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Art. 130.

XCII. La disposition de l'art. 130 doit-elle être appliquée devant les tribunaux administratifs?

Il n'a jamais été contesté que, devant les tribunaux civils, tout plaideur, Etat ou simple particulier, qui succombe doit être condamné aux dépens. L'art. 130 n'existât-il pas dans le code de procédure civile, les dépens seraient considérés naturellement comme l'accessoire de la condamnation principale. Aussi je n'avais pas hésité, dans mon Code d'instruction administrative, p. 609, n° 880, à déclarer le principe applicable aux tribunaux administratifs. Une loi du 3 mars 1849 consacra mon opinion. Mais le décret du 25 janvier 1852, sur l'organisation du conseil d'Etat, n'ayant pas reproduit cette disposition, l'ancienne controverse s'est ravivée, et, malgré le savant réquisitoire de M. KEVERCHON, commissaire du gouvernement, le principe a succombé ; conseil d'Etat, 27 février et 21 mai 1852. Le conseil d'Etat s'est uniquement fondé sur ce qu'aucune disposition de loi ou de règlement ne l'autorisait à prononcer des dépens à la charge ou au profit des administrations publiques. Ce raisonnement ne me paraît même pas spécieux, et il enlève à la juridiction administrative un de ses plus nobles attributs, celui de rendre une justice complète. Car, si le conseil d'Etat ne se croit pas autorisé à appliquer l'art. 130, quand il s'agit de l'Etat, il ne pourra pas en faire l'application lorsque deux particuliers plaideront devant lui; ce serait le cas de dire, alors, que les battus payent l'amende. Ne sera-ce pas là vraiment une justice incomplète? Je ne puis croire que ce soit le dernier mot d'un corps aussi éclairé et aussi haut placé dans notre nouvelle organisation constitutionnelle. Je regarde comme un devoir de protester (voy. infra, Quest. 552.) — Le conseil d'Etat admet d'ailleurs des exceptions à ce principe, et il n'hésite pas à mettre à la charge de l'administration le payement d'expertises nécessitées par le refus de l'administration d'accorder des indemnités pour dommages provenant de l'exécution de travaux publics; 3 janvier 1848 (J. Av., 1. LXXVI, p. 200, art. 1041 bis); 5 janvier 1848 (ibid., p. 139, art. 1025 ter).

(1) Ne donnent lieu à aucuns dommages-intérêts, les poursuites qui ne sont que l'exercice d'un droit légitime, ou qui ne peuvent être considérées comme vexatoires, ni des expressions déplacées qui trouvent leur excuse dans la nature de l'action. Liége, 12 mars 1859 (Pas. 1860. 239). [ED. B.]

(2) Le compte de fruits perçus et leur évaluation doivent se faire suivant les règles tracées par les art. 526 et

L'art. 150 doit être appliqué d'une manière absolue en matière criminelle, et, par conséquent, la partie civile doit être condamnée aux frais envers le Trésor public, dans le cas d'acquittement de l'accusé, encore bien qu'elle ait obtenu une condamnation à des dommages-intérêts contre ce dernier; cass., 1er décembre 1855 (DEVILL. et CAR., 1856, 1, p. 467).

546 quater.--Que doit comprendre la condamnation aux dépens, et, en général, quels sont les pouvoirs du juge en cette matière?

La disposition de l'art. 130, ayant pour but de frapper d'une peine les plaideurs téméraires, est, en quelque sorte, d'ordre public: aussi est nulle la stipulation portant qu'en cas de contestation les dépens seront supportés par moitié; Colmar, 25 janvier 1844 (J. Av., t. LXVII, p. 443).--Le juge doit donc prononcer la condamnation aux dépens sans tenir compte de cette clause; mais il n'est pas tenu de statuer immédiatement, il peut réserver la question des dépens; cass., 30 mars 1842 (J. Av., t. LXIII, p. 477).

