Page images
PDF
EPUB

Telle est l'opinion consacrée par les arrêts des cours d'Angers, 10 avril 1843 (J. Av., t. LXV, p. 559), et de cass., 26 avril 1856 (t. LXXXI, p. 365, art. 2406); elle est adoptée dans deux dissertations, l'une de M. BONNESOEUR, insérée J. Av., t. LXXVII, p. 211, art. 1234; l'autre de M. Ch. BIGARD (Revue pratique de droit français, 1857, p. 557). Voy. aussi conf., BIOCHE, Journ. 1837, p. 243, art. 772.

A cet unique argument, dont les conséquences me paraissent complétement erronées, on oppose avec raison que dès là que la loi autorise les parties à recourir au ministère des avoués, c'est qu'elle a jugé que la présence des mandataires ad litem pouvait être utile. Les frais occasionnés par la présence de ces officiers ministériels ne sont donc pas frustratoires; quoi de plus logique que de leur appliquer la règle générale en vigueur devant toutes les juridictions? Loin de voir un abus dans la condamnation aux frais de l'assistance d'un avoué, prononcée contre une partie qui, par un délit, a occasionné un préjudice à un tiers, il y en aurait un considérable dans l'adoption de l'opinion contraire, qui ne tendrait à rien moins qu'à supprimer la disposition de la loi d'après laquelle il est permis d'employer le ministère des avoués. Il est clair, en effet, que si la partie civile devait fatalement supporter les frais du représentant légal qu'elle aurait choisi, elle s'abstiendrait; en sorte qu'on aurait le droit d'accuser la loi d'avoir accordé d'une main ce qu'elle retirerait de l'autre.

On se demande, enfin, de quel droit on prétend donner au silence de la loi un sens tel, qu'au lieu de le considérer comme une manifestation suffisante de l'observation d'une règle générale, il faut

charge de l'expropriant, et le surplus peut se répartir entre les parties succombantes. Bruxelles, 25 janvier 1862 (Pas. 1862. 111).

-Les créanciers privilégiés ou hypothécaires qui jugent utile d'intervenir dans une instance en expropriation pour cause d'utilité publique, doivent supporter les frais afférents à leur intervention. Bruxelles, 5 mars 1863 (Pas. 1863. 114).

- La partie principale, aux conclusions de laquelle s'est ralliée une partie intervenante, ne peut pas, si elle vient à succomber, être condamnée aux dépens en totalité. Il y a lieu d'en laisser à charge de l'intervenant une certaine quotité à arbitrer par le juge. Bruxelles, 19 avril 1864 (Pas. 1864. 301).

- Les héritiers légitimes qui poursuivent contre un légataire universel la nullité d'un testament, supportent, s'ils succombent, les frais de l'inventaire qu'ils ont requis. -Si cet inventaire nécessite l'enregistrement de certains actes et donne lieu à la perception d'un double droit, ces frais d'enregistrement sont à la charge des héritiers. Ils doivent rembourser au légataire universel les avances qu'il a faites de ce chef, avec les intérêts du jour des avances. Bruxelles, 8 novembre 1862 (Pas. 1863. 202).

[blocks in formation]

l'interpréter de manière à lui faire prononcer une sorte de peine contre la partie qui fait constater le dommage causé et qui en obtient réparation.

