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opposer la qualité de propriétaire à la qualité de possesseur. N'était-ce pas usurper un pouvoir qui n'appartenait point au juge du possessoire ? M. DALLOZ, 2e édit., vo Action possessoire, nos 215 et 216, invoque, contre ce dernier arrêt de la cour de cassation, des précédents opposés de 1809 et 1819, et même l'opinion de M. Carré, Quest. 101, au texte, que je n'avais pas combattue; mais je persiste à préférer la jurisprudence de 1848, comme plus conforme aux principes généraux de l'action possessoire.

C'est encore par application des véritables principes que la cour de cassation a décidé :

1° Que la commune actionnée au possessoire par un des habitants peut obtenir le rejet de la demande en faisant juger, à l'aide des titres 'produits, ou que la forêt litigieuse n'a été possédée par le demandeur qu'en sa qualité d'habitant, par conséquent à titre précaire, 6 juin 1853 (Dall., 1853, 1, p. 250), ou que le terrain litigieux n'est qu'un vacant sur lequel tout acte de jouissance permis à tout membre de la commune ne peut constituer une possession légale (11 février 1857, DALL., 1857, 1, p. 55);

2° Que l'état d'indivision avoué par les parties et résultant des titres n'a permis à aucune d'elles d'avoir une jouissance privative constituant des actes de possession légale exclusive (14 juillet et 9 décembre 1856, J. Av., t. LXXXII, p. 288, art. 2687);

3o Que le juge de paix ne commet pas un excès de pouvoir lorsqu'il admet l'action possessoire d'un héritier se fondant sur la jouissance de son auteur, et qu'il ne s'arrête pas au testament présenté par un légataire à titre universel (un domestique qui veut se maintenir dans la possession de la maison qu'il dit lui avoir été léguée), surtout quand il y a nécessité d'une demande en délivérance (6 décembre 1855; DALL., 1854, 1, p. 397, et J. P., t. I de 1854, p. 73);

4° Que le juge de paix devant lequel on oppose qu'un canal n'est pas fait de main d'homme peut consulter les titres pour apprécier le caractère de la possession de ce canal (2 avril 1845, J. Av., t. LXVIII, p. 377);

5° Que l'action possessoire est recevable pour demander la maintenue dans une servitude, lorsqu'il existe un signe apparent que les deux héritages voisins ont appartenu au même propriétaire, et que la convention volontaire ou forcée de laquelle il résulte que le fonds dominant est sorti des mains du père de famille ne contient aucune stipulation relative à la servitude (30 novembre 1853; BIOCHE, Journ., 1856, p. 340, art. 6197). J'ai été consulté dans une espèce identique, où il s'agissait d'un acte de partage. On objectait que cet acte prouvait bien l'origine commune; que s'il était vrai que les signes apparents de l'existence de la servitude discontinue existassent au moment de l'action, rien n'établissait que des signes apparents existaient également au moment du partage, et qu'il fallait donc, pour que l'action possessoire fût recevable, que le propriétaire du fonds dominant demandât à prouver ce dernier fait spécial. J'ai répondu : Gardezvous bien de demander à faire cette preuve. Vous

cumuleriez le possessoire et le pétitoire; cette appréciation n'appartient pas au juge de paix. Le titre et l'état des lieux, rapprochés des termes de la loi, art. 694, voilà ce qui vous permet de vous plaindre qu'on vous trouble dans une possession légale. Ce sera à votre adversaire à prouver au pétitoire (comme il le ferait pour une servitude continue et apparente) que, loin de remonter au moment du partage, l'état des lieux qui est votre fait ne date que de quelques années, et il obtiendra alors la cessation définitive de votre jouissance. Voy. infra, mes additions sur la Quest. 115.