En général, la condamnation aux dépens d'une instance entraîne le payement de tous les frais exposés pour vider la contestation, et, par suite, le coût de l'enregistrement des actes qu'il a fallu produire; Bordeaux, 3 février 1846 (J. Av., t. LXX, p. 339), ou servant de base à la condamnation; Grenoble, 30 août 1838 (J. Av., t. LVI, p. 347); mais les frais qui auraient pu être évités par la partie qui a obtenu gain de cause ne doivent pas être mis à la charge de celle qui perd son procès. On comprend, du reste, qu'en cette matière les juges ont une large part d'appréciation. C'est ainsi qu'après avoir décidé, le 3 février 1849 (J. Av., t. LXXV, p. 505, art. 226 bis, § 35), que le défendeur qui succombe ne peut être tenu de payer le coût de l'enregistrement résultant de déclarations passées par l'adversaire lors de l'enregistrement du jugement, la cour de Rouen a, le 25 avril suivant (ibid.), condamné le défendeur à payer les frais d'enregistrement d'un acte annulé pour cause de fraude. Dans la première espèce, le demandeur aurait pu se dispenser de provoquer les frais; dans la seconde, il ne pouvait obtenir l'annulation de l'acte qu'en le signalant, ce qui rendait inévitable le payement du droit d'enregistrement. Il résulte aussi des mêmes principes qu'un tribunal doit mettre à la charge du débiteur les frais d'enregistrement de son jugement, en ce qui concerne la disposition qui donne acte au créancier de ce que le débiteur a reconnu devoir la somme de 50,000 fr., parce que ces frais sont un accessoire de la dette, quoique le créancier succombe dans la demande qu'il avait

suiv. et 129 du code de procédure civile. Le juge ne peut se dispenser d'ordonner une expertise que quand il trouve, dans les pièces à l'appui du compte, des éléments suffisants d'appréciation. Il ne peut se livrer à une appréciation arbitraire en prenant pour base, par exemple, l'intérêt d'un prix de vente. Liége, 11 décembre 1858 (Pas. 1859. 157). [ÈD. B.]

intentée; Bordeaux, 8 juillet 1856 (J. Av., 1. LXXXI, p. 553, art. 2501).

Mais si la partie condamnée doit supporter le coût de l'enregistrement des actes que l'adversaire a dû produire, en ce qui touche les actes qu'elle-même a produits, il faut que ce soit volontairement qu'elle les ait versés dans le débat. Par conséquent, lorsqu'un tribunal enjoint à une partie de produire des titres sur lesquels elle n'entend point fonder sa demande, et qu'il rejette la demande comme dépourvue de justification, en réservant seulement l'action qui résulterait des titres produits, il ne peut, sans excès de pouvoirs, condamner cette partie à supporter les droits de timbre et d'enregistrement et l'amende auxquels a donné lieu la production forcée des titres dont il s'agit. Ces frais ne sont, en effet, que l'accessoire de l'action principale pouvant éventuellement résulter de ces titres, et c'est au juge qui sera saisi de cette action qu'il appartiendra de statuer à ce sujet; cass., 26 novembre 1845 (J. Av., t. LXX, p. 71).

Lorsqu'un droit d'enregistrement a été perçu sur un acte dont la production en justice était rendue nécessaire par la résistance du défendeur, ce droit reste à la charge de la partie qui succombe, et est compris dans les dépens du procès; cass., 6 avril 1840 (J. Av., t. LXI, p. 472); Rouen, 7 août 1850 (Journ. de cette cour, 1850, p. 223). Il en est de même du double droit; Caen, 6 janvier 1841 (J. Av., t. LXI, p. 595); Douai, 2 décembre 1852 (Journ. de celle cour, 1853,p. 111). Mais il faut, pour qu'il en soit ainsi, que ce soit le mauvais vouloir de la partie condamnée qui ait rendu l'enregistrement nécessaire; cass., 6 avril 1840 (J. Av., t. LXI, p. 472); tribunal de Soissons, 31 mars 1852 (J. Av., t. LXXVII, p. 421, art. 1321, § 5); par conséquent, le cessionnaire d'une créance établie par acte sous seing privé, qui fait enregistrer cet acte pour le faire notifier au débiteur cédé et rendre la cession valable visà-vis des tiers, est réputé agir plutôt dans son intérêt personnel qu'à raison du refus présumé du débiteur le coût de cet enregistrement, lors des poursuites contre le débiteur, n'entre pas de plein droit dans les dépens; Bordeaux, 6 août 1844 (J. Av., t. LXVIII, p. 79).

