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Comment faut-il entendre la disposition d'un jugement qui, repoussant une demande originaire et une demande reconventionnelle, met à la charge de chaque partie les frais qu'elle aura occasionnés? . /

Cette locution, quoique moins claire que celles dont les juges ont l'habitude de se servir, me parait facile à interpréter. Quels sont, en effet, les frais qu'a occasionnés chaque partie, et sur quels chefs succombe-t-elle? Le demandeur, par l'action qu'il a mal à propos engagée, a rendu nécessaires non-seulement les frais qu'il a personnellement exposés pour former sa demande,mais encore tous ceux qu'il a forcé l'adversaire d'employer pour sa défense. Le défendeur, de son côté, ne s'est pas tenu dans les limites ordinaires de la défense. Au lieu de repousser purement et simplement l'attaque, il est devenu agresseur; il a changé une position passive en une position active. Il doit supporter tous les frais occasionnés par cette mutation de rôles; il est juste qu'il paye les dépens de sa demande reconventionnelle reconnue mal fondée. Ainsi se trouve faite équitablement la part respective des plaideurs. Il y a une grande analogie entre ce cas et celui d'un appel incident. Tous les jours il arrive qu'un appel principal et un appel incident sont rejetés; chacun des appelants est condamné aux frais de son appel. De cela qu'on m'attaque, je suis obligé de me défendre; mais je puis me défendre sans attaquer reconventionnellement. De même, je puis soutenir le bien jugé du jugement dont est appel, sans relever appel incident. A chacun la responsabilité de ses œuvres.

Une question de dépens assez bizarre a été agitée devant la cour de Bordeaux un proprié taire pratique un enfoncement dans un mur mitoyen sans le consentement du propriétaire voisin, qui l'assigne en référé. Le juge de référé ordonne la visite des lieux par un juge de paix, assisté d'un expert. La visite a lieu, et l'expertise établit que l'ouvrage ne préjudicie en rien aux droits du voisin. Les parties reviennent devant le tribunal, qui, tout en reconnaissant que le défendeur n'a pas excédé son droit, le condamne aux dépens pour n'avoir pas prévenu son voisin. Appel, fondé sur ce que ce dernier devait être tenu des dépens faits depuis l'expertise. 2 mars 1849, arrêt qui admet ce système, en déclarant que le voisin a dû cesser toute opposition du moment où l'expertise lui a prouvé que l'ouvrage ne nuisait point à ses droits. En rapportant cette décision, le rédacteur du Journal des arrêts de la cour de Bordeaux (février 1849, p. 90) le fait suivre de ces observations, auxquelles j'adhère complétement:

Qu'est-ce qu'un rapport d'expert, un procèsverbal de constatation des lieux, tant que l'homologation du juge n'est pas intervenue? Remarquez qu'ici l'expert tenait sa mission, non des parties, mais de la justice. Le propriétaire voisin pouvait-il s'en tenir là? - Dans tous les cas, c'était à celui qui avait commis la contravention d'offrir les dépens déjà faits. Alors seulement le voisin pouvait peut-être, à son tour, être consi-` déré en faute; mais jusque-là la position respecCARRÉ.

SUPPL.

tive de chacune des parties restait ce qu'elle était primitivement, la faute subsistant toujours du même côté. J'ajouterai que, de son chef, le demandeur n'aurait pu arrêter la procédure qu'en se désistant, et que, précisément, un désistement eût entraîné sa condamnation aux dépens.

Le 23 mai 1849, une question intéressante s'est présentée devant le tribunal civil de la Seine. Il s'agissait de savoir si le syndic qui reprend, même au moment des plaidoiries, l'instance commencée par ou contre le failli, avant sa faillite, est tenu, s'il succombe, de supporter seulement les frais faits depuis la reprise d'instance, ou bien encore tous les frais faits depuis l'origine du procès. Le tribunal a mis à la charge du syndic les frais faits depuis l'introduction de l'instance. Il a été déterminé par ce motif que le syndic, en reprenant l'instance, se l'était appropriée, ainsi que les procédures antérieures, qu'on ne saurait les diviser; que ce sont des moyens d'instruction; que de même que la masse aurait profité du procès s'il avait été gagné, de même elle devait en supporter les charges quand il était perdu. J'approuve complétement cette décision.