Il est par trop évident, comme l'a décidé la cour de cassation, que le juge de paix comniettrait un excès de pouvoir, s'il admettait l'action possessoire d'un particulier soutenant qu'une commune s'est mise en possession d'un terrain plus considérable que celui fixé dans un jugement d'expropriatiou pour cause d'utilité publique (13 déc. 1854, J. P., t. I de 1856, p. 89), car la possession pouvait être complète et légale, quels que fussent les termes du jugement d'expropriation; ou que, si un copartageant ne s'appuie que sur son acte de partage et non sur des faits de possession, le juge de paix ne peut pas le maintenir en possession en se fondant sur cet acte de partage (8 novembre 1854, J. P., t. II de 1854, p. 431).

Le 31 mars 1857 (DEVILL., 1857, 1, p. 675), la cour de cassation a cassé un jugement qui avait repoussé l'action possessoire d'un usager en se fondant sur ce que l'interprétation du titre pourrait plus tard prouver qu'il y avait eu abus et par conséquent fait délictueux prévu par l'article 83 du code forestier. Les principes étaient évidemment violés, parce qu'en l'absence de toute poursuite, le demandeur prétendait qu'il possédait depuis un an le droit d'appliquer le bois délivré à la réparation de son moulin. Cette possession était en soi licite, en ce sens que, continuée pendant trente ans, elle eût suffi pour faire acquérir le fond du droit; l'appréciation du titre n'était même pas faite par le juge de paix, puisqu'il se plaçait uniquement dane cette hypothèse que, peut-être plus tard, une interprétation de ce titre rendrait la possession abusive. La nuance était délicate, mais j'estime que la cour suprême a bien jugé; elle s'était prononcée dans le même sens le 11 août 1852 (Devill., 1852, 1, p. 648, et DALL., 1852, 1, p. 208).

Je dois mentionner un arrêt de la cour de cassation du 24 février 1845 (J. Av., t. LXXI, p. 412), qui a décidé avec grande raison que le tribunal civil, saisi de l'appel d'un jugement au possessoire, n'avait pas plus le droit, quant à l'appréciation des titres, que le juge de paix. C'est un arrêt qui casse, et cependant le principe était bien élémentaire (1).

102. Voy. infra, Quest. 2408.

(1) Sans méconnaître la foi due aux actes, le juge d'appel peut apprécier les faits autrement que le juge du premier degré et déclarer qu'une partie n'a pas offert la preuve des faits propres à justifier la recevabilité d'une

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107 bis. Add. La cour de cassation a persisté dans sa jurisprudence; elle juge constamment que la possession annale n'est pas nécessaire à celui qui intente une action en réintégrande (1). La doctrine (2) et les tribunaux de première instance repoussent, en général, le brocard spoliatus, etc., que les romanistes eux-mêmes considèrent comme inapplicable à notre procédure française.

Je crois inutile de revenir sur le fond de la question; je signalerai seulement quelques physionomies particulières résultant de divers arrêts de la cour de cassation :

1° J'ai remarqué, dans les motifs de l'arrêt du 10 août 1847, ces expressions: Pourvu que la possession du demandeur en réintégrande ne soit pas elle-même le résultat d'un fait violent, furtif et clandestin. - A prendre ces expressions dans leur sens juridique, elles seraient de nature à détruire la doctrine de l'arrêt; car celui qui ne possède pas depuis an et jour n'est pas censé avoir la possession paisible et publique donc elle serait furtive et clandestine. Quoi qu'il en soit, il est bon de constater que celui qui se serait emparé d'un immeuble violemment ou clandestinement ne pourrait pas user du bénéfice de l'action en rétintégrande, telle que la reconnaît la cour de cassation. Il me parait d'autant plus essentiel de faire ressortir les restrictions résultant des arrêts que la jurisprudence constitue une loi en l'absence des textes que nous ne savons pas découvrir dans notre code.

2o J'avais dit, en note [p. 108, t. I, éd. Wahlen; p. 84, t. II, éd. Meline], que ce serait une difficulté fort grande que de déterminer dans quel cas

action possessoire, alors que la preuve offerte n'était relative qu'à l'existence, mais non à la date de l'achèvement de certains travaux. Cass., 4 mai 1854 (Pas. 1854. 210).

[ED. B.]

