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des parties, lorsqu'elles (demandeurs et défendeurs) sont domiciliées hors du canton et aussi lorsque l'une d'elles seulement (le demandeur ou le défendeur, l'appelant ou l'intimé) est domiciliée hors du canton.

Cette solution, commandée par la raison de la loi, est d'accord avec l'explication que j'ai donnée des art. 1033 et suiv., nos 3409 et suiv. Elle conduit à cette conséquence qu'il n'y a lieu d'accorder aucun délai supplémentaire, bien que les parties soient domiciliées hors du canton, lorsque la distance qui sépare leurs domiciles est inférieure à trois myriamètres (voy. no 3414).

Mon opinion, rapprochée des dispositions de l'art. 13, qui semblent faire de l'éloignement du domicile de l'appelant seul la condition nécessaire à l'augmentation du délai, serait difficile à justifier, s'il était possible de rencontrer une théorie rationnelle qui eût l'avantage de se mieux concilier avec le texte. L'absence de tout autre système satisfaisant me détermine à entendre l'article précité, comme si le législateur, plus explicite, avait écrit: Le délai pour interjeter appel sera, lorsque les parties ou l'une d'elles seront domiciliées hors du canton, de trente jours, outre l'augmentation à raison des distances, conformément aux art. 73 et 1033. Le renvoi à l'art. 73 signifie que cet article doit être appliqué à l'appel des jugements rendus par les juges de paix, comme il est appliqué à l'appel des jugements rendus par les tribunaux civils en vertu de l'art. 445.

75. Add. C'est aussi l'opinion de MERLIN, Q. D., v Appel, § 10, art. 1er, no 12, t. VII, p. 244.

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76-Add. CURASSON, p. 596; CAROU, no 677. 77 bis. Add. FOUCHER, n° 432; CURASSON, p. 590; CAROU, no 679; MASSON, no 316; Gilbert, sous l'art. 13 de la loi de 1838, no 252.

77 ter. Add. CURASSON, p. 592; CAROU, no 685; FOUCHEer, no 443; Rivoire, no 229.

Art. 17.

78.- Add. CURASSON, p. 570; AUGIER, p. 39; BROSSARD, p. 351.-Contra, Carou, no 635.

80*.-Lorsqu'un juge de paix a ordonné l'exécution provisoire d'un jugement qui condamne une partie à payer une somme moindre de 300 fr., sans spécifier si elle aura lieu avec ou sans caution, la partie qui en poursuit l'exécution est-elle dispensée de fournir caution?

Il résulte, de la discussion au sein des chambres, que l'art. 11 de la loi du 25 mai 1838 a eu pour but de remédier à ce qu'avait de trop absolu l'ancien art. 17, et d'introduire une disposition nouvelle analogue dans son esprit, à l'article 135 du même code. D'après le § 1er, en effet, les juges de paix doivent, comme les tribunaux civils, ordonner l'exécution provisoire lorsqu'elle est demandée (voy. au texte, Quest. 80 et 583), et sans caution, s'il y a titre authentique, promesse reconnue ou condamnation précédente dont il n'y a point appel (voy. Victor Foucher, no 412; CURASSON, t. II, p. 563, no 2; BENECH, Des justices de paix, no 563). Le § 2 prévoit deux cas : 1° celui où il s'agit de pension alimentaire ou

d'une somme qui n'excède pas 300 fr.: la loi laisse alors au juge la faculté d'ordonner l'exécution provisoire avec ou sans caution; 2° celui où la somme dépasse 300 fr.: l'exécution provisoire ne pourra avoir lieu qu'à charge de fournir caution.

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Le juge de paix a-t-il rendu son jugement dans l'une des espèces prévues par le § 1er, il suffit que l'exécution provisoire ait été prononcée pour qu'elle ait lieu sans caution, la loi faisant un devoir aux juges de l'ordonner. S'agit-il d'une condamnation à une somme inférieure à 500 fr., la caution étant facultative, le débiteur a le droit de se prévaloir du silence du jugement à cet égard. Si la somme est, au contraire, supérieure à 300 fr., comme l'exécution provisoire a pour corollaire nécessaire la caution, on ne peut concevoir l'une sans l'autre; si le juge avait dispensé de donner caution, il aurait commis un excès de pouvoir; il n'a nullement besoin, encore, d'ordonner qu'une caution sera fournie. Tels sont les principes enseignés par mon savant collègue M. RODIÈRE, dans son Exposition raisonnée des lois de la procédure, t. ler, p. 409.