Il en est autrement lorsqu'il s'agit d'un acte dont les droits d'enregistrement sont mis par la loi, comme en matière de donation, à la charge de l'une des parties; cass., 8 janvier 1855 (J. Av., t. LXXXII, p. 201, art. 2651); 7 juillet 1856 (ibid.), et généralement lorsqu'il s'agit d'actes translatifs de propriété ou de jouissance; tribunál de Soissons, 31 mars 1852 (t. LXXVII, p. 421, art. 1321, § 5), spécialement en matière de vente.-Le coût de l'enregistrement (droit simple et double droit) d'un acte de vente sous seing privé est à la charge de l'acquéreur, bien que cet enregistrement ait été rendu nécessaire par la conduite du vendeur, si l'acte ne contient aucune clause contraire; Bordeaux, 26 juin 1854 (J. Av., t. LXXIX, p. 607, art. 1960).

Il a étéjugé, cependant, par la cour de cassation, le 9 février 1842 (J. Av., t. LXI, p. 480), que si, en hèse générale, les frais de la vente sont à la charge

de l'acquéreur, cependant le droit et le double droit d'enregistrement de l'acte de vente peuvent être compris dans les dépens et laissés pour le compte du vendeur, lorsqu'il est jugé que l'enregistrement n'a eu lieu qu'à cause du procès intenté par ce dernier, et dans lequel il a succombé. Cette décision paraît contraire aux principes; mais il faut reconnaitre que dans la condamnation aux dépens, les juges ont un pouvoir discrétionnaire dont il est difficile, en toute hypothèse, de critiquer l'exercice (conf., Poitiers, 26 décembre 1850 (Journ. de cette cour, 1850, p. 69); cass., 14 juillet 1857 (DALL., 1857, 1, p. 398). D'ailleurs, la conduite du vendeur pouvait être de nature à le rendre passible de dommages-intérêts, et, dès lors, on comprend qu'on ait mis à sa charge des dépens qu'il n'eût pas dû supporter. Mais il eût été plus régulier de les allouer à l'acquéreur à titre de dommages.

M. BIOCHE, répondant à une question proposée (Journ., 1859, p. 5, art. 1289), développe l'opinion qu'en principe les droits d'enregistrement ne doivent pas entrer dans les dépens. Appliquant les règles posées par la loi fiscale, mon honorable confrère pense que le payement du droit est à la charge de la partie qui eût dû le supporter, abstraction faite de tout procès. On consultera avec fruit l'analyse des auteurs et de la jurisprudence résumés dans ce travail.

Les frais d'enregistrement ne sont pas, d'ailleurs, les seuls qui soient susceptibles d'augmenter le chiffre des dépens.

Le défendeur qui succombe doit supporter tous les frais qu'a occasionnés la demande reconnue fondée, et par là j'entends, non-seulement les frais de procédure, mais encore le coût des titres qu'il a fallu produire. La condamnation doit être cependant restreinte aux actes reconnus indispensables à la justification de la demande. Voy. mon Commentaire du tarif, Introduction, vo Avoués, p. 78, no 29. La cour d'Orléans a donc eu tort de décider, d'une manière absolue, le 1er juin 1850 (J. Av., t. LXXVI, p. 97, article 1014), que la partie condamnée aux dépens de l'instance ne doit pas supporter le coût des titres et actes que son adversaire a été obligé de produire pour justifier sa demande.