554. Add. D'après un arrêt rendu par la cour de Paris le 1er juillet 1852 (Dal., 1855, 2, p. 20, et J. P., t. II de 1852, p. 212), conforme an système indiqué au texte et qui est adopté par MM. DEVILL. et CAR., code civil, 3, 2, p. 502, le jugement qui déclare valable une société dont la nullité était poursuivie par l'un des associés et renvoie les parties devant arbitres pour y faire juger leurs comptes, doit condamner immédiatement aux dépens de l'instance en nullité la partie qui a succombé et ne pas les réserver pour qu'il y soit statué par les arbitres. Il est clair que si le jugement n'avait pas prononcé sur les dépens, la partic perdante serait non recevable, pour défaut d'intérêt, à se faire un moyen de cassation de cette omission, ainsi que l'a jugé la cour de cassation dans une espèce identique, le 30 janvier 1839 (J. Av., t. LIX, p. 550). cour de Rennes a décidé, le 20 mai 1853 (Journ. de cette cour, 1853, p. 278), que si dans le cours d'un procès terminé par un seul jugement et dans lequel chacune des parties succombe sur 'quelques chefs, les frais d'une procédure incidente ou d'une instance doivent être mis à la charge de l'une des deux, il n'est pas nécessaire de faire une répartition distincte des frais de chaque instance; le tribunal peut l'opérer sur la masse formée par la réunion des dépens de toutes les instances, et la répartir proportionnellement aux fautes de chacun des plaideurs (1).

La

556 ler. Add. La cour de Dijon a appliqué les principes dans un arrêt du 17 avril 1847 (J. Av., t. LXXII, p. 658, art. 304, § 15), par lequel elle a compensé les dépens entre l'ascendant et le descendant, en vertu de l'art. 131.

(1) Le juge qui prononce un déclinatoire ne peut condamner la partie succombante qu'aux dépens engendrés par l'assignation. Il y a lieu de réserver les autres. Brux., 17 mars 1852 (Pas. 1853. 140).

Lorsqu'un tribunal se déclare d'office incompétent, 8

556 quater. Add. Conf. Alger, 5 janvier 1852 (Journal de cette cour, 1852, no 209, du 17 janvier); Caen, 28 février 1855 (J. Av., t. LXXXI, p. 228, art. 2328); mais la condamnation aux dépens ne peut donner ouverture à cassation; cass., 18 janvier 1853 (DALL., 1854, 5, p. 95). Art. 131.

557.

--

Add. La cour de Bordeaux a jugé, le 17 août 1847 (J. Av., t. LXXIII, p. 163, article 394, § 8), que les dépens peuvent être compensés vis-à-vis de la partie qui est mise hors d'instance, si elle n'a justifié que tardivement qu'elle n'avait pas la qualité à raison de laquelle elle avait été appelée. C'est l'application d'un principe d'équité dont on trouve des exemples.-Déjà la même cour, mue par les mêmes motifs, avait décidé, le 20 janvier 1847 (ibid.), que l'acquéreur d'un terrain dont le vendeur a été reconnu propriétaire par jugement qui n'a pas encore acquis à l'époque de la vente l'autorité de la chose jugée, doit, s'il ne notifie son contrat qu'après l'appel dirigé contre son vendeur par la partie qui a succombé, supporter les frais faits contre celui qui a été mal à propos intimé et ceux occasionnés par sa mise hors d'instance. Voy. supra, Quest. 546 quater.