:

Le code de procédure (art. 17) voulait que tout jugement d'un juge de paix fût exécutoire par provision, nonobstant appel et sans obligation de cautionnement. La loi nouvelle, pour les affaires où la somme en litige ne dépasse pas 300 fr., a substitué à la prescription de la loi l'appréciation du juge; elle a maintenu le principe que le jugement pourrait être exécutoire par provision, nonobstant appel et sans caution. Elle a seulement exigé la déclaration du juge, pour que cette exécution provisoire pût avoir lieu dès que le juge a manifesté son intention, il a rendu la vie à l'ancienne disposition. Le jugement est alors exécutoire sans caution: pour que la volonté du juge soit suivie. il n'est pas nécessaire que sa décision contienne ces expressious Ordonne l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution, mais seulement celle-ci : Ordonne l'exécution provisoire. La conséquence d'une semblable prescription est qu'aucun obstacle ue peut arrêter l'exécution. L'appel ou la demande de caution n'ont aucune force contre l'exécution provisoire. Il est donc inutile que le juge complète sa décision en y insérant ce qui est une conséquence forcée de cette décision.

J'ai même décidé (voy. au texte Quest. 1548) que, dans les cas où la loi autorise l'exécution provisoire avec caution et laisse au juge la faculté de dispenser de cette caution, cette dispense est implicitement ordonnée par le jugement qui permet simplement l'exécution provisoire. D'une note, de M. CARRÉ, que j'ai approuvée (voy. au texte Quest. 586, art.135), il semblerait aussi résulter que, lorsque la loi laisse au jugela faculté d'ordonner l'exécution provisoire avec ou sans caution, la caution ne peut être exigée qu'autant que le juge l'a expressément déclarée nécessaire. Voy. infra, Quest. 588 septies.

80 bis. Add. CAROU, no 633; CURASSON, p. 569; FOUCHER, no 417.

-

82 bis. Le 20 novembre 1851, la cour de Colmar (Journal de cette cour, 1852, p. 152) a

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pas.

JugeJu

Reassignation lorsque la première citation ayant été donnée à un délai trop court, le défendeur ne comparaît Form. no 320, t. ler, p. 310. Jugement de jonction de défaut. — Form, no 348, p. 335. ment de défaut-congé. - Form. no 349, p. 336. gement par défaut contre le défendeur. - Form. no 347, p. 335. Opposition à un jugement par défaut. Form. no 350, p. 336. · Jugement sur une opposition à un jugement par défaut. Form. u 351, p. 338.

Art. 19.

86.-Add. CAROU, no 658.--Contra, RODIÈRE, L. II, p. 301; BIOCHE, Vo Juge de paix, no 513, et Journal 1850, p. 174, art. 4601; TOUSSAINT, p. 144; Millet, p. 320.

89 bis.—Si, au jour fixé par la citation, aucune partie ne comparait devant le juge de paix, le demandeur peut-il, un mois après, obtenir défaut contre le défendeur, sur le motif qu'il y avait indication de tel jour et des audiences suivantes?

L'art. 1 veut que la citation contienne le jour et l'heure de la comparution; l'art. 9 veut encore qu'au jour fixé par la citation ou convenu entre les parties, les parties comparaissent en personne ou par fondé de pouvoirs; et l'art. 19 dit enfin :

Si, au jour indiqué par la citation, l'une des parties ne comparaît pas, la cause sera jugée par défaut, sauf réassignation. Ces textes me paraissent résoudre la question.

Le ministère des avoués n'étant pas admis devant les justices de paix, les parties ou leurs mandataires ayant seuls à veiller à leurs intérêts, on a voulu qu'il ne pût y avoir de surprise de côté ni d'autre. Voilà pourquoi le législateur a insisté sur la fixation, sur l'indication du jour de la comparution.