Elle doit aussi supporter les faux frais que sa conduite a pu occasionner; ainsi, par exemple, l'acquéreur, par acte sous seing privé, qui a dú poursuivre la radiation d'inscriptions indûment consenties par le vendeur après la vente, a le droit de répéter contre ce vendeur le remboursement, non-seulement de tous les frais taxés occasionnés par ces radiations, mais encore du coût d'une consultation et des honoraires payés à l'avocat, en sus de l'allocation du tarif, et d'autres faux frais; Bordeaux, 26 juin 1854 (J. Av., t. LXXIX, p. 607, art. 1960); cependant, en règle générale, les honoraires de l'avocat et les frais de consultation ne doivent pas être compris dans les dépens; cass., 17 février 1840 (J. Áv., t. LX, p. 211). On ne doit admettre, en effet, dans les dépens que les accessoires indispensables du jugement de condamnation.-Ainsi, par exemple, les frais des qualités sont toujours dus par la partie con

porter que les frais qui sont une suite naturelle et nécessaire de la contestation par elle soulevée. Ainsi, lorsque les demandeurs originaires et les intervenants ont fait cause commune tant en appel qu'en première instance, les significations respectives qu'ils ont pu se faire ne peuvent être mises à la charge de la partie adverse qui a succombé; Rennes, 7 décembre 1858 (J. Av., t. LVI, p. 350). — De même, la condamnation aux dépens prononcée contre une partie envers une autre des parties en cause, ne comprend pas l'aggravation des frais occasionnés par la présence de cette partie entre elle et d'autres parties en cause; Caen, 9 juillet 1846 (J. Av., t. LXXII, p. 566, art. 268).

damnée; Bordeaux, 29 août 1849 (J. Av., t. LXXVI, p. 140, art. 1025 ter); les frais d'insertion d'un arrêt dans les journaux doivent être répartis, entre les parties qui succombent, proportionnellement aux dépens; Colmar, 5 janvier 1848 (J. Av., t. LXXIII, p. 459, art. 504); mais dans ces insertions ne faut-il comprendre que les motifs et le dispositif avec les noms, professions et demeures des parties et les qualités en lesquelles elles ont agi? L'insertion doit-elle être restreinte à ce qui est l'œuvre du juge, telle qu'elle a été prononcée à l'audience et telle qu'elle se trouve inscrite sur les minutes du greffe? La même cour l'a ainsi jugé, le 14 mai 1851 (Journ. de cette cour, 1851, p. 215), dans une espèce où l'arrêt prescrivait la publication des noms des parties, des qualités, des motifs et du dispositif. Cette décision est très-dans laquelle son débiteur est partie, qui a été rigoureuse, et les parties et leurs avoués étaient bien excusables de n'avoir pas compris que le mot qualités devait être entendu dans le sens usuel et grammatical, et non dans celui de l'art. 142. La cour a eu tort, à mon avis, de déclarer frustratoire la partie des frais d'insertion qui s'appliquait aux conclusions des parties, aux points de fait e de droit, à la mention des noms des magistrats et à la formule exécutoire, sur le motif que ces divers actes, quoique faisant partie intégrale de la décision, n'étaient pas l'œuvre du juge.

On doit comprendre, dans les dépens de première instance, les frais de levée et de signification du jugement dont est appel, quoique ces frais soient postérieurs à la prononciation du jugement; Rennes, 7 décembre 1858 (J. Av., t. LVI, p. 350). L'appelant principal, qui succombe, peut être condamné aux dépens de l'appel incident reconnu mal fondé; cass., 2 avril 1849 (J. Av.,

1. LXXVI, p. 159, art. 1025 ter); et la partie qui succombe en appel, après avoir triomphé en première instance, doit supporter tous les dépens, alors même que son adversaire aurait fait valoir en appel certains moyens qui n'avaient pas été présentés en première instance; Douai, 9 novembre 1846 (J. Av., t. LXXII, p. 624, art. 294). Mais, en matière sommaire, les frais de l'exécutoire délivré pour tout ou partie des dépens qu'on a omis de faire liquider dans le jugement qui les a adjugés ne peuvent être répétés contre la partie condamnée; Bordeaux, 29 août 1849 (J.Av., t. LXXVI, p. 140, art. 1025 ter).