Ces considérations, qui ne sont pas les seules, ont paru déterminantes à la doctrine et à la jurisprudence en général. Les arrêts de 1827 et 1833, susénoncés, de la cour de cassation s'appuient sur des motifs analogues; et dans une décision plus récente, la chambre criminelle a développé les vrais principes avec une force de raisonnement qui n'admet pas de réplique. Arrêt du 12 mars 1852 (J. Av., t. LXXXII, p. 147, article 1463), qui rejette le pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour de Poitiers du 13 septembre 1851. Le même principe se trouve consigné dans les motifs d'un second arrêt de la chambre criminelledu 15 avril 1853 (ibid., p. 553, art. 1634); et un arrêt du 23 janvier 1858 (DEVILL. et CAR., 1858, 1, p. 254), qui déclare régulière la distraction des dépens alloués en matière correctionnelle, vient à l'appui de cette opinion. La cour d'Angers elle-même, abandonnant son ancienne jurisprudence, est revenue à la saine doctrine, le 9 janvier 1854 (t. LXXIX, p. 565, art. 1936). Enfin la cour d'Aix, le 19 juin 1857 (t. LXXXIÍ, p. 551, art. 2812), a exposé d'une manière complète les motifs à l'appui de l'opinion que M. HÉLIE et moi nous avons indiquée dans le Journal du droit criminel, art. 1142. Conf., LEGRAVEREND, t. II, p. 240 [édit. Wahlen, t. II, p. 256] (1).

546 sexies. Lorsque l'autorité judiciaire se trouve dessaisie d'un litige, par voie de conflit approuvé ou par voie de règlement de juges, quel doit être le sort des frais déjà faits?

Les tribunaux administratifs ne peuvent prononcer sur les dépens faits devant l'autorité ju

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

(1) Aucune loi n'impose l'obligation d'employer le ministère d'avoué pour l'instruction des demandes en réparation civile ou en dommages-intérêts portés accessoirement devant les juridictions répressives. Partant, les honoraires de cet officier ministériel, que le prévenu ou la partie civile aurait cru devoir employer, ne peuvent être compris dans la liquidation des frais auxquels la partie qui succombe doit être condamnée. Liége, 14 juillet 1852 (Pas. 1855. 19) et 23 juin 1855 (Pas. 1856. 140). Contra, Liége, 26 juin 1856 (Pas, 1856. 144). (ÉD, B.)

diciaire à l'occasion de la contestation qu'ils sont eux-mêmes appelés à juger. Arrêts du conseil d'Etat, 15 juin 1812; 17 juillet 1816; 14 mai 1817; 27 août 1823; 13 novembre 1835.

Néanmoins, lorsque, par un arrêt rendu sur conflit, l'autorité administrative a été reconnue compétente pour prononcer sur le principal, elle l'est aussi pour prononcer sur les dépens, même sur ceux exposés devant les tribunaux. Arrêts du conseil d'Etat, 8 floréal an x11; 23 février 1844.

Dans une savante dissertation insérée au J. Av., t. LXVI, p. 65, M. A. MORIN approuve cette jurisprudence. Il établit d'abord que, lors même qu'avant l'ordonnance qui valide le conflit, il est intervenu un jugeinent portant condamnation aux dépens, cette condamnation tombe avec le jugement qui la contenait, de sorte que, dans tous les cas, les parties se trouvent avoir à débattre la question des dépens faits devant l'autorité judiciaire. Il fait ensuite remarquer que le conseil d'Etat ne peut décider cette question en statuant sur le conflit, puisque l'art. 7 de l'ordonnance du 12 décembre 1821 veut qu'il ne soit prononcé aucune condamnation aux dépens, quelque jugement qui intervienne sur le conflit. Il ajoute que si la compétence exclusive des tribunaux pour statuer sur les dépens judiciaires a été reconnue par diverses ordonnances (celles citées en tête de ce numéro), c'est que l'autorité judiciaire demeurait saisie d'une partie quelconque du litige, tandis qu'il s'agit ici d'un cas de renvoi absolu à l'autorité administrative quí, étant désormais seule saisie du litige, est aussi seule compétente pour prononcer sur les dépens. Enfin, M. MORIN conclut ainsi :

