement liée la solution du grand problème si souvent et si vainement tenté, L'OUVERTURE DE LA CHINE A TOUS LES PEUPLES.

Aussi, dès le 3 juillet 1844, un traité avec la France fut signé et le 25 octobre, un autre traité fut conclu avec l'Union américaine.

Pendant les années 1845 et 1846, les mandarins accueillirent favorablement les étrangers dans les ports d'Amoy, de Fou-Tchou, de Ning-Po et de Shangaï, mais le vice-roi de Canton fit tout ce qu'il put pour entraver le commerce et s'opposa à l'exécution des traités. Il empêcha les Européens de pénétrer dans la ville chinoise et relégua les factoreries étrangères dans un espace très restreint des faubourgs. Aux justes réclamations des consuls, les autorités chinoises opposèrent une force d'inertie invincible et une mauvaise foi évidente.

En 1847, lord Palmerston, persuadé que la force était le seul argument devant lequel céderaient les autorités du Céleste Empire, fit des préparatifs pour expédier de nouvelles troupes à Hong-Kong ; mais la révolution de 1848, qui menaça de bouleverser l'Europe, arrêta momentanément ce projet.

Un peu plus tard, la guerre d'Orient vint encore distraire le chef du Foreign-Office des vues qu'il avait sur la Chine. On temporisa à raison des circonstances; mais dès que la paix fut signée avec la Russie, que l'Angleterre n'eut plus à craindre de voir les troupes du czar combattre à côté de celles du Fils du Ciel, elle envoya de nouvelles forces en Chine, et, afin de satisfaire aux réclamations du haut commerce anglais, se prépara à reprendre les hostilités avec le Céleste Empire.

Dans les traités conclus en 1842 et 1844, il avait été stipulé qu'après dix années révolues, ces traités pourraient être révisés; en conséquence, l'Angleterre, la France et l'Amérique résolurent, en 1856, d'envoyer des commissaires extraordinaires pour réviser ces traités, défendre la cause de la civilisation et protéger le commerce du monde entier.

Pour appuyer efficacement les prétentions des commissaires, on résolut collectivement d'augmenter les forces navales dans les mers de Chine, et, dès le mois de septembre, des forces importantes se réunirent à Macao, à Hong-Kong et Shangaï.

Campagnes de 1856-1857-1858.

Les Anglais désirant la guerre, un incident favorable à leur plan ne tarda pas de se présenter. Le 8 octobre 1856, douze matelots anglais, montés sur une embarcation chinoise, naviguant sous pavillon anglais et maraudant sur les côtes, furent arrêtés et conduits dans les prisons de Canton. Le consul anglais réclama ses nationaux ; le fameux Yeh, alors gouverneur de la province de Canton, fit remettre les marins, mais refusa obstinément de faire des excuses. On lui signifia que si, dans les 24 heures, les satisfactions n'étaient pas complètes, les hostilités commenceraient. Yeh gardant le silence, les représailles ne se firent pas attendre. Le 23 octobre, l'amiral Seymour avec son escadre, se dirigea sur Canton, enleva les forts de la rade, remonta la rivière, bombarda deux faubourgs, descendit à terre avec un détachement d'infanterie de marine, pénétra dans la ville et incendia le palais du vice-roi Yeh. L'amiral fit alors des propositions au vice-roi; Yeh, méconnaissant étrangement les traités, répondit qu'il ne reconnaissait à aucun étranger le droit de pénétrer dans Canton, et que, du reste il ne pouvait traiter verbalement avec eux. Par ses ordres, des proclamations placardées dans tous les quartiers de la ville excitèrent les habitants à tuer les Européens et à incendier leurs factoreries. Ce procédé foulant aux pieds le droit des neutres, les consuls de France et d'Amérique adressèrent à Yeh d'énergiques protestations. Le vice-roi répondit que les actes de rigueur ne seraient dirigés que contre les Anglais; cependant, le 13 décembre, toutes les factoreries européennes de Canton furent incendiées; Américains, Français et Anglais durent s'enfuir à bord des navires de leur nation, qui les transportèrent à HongKong et à Macao, à l'abri de tout danger.

Le contre-amiral Guérin, commandant de l'escadre française à Canton, trop faible pour entreprendre des opérations sérieuses, suivit ses nationaux à Hong-Kong, afin d'y attendre des renforts et les instructions de son gouvernement. La flotte anglaise resta sur la défensive, et le commodore américain Armstrong, après avoir réduit le fort de la barrière, se retira également pour attendre de nouvelles instructions.

Cette mesure de prudence prise par les flottes étrangères fut interprétée par les Chinois comme une retraite forcée; le vice-roi prit aussitôt l'offensive. Son premier acte fut de mettre à prix la tête des barbares (100 taëls par tète).

Le 23 décembre, M. Cowper est enlevé ; le 30, le Chardon, paquebot faisant le service des dépêches, est capturé et onze personnes du bord sont décapitées. Le 4 janvier 1857, les Chinois, dont l'audace s'accroit de jour en jour, viennent attaquer les bâtiments

mouillés autour de Macao, mais ils sont repoussés et obligés de s'enfuir avec perte.

Les choses en étaient arrivées à ce point quand, en 1857, l'Angleterre, la France, les Etats-Unis et la Russie résolurent d'envoyer des commissaires et les forces nécessaires pour amener à bien une expédition devenue indispensable. Lord Elgin pour l'Angleterre, le baron Gros pour la France, M. Reid pour l'Amérique, furent les hauts commissaires. L'Angleterre expédia sous les ordres du général Ashburnham un renfort de 5,000 hommes, et la France envoya le contre-amiral Rigault avec une forte division navale. L'Amérique en fit autant.