(1) 19 août 1839 (J. Av., t. LVII, p. 612): 5 avril 1841 (t. LX, p. 357); 8 juillet et 5 août 1845 (t. LXX, p. 109 et 116); 22 nov. 1846 (t. LXXII, p. 422, art. 196) et 10 août 1847 (t. LXXIII, p. 98, art. 363).

-

En Belgique, depuis la loi de 1841, la jurisprudence décide invariablement que l'action en réintégrande diffère essentiellement de la complainte, et que spécialement il n'est pas nécessaire qu'on ait la possession annale pour l'intenter. Jugem. trib. de Liége, 29 nov. 1843 (Belg. jud., t. II, p. 202). Le même tribunal a décidé, le 10 fév. 1844 (Belg. jud, t. II, p. 1055, et Pas. 1846. 1. 169), qu'il suffit pour intenter l'action en réintégrande d'une possession actuelle et matérielle au moment de la dépossession par voie de fait, quand même l'auteur du trouble réclamerait un droit de possession sur la chose. Voy. aussi : jugem. trib. de Marche, 20 mai 1855 (Recueil de MM. CLOES et BONJEAN, t. IV, p. 560); décision du juge de paix d'Alost, 12 décembre 1851 (Belg. jud., t. X, p. 300), et décision du juge de paix de Tongres, 30 juillet 1859 (Recueil de MM. CLOES et BONJEAN, t. XI, p. 765, ibique les observations). [ED. B.]

(2) On peut consulter des dissertations très-intéressantes, insérées l'une dans les Annales des juges de paix de M. JAY, 1851, p. 347, l'autre de M. DENIER, dans le journal de M. BIоCHE, 1852, p. 243, art. 5133, et une troi

on considérerait la dépossession comme violente et pouvant donner lieu à la réintégrande. En examinant trois arrêts rendus par la cour suprême, je m'aperçois des difficultés qu'elle a éprouvées à caractériser nettement l'action qui lui paraît légale. Le 12 décembre 1855 (DALL., 1854, 1, p. 326), elle a décidé qu'il y avait complainte et non réintégrande dans la plainte d'un propriétaire qui se borne à dire qu'un tiers a passé sur son terrain, a détruit une barrière qui lui servait de clôture, et à demander le rétablissement des lieux dans leur état primitif, avec dommages-intérêts; - Qu'alors le défendeur pouvait opposer la possession annale, comme dans les actions possessoires ordinaires. Le 6 décembre 1854 (DALL., 1854, 1, p. 23), elle a posé en principe que l'action en réintégrande ne peut être exercée qu'autant que l'acte agressif qui lui sert de base a été pratiqué sur la personne ou sur l'immeuble même du demandeur, spécialement, qu'elle n'était pas recevable de la part d'un riverain d'un canal qui se plaignait de ce que le propriétaire de ce canal avait construit un barrage dont l'établissement avait eu pour résultat de priver le demandeur, propriétaire inférieur au barrage, de l'eau qui arrosait son pré.

-

- Le 12 mai 1857 (DALL., 1857, 1, p. 359), elle a enfin décidé que le fait par un propriétaire d'avoir repris la jouissance d'une portion de terre qu'il avait cédée à son voisin, dans le bornage de leurs propriétés respectives, et d'y avoir arraché quelques arbres et arbustes, sans toutefois se rendre coupable de dévastation de plants et récoltes, ni de destruction violente de terrains, ne peut motiver de la part du voisin une action en réintégrande, et ne donne lieu qu'à une simple complainte

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sième dans l'année 1847, de M. DALLOZ, fre partie, p. 333. - Une des discussions les plus savantes, les plus substantielles qui aient été publiées sur cette grave question est celle de M. Devilleneuve (1839, 1re partie, p. 641 et suiv.). Je ne puis me rendre à la considération finale du savant jurisconsulte qui, à mon sens, révèle plutôt la faiblesse de cette doctrine qu'elle n'en provoque la consécration « Ici, la nature des choses, la nécessité d'empècher que la violence ne devienne, en certain cas, un moyen d'acquérir, ont été plus puissantes que la lettre de la loi. La cour de cassation, guidée par les traditions de son savant président, l'illustre et vénérable HENRION DE PANSEY, a reconnu qu'il n'y avait pas eu, dans l'art. 23, une véritable intention d'innover aux anciens principes, et qu'aujourd'hui, comme autrefois, la condition de la possession annale nécessaire pour intenter les actions possessoires, en général, ne pouvait être exigée pour intenter l'action en réintégrande qui ne préjuge rien sur la possession définitive, qui est plutôt une action répressive de la violence qu'une action possessoire proprement dite. » Voy. aussi GILBERT, sous l'art. 23, no 284.