Lorsqu'un tribunal a condamné le défendeur à payer, et néanmoins lui a accordé un délai, du consentement du demandeur, celui-ci peut-il faire lever ce jugement avant l'expiration du délai accordé, et peut-il comprendre le coût de l'expédition dans les frais? Le tribunal de la Seine a tranché négativement la question, le 18 octobre 1843 (J. Av., t. LXV, p. 430); les circonstances pourraient cependant légitimer une autre solution; le créancier peut toujours, en effet, prendre des mesures conservatoires, nonobstant le délai accordé à son débiteur, et il est telles de ces mesures pour lesquelles l'expédition du jugement est indispensable. Dans cette situation, il serait fondé à en réclamer les frais.

La partie qui succombe ne doit, ai-je dit, sup

Le créancier intervenant dans une instance

condamné aux frais de son intervention, n'est tenu, s'il a été représenté par le même avoué que son débiteur, et s'il ne lui a été fait personnellement aucune signification avant l'arrêt, de ne rembourser à la partie adverse que les frais de cet arrêt en ce qui le concerne; Bordeaux, 29 août 1849 (J. Av., t. LXXV1, p. 139, art. 1025 ter); — la partie qui succombe ne peut être obligée de rembourser que les dépens qu'elle a occasionnés, et les intervenants dont l'intervention est déclarée non recevable ne doivent supporter que les conséquences de leur propre faute; cass., 1er mars 1853 (J. P., t. I de 1854, p. 15). Au surplus, lorsqu'un intervenant a pris part aux débats soulevés entre les parties principales et que ses conclusions lui ont été adjugées, les frais de son intervention ne doivent pas rester à sa charge personnelle, mais être mis à la charge de la partie qui succombe; cass. belge, 15 janvier 1857 (Belgi

que jud., 1857, n° 40, p. 626).

Il faut aussi reconnaître, avec la cour de Paris, arrêt du 2 mai 1850 (J. P., t. II de 1850, p. 432), que, lorsque dans un procès engagé par le failli, le syndic déclare intervenir et reprendre au besoin l'instance, il est considéré comme s'étant approprié en sa qualité toutes les procédures, et peut, en conséquence, être condamné à tous les dépens, même à ceux antérieurs à son intervention.

Il est de principe que les frais de l'arrêt cassé sont à la charge de la partie contre laquelle la cassation a été prononcée, de même que les frais exposés devant la cour de cassation, quelle que soit d'ailleurs l'issue du procès devant la cour qui statue au fond par suite du renvoi ; cass., 14 juillet 1852 (DALL., 1852, 1, 203); 16 décembre 1856 (DALL., 1856, 1, p. 455); par conséquent, lorsqu'un arrêt repoussant une exception de prescription a été cassé pour défaut de motifs, les frais de cet arrêt doivent rester à la charge de celui qui l'avait obtenu, encore bien que, devant la cour de renvoi, la même prescription ait été accueillie; cass., 22 juillet 18 +4 (J. Av., t. LXVII, p. 685). C'est donc à tort que la même cour a décidé, le 2 mai 1844 (J. Av., t. LXVII, p. 458), que si le coût d'un arrêt cassé ne peut être mis par la cour de renvoi à la charge de la partie qui avait obtenu la cassation, ce principe n'est pas absolument méconnu par l'arrêt qui, répartissant

les dépens entre les parties, parce qu'elles succombent respectivement, comprend le coût dont il s'agit dans les dépens à répartir. La répartition est, en effet, nécessairement fausse et illégale, si l'on fait entrer dans la masse à répartir un contingent que la loi ne permet pas d'y comprendre.