:

Lors

Le juge étant saisi par la citation, le litige doit se terminer ce jour même, à moins que les parties ne requièrent une remise qui en est la continuation, ou que le juge, de son propre mouvement, n'ordonne cette remise: si aucune des parties ne se présente, la citation perd toute son efficacité, le juge n'ayant été saisi que pendant une période de temps qui n'existe plus. Cette citation ne pourrait reprendre sa vertu que du consentement formel ou tacite des parties. Je ne sais si LEVASSEUR, Manuel des Justices de paix, édit. de 1822, p. 49, a basé son opinion sur ces considérations, mais toujours a-t-il dit: que l'une et l'autre des parties ne comparaissent pas, il ne peut y avoir jugement, et la citation est comme non avenue. » Jusque-là, la question ne se trouve pas encore tout à fait résolue dans la citation, on a indiqué le jour ainsi que les audiences suivantes. Cette addition ne fait pas changer la solution que je propose. La loi a voulu que la citation fût donnée à jour fixe. L'énonciation des audiences suivantes ne peut s'entendre que du cas où le litige ne serait pas terminé au jour indiqué; alors, les parties présentes, le renvoi à un autre jour peut avoir lieu; mais si elles ne comparaissent pas, il y a continuité, c'est-àdire ruine totale de la citation. Citons une analogie prise dans une action portée devant le tribunal de droit commun, le cas du bref délai : — assignation est donnée à jour fixe; au jour fixé, que deviendra l'instance, si aucune des parties ne se présente? Evidemment l'assignation sera considérée comme non avenue. On peut en dire autant de la citation en conciliation.

-

Quid, si les parties, d'un commun acccord, ont demandé le renvoi à huitaine, mais que le demandeur ne réclame un défaut que longtemps après (trois ou quatre semaines)?

Cette question se résout par les mêmes considérations. Il en est du renvoi à huitaine, du consentement des parties, comme de l'obligation légale de se présenter à jour fixe sur citation.

Le demandeur devait prendre ses avantages au nouveau jour fixé; c'était son droit, il ne l'a pas fait; ce jour a vu clore l'instance; elle ne pouvait être continuée au delà sans un nouveau consentement, un nouveau contrat judiciaire; un jugement par défaut, obtenu trois ou quatre semaines après, a été rendu sans citation préalable ou sur citation considérée comme non avenue, ou enfin sur accord dont on a arbitrairement dépassé les clauses.

93. Add. CURASSON, t. I, p. 201; CAROU, n° 660; RODIÈRE, t. II, p. 302. 95 bis.

Voy. infra, sous l'art. 548.

TITRE IV.

Des jugements sur les actions possessoires.

Citation en complainte.

Form. no 361, 1. Jer, p. 344. Citation en réintégrande. Form. no 362, p. 345. Acte d'opposition à ce que des ouvrages nuisibles soient continues. Form. no 363, p. 346. — Citation en dénonciation de nouvel œuvre. — Form. no 364, p. 347. — Jugement sur une action possessoire. — Form, no 365, p. 348. Déclaration constatant que le demandeur au pétitoire a pleinement satisfait aux condamnations prononcées contre lui au possessoire. Form. no 366, p. 351.

M. CARRÉ avait réservé pour son grand traité de la compétence et pour son ouvrage spécial sur les justices de paix, ce qui concernait le fond de la matière importante des actions possessoires. Il n'avait détaché, pour les lois de la procédure, que quelques notions générales se rattachant aux dispositions mêmes du code. Dans mon édition de 1840, j'ai suivi fidèlement le plan de mon savant maître; les pages de mon supplément en seront la continuation; on consultera avec fruit le nouveau répertoire de M. DALLOZ, vo Action possess., la dernière édition de GARNIER, les traités de MM. BELIME, DE PARIEU, CRÉMIEUX, et les dictionnaires spéciaux de MM. BIOCHE, ALLAIN, JAY, etc., etc. Ne rentrait pas dans ce plan l'examen des questions importantes sur la recevabilité d'une action possessoire dans les matières de sentier commun, de chemin rural, de chemin vicinal, de cours d'eau navigables ou non navigables, de canaux, d'eaux pluviales, d'affouage, de biens communaux, de logements insalubres, de domaine public, etc. (1).