558. Add. Les tribunaux ne peuvent, en principe, compenser les dépens entre parties, non parentes, qui n'ont pas respectivement succombé sur quelques points; Riom, 27 novembre 1843 (J. Av., t. LXVI, p. 107). La bonne foi de la partie qui succombe ne suffit pas pour motiver la compensation; Bordeaux, 17 juin 1845 (BIOCHE, Journ., 1845, p. 469, art. 3217); mais il ne faut pas prendre à la lettre cette expression succombé. Ainsi, par exemple, le demandeur qui déclare restreindre son action, succombe dans la partie de son action qu'il abandonne ainsi; cass. belge, 28 février 1852 (Pasicr., 1853, p. 122). Ainsi encore, les juges peuvent compenser les dépens et mettre ainsi à la charge de l'intimé, qui obtient gain de cause, ceux qu'il a exposés, lorsque celuici a présenté, en première instance, comme une vente, ce qu'il a avoué en appel n'être qu'un simple nantissement; Lyon, 26 juin 1856 (J. Av., t. LXXXII, p. 154, art. 2608).

La question de savoir si l'exagération de la demande suffit pour motiver une condamnation aux dépens, n'est pas susceptible d'une solution absolue; la plus-pétition n'entraine pas en principe une condamnation aux dépens, mais elle est suscep. tible de produire ce résultat suivant les circonstan- En général, le défendeur supporte les

ces.

il n'y a lieu de condamner le défendeur à aucune partie des dépens. Bruxelles, 50 juin 1852 (Pas. 1853, 155).

- Le majeur qui n'a pas élevé le moyen de nullité en première instance, après avoir fait intervenir le tuteur dans une contestation sur laquelle un compromis était légalement impossible, et qui a ainsi contribué par sa faute à la violation de la loi, peut être condamné en appel, où il élève pour la première fois le moyen de nullité, à la plus grande partie des dépens. Bruxelles, 14 juin 1862 (Pas. 1862. 271). (Éd. B.]

dépens, si, d'une part, la demande comparée au montant de la condamnation n'offre pas une exagération considérable, et si, d'autre part, le défendeur n'a pas fait offre du montant de la dette reconnue, ou d'une somme en approchant; conf. Bordeaux, 4 avril 1845 (J. Av., t. LXIX, p. 535) et 30 décembre 1857 (Journ. de cette cour, 1858, p. 52); Douai, 21 août 1847 (J. Av., t. LXXVI, p. 139, art. 1025 ter); 11 décembre 1854 (Journ. de celle cour, 1855, p. 283) et 5 juin 1856 (Journ. de celle cour, 1856, p. 329). L'exagération a suffi pour faire mettre une partie des dépens à la charge du demandeur dans une espèce jugée par la cour de Caen, le 21 juin 1854 (Journ. de celle cour, 1855, p. 26). La cour de cassation a aussi jugé, le 19 avril 1848 (J. Av., t. LXXIII, p. 535, article 529), que la réduction de la demande suffit pour motiver la condamnation aux dépens; la réduction, dans l'espèce, avait fait disparaître. plusieurs chefs de demande, pour n'en laisser subsister qu'un seul. Cette doctrine s'étend à la matière de l'ordre. Ainsi, lorsqu'un créancier demande à être colloqué pour 100,000 fr., et que, sur le contredit dirigé contre sa collocation, il maintient ses prétentions à ce chiffre, tout en concluant subsidiairement à une collocation de 10,000 fr., si cette réduction est prononcée, une partie des dépens me paraît pouvoir être mise à sa charge.

La doctrine contraire, basée sur ce principe que la plus-pétition ne nuit pas, et qu'il faut toujours des offres suffisantes de la part du défendeur, a été développée dans une dissertation insérée J. Av., t. LXXIV, p. 269, art. 665. — Voy. aussi supra, Quest. 546 quater.

559 (1).

561. Add. L'opinion émise au texte n'a pas été consacrée par la cour d'Aix, qui a mis les frais d'enregistrement et d'expédition à la charge de la partie qui succombe; arr. du 10 mai 1844 (J. Av., t. LXXIV, p. 158, art. 626).