Tels sont, en général, les divers éléments qui peuvent rentrer dans la composition des dépens. S'il y avait doute sur le sens et la portée du mot dépens, il faudrait se pourvoir en interprétation de la décision rendue. Il a été jugé à ce sujet qu'une cour saisie d'une question de taxe en la chambre du conseil était compétente pour statuer sur le sens à donner au mot dépens employé dans l'un de ses arrêts; Rennes, 7 décembre 1838 (J. Av., t. LXVI, p. 350).

De ce que l'art. 130 met les dépens seulement à la charge de celui qui succombe, il suit qu'en principe un jugement ne peut, en donnant gain de cause à une partie, et en reconnaissant qu'elle n'a aucun tort à se reprocher, la condamner aux dépens; Rouen, 27 décembre 1844 (J. Av., t. LXIX, p. 408). Et ce principe est applicable en matière de liquidation et partage comme en toute autre matière; Rouen, 30 avril 1857 (Journal de cette cour, 1857, p. 221). Comme aussi il a été jugé avec raison que le débiteur qui obtient l'annulation des poursuites dirigées contre lui ne peut être condamné aux frais du jugement sur le motif que ce jugement sert de titre au créancier et constate la dette; Riom, 21 novembre 1851 (Journal de celle cour, 1852, no 898).

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ment d'incompétence, peut être condamnée aux frais du jugement par défaut, alors, d'ailleurs, qu'elle n'allègue pas que la copie de l'exploit d'assignation ne lui soit pas parvenue; cass., 26 juin 1855 (J. Av., t. LXXXI, p. 455, art. 2445). Celui qui fait naître un procès par sa faute peut être tenu des dépens, alors même qu'il gagnerait son procès; cass., 21 février 1843 (J.Av., t. LXVIII, p. 341); et par voie de conséquence la partie dont la demande a été rejetée en première instance comme n'indiquant pas clairement les objets réclamés peut, lorsqu'elle s'est exprimée avec plus de précision dans l'exploit d'appel, et qu'alors les intimés ont satisfait à sa demande, être condamnée cependant à tous les dépens, à l'exception de ceux faits en appel jusqu'à la signification de l'acte par lequel les adversaires adhèrent à ses conclusions; Toulouse, 21 juillet 1849 (J. Av., t. LXXIV, p. 594, art. 781, § 9). Le créancier qui, après avoir été condamné aux dépens en première instance, pour avoir formé une demande en partage de biens appartenant à son débiteur et à des tiers, et obtenu seulement d'être reçu intervenant au partage déjà existant et subrogé aux poursuites, relève appel, reproduit devant la cour les conclusions par lui prises originairement devant les premiers juges, et demande subsidiairement à être déchargé des dépens, peut être condamné par l'arrêt confirmatif à supporter les dépens de l'appel, comme il a été condamné à supporter ceux de première instance; cass., 28 avril 1857 (J. Av., t. LXXXII, p. 624, arti2848).

Lorsqu'une action en délaissement est déclarée non recevable, le créancier demandeur doit être condamné aux dépens, et le tiers détenteur n'a aucune garantie à exercer contre son vendeur à raison de ces dépens; Caen, 3 janvier 1853(J. Av., t. LXXVIII, p. 356, art. 1565).

Mais les tribunaux et cours peuvent, par appré-cle ciation des faits, décider, sans encourir la censure de la cour de cassation, qu'une partie qui obtient gain de cause supportera les dépens, en déclarant que c'est l'imprudence de cette partie qui les a occasionnés; cass., 21 février 1843 (J. Av., t. LXVI, p. 378), ou bien sa faute et sa malice; cass., 24 décembre 1849 (J. Av., t. LXXV, p. 256, art. 856); Rennes, 25 juillet 1840 (t. LXI, p. 581). Voyez aussi Quest. 558.