- Voy. encore BIOCHE, Tr. des act. poss., nos 90 et suiv.; RAIKEM, procureur général, Discours de rentrée de la cour de Liege, prononcé en 1841, note 5; CLOES, Comment. de la loi sur la compétence, art. 9, nos 132 et suiv.; ADNET, Commentaire de la loi sur la compétence, art. 9, nos 430 et suiv.; L. WODON, Tr. de la possession, t. Jer, p. 147 et suiv. [ED. B.]

possessoire. Il faut, dit l'arrêt, que les faits dont on se plaint soient de nature à troubler, dans une certaine mesure, l'ordre et la paix publique...., pour que la réintégrande soit recevable (1).

Je ne fais aucune observation sur ces décisions diverses; on en concevra le motif. Je ne puis qu'approuver des restrictions à l'application d'un principe que je crois complétement erroné.

On admet généralement que le fermier a le droit d'intenter ce qu'on appelle l'action en réintégrande. Quoique l'arrêt du 4 novembre 1819 de la cour de cassation sur lequel se fondent les auteurs (Voy. DALLOZ, 2e édit., vo Action possessoire, uo 102) n'ait pas jugé cette question, ainsi que je l'ai démontré avec M. TOULLIER, dans la nouvelle édition du Journal des Avoués, t. II, p. 498, v Action, no 92, je ne vois aucune difficulté à autoriser le fermier, l'antichrésiste, tout possesseur précaire à la former, puisque la cour de cassation reçoit le simple détenteur qui est, de tous les demandeurs, le moins respectable (2).

On a vu, dans l'arrêt du 5 avril 1841, cité plus haut, que la cour de cassation n'admet même pas le défendeur à alléguer sa possession annale antérieure à la détention du demandeur en réintégrande, ce qui repousse le moyen proposé par M. le juge de paix du canton nord de Val-Nièvre, dont j'ai parlé J. Av., t. LXXX, p. 619, art. 2232.-Mais ee que je pourrais conseiller au défendeur, ce serait d'intenter immédiatement une action en complainte résultant de la détention illégale du demandeur en réintégrande, attendu que le cumul du possessoire n'est pas défendu; de faire marcher cette action récursoire, aussi vivement que marcherait la procédure en réintégrande; de faire joindre les deux instances par le juge de paix, ou de les lui faire évacuer le même jour, de teile sorte que, dans le même jugement, ou dans deux jugements rendus à la même audience, le juge de paix, annulant la demande en réintégrande, prononcerait la réintégration du demandeur dans la détention de l'objet en litige, et, statuant sur la demande en complainte, maintiendrait en possession le véritable et légitime possesseur, en prononçant en sa faveur une condamnation à des dommages-intérêts contre le détenteur qui aurait usurpé le titre de spolié, parce que n'est réellement spolié, aux yeux de la loi, que celui qui a le droit de conserver la possession d'une chose.

J'avoue que je préférerais, sans l'espérer, un changement de jurisprudence à tous ces moyens Add. 1. La doctrine (3) et la

termes.

107 ter.

(1) On peut consulter aussi deux autres arrêts de la cour de cassation, l'un du 24 juin 1851 (J. P., t. II de 1851, p. 66), qui considère comme trouble pouvant donner lieu à la réintégrande l'envahissement, par la charrue, d'une partie d'un champ voisin; l'autre du 17 novembre 1857 (DALL. 1858. 1. 73), qui n'a vu qu'un simple trouble ordinaire dans le fait, par les riverains d'un cours d'eau, d'en avoir détourné les eaux au préjudice d'un riverain inférieur.