La distinction posée par cette cour, et qui consiste à borner les effets de la compensation aux dépens exposés au moment où elle est prononcée, ne se trouve nulle part dans la loi. Il est, au contraire, tellement vrai que les frais d'expédition et de signification du jugement font partie des frais de l'instance et en sont le complément que, dans les cas ordinaires, la partie qui succombe ne peut s'y soustraire même par un acquiescement. Mais la cour de Douai l'a confirmée le 25 mars 1848 (J. Av., t. LXXIII, p. 558, art. 545). La cour de Toulouse l'a aussi confirmée en matière de compensation proportionnelle, en décidant, le 8 mai

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1849 (J. Av., t. LXXIV, p. 594, art. 781, § 8), que le coût de la signification est à la charge de la partie condamnée à payer une portion des dépens exposés par son adversaire. Enfin, quelquefois, les juges mettent hors de la compensation le coût du jugement et décident par qui il sera supporté; Douai, 18 août 1853 (J. Av., t. LXXIX, p. 72, art. 1714).

Art. 132.

562. Add. Conf. cass., 7 février 1847 (J. Av., t. LXXII, p. 424, art. 198), sur la nécessité de motiver la condamnation aux dépens prononcée contre les héritiers d'un syndic, personnellement, à raison de la gestion de leur auteur. Mais la condamnation étant basée sur une purc appréciation de fait, la cour suprême n'a pas à corriger l'application qui a été faite par les premiers juges de l'art. 132; cass., 28 février 1855 (J. Av., t. LXXXI, p. 463). — Voy. sur cette matière mon Formulaire de procédure, t. I, p. 256, note 10, et Quest. 3249 ter.

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La jurisprudence a fait plusieurs applications intéressantes de l'art. 152; ainsi, il a été jugé que le comptable qui n'a consenti à rendre son compte qu'après deux jugements par défaut et un commandement tendant à saisie-exécution, doit être condamné aux dépens de la demande; cass., 7 février 1847 précité; voy. aussi Quest. 1860; que l'avoué qui signifie des conclusions moins de trois jours avant l'audience fixée pour les plaidoiries, peut, lorsque cette tardiveté nécessite une remise de cause, être condamné personnellement aux dépens de l'audience; Nancy, 19 janvier 1844 (J. Av., t. LXVI, p. 274). Pour que cette condamnation soit légitime, il faut qu'il s'agisse de conclusions qui aient dû ou pu être signifiées plus tôt. Un arrêt de cassation du 21 juin 1837 (J. Av., ibid.) a en effet jugé que les conclusions peuvent être prises à la barre, sauf régularisation, et qu'une offre de preuves ne peut être repoussée corame tardive, par cela qu'il n'y a pas eu signification avant l'audience.

La cour de Bordeaux a jugé avec raison, le 8 février 1854 (Journ. de cette cour, 1854, p. 66), que les membres du conseil de famille qui se sont joints au tuteur, dont la destitution était provoquée, pour défendre à cette demande, soit en première instance, soit en appel, doivent être condamnés aux dépens conjointement avec le tuteur, s'ils n'ont pu ignorer la légitimité des causes de destitution invoquées par les demandeurs; et la cour de cassation, le 13 juillet 1857(J.P., 1858, p. 50), que la condamnation aux dépens prononcée dans le cas de l'art. 132 contre les membres de la commission administrative d'un bureau de bienfaisance, peut l'être solidairement à raison de l'indivisibilité et de la simultanéité des torts qui la motivent.