⚫ Cette compétence nous paraît certaine. Indépendamment de ce qu'elle s'appuie sur des décisions émanant de la seule autorité qui puisse juger le conflit, s'il venait à s'élever sur la question des dépens, les dépens qu'occasionne un procès pendant ne sont-ils pas un accessoire du litige? Le juge du principal n'est-il pas juge de l'accessoire? Le jugement définitif ne doit-il pas apprécier toutes les causes de dommages inhérentes au procès? Si des fautes respectives sont reconnues, ne convient-il pas que le juge établisse une certaine compensation? Si l'une des parties succombe entièrement, se peut-il qu'elle échappe au dédommagement qu'elle doit et qui lui est demandé, et que la partie qui obtient gain de cause soit obligée d'engager un nouveau procès? La raison nous dit que le jugement définitif doit tout terminer, qu'ainsi le juge compétemment saisi doit être compétent pour les frais comme pour le principal; et nous ne connaissons aucun texte qui excepte quoi que ce soit du litige attribué au juge compétent par la décision régulatrice, qui contredise même les raisons de décider dérivant des principes ordinaires et de l'absence de toute exception. >

J'adopte entièrement cette conclusion, qui s'applique du reste au cas où le renvoi à l'autorité administrative a eu lieu par suite d'un règlement de juges intervenu pour vider un conflit négatif, comme au cas où il a eu lieu par suite d'un conflit positif.

En résumé, si le conflit est confirmé complétement, le règlement des frais appartiendra à l'autorité administrative, juge du principal. Mais la question de liquidation et de taxe appartiendra toujours aux tribunaux judiciaires, ainsi que le règlement des frais lui-même, si les parties ne jugent pas à propos de saisir l'autorité administrative de la connaissance du litige à l'occasion duquel il y a en conflit.

Si, au contraire, l'arrêté de conflit n'a été confirmé que pour partie et annulé pour le surplus, l'autorité judiciaire n'étant pas complétement dessaisie, la question de frais paraît toujours lui appartenir. Voy. mon Code d'instruction administrative, no 879, et BLOCK, Dict. de l'admin. franç., vo Conflit, nos 165 et suiv.

548. - Add. Tant que dure la communauté, le recouvrement des frais de séparation de corps ne peut être poursuivi que sur la nue propriété des biens propres de la femme; Douai, 4 juillet 1854 (J. P., t. II, 1854, p. 11).

Une dissertation insérée dans la Jurisprudence du Notariat (1857, p. 379, art. 10963) et reproduite J. Av., t. LXXXIII, p. 75, art. 2888, établit à ce sujet des distinctions qui rentrent dans ma doctrine. Si la demande en séparation a été formée par le mari, la communauté est engagée, sauf récompense de la part de la femme si elle succombe; conf., GLANDAZ, Encyclop. de droit, v° Communauté conjugale, n° 169; RODIÈRE et PONT, Contrat de mariage, t. I, no 610. Si la femme a agi et a obtenu gain de cause, la communauté est encore engagée; mais, dans le cas contraire, la femme seule en est passible; conf., DEVILLENEUVE Ct CARETTE, 6, 1, 428; BIOCHE, V° Femme mariée, no 150; RODIÈRE et PONT, loc. cit.; TROPLONG, Contrat de mariage, no 952; GLANDAZ, loc. cit. Cependant, lorsque le mari a été condamné à fournir une provision pour les frais de l'instance, l'avoué a action contre le mari pour obtenir sur cette provision le payement de ses déboursés et honoraires; cass., 12 juillet 1837, 22 novembre 1853 (J. Av., t. LXXIX, p. 224, art. 1775, et DEVILL., 1853, 1, p. 737). Le mari qui a succombé n'est pas recevable à opposer à l'action de l'avoué distractionnaire (voy. infra, Quest. 568) une prétendue compensation tirée de ce que le montant de la provision, plus que suffisant pour payer les frais, a été remis à la femme durant l'instance; Paris, 2 octobre 1851 (Droit, 3 octobre 1851, no 233).