(2) Voy. ce que j'avais dit au texte, Quest. 107 ter. On

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jurisprudence (4) ont admis les distinctions que j'avais développées sur la position des parties renvoyées à fins civiles. Toutefois la cour de cassation, tout en laissant au défendeur qui demande le renvoi, le choix de se pourvoir au pétitoire ou au possessoire, contrarie mon opinion, en ce qu'elle maintient l'obligation pour le juge de paix de fixer un délai et de mettre la preuve à la charge du défendeur, dans des matières autres que les matières forestières. Cette généralisation de l'art. 182 me paraît fort contestable.

Mais ce que j'ai cru devoir combattre dans le Journal des Avoués, c'est la solution de la cour de Nimes, du 6 juillet 1854 (J. Av., t. LXXX, p. 29, art. 1998), ainsi formulée: Le prévenu qui, assigné devant le tribunal correctionnel, obtient son renvoi à fins civiles, en excipant d'un droit de propriété, doit, pour échapper à la condamnation, rapporter la preuve de sa propriété, et non pas de sa possession seulement : le jugement rendu au possessoire n'est pas suffisant.

Je ne connais aucune considération juridique qui puisse justifier la décision de cet arrêt. Comment! la loi, dans tous les articles de nos codes, consacre les prérogatives de la possessiou; elle transporte la propriété sur la tête du possesseur, lorsqu'un laps de temps assez long s'est écoulé; elle veut que la possession annale soit considérée comme l'équivalent de la propriété, tant qu'un autre que le possesseur ne justifie pas que la propriété lui appartient; et la cour de Nîmes méconnaît tous les effets utiles de la possession, et elle condamne le possesseur comme ayant commis un délit, un attentat contre la propriété d'autrui, alors que ce tiers, prétendu propriétaire, est obligé, de par la loi et l'autorité de la chose jugée, de respecter la possession des prévenus! Voilà, il faut en convenir, un résultat bizarre. Les prévenus ont la possession civile; ils ont le droit de détenir la chose, d'en jouir, et s'ils manifestent cette jouissance, on les condamne au criminel. Cette conséquence seule aurait dû, ce semble, faire rejeter l'actiou admise par la cour. La jurisprudence a formellement condamné cette opinion, en décidant que le renvoi à fins civiles s'applique aux actions possessoires comme aux actions sur le fond du droit; que, dès lors, le prévenu peut saisir indifféremment le juge du possessoire ou celui du pétitoire, alors même qu'en élevant la question préjudicielle, il aurait excipé de sa qualité de propriétaire. Qu'on ne croie pas, cependant, que je veuille prétendre que le possesseur annal puisse être à l'abri de toute poursuite pour les actes commis durant la

peut aussi consulter, sur cette question des fermiers, un jugement du juge de paix de Coucy-le-Château, du 4 nov. 1853, rapporté par BIOCHE, 1854, p. 142, art. 5623, et par le Journal des huissiers, 1857, p. 285.

(5) CURASSON, Code forestier, t. II, p. 101, et MEAUME, Commentaire du code forestier, t. II, p. 816, no 1295.

(4) Riom, 1er août 1844 (J. Av., t. LXXI, p. 181); cass., 23 janv. 1844, 13 sept. 1843; trib. de Cognac, 26 fév. 1849 (J. Av., t. LXXIV, p. 546, art. 763); cass., 9 juin 1852; Bourges, 6 déc. 1853 (J. Av., t. LXXX, p. 90, art. 2032).