Le tuteur ad hoc chargé de soutenir l'état d'un enfant désavové par le mari de la mère ne peut, évidemment, être condamné personnellement aux dépens. Il ne saurait davantage être tenu de faire lui-même les avances nécessitées par le soutien du procès. Mais le mari demandeur dans

l'action en désaveu peut-il être contraint de pourvoir lui-même aux frais du procès que doit soutenir le tuteur ad hoc? L'affirmative a été jugée par le tribunal civil de la Seine, le 18 juillet 1854 (J. Av., t. LXXIX, p. 158, art. 1744). En effet, l'enfant désavoué est, jusqu'au jugement qui admet le désaveu, en possession de son état d'enfant légitime; ce serait préjuger le résultat de l'action que de priver, dès l'origine du procès, cet enfant du bénéfice de sa qualité; le père est agresseur; l'enfant se borne à résister pour conserver ses droits; sans doute, si la mère de l'enfant vit, ou sicet enfant a personnellement des biens dont la mère n'a pas la jouissance légale, on n'aura pas besoin de demander au père une provision pour les frais du procès; mais en principe, le père doit les aliments et l'entretien de l'enfant légitime; il ne lui suffit pas de le renier pour le priver des effets de la légitimité, et l'enfant se trouverait désarmé en face d'un père qui se constitue son adversaire, dans une position d'inégalité et d'infériorité trop choquantes, si le tuteur ad hoc, nommé pour soutenir les intérêts de cet enfant, ne pouvait obtenir contre le père une provision qui lui permît de défendre son pupille; enfin, dans l'espèce, l'une des parties étant mineure, le bureau d'assistance judiciaire lui refuserait toute assistance, précisément à cause de l'état de fortune du père. Il faut en effet supposer que le père est en position de fournir la provision, car si lui-même avait obtenu le bénéfice de l'assistance judiciaire pour intenter son action, rien ne s'opposerait à ce que le fils obtint la même faveur.

Le subrogé tuteur peut aussi encourir par sa faute une condamnation personnelle aux dépens. Ainsi il a été jugé qu'il peut être condamné personnellement aux dépens de l'appel par lui interjeté dans l'intérêt du mineur, alors que le jugement de première instance l'a 'suffisamment éclairé sur l'absence de fondement du procès; Rennes, 15 janvier 1853 (Journ. de cette cour, 1852-53, p. 198). Cette décision est bien rigodreuse. J'ai examiné, Quest. 1592, quelles sont les obligations imposées au subrogé tuteur par suite de la signification du jugement de première instance. J'ai reconnu qu'il avait qualité pour interjeter appel, sauf au tuteur à ne pas suivre sur l'appel. Il résulte de là que la responsabilité des frais devrait en principe retomber sur le tuteur qui était bien le maître de soutenir l'appel ou de l'abandonner. La question ne peut donc se poser. que vis-à-vis du tuteur, et non vis-à-vis du subrogé tuteur, excepté dans le cas où, à raison de l'opposition d'intérêts existants entre le mineur et le tuteur, il remplirait lui-même les fonctions de tuteur. Or, il ne me parait pas qu'il soit possible d'établir en principe que le tuteur sera responsable si le jugement de première instance l'éclaire sur l'absence de fondement du procès. Telle contestation peut paraître fondée en équité et ne pas l'être en droit; ou, réciproquement, faudra-t-il exiger du tuteur la sûreté d'appréciation d'un jurisconsulte éclairé et d'un casuiste? Evidemment non ; je reconnais que, dans des cas très-rares, l'inanité du procès sera tellement évi

dente qu'il y aura lieu de rendre le tuteur personnellement passible des dépens; mais précisément le peu de fréquence de cette hypothèse doit empêcher de généraliser la décision de la cour de Rennes.

