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paux locataires pourraient faire saisir-gager pour loyers et fermages échus. La position de la femme vis-à-vis du mari n'est certainement pas celle de propriétaire à locataire : je ne vois donc pas pourquoi l'on appliquerait ces dispositions réglementant une position qui lui est étrangère. Je pourrais à peine comprendre cette assimilation, si l'art. 869 était conçu en termes plus larges; mais son texte, aussi restrictif que possible, se refuse à toute extension par voie d'analogie, surtout pour des cas si différents.

Je reconnais, au surplus, à la femme, qui a formé une demande en séparation de biens, le droit de réclamer une collocation éventuelle sur les biens de son mari tombé en déconfiture. C'est ce qu'a jugé la cour de Besançon le 20 novembre 1852 (DALLOZ, 1853, 2, p. 108).

2939 ter.- Le jugement de séparation de biens, rendu moins d'un mois après l'observation des formalités de publicité, est-il nul?—Cette nullité peutelle être invoquée par un créancier qui ne prouve pas que le jugement lui ait porté préjudice?

I. L'affirmative sur la première question me paraît résulter formellement du texte même de l'art. 869 c'est aussi ce qu'a décidé la cour de Caen, le 4 août 1855 (Journal de cette cour, 1855, p. 200), qui a même jugé que cette nullité est d'ordre public et ne peut, par suite, être couverte ni par l'intervention ou même le consentement de quelques créanciers du mari, ni par l'acquiescement du mari lui-même, qui est toujours recevable à la proposer, ainsi que les créanciers. Conf. RODIÈRE et PONT, no 828; TROPLONG, no 1353; BIOCHE, Journal, p. 116, article 5874.

II. On doit résoudre négativement la seconde question, mais il suffit qu'il y ait éventualité d'un préjudice pour que le créancier ait le droit d'agir. Voy. Quest. 2942.

Art. 870.

DXLVI.-Add. C'était, du reste, le seul moyen d'empêcher les époux d'éluder la loi qui prohibe les séparations de biens volontaires.

I en serait ainsi alors même que des créanciers du mari, présent dans l'instance, confirmeraient ses aveux. Il est possible que, d'accord avec les époux, ils cherchent à préjudicier aux créanciers absents, et la loi devait veiller aux intérêts de ceux-ci et apporter aussi une sanction au principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales, qui ne peut fléchir que devant un faisceau de preuves bien manifestes.

En conformité de ces principes, il a été jugé que la liquidation des reprises de la femme séparée de biens peut être attaquée par les créanciers du mari, hors la présence desquels elle a eu lieu, à raison d'articles acceptés par le mari sans justification suffisante et nonobstant les aveux de celui-ci, qui tendraient à confirmer l'existence de la dette; Bourges, 12 février 1842 (DALLOZ, no 1885).

Mais la cour de cassation a bien jugé, le 31 mars 1845 (DALLOZ, 1845, 1, p. 176), en décidant que le mari appelant d'un jugement de séparation de biens, et qui ne conclut ni ne plaide le jour de

l'audience, est sans moyen pour faire réformer le jugement dont est appel. Sans même examiner les conclusions de la femme et vérifier si la dot était mise en péril, elle a rejeté le pourvoi par le motif qu'un appelant est tenu de justifier son appel et que son silence, en cette circonstance, ne peut être assimilé à un aveu; que par conséquent l'art. 870 n'avait point été violé. Add. Conf, DALLOZ, no 1745; RoDIÈRE et PONT, no 883.

2940.

-

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2940 bis. L'art. 870 est-il applicable en matière de séparation de corps?

Je ne le pense pas; bien que la séparation de corps entraîne de droit la séparation de biens, les dangers ne sont pas les mêmes pour les créanciers. Il est difficile, en effet, de supposer l'intention frauduleuse des époux, alors que la femme se plaint de sévices et d'injures. C'est ce qui a été décidé dans une espèce où il résultait des faits de la cause la conviction pour les juges qu'il n'y avait pas collusion entre les époux; Poitiers, 16 décembre 1850; cass., 6 juin 1853 (DALLOZ, 1853, 1, p. 244).