Ainsi, par exemple, la partie qui gagne son procès peut être condamnée aux frais d'un incident provoqué par les prétentions qui ont servi de base au jugement dont est appel, si la cour reconnaît que cet errement était inutile pour la solution du procès; Caen, 30 novembre 1857 (Journal de cette cour, 1858, p. 20). La partie qui donne lieu, par la production spontanée d'une pièce nouvelle importante, au renvoi, à une autre audience, d'une affaire dont la plaidoirie était commencée, doit être condamnée aux frais spéciaux résultant de ce renvoi; Toulouse, 5 août 1843 (J. Av., t. LXXII, p. 387, art. 176); ainsi encore la partie qui en retenant des pièces a succombé en première instance, et qui, sur l'appel qu'elle a interjeté, produit ces pièces et obtient la réformation du jugement, peut être condamnée aux dépens, surtout si les intéressés se sont, autérieurement à l'appel, désistés du bénéfice de ce jugement; Douai, 4 décembre 1846 (J. Av., t. LXXII, p. 204, art. 90). La partie assignée devant un tribunal de commerce en payement d'une lettre de change, qui, après s'être laissé condamner par défaut, obtient sur l'opposition un juge

L'acquéreur d'un immeuble dotal aliénable à charge de remploi reste tenu de surveiller l'exécution de cette condition alors même que, faute de justification d'un remploi valable, il aurait, après offres réelles, déposé son prix à la caisse des consignations, etc. Par suite, l'acquéreur peut, en pareil cas, être sommé de se trouver aux bureaux de la caisse, afin de reconnaître la validité du remploi proposé par les époux, et, sur son refus d'obéir à la sommatiou, assigué en justice pour entendre prononcer cette validité. Cette instance étant alors nécessitée par sa résistance illégale, l'acquéreur doit en supporter les frais; cass., 12 mai 1857 (DALL., 1857, 1, p. 364).

La demande en interdiction est réputée comprendre la demande d'un conseil judiciaire. En conséquence, le parent qui poursuit l'interdiction de son parent ne peut être considéré comme ayant succombé dans sa demande et condamné aux dépens, quand la décision intervenue, tout en déclarant qu'il n'y a pas lieu à l'interdiction, nomme cependant au défendeur un conseil judiciaire; cass., 14 juillet 1857 (DALL., 1857, 1, p. 354). La partie qui succombe au pétitoire après avoir triomphé au possessoire ne doit pas même, à titre de dommages-intérêts, être condamnée au remboursement des dépens faits au

possessoire; Bourges, 27 mars 1840 (J. Av., t. LXIII, p. 544). C'est avec raison que la cour de Riom a déclaré, le 10 mars 1851 (DEVILL., 1851, 2, p. 598), que la charge imposée par l'art. 1080 du code civil, à l'enfant qui veut attaquer un partage d'ascendant pour cause de lésion, de faire l'avance des frais de l'estimation, ne va pas jusqu'à l'obliger à consigner le montant de ces frais.

Sur la question de savoir si les dépens produisent intérêt du jour de la condamnation ou seulement du jour de la demande ultérieure, voyez supra, Quest. 279 bis, et dans le sens de la jurisprudence, Bordeaux, 10 avril 1845 (J. Av., t. LXI, p. 543).

Inutile de faire remarquer que, dans tous les cas, les frais d'une procédure irrégulière doivent rester à la charge de la partie par la faute de laquelle il a été mal procédé; Toulouse, 26 janvier 1839 (J. Av., t. LVI, p. 307). Mais si la nullité n'est imputable à aucune des parties, il faut appliquer purement et simplement l'art. 130, et mettre les dépens à la charge de la partie qui succombe définitivement; Douai, 30 mars 1846 (J. Av., t. LXX, p. 338).

Enfin, il est constant qu'un tribunal he peut prononcer de condamnation que relativement aux dépens exposés devant lui. Par conséquent, la condamnation aux dépens prononcée par le juge civil devant lequel est renvoyée une question préjudicielle de propriété, doit être réputée ne comprendre que les dépens faits devant ce juge, et non ceux faits devant le tribunal de répression qui a conservé la connaissance de l'action à propos de laquelle l'exception de propriété avait été soulevée; cass., 2 janvier 1856 (DALLOZ, 1856, 1, p. 88) (1).