La cour de Rouen a jugé, le 29 novembre 1844 (J. Av., t. LXVIII, p. 342), que lorsque le mari plaide contre sa femme, il l'autorise implicitement à ester en justice; que, par suite, la compensation des dépens du procès ne le soustrait point à l'obligation de payer en totalité les frais dus à l'avoué de la femme, sauf récompense. Comme il s'agissait, dans l'espèce, d'une action en restriction de l'hypothèque légale, intentée dans l'intérêt du mari contre la femme, la solution donnée par l'arrêt ne peut être critiquée; mais il ne faudrait pas en tirer cette conclusion générale, que toujours le mari doit être responsable des frais exposés par la femme dans un procès qu'elle aura soutenu contre lui; on vient de

voir qu'il n'en est pas ainsi pour le cas de la séparation de corps; ce cas peut ne pas être le seul; conf., Douai, 26 décembre 1845 (J. Av., t. LXXI, p. 406).

Conformément à la doctrine de l'arrêt de la cour de cassation du 21 février 1832, rapportée au texte, la cour de Nîmes a jugé, le 16 mars 1841 (J. Av., t. LX, p. 234), que le mari qui a agi conjointement avec sa femme dans un procès sans indiquer qu'il y était uniquement pour l'autoriser, doit être condamné aux dépens. Il est donc des cas où le mari est responsable des frais exposés par sa femme; mais il ne peut être tenu d'en effectuer le payement que faute par sa femine d'avoir payé elle-même aussi le serment supplétoire peut être déféré à l'avoué, lorsque le mari soutient que celui-ci a été désintéressé par sa femme, dont il n'est que le prête-nom dans l'instance en payement des frais, quoique, d'ailleurs, les circonstances de la cause et les explications fournies par l'avoué démentent cette assertion; tribunal de Nîmes, 30 août 1848 (J.Av., t. LXXVI, p. 140, art. 1025 ter): ceci dépend entièrement de la libre appréciation des magistrats (1).

548 bis. Add. La question de savoir si la femme peut être poursuivie sur ses biens dotaux en payement de dépens, en matière civile, est toujours controversée.

[ocr errors]

La cour de Montpellier a décidé, le 14 août 1847 (J. Av., t. LXXIII, p. 171, art. 394, § 42), que la femme mariée sous le régime dotal peut être poursuivie sur ses biens dotaux pour la condamnation aux dépens prononcée dans une instance qui avait pour résultat de faire entrer en ses mains tout ou partie de sa dot. · La cour a puisé le seul motif de sa décision dans un argument a fortiori, tiré de l'art. 1558 du code civil; elle n'a pas voulu examiner la question de savoir si le principe de l'inaliénabilité de la dot ne doit pas céder quand il s'agit de dépens ou de dommages-intérêts en matière civile. Cependant elle avait résolu affirmativement la difficulte dans un arrêt du 29 mai 1846 (J. Av., t. LXXII, p. 24, art. 6), et la jurisprudence a eu plusieurs fois occasion de faire l'application de cette règle; c'est ainsi qu'il a été jugé :

4° Que le notaire à qui il est dû des honoraires, à raison de la liquidation dont il a été chargé par suite d'une séparation de biens, peut se faire payer de ses frais sur le prix des biens dotaux de la femme. Il s'agit, dans ce cas, d'une dette qui affecte les biens dotaux; Caen, 6 juillet 1842 (J. Av., t. LXV, p. 684);

2° Que, lorsqu'une femme mariée sous le régime dotal renouvelle des prétentions que la justice a déjà déclarées abusives, et, par exemple, veut revenir contre les partages qu'elle signale avec mauvaise foi comme entachés de lésion, les dépens auxquels elle a été condamnée peuvent

être pris sur sa dot, alors encore que, par suite de l'insolvabilité de son mari, c'était l'intérêt seul de la dot qui motivait son action; Grenoble, 31 juillet 1846 (DEVILL. et CAR., 1852, 2, p. 280):

3° Que l'acquéreur d'un immeuble dotal, aliénable sous condition de remploi et ayant juste sujet de résister à un mode particulier de remploi, n'est pas passible des dépens de l'instance qui peuvent être mis à la charge de la venderesse; Caen, 2 février 1851 (DEVILL. et CAR., 1852, 2, p. 440); d'un autre côté, la cour de Rouen avait déclaré, le 3 avril 1846 (J. Av., t. LXXIII, p. 409, art. 485, § 35), que dans le cas où les justifications de remploi sont tardivement faites aux débiteurs de deniers dotaux, la femme dotale doit être condamnée, sur sa dot, aux dépens de l'instance en validité de remploi;

