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doit servir à la solution de plusieurs difficultés qui se présenteront dans la suite : c'est que celui qui est obligé à faire une réparation n'est pas seulement tenu de la main d'oeuvre, mais il est tenu de fournir aussi les pièces et matériaux neufs qui peuvent être nécessaires à l'exécution de l'ouvrage, puisqu'il doit rétablir la chose dans un état tel qu'elle puisse convenablement remplir les fonctions auxquelles elle est destinée, et que ce rétablissement ne peut avoir lieu, sans cette fourniture de matériaux substitués à ceux qui, par vétusté, ou autre cause, auraient cessé d'être d'un bon usage; et c'est ainsi que le décide positivement la loi romaine: verbo REFICIENDI, tegere, substruere, sarcire, ædificare, item advehere, adportareque ea, quæ ad eamdem rem opus essent, continentur (1). Si, par l'article 592 du code, l'usufruitier auquel on a légué tout à la fois la jouissance de quelques bois et de certains bâtimens, peut exiger la délivrance des arbres futaies, pour l'exécution des réparations dont il est tenu, ce n'est là qu'une exception qui confirme bien positivement la règle contraire dans tous autres cas : car cette disposition serait tout à fait superflue, si, de droit commun, c'était toujours au propriétaire à fournir les matériaux nécessaires aux travaux des réparations.

1615. II. On distingue deux genres principaux

(1) D. l. 1 S. 6, ff. de rivis, lib. 43, tit. 21. Vide et l. 4, S. 1, et l. 5, §. 1, ff. de itinere privato, lib. 43, tit. 19.

de réparations, qui sont les grosses réparations, et les réparations d'entretien.

Cette distinction, comme l'indiquent assez les termes, est fondée soit sur le plus ou le moins d'importance des dégradations qui peuvent affecter le fonds; soit sur le plus ou le moins de dépenses nécessaires pour le rétablir en bon état.

Elle est fondée encore sur ce que la durée des réparations d'entretien, qu'on appelle aussi réparations viagères, se rapproche plutôt de la durée de la vie de l'homme, et c'est pourquoi il est juste de les mettre à la charge de l'usufruitier.

Les réparations d'entretien se sous-divisent en deux classes: l'une qui est bornée aux menues réparations, ou réparations locatives, dont la charge pèse même sur le simple locataire (1754); et l'autre qui, s'étendant plus loin, comprend les réparations de gros entretien.

1616. Suivant l'article 605 du code, l'usufruitier est généralement tenu de toutes les réparations d'entretien, et les grosses réparations sont laissées à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de celles d'entretien, cas auquel l'usufruitier en est aussi tenu comme étant imputables à sa négligence.

La disposition de la loi qui charge l'usufruitier de procurer les réparations d'entretien, est tout entière dans le droit privé en conséquence il est permis au testateur qui lègue l'usufruit de tout ou partie de ses biens, de charger encore son héritier d'y faire les réparations de toutes espèces : cette disposition de l'homme

serait comme un second legs, ajouté au premier, et en vertu duquel le légataire de l'usufruit aurait l'action personalem ex testamento, contre l'héritier, pour le contraindre à réparer, comme pour la délivrance d'une autre libéralité; si testator jusserit ut hæres reficeret insulam, cujus usumfructum legavit, potest fructuarius ex testamento agere, ut hæres reficeret (1): que si l'héritier n'avait pas rempli son devoir à cet égard, il y aurait une action en dommages et intérêts contre lui, pour toutes les non-jouissances que l'usufruitier pourrait avoir ressenties par le défaut des réparations non exécutées; action que l'usufruitier transmettrait à ses héririers, même après la cessation de l'usufruit: Quòd si hæres hoc non fecisset, et ob id fructuarius frui non potuisset: hæres etiam fructuarii eo nomine habebit actionem, quanti frue-. tuarii interfuisset, non cessasse hæredem: licèt ususfructus morte ejus interiisset (2).

1617. III. L'obligation de l'usufruitier au sujet des réparations dont il est tenu, repose sur ce qu'il ne perçoit le revenu du fonds qu'à la charge de l'entretenir; que l'un est comme le prix de l'autre; que souvent la durée des réparations d'entretien n'excédant pas celle de la vie de l'homme, le principe d'équité est ici que le propriétaire ne soit pas grevé de la fourniture d'une chose qui doit être souvent usée pour le service de l'usufruitier; que si, dans

(1) L. 46, S. 1, ff. de usufructu, lib. 7, tit. 1.
(2) L. 47, ff. eod.

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beaucoup de cas, la durée des réparations d'entretien doit excéder celle de l'usufruit, il est toujours plus juste de les faire peser sur celui qui a la jouissance du fonds, que sur celui qui en souffre la privation, attendu qu'il est naturel d'entretenir la chose par son produit.

Lorsqu'il n'est question que de réparations d'entretien, exécutées par l'usufruitier, quelle que soit l'augmentation de valeur que ces ouvrages aient procurée au fonds, il ne peut lui être dû aucune indemnité de la part du propriétaire; puisqu'en considérant ses travaux comme destinés à réparer', ils ne sont que l'acquit de sa dette; et qu'en les envisageant comme une amélioration, si cela était possible, la loi ne veut pas qu'il puisse en répéter le prix.

Il résulte de là que la condition de l'usufruitier est ici bien différente de celle du possesseur même de mauvaise foi, auquel on doit tenir compte de toutes les dépenses nécessaires ou utiles qu'il a faites pour la conservation de la chose dont il est évincé (1381). Nous avons indiqué les raisons de cette différence, en parlant des améliorations au chapitre trente-trois. 1618. Quoique l'usufruitier ne soit pas personnellement tenu des grosses réparations, il est néanmoins des circonstances où la loi lui impose le devoir de les procurer, et il est possible qu'il se soit indirectement imposé ce devoir lui-même.

Et d'abord, lorsqu'il s'agit du fonds propre de la femme, soit que le mariage ait été célébré sous le régime communal (1428), soit qu'il ait été célébré sous le régime dotal (1562), la qua

lité d'administrateur impose au mari le devoir de pourvoir aux réparations de toutes espèces, parce qu'elles sont nécessaires pour la conser

vation de la dot.

Le même devoir est imposé aux père et mère qui ont l'usufruit légal des biens de leurs enfans mineurs, puisqu'ils en sont en même temps les tuteurs, et qu'en cette qualité, ils doivent veiller à la conservation de leurs biens.

Enfin, si un légataire d'usufruit avait donné à ferme le domaine soumis à son droit de jouissance, et qu'il y eût des grosses réparations à faire, dont le défaut peut porter préjudice à la jouissance du fermier, celui-ci ne connaissant que son bailleur, aurait action contre lui (1754) pour les faire exécuter.

Mais dans tous ces cas, l'usufruitier qui fait une grosse réparation, n'acquittant pas sa dette propre, doit avoir un droit de répétition, ainsi que nous l'établirons plus amplement dans la

suite.

1619. L'usufruitier peut encore être tenu des grosses réparations, et en être tenu sans aucun recours en indemnité, dans bien des circons

tances.

Tel serait, par exemple, le cas où il en aurait été chargé par une disposition expresse du tes

tateur.

Tel serait celui où il y aurait donné lieu par son fait, en dégradant la chose par un usage abusif, comme s'il avait brisé les poutres d'un plancher en les surchargeant d'un trop grand poids, ou enfoncé une voûte par les mouve

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