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Mon intention est de coordonner plus tard les notes nombreuses que j'ai recueillies, les opinions que j'ai émises depuis trente-cinq ans dans le Journal des Avoués, et de publier un ouvrage sur la compétence des juges de paix, des tribunaux de première instance et de commerce.

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Traité des actions possessoires, contenant l'exposé complet de la jurisprudence, l'opinion des auteurs; suivi de formules. Ouvrage destiné particulièrement à MM. les juges de paix, par M. BIOCHE. Paris, 1865. In-8°.

Traité théorique et pratique de la possession et des actions possessoires, par M. LÉON WODON, juge de paix. Bruxelles, Bruylant-Christophe et Cie, 1866. 2 vol. in-8°. Il faut consulter aussi le substantiel Commentaire de M. ADNET, sur l'art. 9 de la loi du 25 mars 1841.

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[ÉD. B.]

(2) Constater sans réserve ni exception l'usage des eaux d'un moulin pendant l'année, c'est en constater la

complainte fondée sur un fait de trouble commis dans l'année, quoiqu'il ne soit que la répétition d'autres faits identiques antérieurs de plus d'une année (Cass., ch. req., 1er août 1848; DALL., 1848, 1, p. 167; DEVILL., 1849, 1 p. 449). Le demandeur en cassation citait à tort un autre arrêt du 22 avril 1839 (J. P., t. I de 1839, p. 448), parce que, dans cette première espèce, le trouble réel était antérieur à l'année de la complainte, et qu'une citation en police correctionnelle postérieure à l'action possessoire n'était pas considérée comme un nouveau trouble. 100 ter.

(2).

101 bis. - Add. Il n'est plus contesté, en doctrine et en jurisprudence (voy. Dalloz, 2e édit., vo Act. poss., no 756 et suiv.), que le juge de paix a le droit d'examiner les titres, pour déclarer la possession, conformément aux principes que j'avais développés (5). Cependant les nuances sont si délicates et les limites si faciles à dépasser, que je crois utile de compléter ma théorie à ce sujet.

Pour pouvoir saisir la difficulté, il faut se rendre un compte exact de la position des parties en matière possessoire.

Le demandeur assigne en complainte ou en réintégrande; il ne peut se fonder que sur des faits de possession légale. Il doit être repoussé, si, à l'appui de sa demande, il présente un titre de propriété. En assignant devant le juge de paix, on indique la nature du débat; si le demandeur assignait devant le tribunal civil, ce serait reconnaître la possession à son adversaire. Mais, pour que la possession soit légale, il faut qu'elle réu nisse les conditions exigées par l'art. 2229, code civil. Le défendeur soutient que la possession n'a pas durée annale, ou qu'elle ne peut être efficace, parce qu'elle est précaire, à raison d'un titre établissant, soit des droits d'usage, soit un bail, etc. Dans le premier cas, pas de controverse possible, aucun titre n'est soumis au juge de paix; il apprécie la possession. Dans le second cas, le fait de la possession annale est implicitement avoué; la durée de la possession n'est plus mise en discussion: autrement il serait fort inutile d'examiner l'origine de cette possession. Le juge de paix, après examen approfondi des titres respectivement produits, reconnaît, ou que les titres ne sont pas de nature à vicier de précarité

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possession annale, sans interruption. Cass., 15 décembre 1864 (Pas. 1865. 11). [ÉD. B.]

(5) Ce n'est point cumuler le possessoire et le pétitoire que de consulter les titres et les circonstances pour apprécier les caractères de la possession.

Spécialement : Sans contrevenir à la règle qui interdit ce cumul, le juge du possessoire a pu rechercher si un chemin était vicinal. Cass., 1er août 1852 (Pas. 1853. 74).