4° Que les dépeus exposés à tort par une femme pour faire annuler une adjudication prononcée en vertu d'un titre exécutoire sur la dot, doivent pareillement être déclarés exécutoires sur les biens dotaux ; Caen, 9 janv. 1855 (BIOCHE, Journ., 1855, p. 194);

5o Il a été jugé par la cour de Nîmes, le 4 février 1846 (J. Av., t. LXXVI, p. 139, art. 1025 ler), que l'avoué qui a occupé pour une femme dotale daus une instance en séparation de corps peut exiger, soit de la femme, soit du mari, le payement de ses avances, de ses honoraires et de ceux qu'il a payés à l'avocat de la femme, et que ce payement peut être poursuivi d'abord sur les intérêts, et, en cas d'insuffisance, sur le capital de la dot.

Cette jurisprudence conduit tout naturellement à cette conclusion, qu'une cour d'appel, saisie directement par un avoué d'une demande en payement de frais contre un client, peut, en statuant sur le payement, admettre les conclusions du demandeur qui tendent à ce que l'arrêt même soit déclaré exécutoire sur des biens dotaux; Grenoble, 10 mai 1852 (J. Av., t. LXXVII, p. 567, art. 1378). En effet, à quoi servirait une condamnation pure et simple lorsque la débitrice n'a que des biens dotaux, si l'avoué n'obtenait pas en même temps le droit d'en poursuivre l'exécution sur les seules ressources de la femme?

Une autre conséquence de cette jurisprudence est que la femme dotale peut être autorisée, soit à aliéner ses biens dotaux, soit à contracter des emprunts hypothécaires pour acquitter les frais de séparation de biens, de liquidation de ses reprises et des contestations à ce relatives, des jugements d'autorisation afin d'aliéner ou hypothéquer, et enfin les frais d'emprunts, sauf à ordonner que les frais de la vente ou de l'emprunt seront versés directement entre les mains des créanciers; Caen, 3 mai 1852 (Journ. de cette

(1) Le mari qui, appelé en justice conjointement avec sa femme, ne présente, quoique séparé de biens, aucune objection contre sa mise en cause, si ce n'est en cause d'appel, ne peut faire rejeter sur le demandeur les frais

engendrés par son silence devant le premier juge. Il y a lieu de les mettre à charge de la femme. Bruxelles, fer août 1855 (Pas. 1856. 26). (ED. B.)

cour, 1852, p. 174) et 11 décembre 1854 (BIOCHE, Journ., 1855, p. 190). Conformément à cette jurisprudence, un arrêt de la cour de Grenoble, du 31 juillet 1846, avait jugé que le bien dotal pouvait être aliéné volontairement pour le payement des dépens prononcés dans une instance en rescision de partage, mais la cour suprême a cassé cet arrêt le 19 mars 1849 (J. Av., t. LXXV, p. 449, art. 741), en déclarant que les seules exceptions apportées aux principes de l'inaliénabilité de la dot (art. 1554 et 1560 du code civil) sont celles écrites dans les art. 1555 et 1559 du même code; et que si des motifs d'ordre public ont dû cependant rendre la dot responsable des faits personnels commis par la femme, ayant le caractère de délit ou de quasi-délit, ces motifs ne sauraient être invoqués en matière purement civile; conf. cass., 5 mars 1845 (J. Av., t. LXIX, p. 464); Douai, 26 décembre 1845 (t. LXXI, p. 406); Nimes, 27 avril 1847 (J. Av., t. LXXIII, p. 171, art. 394, §42); Bordeaux, 16 février 1857 (t. LXXXII, p. 619, art. 2845). La cour suprême a d'ailleurs admis que la dot répondait des dépens adjugés en matière civile dans une instance où la femme colludait avec son mari pour soutenir des actes frauduleux destinés à grossir injustement ses reprises dotales; les dépens sont alors la conséquence d'un quasi-délit ; arrêt du 23 juillet 1851 (Not. et av., 1851, p. 225, article 14470); et la cour d'Agen a jugé, le 6 décembre 1847, contrairement à l'arrêt de la cour de Grenoble, que la condamnation aux dépens, en matière civile, ne peut être exécutée sur les biens dotaux, même après la dissolution du mariage; conf., RODIÈRE et PONT, Contr. de mar., t. Il, n° 541. La cour de Rennes a adopté la jurisprudence de la cour de cassation, en décidant, le 27 août 1853 (J. Av., t. LXXIX, p. 601), que l'avoué qui a occupé pour deux époux dans un procès où ils avaient des intérêts distincts, et où il s'agissait d'une résolution de vente poursuivie contre la femme mariée sous le régime dotal, n'a pas d'action solidaire contre les époux, et qu'il ne peut pas se faire payer sur les biens dotaux de la femme, alors même que le refus de payer est fait de mauvaise foi et que, de concert avec son mari, elle a mis l'avoué dans l'impossibilité de découvrir sa résidence ou son domicile.