Il est évident que le cas de dol et de fraude devrait toujous rendre passibles des dépens les divers administrateurs dont parle l'art. 152. C'est 'ainsi que la cour d'Aix a, le 27 avril 1847 (J. Av., t. LXXIII, p. 174, art. 394, § 55), condamné aux dépens, avec juste raison, un curateur qui, en appel, n'avait pris des conclusions contraires à celles qu'il avait formulées en première instance que pour servir les intérêts d'un tiers au préjudice d'un créancier de la succession. Tant que les tuteurs, subrogés tuteurs, curateurs, héritiers bénéficiaires ou administrateurs se sont renfermés dans les bornes de leur mandat, ils ne peuvent être condamnés aux dépens; dès lors les avoués n'ont pas contre eux d'action directe pour le remboursement de leurs frais. Cette doctrine a été consacrée à l'égard des syndics d'une faillite, par la cour de cassation, dans un arrêt du 24 août 1813 (J. Av., t. LXV, p. 531), et méconnue par la cour de Bordeaux, le 24 avril 1858 (t. LV, p. 537). Mais il en est autrement lorsque ces administrateurs excèdent leurs pouvoirs. Alors ils sont personnellement passibles des dépens, et les avoués peuvent directement en poursuivre contre eux le recouvrement. C'est ainsi que la cour de Riom a jugé, le 15 avril 1806 (J. Av., t. IX, p. 157, no 19), que le tuteur qui forme un appel sans y avoir été autorisé par le conseil de famille peut être personnellement condamné aux dépens. C'est donc à tort que la cour de Bordeaux a décidé, le 25 août 1847 (J. Av., t. LXXIII, p. 152, art. 390), d'une manière absolue, que l'avoué d'appel a, pour le recouvrement de ses frais, une action personnelle contre le subrogé tuteur qui l'a constitué. La cour aurait dû examiner d'abord si l'appel avait été fait avec ou sans autorisation, et, en outre, si le subrogé tuteur avait excédé les bornes de son mandat (1).

Art. 133.

XCV. — Add. Le principe qui sert de base à la distraction des dépens doit faire accorder le privilége qu'elle confère, non-seulement dans les matières contentieuses, mais encore dans les simples procédures qui exigent l'intervention de la justice: c'est donc avec raison que la cour de cassation a décidé, le 50 novembre 1852 (J. Av., t. LXXVIII, p. 413, art. 1461), en cassant un arrêt de la cour de Toulouse du 2 mars 1850 (J. Av., t. LXXV, p. 376, art. 892), que l'avoué d'un acquéreur a le droit d'obtenir, dans l'ordre de distraction, des frais de purge pour lesquels son client est colloqué. Il faut décider de même en matière de partage: un avoué peut demander la

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distraction des frais et poursuivre la succession tout entière; Agen, 9 février 1848 (t. LXXIII, p. 482, art. 518). Le désistement de la partie adverse ne met pas obstacle à ce que la distraction soit demandée et obtenue, spécialement dans le cas du désistement d'un appel; Caen, 31 août 1842 (t. LXVIII, p. 163); de même encore, en matière correctionnelle; cass., 23 janvier 1858 (DEVILL. et CAR., 1858, 1, p. 254). Voy. Question 546 quinquies.

564. Add. Conf. Bordeaux, 20 novembre 1849 (J. Av., t. LXXVI, p. 31, art. 994), sur la faculté de ne recevoir l'affirmation qu'à une audience ultérieure. J'ai soutenu au texte qu'il était convenable pour l'avoué d'attendre la décision à l'effet de savoir s'il y avait lieu à demander la distraction. Mais s'il s'agit de dépens dont le sort est déjà fixé, il peut en demander la distraction par des conclusions formelles, et il n'est pas tenu dans ce cas de réitérer sa demande à l'instant même de la prononciation du jugement; Agen, 9 février 1848 (J. Av., t. LXXIII, p. 482, article 518).

--

564 bis. Add. Il résulte du principe admis au texte que, lorsque, sur l'appel, une cour a confirmé le jugement de première instance et condamné l'appelant aux entiers dépens, il ne doit être pris qu'un exécutoire comprenant tous les dépens, alors même que l'avoué d'appel en a obtenu la distraction; Douai, 20 novembre 1853 (J. Av., t. LXXX, p. 78, art. 2025). — Si pareille distraction n'avait été demandée ni ordonnée pour les frais de première instance, l'avoué d'appel pourrait prendre un exécutoire séparé pour les frais dont distraction aurait été prononcée à son profit un pareil acte n'aurait rien de frustratoire; Rennes, 7 décembre 1838 (J. Av., t. LVI, p. 550).