Ne cumule point le possessoire et le pétitoire, le juge qui, saisi d'une action possessoire, en matière de servitude discontinue, discute dans ses motifs, au point de vue de l'action possessoire seulement et sans rien décider au pétitoire, le mérite contesté des titres produits pour fonder l'action possessoire. Cass., 17 décembre 1858 (Pas. 1859. 7). Voy. aussi cass., 1er déc. 1864 (Pas. 1865, 7). [ÉD. B.]

la possession du demandeur, ou qu'il y a eu interversion des titres, ou qu'au contraire le possesseur, par lui ou ses auteurs, ne détient l'immeuble litigieux qu'à titre précaire. Dans ces deux hypothèses, le juge de paix peut ne pas donner un seul motif sur les faits possessoires, parce que le litige ne porte nullement sur la possession; en apparence, son jugement paraîtra un empiétement sur les attributions du juge du pétitoire, tandis qu'en réalité, en considérant le dispositif de son jugement, on demeurera convaincu qu'il n'apprécie qu'une action possessoire. Le dispositif formant seul la chose jugée, les motifs se coordonnent nécessairement avec la chose demandée et la chose décidée.

Le juge de paix, après avoir dit que de tel titre produit il ne résulte pas que le demandeur ait jamais obtenu une concession de droits d'usage sur la forêt en litige, etc., maintient le demandeur dans la possession de cette forêt. Son jugement est complet; il en serait autrement, si le défendeur, après avoir contesté la qualité de la possession, en avait subsidiairement dénié la durée. En l'absence de motifs sur cette durée, il y aurait violation de la loi, pour défaut de motifs.

Le juge de paix, après avoir tiré des divers titres produits la conclusion que le demandeur ou ses auteurs ont, sans interversion de titre, été constamment les fermiers du défendeur, rejette l'action possessoire. Son jugement est encore complet, car il est fort inutile qu'il s'occupe de la durée de la possession, si elle n'a jamais été légale; eût-elle été de mille ans, elle ne pouvait faire acquérir au demandeur aucun droit à la propriété.

Enfin, il faut se demander si de ces deux jugements résulte un préjugé quelconque contre une action pétitoire. La négative est évidente; non pas que je dise que celui qui sera forcé de prendre la voie du pétitoire n'aura pas à lutter devant les mêmes juges contre quelques préventions; mais cela est impossible à éviter, à moins qu'on ne défende, en principe, au juge du possessoire, tout examen des titres, qu'on ne maintienne en possession un usager ou un fermier, en imposant la voie pétitoire à un propriétaire vis-à-vis de ses fermiers, etc., doctrine qui avait été mise en avant par quelques auteurs, il y a bientôt un demi-siècle, mais qui, maintenant, n'est plus soutenue par personne.

Qu'on veuille bien examiner les divers cas qui se sont présentés, en y appliquant les principes assez simples que je viens d'exposer et ceux de ma question 101 bis au texte, et on s'apercevra facilement que la jurisprudence est uniforme.

Je me contenterai d'analyser les espèces des trois dernières décisions :

1° Arrêt du 8 avril 1846 (J. Av., t. LXXI, p. 444). Des habitants de la commune d'Entraigues demandent la maintenue en possession du droit de partager certaines coupes affouagères de bois situés dans la commune de Duperrier, en se fondant sur leur qualité de forains. Jugement du tribunal civil de Grenoble, qui déclare la demande non recevable, parce que la législation n'admet pas les forains au partage des coupes af

fouagères; que les demandeurs ne peuvent pas présenter comme faits possessoires les délivrances faites à la commune d'Entraigues, et qu'un forain ne peut pas acquérir par voie possessoire un droit à l'affouage. Pourvoi en cassation pour violation de l'art. 25. Rejet. La cour suprême déclare qu'il résulte du jugement que les droits des demandeurs restent entiers au pétitoire, et que l'examen des titres n'a eu lieu que pour apprécier le caractère de la possession. Il suffit de lire avec attention le jugement longuement motivé du tribunal de Grenoble, pour partager le sentiment de la cour de cassation. Ce jugement entre, il est vrai, dans l'appréciation des titres et de la législation, pour décider, comme il a cru devoir le faire, que les faits allégués ne pouvaient faire acquérir possessoirement des droits aux affouages de la commune de Duperrier.