La cour de Caen paraît admettre qu'en cette matière le juge a une certaine latitude d'appréciation, car elle a jugé, le 27 août 1851 (Journ. de cette cour, 1851, p. 310), que si les frais de séparation de biens peuvent, à titre d'impenses nécessaires conservatoires de la dot, être pris aux dépens de cette dot, il en est autrement des dépens des procès mal fondés soutenus par la femme, à moins de circonstances spéciales.

550.- Add. Lyon, 11 décembre 1851 (Journ. de cette cour, 1852, p. 7); cass., 28 novembre 1854 (DALL., 1854, 1, p. 427). Le premier de ces arrêts décide que l'intimé peut être condamné aux dépens, alors même qu'il a déclaré qu'il n'entendait prendre aucune part à la contestation, s'il a demandé et obtenu devant les pre

miers juges le même profit que les autres intimés (1).

552. Add. Il faut rapprocher de la question examinée dans la note qui se trouve au texte, un arrêt de la cour de cassation du 21 mars 1854 (DALL., 1854, 1, p. 126), aux termes duquel le préfet agissant dans l'intérêt général de la société ne peut être condamné aux dépens d'une instance dans laquelle a été annulé un arrêté par lui pris et basé sur une fausse interprétation de la loi. Je ne partage pas cette opinion; il me semble que les particuliers ne peuvent être victimes de la fausse appréciation que l'administration fait de ses droits. On comprend l'exception appliquée au ministère public, partie principale, représentant les intérêts les plus sacrés et agissant pour réprimer des attaques criminelles; les motifs impérieux qui l'ont fait introduire dans ce cas n'existent plus lorsqu'un administrateur se trompe sur l'étendue de ses droits et sur l'exécution de la loi. Voy. supra, XCII.

553. Add. La règle générale d'après laquelle les dépens ne peuvent être adjugés solidairement contre les parties qui succombent est admise à peu près par tous les tribunaux; Bordeaux, 10 décembre 1847 (J. Av., t. LXXIII, p. 234, art. 425); cass., 28 février 1848 (t. LXXIII, p. 476, art 523), et les arrêts ci-après.

Suivant les distinctions établies au texte, il a été décidé que les dépens alloués à titre de dommages-intérêts peuvent être adjugés solidairement; Limoges, 9 mars 1847 (t. LXXII, p. 672, art. 304, § 69); cass., 28 février 1848 précité; qu'il en est de même lorsque es parties qui succombent sont reconnues avoir agi avec dol et fraude; Toulouse, 12 juillet 1847 (J. Av., t. LXXII, p. 527, art. 247); cass., 5 février 1856 (DALL., 1856, 1, p. 83); et lorsque les dépens sont l'accessoire d'une condamnation solidaire au fond; Bordeaux, 24 juin 1846 (J. Av., t. LXXI, p. 695); c'est à tort que la cour de Toulouse a jugé le contraire le 19 mars 1847 (t. LXXII, p. 278, article 125); mais il y a lieu de remarquer que la condamnation aux dépens n'emporte pas solidarité, à moins de dispositions expresses, alors même que la condamnation principale serait prononcée solidairement; cass., 19 avril 1841 (t. LXI, p. 590). Voy. aussi Formulaire de procédure, t. I, p. 257, note 10.