(1) Bien que, aux termes de l'art. 130 du code de procédure, toute partie qui succombe doive être condamnée aux dépens, cette condamnation ne doit cependant pas avoir lieu lorsqu'il n'y a pas de litige proprement dit entre parties. — Ainsi, quand, en exécution de l'art. 935 dndit code, le président du tribunal nomme, d'office, un notaire sur le choix duquel les parties n'étaient pas parvenues à s'entendre, il ne peut condamner l'une d'elles aux dépens, encore qu'il y ait eu débats sur cette nomination. Ces frais, faits dans l'intérêt de tous les héritiers, doivent être considérés comme frais communs et être supportés par la masse héréditaire. Gand, 16 avril 1858 (Pas. 1858. 250).

- Il y a lieu de mettre les frais de l'appel à la charge des appelants lorsque l'appel aboutit au redressement d'une erreur à laquelle ils ont eux-mêmes donné lieu, par exemple, en celant, en première instance, une pièce qu'ils produisent devant la cour. Bruxelles, 1er mars 1858 (Pas. 1858. 170).

– Celui qui s'est laissé qualifier de négociant dans tous les actes de la procédure en première instance, et qui n'a dénié cette qualité qu'en appel, pour décliner la contrainte par corps indûment prononcée contre lui, est tenu des frais d'appel. Bruxelles, 11 juin 1860 (Pas. 1860. 284).

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546 quinquies. Qui doit supporter les frais et émoluments de l'avoué chargé d'occuper devant un tribunal correctionnel pour l'une des parties?

Cette question est plutôt de tarif que de procédure; elle se rattache néanmoins assez intimement à l'application du principe général posé par l'art. 130, pour être traitée ici.

Les art. 185, 204, 295, 417 et 468 du code d'instruction criminelle autorisent les parties à se faire représenter par les avoués devant la juridiction correctionnelle : c'est là une faculté et non une obligation. Faut-il en conclure que les honoraires des avoués sont à la charge de ceux qui leur ont confié leurs intérêts et qu'ils ne doivent pas être supportés par la partie qui succombe?

On est d'accord sur un point, à savoir que l'Etat ou les administrations publiques qui agissent en son nom ne peuvent être tenus de ce payement qui ne saurait à aucun titre rentrer dans la partie des frais de justice criminelle dont l'avance est faite par la régie de l'enregistrement (décret du 18 juin 1811, art. 3, § 1; circulaires ministérielles des 26 novembre 1808 et 10 avril 1813; cass., 26 mars et 8 juin 1827; 31 janvier 1833 (Dall., 1827, 1, p. 193 et 266; —1833, 1, p. 255); 12 mars 1852 (J. Av., t. LXXVIII, p. 117, article 1463); mais il y a controverse quand il s'agit de demandes entre particuliers.

Les partisans du système qui n'admet pas que la partie qui succombe puisse être condamnée aux frais occasionnés par la présence de l'avoué de l'adversaire invoquent le principe que le ministère des avoués n'étant pas, dans ce cas, forcé, mais simplement facultatif, il faut en conclure que la partie qui l'emploie doit en supporter les frais.

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Une partie ne saurait être condamnée à une quotité des dépens par ce seul fait qu'elle renonce à un point de son action, si ce point n'a occasionné aucuns frais appréciables. Liége, 5 décembre 1860 (Pas. 1864. 280).

- Lorsque la contrainte par corps a été prononcée par le premier juge contre une partie qui n'y était pas sujette, celle-ci peut demander la réformation du jugement de ce chef et l'adjudication d'une quotité des dépens à charge de l'intimé; bien que celui-ci, en constituant avoué, ait expressément déclaré devant la cour qu'il renonçait à ce moyen d'exécution. Bruxelles, 12 mai 1860 (Pus. 1861.66). En matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, les dépens se règlent d'après les dispositions générales du code de procédure civile. Si les parties succombent respectivement, les dépens, jusques et y compris les frais d'expertise, peuvent être mis exclusivement à la

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