possession. Ce serait là une hérésie insoutenable. Il est, en effet, certain que si le véritable propriétaire fait constater ses droits à l'encontre du possesseur, celui-ci, non-seulement devra délaisser l'héritage qu'il détient indûment, mais encore sera tenu de restituer les fruits qu'il a perçus de mauvaise foi, car il savait bien que la chose qui les a produits ne lui appartenait pas. Mais là n'était pas la question à résoudre, dans l'espèce soumise à la cour de Nîmes. On me traduit devant un tribunal de répression pour actes attentatoires à la propriété d'autrui. Je nie cette propriété et je prétends qu'elle repose sur ma tête. Renvoi à fins civiles. Je me pourvois au possessoire, j'obtiens gain de cause. Nanti du jugement qui me maintienten possession et qui défend au tiers de me troubler taut qu'il n'aura pas fait vider l'action au pétitoire, j'attends son attaque. Quelle autre attitude puis-je prendre? Serait-ce à moi d'aller provoquer l'action de mon adversaire, d'intervertir les rôles et d'abandonner le bénéfice du jugement qui m'établit défendeur, pour me porter agresseur avec toutes les charges qu'entraîne une telle initiative? Evidemment non! La cour de Nîmes impose l'action pétitoire à celui qui a obtenu gain de cause au possessoire; sa décision a donc méconnu les véritables principes de la matière. Si, dans l'espèce, il y avait faute, ce n'était pas au défendeur à l'action correctionnelle, demandeur au possessoire, qu'il fallait l'imputer, mais bien à l'administration forestière, qui, au lieu d'avoir agi elle-même, venait se prévaloir de l'inaction du défendeur. Si la cour de Nîmes ne voulait pas renvoyer le défendeur des fins de la plainte, elle aurait dû au moins accorder un nouveau délai pendant lequel l'administration forestière se serait mise en mesure. Mais, en aucun cas, elle ne devait passer outre et condamner le défendeur, malgré l'autorité non encore réformée du jugement possessoire.

II. CURASSON, t. II, p. 80, 2e éd., combat l'arrêt du 20 janvier 1824 que j'ai approuvé au texte, p. 114, et MM. DEVILLENEUVE et CARETTE, t. VII, p. 377, note 2, semblent adopter l'opinion de M. CURASSON en disant qu'elle est fondée sur de très-solides considérations. La loi sur laquelle la cour suprême s'est appuyée pour prononcer la cassation est tellement formelle qu'elle ne peut se prêter aux ingénieux raisonnements de l'auteur de la Compétence des juges de paix. L'action correctionnelle est une espèce d'action pétitoire qui n'apporte pas d'obstacle à l'action possessoire circonscrite dans un délai très-court que le demandeur ne doit dépasser sous aucun prétexte. 107 sexies. Add. La cour de cassation a

(1) Ni les commune contre les fabriques d'église, ni les fabriques contre les communes, ne sont recevables à intenter, les unes contre les autres, l'action possessoire à l'occasion des cimetières affectés aux inhumations. Cass., 14 février 1862 (Pas. 1862. 104).

Des actes faits en exécution d'un devoir imposé par la loi ne peuvent constituer un trouble possessoire ni donner lieu à l'action en complainte. Ainsi, la défense

décidé, avec raison, que la possession promiscue est entachée de précarité vis-à-vis des communistes, et que l'action possessoire n'est pas admissible; arrêts des 23 mai 1855 (DALL., p. 1856, 1, p. 87), 9 avril 1856 (DALL, 1857, 1, p. 56), 14 juillet 1856 (J. Av., t. LXXXII, p. 288, article 2687), 26 août 1856 (DALL., 1, p. 340) et 9 déc. 1856(J. Av., loc. cit.); ce dernier arrêt, qui pro nonce une cassation, aura fixé la jurisprudence.

La cour de cassation a jugé, le 26 janv. 1857, qu'un individu ne peut pas fonder sa possession d'un chemin rural sur des faits accomplis pendant qu'il était maire de la commune (BIOCHE, Journ., 1857, p. 230, art. 6389); cette solution ne me paraît pas contestable (1). 108.

Add. Par arrêt de cassation fortement motivé, du 16 mars 1841 (J. Av., t. LX, p. 366), la cour suprême a consacré l'opinion de mon savant maître.

109.