566. - Add. La doctrine enseignée au texte est encore adoptée par RODIÈRE, p. 398; RIVOIRE, Vo Dépens, no 6; FRÉMINville, no 266.

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567. Add. La partie condamnée, poursuivie en payement des frais, en vertu du jugement qui en a prononcé la distraction, peut invoquer l'art. 151 du tarif, relatif à la présentation des registres tenus par l'avoué; cass., 8 juin 1842 (J. Av., t. LXII, p. 337). Il est bien évident d'ailleurs que la distraction ne peut pas être refusée lorsque, par la représentation de son registre, l'avoué justifie avoir fait l'avance des frais; Agen, 9 février 1848 (t. LXXIII, p. 482, article 518).

568. Add. Aucune compensation n'est possible; Limoges, 20 mai 1844 (J. Av., t. LXXIII, p. 163, art. 397, § 6); Paris, 2 octobre 1851 (Droit, 3 octobre 1851, n° 233). V. supra, Question 548. Lá distraction attribue la totalité des dépens à l'avoué, même les frais de voyage accordés à la partie; Caen, 9 juillet 1846 (J. Av., t. LXXII, p. 566, art. 268); en sorte que

les

pens les administrateurs d'un établissement public qui ont interjeté appel sans y avoir été autorisés par l'autorité compétente. Gand, 20 avril 1860 (Pas. 1860, 307). [ED. B.]

sommes avancées à cet avoué, par son client, durant l'instance, ne peuvent pas diminuer la créance résultant de la distraction; l'avoué doit en faire compte au client, et aucune saisie-arrêt ne peut être jetée par un créancier de ce dernier entre les mains de la partie qui a succombé; Poitiers, 20 mai 1846 (J. Av., t. LXXIII, p. 156, art. 392). Mais la saisie-arrêt jetée entre les mains de l'avoué frapperait utilement les sommes dont celui-ci serait reliquataire envers son client. Conf., BOUCHER D'ARGIS, p. 129.

Lorsqu'un jugement, en ordonnant qu'il sera fait masse des dépens, lesquels seront supportés, moitié par le demandeur et moitié par le défendeur, a prononcé la distraction des dépens en faveur de l'un des avoués, cette distraction ne peut produire d'effet que pour la différence en plus due au client de l'avoué par son adversaire, pour la part contributive de ce dernier dans les frais; Bordeaux, 19 mars 1852 (J. Av., t. LXXVII, p. 414, art. 1521, § 4). La condamnation aux dépens peut offrir, en effet, trois positions diffé

rentes:

1. Une compensation pure et simple;

2° Une condamnation respective des parties sur des chefs distincts;

3° Une masse de tous les dépens dont chacune des parties doit payer une quote-part.

Dans le premier cas, chacune des parties étant condamnée à payer les frais faits par son avoué, chacune d'elles est débitrice personnelle de cet avoué, qui ne peut alors obtenir une distraction à son profit contre l'autre partie.

Dans le second cas, la difficulté est sérieuse. On a soutenu que, chaque partie étant créancière et débitrice, il s'opérait une compensation qui ne permettait pas aux avoués d'obtenir des distractions. J'ai adopté le sentiment contraire, en indiquant les autorités; mon opinion a été sanctionnée par la cour de cassation et par la cour de Montpellier.

La même solution doit être appliquée à la troisième hypothèse, qui est régie par le principe admis par la cour de Bordeaux.

Dans le calcul de la quote-part, ainsi mise à la charge d'une partie, il faut tenir compte des avances par elle déjà faites pour enregistrement et expertise; tribunal de la Seine, 15 juin 1855 (J, Av., t. LXXX, p. 563, art. 2210).