2o Arrêt du 2 février 1848. Cour de cassation, ch. req. Une action possessoire est intentée par les sieurs Millière et consorts, qui prétendent que leur voisin s'oppose, à tort, à ce que le volet d'une fenêtre s'abatte sur le mur mitoyen. Le défendeur Vigneron répond que le développement du volet ne constitue, de sa part, qu'un acte de pure tolérance. Le juge de paix déclare que la possession annale, qui n'était pas déniée, réunit les conditions de légalité, et condamne Vigneron à ne plus troubler la possession des demandeurs. Appel. Jugement du tribunal civil de Bar-sur-Aube, qui, sans adopter les motifs du premier juge, dit qu'il a été bien jugé, en puisant ses raisons de décider dans la position respective de deux copropriétaires d'un mur mitoyen, qui ne permet pas à l'un de s'opposer capricieusement à la jouissance de l'autre, uniquement pour lui-même. Pourvoi. Rejet. Attendu que le jugement attaqué se borne, dans son dispositif, à maintenir les défendeurs éventuels dans la possession par eux prétendue; que si quelques-uns des motifs de ce jugement paraissent se rattacher au droit de propriété, ils n'ont, en réalité, pour objet que de caractériser la possession; que, par suite, ledit jugement n'a point cumulé le possessoire et le pétitoire.>

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Sur quoi avait porté le litige devant le tribunal de Bar-sur-Aube? Sur ce point tout spécial que le demandeur jouissait d'un droit de servitude sur le mur mitoyen, et que le défendeur n'avait pas le droit de l'en priver arbitrairement. On lui objectait que le fait dont il arguait n'était qu'un acte de tolérance, d'où la nécessité d'examiner si, en réalité, la mitoyenneté pouvait permettre d'acquérir ou de conserver un droit de cette nature. Le premier juge s'était contenté de dire que la possession était légale; le juge d'appel a expliqué fort sagement pourquoi elle était légale; il n'a pas pu cumuler le possessoire et le pétitoire en se livrant à une appréciation que provoquaient les moyens eux-mêmes du défendeur.

En rapportant cette espèce (1848, page 16), M. DALLOZ s'élève encore contre la solution et termine en disant : « Peut-être aussi la cour n'a-telle pas été indifférente à l'inconvénient de prolonger une contestation d'un intérêt minime. » Cette raison me paraît trop peu juridique pour

que je combatte sérieusemeut le danger de l'admettre. Mais M. le conseiller rapporteur MESNARD avait indiqué sa tendance à une admission, et M. GLANDAZ, avocat général, y avait formellement conclu. Examinons les motifs qui paraissent avoir entraîné la conviction de ces deux honorables magistrats: Après avoir constaté le fait que le litige de possessoire est devenu pétitoire dans les motifs du jugement attaqué, mais que toute cette divagation pétitoire n'a en définitive abouti qu'à une solution purement possessoire, après avoir dit que la jurisprudence de la cour tend à établir en principe qu'il ne faut consulter que le dispositif, et que si ce dispositif se renferme dans les limites du possessoire, il importe peu que les motifs aient touché au fond du droit, M. le rapporteur s'exprime ainsi : « Cependant il peut, même en présence de cette jurisprudence, rester encore quelques doutes à l'occasion de ce qui a été jugé dans l'espèce qui vous est soumise. Sans doute, lorsque, dans les motifs du jugement, à côté du fait de possession et du fait de trouble, se trouvent quelques considérations qui touchent plus ou moins directement au pétitoire, et que cependant le dispositif de statue que sur le possessoire, on comprend qu'un tel jugement puisse n'être pas cassé. Mais s'il arrive que rien, dans les motifs, n'ait trait à la possession annale; que toutes les préoccupations du juge se concentrent, comme dans notre espèce, sur le fond du droit en lui-même, et que ce soit uniquement en considération du droit de propriété ou de copropriété que ce juge statue sur la question possessoire, peut-on dire qu'il n'a pas contrevenu à l'art. 25? Le jugement attaqué, écartant formellement tout ce qui se rattachait à la possession annale, s'est retranché dans l'appréciation d'une question de mitoyenneté et de servitude. C'est parce que le mur est mitoyen; parce que les demandeurs en ont la copropriété; parce que l'usage qu'ils en font n'est pas préjudiciable à sa conservation, que ces demandeurs ont été maintenus en possession. Un pareil jugement, que laisse-t-il à faire au juge du pétitoire, puisqu'il décide nettement la question de propriété? Vous aurez à voir si l'influence de votre jurisprudence peut aller jusqu'à mettre cette décision à l'abri de votre censure. »