Add. La cour de cassation a décidé, le 18 août 1842 (J. Av., t. LXIV, p. 111), qu'était un trouble de fait le simple enlèvement d'objets mobiliers faisant partie d'une clôture, tels que cadenas, boulons et barres. On peut même dire que c'est une dégradation de l'immeuble luimême; car ces objets mobiliers sont immeubles par destination. M. Derrouch, juge de paix de Toulouse, a pensé, le 19 juillet 1853 (BIOCHE, Journ., 1854, p. 26, art. 5570), qu'un avertissement n'était pas un trouble de droit.

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109 bis. Add. Quelques esprits, fort distingués du reste, persistent à faire de la théorie des dénonciations de nouvel œuvre, quelque chose d'utile à la pratique. J'ai toujours pensé le contraire. Voy. aussi DALL., 2e éd., vo Action possessoire, nos 154 et suivants. A l'occasion d'un arrêt rendu par la cour de cassation, le 4 fév. 1856 (J. P., t. 1, de 1856, p. 225 et suiv.), et qui déclarait sans nécessité que la décision attaquée n'avait pas violé les principes qui régissent l'action en dénonciation de nouvel œuvre, un honorable magistrat, M. LEVESQUE, substitut de M. le procureur général près la cour de Paris, a fait une savante dissertation sur ce qui devait constituer ces principes. J'ai relu avec toute l'attention dont je suis susceptible le travail scientifique de M.TROPLONG, Commentaire de la prescription, vo 318 et suiv., et les observations substantielles de M. LEVESQUE ; j'avoue que le résultat de mes no uvelles méditations n'a pas été favorable à la naturalisation de cette procédure romaine. Voici le résumé de M. LEVESQUE, qui me paraît renfermer la quintessence même d'une doctrine que j'ai la maladresse de ne pas savoir comprendre :

«Que nos lecteurs veuillent bien se reporter à

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l'arrêt du 20 juin 1843, ils verront que le rapport de M. Mesnard a rappelé des principes qui se formulent ainsi : En cas de dénonciation de nouvel œuvre, la crainte seule du dommage autorise l'action qui a plutôt trait aux conséquences éventuelles de l'innovation qu'à son effet présent, en même temps qu'elle s'adresse plus directement aux travaux opérés sur le fonds du défendeur qu'aux entreprises tentées sur celui de la personne qui exerce l'action. Le caractère et le but spécial d'une semblable action en dénonciation de nouvel œuvre ne peuvent se concilier avec la circonstance que les travaux seraient terminés, puisque l'interruption réclamée de l'exécution des travaux peut seule laisser une suffisante place à l'éventualité de préjudice. Enfin le préjudice ne devant se réaliser que dans l'avenir, la destruction immédiate des travaux qui ne portent pas un trouble et un dommage présent ne pourrait être ni demandée ni ordonnée, sans dénaturer le caractère de l'action; et, par suite, il n'y a pas davantage lieu à une indemnité pécuniaire pour la réparation immédiate de ce dommage à venir. L'utilité d'une action exercée dans de telles conditions sera facilement appréciée, si l'on veut bien réfléchir que, même en matière de dommage ou de trouble possessoire, il vaut mieux prévenir que d'avoir à réprimer. »

A cette métaphysique très-abstraite, qui n'indique pas les principes de la dénonciation de nouvel œuvre (principes qui n'existent dans aucune loi française), mais qui se contente de chercher un cas dans lequel cette action extraordinaire pourrait être utile, je réponds par une simple observation : dans notre droit français, il n'y a pas d'action sans intérêt direct et appréciable. Si, contrairement aux sentiments de plusieurs jurisconsultes, j'ai admis l'action ad futurum (voy. J. Av., t. LXXIV, p. 177, art. 642), c'est qu'à mes yeux l'intérêt de l'action naissait de la menace même, de la jactance de l'adversaire. Or, lorsqu'il existe un intérêt direct et appréciable, pour le faire respecter, on n'a pas besoin de rechercher péniblement une action sui generis, dont les règles n'existeraient que dans les lois romaines; pour la possession, on a la complainte ou la réintégrande, deux voies si simples qui comprennent tous les cas : le trouble, de quelque nature qu'il soit, même le trouble de droit, résultant d'un simple acte extrajudiciaire, ou la dépossession matérielle momentanée; pour la propriété, l'action qu'on est convenu d'appeler l'action pétitoire, qui est portée devant les tribunaux civils; est-ce qu'il peut y avoir quelque autre chose à faire réprimer qu'un trouble à la possession ou une dépossession?

