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dol n'est et ne peut être que personnel. Ce qui le prouve, c'est qu'après les mots que nous venons de rapporter, Ulpien ajoute immédiatement: Cum enim quis petat ex ea stipulatione hoc ipse dolo facit quod petit. Ce qui le prouve mieux encore, c'est ce que ce jurisconsulte nous a déjà dit: Et quidem illud annotandum est quod specialiter exprimendum est de cujus dolo quis quæratur, non in rem, si in ea re dolo malo factum est, sed si in ea re nihil dolo malo actoris factum est, docere igitur debet is qui objicit exceptionem dolo malo actoris factum, nec sufficit ei ostendere in re esse dolum. 1

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Ainsi, il ne suffit pas que la chose soit défectueuse pour que le dol existe, il faut qu'il y ait un acte reprochable à celui qui a livré la chose, ou qui veut sciemment abuser de cette défectuosité. Conséquemment, aux yeux d'Ulpien, le dol est toujours personnel, puisqu'il n'existe que par le fait d'une des parties, soit que ce fait vicie le contrat dans son origine, soit qu'il ait pour but de contraindre à une exécution déloyale et injuste: Cum enim quis petat ex ea stipulatione hoc ipse dolo facit quod petit.

Interpréter ainsi la conduite du poursuivant, était facile en droit romain. L'obtention du jugement était nécessairement précédée de la litiscontestatio qui en devenait la base. Or celle-ci opérait une véritable novation, en substituant au droit primitif le droit résultant de la formule. Dès l'instant que le créancier poursui

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1 L. 2, § 1, Dig. de doli mali et metus exceptione.

Etienne, des Actions, no CXX.

vait déloyalement l'obtention de celle-ci, il commettait un dol, et le droit était censé vicié dans son origine, puisque le dol était en principe la cause de cette obtention.

C'est au reste ce que le § 3 de la loi 2, Dig. de doli mali et metus exceptione, explique fort bien : Si quis sine causa ab aliquo fuerit stipulatus, deinde ex ea stipulatione experiatur, exceptio utique doli mali ei nocebit. Licet enim eo tempore quo stipulabatur nihil dolo malo admiserit, tamen discendum est eum CUM LITEM CONTESTATUR, dolo facere qui perseverat ex ea stipulatione petere.

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Le dol ne peut donc être que personnel, nous l'avons déjà dit. Mais il ne procède pas toujours de la même manière et, conséquemment, ne produit pas toujours les mêmes effets. Il est substantiel, lorsqu'il attaque l'acte dans son essence; accidentel, lorsqu'il ne vicie qu'une des clauses du contrat. Substantiel ou accidentel, le dol est direct ou indirect, positif ou négatif. Examinons-le sous ces divers points de vue.

$1". -DOL SUBSTANTIEL OU ACCIDENTEL.

SOMMAIRE.

50. Quand le dol est-il substantiel?

51. Effet du dol substantiel.

32. Obligations de celui qui en allègue l'existence.

53. Dol dans le consentement, quand existera-t-il ? 54. Premier exemple.

55. Second exemple.

56. Troisième exemple.

57. Dol sur la capacité de la partie.

58. Effet de l'incapacité, si le capable l'a connue.

59. Quid si elle a été ignorée ?

60. Quand cette ignorance pourra-t-elle être utilement invoquée.

61. Dol sur la matière du contrat.

62. Ce dol peut être négatif. Exemple.

63. Autre exemple du dol sur la matière du contrat. 64. Dol sur la cause du contrat. Fréquence probable de ce dol, le but qu'il se proposera.

65. Dans toutes les hypothèses, c'est en définitive le consentement qui sera vicié.

66. Dol accidentel. Ses caractères.

67. Premier exemple.

68. Second exemple.

69. Ce dol, quant aux qualités de la chose, ne saurait en général être constitué que par des manœuvres.

70. Il en est de même lorsqu'il affecte le prix.

71. La vilité du prix ne fait donc pas supposer nécessairement le dol.

72. Nécessité de la distinction entre la lésion et le dol, pour les ventes mobilières.

73. Le dol exercé sur le prix n'annulera pas la convention. 74. Il en est autrement du dol sur les qualités de la chose.

75. Exemple du dol sur les qualités motivant l'annulation. 76. Autre exemple.

77. Effets du dol sur la qualité dans la vente de choses mobilières et dans les ventes commerciales.

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50. Le dol est substantiel lorsqu'il a pour objet de tromper sur l'une des conditions essentielles du con

trat, de créer une erreur sans laquelle il est évident que la partie n'aurait pas traité. 1

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51. L'article 1108 énumère ces conditions. C'est d'abord le consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement, une cause licite dans l'obligation. Les manœuvres à l'aide desquelles on est parvenu à égarer le consentement, à déguiser l'incapacité de la partie, l'absence de tout objet formant la matière du contrat ou celle d'une cause licite, constituent donc le dol substantiel. L'acte ne renferme plus de lien obligatoire : Colorem habet, substantiam vero nullam.'

Mais quelque vicieuse que soit au fonds une convention ainsi obtenue, la régularité du titre qui la constate en fait présumer la légalité, en commande même l'exécution, tant que la partie lésée garde le silence. « Un consentement extorqué n'en est pas moins un consentement, et, tant qu'il n'est point attaqué, l'obligation subsiste. »

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52. C'est donc à celui qui prétend en être affranchi à prouver devant la justice le vice qu'il lui reproche; à lui, à indiquer en quoi et comment il a été surpris, à justifier les moyens à l'aide desquels on a trompé sa volonté, égaré sa vigilance et créé une erreur sans laquelle il n'eût pas contracté.

1 Art. 1116 C. eiv.

1 D'Argentré, art. 269, no 4.

Pothier, Oblig., no 29.

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53.

Pour être utilement et valablement donné, le consentement doit procéder d'une volonté éclairée et libre, c'est ce qu'enseigne l'article 1109. Cette liberté d'action et de réflexion n'est jamais appréciée que relativement au contrat lattaqué et aux circonstances au milieu desquelles ce contrat s'est réalisé.

Or, si la volonté de traiter a été inspirée par des manœuvres, si ces manoeuvres ont le caractère de gravité que nous indiquions tout à l'heure, on devra reconnaître que le consentement n'a pas d'autres motifs que le dol, il n'est pas susceptible dès-lors de créer un lien quelconque.

54.

Un exemple de ce dol, cité par la doctrine, est celui-ci : Je possède une maison qui est à votre convenance et que j'ai refusé de vous céder; pour me déterminer à le faire, vous me persuadez qu'un alignement projeté va la faire disparaître en partie. A l'appui de cette allégation, vous mettez sous mes yeux un plan de ce prétendu alignement, dont, dites-vous, votre crédit vous a fait avoir la communication.

La vente que cette communication aura déterminée sera parfaitement régulière, sous le rapport de la capacité des parties; elle aura un objet certain, une cause licite dans l'obligation. Mais il est évident que le consentement a été vicié dans son essence. Ce qui l'a inspiré, c'est la crainte que la communication du plan,

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