Je ne conçois guère comment on peut qualifier de divagation pétitoire le raisonnement du juge sur la seule exception du défendeur. Dire qu'une possession non déniée est légale, n'est-ce pas motiver la décision sur la défense produite qui prétend, au contraire, que la possession ne peut pas être légale? Il y aurait divagation si le juge, sans nécessité, examinait les titres, interprétait la loi civile, etc.; mais pour établir qu'une possession n'est que précaire, ou que le fait qualifié fait possessoire n'est qu'un acte de tolérance, il est impossible au juge de rester enserré dans des faits qui n'ont d'influence qu'autant qu'on les rapproche des titres ou du droit. Toutes les préoccupations d'un juge doivent se concentrer sur les moyens de défense, en matière d'action possessoire, plus qu'en toute autre matière; or, si le défendeur n'oppose que des titres pour

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prouver que la possession est précaire, il faut absolument que le juge de paix examine, interprète et discute chacun des titres, pour en déduire cette conséquence que la possession est légale.

Dans son jugement, l'appréciation des titres ou du droit n'est pas une superfétation, mais une nécessité; on pourrait soutenir que s'il ne le fait pas, il ne donne pas de motifs sérieux; il viole la loi. Me répondre, quand je ne dénie pas les faits de possession, et que je soutiens que cette possession, loin de pouvoir m'être opposée, est la mienne par l'usager ou par le fermier; me répondre que la possession de mon adversaire est légale, c'est donner la thèse pour raison; le tribunal de Bar-sur-Aube avait fort bien fait de répudier les motifs insuffisants du premier juge.

Enfin, peut-on dire qu'un semblable jugement ne laisse rien à faire au juge du pétitoire, puisqu'il DÉCIDE nettement la question de propriété? Mais M. le rapporteur lui-même reconnaissait que le jugement avait seulement MAINTENU les demandeurs dans la POSSESSION par eux prétendue. Le juge du pétitoire aura-t-il à se préoccuper de la possession? La loi le lui défend. Ne pourra-t-il plus statuer sur la propriété? La possession seule est adjugée. Je ne saurais apercevoir un excès de pouvoir que repoussent la nécessité des positions et même une jurisprudence constante (1).

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3o Dans une espèce jugée le 17 mai 1848 (DALLoz, 1848, 1, p. 84) (2), le tribunal, qui avait rendu le jugement attaqué, n'avait point adopté les motifs donnés par le juge de paix sur les faits possessoires; il s'était uniquement fondé sur ce que la possession n'avait point les caractères voulus par l'art. 2229, code civil, puisque les ouvrages dont on prétendait induire la possession avaient été pratiqués sur le terrain qui avait été jugé appartenir aux défendeurs à la complainte. Ces motifs spéciaux ont entraîné la cassation demandée : il n'en pouvait être autrement. S'il est incontestable aujourd'hui que le juge du possessoire a le droit d'examiner les titres de propriété pour caractériser la possession, et s'il est également vrai que le dispositif seul d'un jugement constitue la chose jugée, il n'en était pas moins évident que le jugement attaqué avait ouvertement violé la loi en cumulant le possessoire et le pétitoire.

La possession alléguée n'était pas déniée, mais le défendeur repoussait l'action en disant: Aio hanc rem esse meam, car j'ai obtenu un jugement qui l'a ainsi jugé. Qu'importe un jugement ou un contrat volontaire sur la propriété, lorsque j'allègue que je possède depuis un an et jour? Quid diversum? C'est précisément en vue d'un titre antérieur que la possession est déclarée légalement former un titre contraire. Le jugement attaqué avait-il examiné les titres produits pour caractériser la possession? Non ; il ne l'avait fait que pour

(1) On peut consulter un arrêt de la cour de cassation conforme du 11 août 1856 (BIOCHE, Journ., 1857, p. 267, art. 6418).

(2) Voy. dans le mêine sens un arrêt de la cour de cassation du 18 novembre 1851 (DALL. 1831. 1. 315).

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