Du reste, lorsqu'un jugement a condamné à tort certaines parties solidairement aux dépens, si, en appel, ces parties se sont bornées à conclure d'une manière générale à l'infirmation du jugement sans prendre aucune conclusion quant aux dépens, en cas de confirmation elles ne sont pas recevables à présenter, pour la première fois, ce moyen devant la cour de cassation; cass., 13 janvier 1857 (t. LXXXII, p. 130, article 2604).

En ce qui touche la nature de l'action qui appartient à l'avoué, un jugement du tribunal de

(1) Le juge peut et doit condamner aux dépens la partie qui succombe quand même il n'y a pas été conclu. Cass., 29 mars 1855 (Pas. 1855. 228). ED. B.]

Clermont du 28 avril 1846 (t. LXX, p. 303) a décidé contrairement à la doctrine (RODIÈRE, de la Solidarité, p. 167, no 221) et à une jurisprudence à peu près unanime, que cette action n'était pas solidaire dans une espèce, il est vrai, où le mari ne figurait que pour autorisation de sa femme. Un arrêt de la cour de Bordeaux du 30 novembre 1853 (J. Av., t. LXXIX, p. 210, art. 1766), jugeant que l'avoué constitué par plusieurs parties ayant alternativement procédé dans un intérêt commun, n'a pas contre chacune d'elles une action solidaire en remboursement de ses frais, ne paraît pas, dans l'ignorance des faits de la cause, pouvoir être de quelque poids dans la question, car peut être les circonstances étaientelles de nature à motiver le refus de solidarité. 11 ne suffit pas, en effet, pour que la solidarité soit admise, que l'avoué ait occupé pour plusieurs parties, il est encore indispensable que ces parties aient un intérêt commun. Ainsi la cour de cassation a décidé, le 22 novembre 1854 (J. Av., t. LXXX, p. 27, art. 1997), que l'avoué chargé par plusieurs créanciers distincts de produire dans un ordre ne peut réclamer à chacun d'eux que la part des dépens qui le concernent, et spécialement qu'il n'a pas d'action solidaire contre eux pour obtenir le payement d'une signification faite à leur requête collective; il n'y avait aucun lien entre ces divers créanciers; ils ne pouvaient être considérés comme ayant contracté l'engagement de rembourser solidairement les frais. La cour de Rennes, le 27 août 1853 (t. LXXIX, p. 601, art. 1957), a jugé que l'avoué qui a occupé pour deux époux dans un procès où ils avaient des intérêts distincts, n'a pas d'action solidaire contre eux pour le payement des dépens. Mais quand l'avoué a été constitué par plusieurs personnes pour une affaire commune, il y a solidarité, comme cela résulte d'un jugement du tribunal civil de Mirecourt, du 16 mai 1856 (t. LXXXI, p. 515, art. 2481), portant que, bien qu'une des parties, qui a cédé ses droits à un tiers, soit restée dans l'instance, l'avoué n'en a pas moins le droit de poursuivre, en payement de ses frais, le cessionnaire par la voie solidaire, et ce cessiounaire ne peut actionner ses cointéressés en garantie, lorsque la part à payer dans les frais a été fixée par un jugement qui sert de titre au cessionnaire attaqué. C'est à tort que le tribunal de ClermontFerrand s'est prononcé en sens contraire, le 4 août 1840 (t LX, p. 207).