Le trouble de fait ou de droit peut résulter d'un fait ou d'un acte de voisin, de quelque nature qu'il soit. Est-ce un fait? Peu importe que le fait ait lieu sur le terrain du plaignant ou sur le terrain du défendeur. Ce qu'il faut avant tout, c'est que ce fait puisse être considéré comme un trouble à la possession paisible, complète, entière, du demandeur en complainte.

Pourrait-on exercer une action quelconque,
CARRÉ. — SUPPL.

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décorée même du nom del dénonciation de nouvel œuvre, pour prévenir, ce qui vaudrait mieux que réprimer, en s'étayant sur des probabilités suffisantes d'un dommage éventuel? Oui, dit-on, et c'est précisément, uniquement pour ce cas, que la dénonciation d'un nouvel œuvre, avec ses conséquences anormales, doit être reconnue comme utile. Quoique cette explication de la dénonciation de nouvel oeuvre lui laissât bien peu d'importance, et que son application dût être excessivement rare, je ne puis encore l'admettre, même dans ces proportions si restreintes. Je m'appuie sur les propres expressions qui terminent le résumé que j'ai transcrit plus haut: Le juge appelé à faire l'application des règles ci-dessus tracées, dit M. LEVESQUE, et devant lequel le demandeur exposera l'éventualité du dommage qu'il redoute, aura seulement à rechercher si la crainte alléguée est motivée par de puissantes probabilités, car l'intérêt est la mesure des actions posses soires comme des actions pétitoires. » L'intérêt ne peut exister qu'autant que le demandeur éprouve un dommage; donc il n'a pas besoin d'une autre action que de celle en complainte, tout aussi simple et beaucoup plus complète que l'action en dénonciation de nouvel œuvre. Si son intérêt est blessé, de près, de loin, pour le présent ou pour l'avenir, il a droit (mais il n'a droit que dans ce cas) de se plaindre, et c'est précisément pourquoi on lui accorde la voie de la complainte possessoire.

M. LEVESQUE termine en renvoyant aux espèces jugées, qui fourniront, dit-il, d'utiles exemples. Voyons donc si, dans ces espèces, la complainte possessoire n'a pas été suffisante.

Dans l'espèce de l'arrêt du 4 février 1856, on lit que le tribunal n'aperçoit aucune différence entre les conditions d'exercice de la dénonciation et de la complainte. Et la cour de cassation ne voit aucune violation de principes, parce que le demandeur s'est plaint d'un préjudice actuel. Passons aux espèces des arrêts cités par M. Levesque, sous les dates des 6 décembre 1827, 2 décembre 1829, 14 août 1832, 12 novembre 1833 et 4 août 1852. — J'ai vérifié chacun de ces arrêts, j'en ai lu avec soin les faits et les motifs, il n'en est pas un seul où il ait été question d'autre chose que de la simple action possessoire. Pas un mot n'a été dit des prétendus principes qui constitueraient la procédure en dénonciation de nouvel œuvre. Dans ces diverses espèces, il a été reconnu, ou que, le dommage existant, l'action devait être reçue, ou que, le dommage n'existant pas (comme en 1852), aucune action n'était recevable; il a été également déclaré que la complainte était recevable, quoique le dommage ne fût qu'éventuel, mais certain dans un temps donné. Enfin, on s'est toujours fondé, pour admettre ou pour rejeter l'action intentée, sur ce qu'il y avait ou sur ce qu'il n'y avait pas dommage, soit actuel, soit éventuel.

En résumé, si je repousse l'action qualifiée de dénonciation de nouvel œuvre, en tant qu'on voudrait lui assigner un caractère spécial et lui appliquer des principes et une doctrine autres que les règles qui régissent la complainte, c'est pour

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