En attendant les renforts, les Anglais coulèrent des jonques et prirent quelques forts. Le 6 juillet, lord Elgin apprenant en débarquant à Hong-Kong les graves événements des Indes, partit immédiatement pour Calcutta et ne retourna à Hong-Kong que le 20 septembre, où il fut rejoint par le baron Gros le 15 octobre. Les commissaires américains et russes, M. Reid et le comte Poutiatine, arrivèrent un peu plus tard; et dans les premiers jours de décembre les derniers renforts venus d'Europe ayant rejoint, lord Elgin et le baron Gros résolurent de sortir de l'expectative; le 10, ils envoyèrent un ultimatum aux autorités de Canton; Yeh répondit par un refus absolu. Le 24, les commandants des forces navales firent une nouvelle sommation sans plus de succès. Le 28, les deux escadres ouvrirent le feu; en peu d'heures les forts sont enlevés, les casernes, bâties en bois, sont incendiées et les troupes chinoises s'enfuient dans toutes les directions; Yeh lui-même est obligé d'abandonner son palais et de prendre un déguisement. Le 29, les alliés enlèvent les faubourgs et entourent la ville chinoise. Le 30 au matin, en signe de paix, un grand nombre de drapeaux blancs flottent sur les murailles de la ville, et un officier tartare se présente pour ouvrir les négociations avec les alliés. On lui répond qu'on ne traite qu'avec le général en chef ou le vice-roi. On attend vainement la réponse. Le 5 janvier 1858, on pénètre dans la ville, on prend le général tartare; le gouverneur et le vice-roi lui-même tombent au pouvoir des alliés. Le même jour on découvrit le trésor, des coolies chinois portèrent. plus de 600 caisses de lingots d'argent à bord des navires alliés. On prit aussi les archives de Yeh, parmi lesquelles on trouva toutes les correspondances avec la cour de Péking relativement aux traités.

Afin de concilier les intérêts des Européens et des Chinois, les alliés résolurent de maintenir Pikwée dans ses fonctions de gouverneur de Canton, mais en lui adjoignant des officiers anglais et francais, chargés de contrôler ses actes. Le blocus de Canton fut levé, mais l'état de siège maintenu; Yeh, prisonnier des alliés, envoyé à Calcutta, y mourut quelques mois après.

Les militaires, croyant avoir atteint leur but et ouvert la voie aux

négociations, les diplomates songèrent à accomplir leur mission; d'un commun accord on se rendit à Shangaï. Comme le comte Poutiatine l'avait prévu, les négociations entamées à une aussi grande distance de la capitale n'aboutirent point. La Russie et l'Amérique ayant aussi des griefs contre le gouvernement chinois, les représentants des quatre puissances envoyèrent simultanément des commissaires à Péking pour demander que le gouvernement déléguât des hauts commissaires, afin de traiter sur les bases que voici :

« Admission des ambassadeurs à Péking; libre exercice du culte » chrétien; admisssion du commerce étranger dans tous les ports » et fleuves de l'empire; révision des traités de douane; des droits » de transit perçus dans l'intérieur de l'empire. Ils ajoutèrent que > si les hauts commissaires n'étaient pas arrivés avant la fin de » mars, les flottes se dirigeraient vers la capitale et auraient recours » à la force. >>

Le premier ministre, à qui les dépêches étaient adressées, ne daigna pas y répondre; il se borna à dire que Yeh avait été destitué et remplacé par Hang, qui seul était chargé de traiter avec les étran

gers.

Le traité de Nanking portant la clause que les fonctionnaires de la Grande-Bretagne en Chine correspondraient avec les grands fonctionnaires de l'empire, lord Elgin et ses trois collègues renvoyèrent cette réponse et informèrent la cour de Péking qu'ils allaient immédiatement se diriger vers l'embouchure du Pe-ho, où les négociations, appuyées par le canon, amèneraient plus promptement une solution.

Le 20 avril, la flotte combinée, forte de 27 bâtiments de guerre, 14 anglais, 8 français, 2 américains et 1 russe, arrivaient devant l'embouchure du Pe-ho. On fit vainement de nouvelles démarches pour ouvrir les négociations. Enfin le 18 mai, les plénipotentiaires et les chefs militaires des quatre puissances se réunirent à bord de l'Audacieuse; on décida que le lendemain on sommerait le commandant de Tang-Kou de remettre les forts de l'entrée du Pe-ho. Le 20 la sommation fut faite, et, sur le refus du commandant, les amiraux Rigault et Seymour firent ouvrir le feu.

Les ouvrages de défense du Pe-ho étaient incomparablement mieux construits et mieux armés que tous ceux qu'on avait rencontrés jusqu'alors dans ces contrées, et l'entrée du fleuve était habilement barrée. Ces obstacles ne changèrent en rien la résolution prise par les amiraux. Au début de l'action, les Chinois ripostèrent assez vivement; mais dès qu'ils virent que leur feu n'épouvantait pas les barbares, milices chinoises, tartares, garde impériale, tous s'enfuirent en abandonnant non seulement leurs pièces de position, mais aussi leur artillerie de campagne. On trouva dans chaque fort une vingtaine de pièces de campagne, autant de pièces de gros calibre et un

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