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trictifs; que l'absence de ce récépissé ne saurait être remplacée par tout autre genre de preuve, et notamment par la preuve testimoniale. 1

138.- La présomption de dol, qui naît de la violation de ces formalités, est une présomption juris et de jure, si le compte n'a pas été rendu, s'il n'a pas été accompagné de la remise des pièces. Or, si cette remise ayant été faite, elle n'est pas constatée par un récépissé, le traité intervenu entre l'ancien mineur et son tuteur est frappé d'une nullité substantielle; il en serait de même de celui intervenu moins de dix jours de la date du récépissé.

139.

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Ce récépissé peut être fait par acte séparé ou être mis au bas du compte lui-même. On ne saurait, dans le silence de la loi, créer une nullité contre la forme de l'acte; cette forme, n'étant nullement réglée par la loi, doit être laissée à la volonté des parties. Mais il en est autrement de la date, elle doit être certaine pour prévenir tout moyen d'éluder la loi. Le récépissé sous seing-privé doit donc être enregistré, le délai de dix jours court du moment de l'enregistrement.

140. Les termes de l'article 472 ont donné naissance à une grave difficulté : tout traité, porte cet article, sera annulé. Faut-il entendre par-là les traités qui

Journal du Palais, Toulouse, 6 février 1835;—Aix, 10 août 1809; -D. A., tom. XII, p. 764.

interviendraient sur la gestion, ou bien ranger dans une égale catégorie, même les traités étrangers à cette gestion?

141. Cette dernière opinion a trouvé des partisans dans les sommités de la doctrine; elle est notamment enseignée par Merlin, qui combat l'opinion contraire, comme tendant à établir une exception repoussée par la généralité des termes de l'article 472. La loi, dit-il, ne fait aucune exception; elle annulle tout traité non précédé d'un compte de tutelle; or, qui dit tout, n'excepte rien. '

142. Cette interprétation, fondée sur la lettre du texte, en fait-elle une juste, une exacte appréciation? Nous ne saurions l'admettre. Il nous semble que, par la place qu'elle occupe dans la loi, cette disposition est nécessairement limitée à ce qui concerne la gestion du tuteur, et que, l'expliquer comme le fait Merlin, c'est lui donner une extension que le texte ne comporte pas, que son esprit repousse d'une manière invincible.

La protection dont la loi entoure le mineur n'est que la conséquence des dangers auxquels son inexpérience et la faiblesse de son âge l'exposent: Cum intra omnes constet, fragile esse et infirmum hujus modi ætatum consilium, et multis captionibus suppositum, multorum insidiis expositum, auxilium eis prætor pollicitus.

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1 Questions de droit, § 3, no 4

L. 1, Dig. de minoribus.

Le mineur devenu majeur n'est plus censé avoir besoin de cette protection spéciale, il n'a plus aucun droit à la réclamer. Il est, par rapport à tous, en état de défendre ses intérêts, de prendre toutes les mesures que sa position nécessite, et cela est vrai même à l'égard de son ancien tuteur, sauf sur un seul point, celui relatif à la gestion que ce tuteur a eue de ses biens.

Cette exception résulte naturellement de l'état antérieur des choses, elle était commandée par cet état même. Des deux parties en présence, l'une, l'ancien mineur est dans une ignorance absolue sur le chiffre de sa fortune, sur l'étendue de ses ressources, sur la manière dont elles ont été administrées; l'autre, l'ancien tuteur, connaît parfaitement toutes choses. Autoriser en cet état d'inégalité un traité entre elles, c'était permettre au tuteur d'abuser de l'ignorance légitime dans son origine, mais que son intérêt le déterminerait à prolonger. On pouvait donc prévoir que, dans une pareille transaction, tout l'avantage resterait au tuteur qui, selon l'observation de Louet, loin de rendre compte, mettrait sa partie en ténèbres et en lieu où lui seul verrait clair.

C'est ce que la loi suppose du tuteur qui n'a pas rendu compte. La nullité du traité, intervenu avant la reddition, est donc la conséquence plutôt de la conduite frauduleuse du tuteur que de l'incapacité de l'ancien mineur. Cette prescription ne fait pour celui-ci que ce que les principes généraux font pour tous les majeurs, elle a pour but unique de donner à son consentement

ce degré de réflexion et de liberté sans lequel il n'y a pas de consentement valable.

Il est un autre motif qui étaye la prohibition de l'article 472. L'équité exige que chacune des parties ait une connaissance exacte de ce qui fait la matière de la convention, sa perfectibilité est à ce prix. Or, cette connaissance, le mineur devenu majeur ne l'acquiert que par la reddition des comptes, il ne l'a donc pas tant que cette reddition n'a pas été réalisée. Il est conséquemment privé d'un des éléments essentiels au contrat. Il en est privé par la faute du tuteur qui viole les devoirs que la loi lui impose. On comprend dès-lors que la loi ait refusé sa sanction à un acte qu'elle ne pouvait consacrer qu'en autorisant le tuteur à exploiter sa position, et à profiter de sa faute et même de son dol.

Ces considérations sont justes et décisives, lorsqu'il s'agit d'un traité relatif aux comptes de la gestion. Sa nullité n'en est qu'une conséquence rationnelle et légitime; mais peuvent-elles s'appliquer au traité fait sur tout autre objet et abstraction faite de la position respective des parties relativement à la gestion tutélaire?

Par exemple, le mineur devenu majeur est appelé à recueillir une succession qui s'est ouverte depuis sa majorité. Son ancien tuteur se trouve créancier ou débiteur de cette succession, il paie ce qu'il devait, ou retire ce qui lui était dû. Il traite avec l'ancien mineur d'un objet mobilier ou immobilier appartenant à cette succession, il transige sur un procès qu'il avait avec celui qui l'a délaissée. Faudra-t-il annuler tous ces actes, parce que le compte de sa gestion n'aura pas encore été

rendu? Mais qu'elle influence pouvait exercer à leur endroit la reddition des comptes? Le mineur pouvait-il recevoir de cette formalité des notions plus complètes, plus étendues que celles qu'il possédait au moment du contrat? Evidemment non. Conséquemment annuler des actes de cette nature, et sous un pareil prétexte, ce serait agir d'une manière injuste, illogique, et anéantir sans nécessité des conventions parfaitement légitimes.

Il est donc impossible d'admettre que l'article 472 du Code civil ait voulu parler d'autres traités que de ceux faits sur la gestion du tuteur. Ce qui le prouve, c'est la place que cet article occupe dans le Code, sous la section intitulée, des Comptes de tutelle, précédé et suivi d'autres dispositions se rapportant exclusivement au mode de reddition, d'appurement et de règlement de ces mêmes comptes.

Ce qui le prouve encore, c'est que l'article 907 prohibe au mineur devenu majeur de disposer en faveur de son tuteur, non-seulement par testament, ce qui pourrait ne pas paraître un traité, mais encore par donations entre vifs, tant que les comptes de tutelle n'ont pas été régulièrement rendus. Si les termes de l'article 472 n'exceptent rien, pourquoi a-t-on cru nécessaire de prohiber spécialement les donations? Pouvait-on croire que quelqu'un serait jamais tenté de contester l'application aux actes à titre gratuit, des principes régissant les actes à titre onéreux?

Ce qui le prouve enfin, c'est la disposition de l'article 2045 du Code civil qui permet au mineur devenu majeur, de transiger sur toutes les matières, excepté

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