La cour de Paris a méconnu ces principes, en décidant le contraire, le 15 décembre 1855 (J. Av., t. LXXXI, p. 357, art. 2404). En effet, dans le cas où il est fait masse des dépens, dont une quote-part est mise à la charge de chacune des parties, la distraction ne peut produire effet qu'en faveur de l'avoué dont la partie se trouve, après liquidation, créancière de l'autre, et seulement jusqu'à concurrence de ce dont cette partie est en avance sur son adversaire. Le système adopté par la cour de Paris conduit à cette conséquence inique, qu'une partie peut être forcée de payer plus que ne porte la condamnation aux dépens.

Pour rendre ce résultat souverainement injuste plus palpable, je prends des chiffres : les dépens dont il est fait masse s'élèvent à 6,000 fr., dont

un tiers à supporter par une partie et les deux tiers par l'autre. L'avoué de la première fait liquider son état de frais s'élevant à 3,000 fr., et il réclame 2,000 fr. à cette partie qui a fait des avances pour 3,000 fr., et qui, obligée encore de payer ces 2,000 fr., se trouvera avoir déboursé 5,000 fr., quand son adversaire n'aura pas avancé un centime, et que cet adversaire, peut-être insolvable, ne lui offrira aucune garantie pour le remboursement.

Si une telle doctrine devait prévaloir, on ne comprendrait plus l'utilité de prescrire qu'il serait fait masse des dépens. Mais lorsqu'un arrêt a compensé les dépens à répartir entre les parties dans certaines proportions, sauf les frais d'expédition et de signification de l'arrêt qui ont été mis à la charge des intimés, ces frais sont mis en dehors de toute compensation, et les avoués des appelants, qui avaient obtenu la distraction des dépens, sont recevables à réclamer les frais de l'expédition et de la signification aux intimés, sans que ceux-ci puissent opposer en déduction les frais dont, dans la masse sujette à compensation, les appelants peuvent être débiteurs; Douai, 18 août 1853 (J. Av., t. LXXIX, p. 72, art. 1714).

569. - Add. Conf. RODIÈRE, p. 398; BIOCHE, vo Dépens, no 231; RIVOIRE, V° Dépens, no 11; Orléans, 16 mai 1849 (J. Av., t. LXXIV, p. 565, art. 770). Il suit de cette doctrine que l'avoué qui, dans une instance en liquidation, après avoir obtenu distraction de ses dépens sur la masse, n'a pas poursuivi contre cette masse le payement de ses frais, peut poursuivre personnellement la partie pour laquelle il a occupé, mais seulement pour la part proportionnelle aux droits que cette partie avait dans la liquidation; Rouen, 13 juin 1846 (J. Av., t. LXX!, p. 560); mais, pour cela, il faut qu'il y ait eu faute de la part de l'avoué et préjudice causé, et la cour de cassation a le droit d'examiner si les conséquences tirées des faits d'où l'on a voulu induire la responsabilité de l'avoué, sont conformes à la loi; cass., 6 février 1855 (J. Av., t. LXXX, p. 859, art. 2229), qui annule un arrêt de la cour de Nîmes du 19 novembre 1851. Conf., RODIÈRE, Solidarité, p. 168, n° 224.

L'avoué distractionnaire qui s'adresse à son client parce qu'il ne peut se faire payer de la partie condamnée, a-t-il le droit de lui réclamer des articles qui n'ont pas été passés en taxe? La négative a été jugée d'une manière trop absolue par la cour de Renues, le 28 mars 1851 (J. Av., t. LXXVII, p. 254, art. 1250). En effet, il y a des frais, des avances, des honoraires même que doit une partie et qui ne peuvent passer en taxe contre son adversaire. Cela est maintenant reconnu par tout le monde; peu importe que le client ne puisse pas obtenir un recours contre l partie qui a succombé. Le seul point à examiner est celui-ci la somme demandée est-elle due à l'avoué? Cependant je conçois que si c'est par suite d'une omission dans l'état de frais que certains actes n'ont pas été compris dans l'exécutoire, l'avoué ne puisse pas les réclamer de son client, parce qu'il demeurera responsable de sa

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