Relativement à la manière dont doit se faire la répartition des dépens entre les parties qui succombent, la cour de Bordeaux a consacré le système indiqué au texte, en décidant, le 12 déceinbre 1855 (t. LXXXI, p. 213, art. 2321), que la disposition d'un arrêt portant que tous les intimés sont condamnés aux dépens, implique qu'ils sont condamnés par tête et par égales portions, quoique les uns aient été représentés par un seul avoué et que d'autres se soient réunis pour constituer un seul avoué (voy. aussi Formul., t. I, p. 257, note, et mon Commentaire du tarif, t. I, p. 198, no 40). La cour de Douai, par arrêt du 2 décembre 1844 (J. Av., t. LXVIII, p. 212), et le tribunal de la Seine, par jugement du 14 fé

vrier 1856 (J. Av., t. LXXXI, p. 643, art. 2544), ont au contraire admis le principe de la répartition dans la mesure de l'intérêt particulier des diverses parties.

Mais, lorsque les parties pourraient à la rigueur se faire représenter par un même avoué, serat-il permis à l'une d'elles d'augmenter la masse des frais au préjudice de ses cointéressés, en prenant un avoué pour elle seule? Je crois que l'affirmative doit être adoptée par cette considération que la loi ne fait pas un devoir à plusieurs coïntéressés de se faire représenter par un avoué unique. Et j'ajoute que la loi n'aurait pas pu leur imposer cette obligation; car, de cela que plusieurs personnes ont un intérêt analogue, il ne résulte pas nécessairement qu'elles soient toujours d'accord. Ce n'est qu'en matière d'ordre, et dans le cas prévu par l'art. 760, que le législateur a prescrit l'emploi d'un seul avoué, et la sanction de cette prescription doit, comme la prescription elle-même, être limitée au cas prévu.

Il faut remarquer, au reste, qu'aucune des solutions qui précèdent ne doit être entendue d'une manière absolue. Le principe de la division partielle doit être appliqué en l'absence de toute indication contraire, mais il appartient aux tribunaux de fixer telle répartition que les circonstances paraissent rendre opportune, et cette répartition ne peut donner ouverture à cassation; cass., 11 août 1846 (J. Av., t. LXXI, p. 717); 31 janvier 1837 (J. Av., t. LIII, p. 707); 14 mai 1844 (t. LXVII, p. 459). On peut aussi consulter dans le même sens Grenoble, 21 décembre 1838 (J. Av., t. LVII, p. 418); Bordeaux, 17 août 1847 (t. LXXIII, p. 463, art. 394, § 8); Nancy, 24 juin 1854 (BIOCHE, Journ., 1854, p. 358).

Ainsi, lorsque le fond du droit ne tient pas à l'exécution d'un titre positif, mais bien à des contestations respectivement élevées et plus ou moins favorablement accueillies, il appartient au juge de décider souverainement dans quelles proportions les dépens doivent être supportés; cass., 17 décembre 1839 (t. LIX, p. 722). En matière sommaire, les dépens de deux appels formés par deux parties contre un jugement et dont la jonction a été prononcée, peuvent être réunis en une seule masse et répartis par moitié entre les appelants qui succombent, quoique les deux instances aient eu pour objet des intérêts distincts; cass., 1er août 1856 (t. LXXXII, p. 258, art. 2667).

Il a été jugé que l'arrêt qui condamne l'intimé aux deux tiers des dépens et l'appelant au dernier tiers doit être entendu en ce sens que l'intimé supportera les dépens qu'il a exposés, plus les deux tiers de ceux faits par l'appelant, tandis que celui-ci n'a à sa charge que le tiers de ses frais; Orléans, 1er décembre 1849 (J. Av., t. LXXV, p. 256, art. 857). Un tel dispositif d'arrêt n'est pas suffisamment clair; et la prétention de l'intimé, qui soutenait qu'il fallait entendre ces expressious comme indiquant qu'il serait fait masse des dépens pour être payés dans les proportions fixées, était parfaitement rationnelle et soutenable.

« PreviousContinue »