Art. 871.

2941 bis. Lorsque, dans une instance en séparation de biens, l'avoué de la femme ne défère pas à la sommation de communiquer aux créanciers du mari la demande en séparation et les pièces justificatives, quelles sont les conséquences de ce refus?

Parmi les précautions prises par le législateur pour sauvegarder les droits des créanciers en matière de séparation de biens, l'art. 871 leur permet d'obtenir la communication des pièces et d'intervenir s'ils le jugent nécessaire. C'est là une double faculté qui leur est donnée. Sans doute, en règle générale, le créancier n'interviendra qu'après que la communication des pièces l'aura convaincu de la nécessité de son intervention; car il est logique de supposer que l'intention d'agir qui se manifeste par l'intervention est précédée de l'examen qui fait connaître s'il y a lieu d'agir. Telle est, en effet, l'hypothèse naturelle de la loi. Mais cependant on ne saurait prétendre que pour intervenir il faille, au préalable, avoir demandé et obtenu communication des pièces. On peut intervenir de prime abord, comme aussi on peut s'arrêter quand la communication obtenue fait cesser tout soupçon de fraude.

Cela posé, quelle sera la sanction du refus de communication? Je ne puis admettre qu'il y ait nullité du jugement rendu, nonobstant ce défaut de communication, parce qu'il s'agit là d'un incident soulevé par un créancier dont les droits peuvent être contestables, et non de l'une des formalités essentielles de la procédure de séparation. La peine de nullité, formellement édictée par l'article 869, ne se trouve pas dans l'article 871.

Mais il y a un moyen bien simple d'obtenir satisfaction.

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vention sur l'intérêt qu'il a à connaître les pièces et sur le refus qu'il a éprouvé ; il conclut à ce que la demande en séparation ne soit point jugée avant que les pièces ne lui aient été communiquées. Nul doute que, si sa qualité de créancier est certaine, il n'obtienne, avec les frais de son intervention, la communication qu'il réclame.

Si le créancier ne prend pas cette voie, il pourra bien attaquer la séparation comme faite en fraude de ses droits (art. 1447 du code civil), et invoquer, comme preuve de fraude, le refus de communication qu'il a éprouvé; mais sa demande sera rejetée si, au fond, il est constaté que la procédure en séparation a été régulière, et il sera alors exposé à supporter des dépens.

2941 ter. Les créanciers peuvent-ils intervenir dans la liquidation qui suit le jugement? A la charge de qui doivent rester les frais de leur intervention?

La cour de Metz, arrêt du 1er avril 1819, rappelé par M. DALLOZ, nos 1878, 1879 et 1880, a résolu la difficulté dans le sens le plus favorable aux créanciers, en s'appuyant sur les considérations suivantes : l'art. 871 portant que, jusqu'au jugement définitif, les créanciers du mari peuvent intervenir, et l'art. 1447 du code civil ne s'opposent point à cette interprétation. Quel est, en effet, le jugement définitif? Celui prononçant la séparation, ou celui arrêtant la liquidation et fixant les reprises de la femme? C'est ce dernier qui est le jugement définitif, car c'est bien lui qui termine, qui complète l'instance. La loi veille avec tant de soin à sauvegarder lès intérêts des créanciers, qu'il serait contraire à son esprit de décider autrement.

Je ne puis me ranger à cette opinion. L'intervention suppose une instance ouverte. Or, le procès en séparation est terminé par la décision définitive qui a prononcé la séparation de biens. La liquidation postérieure n'est que l'exécution de ce jugement. Cette liquidation est amiable ou judiciaire. Amiable, elle n'admet pas d'intervention; judiciaire, elle peut, comme toute autre instance, comporter l'intervention des intéressés, non pas en vertu de l'article 871, et parce que le jugement définitif ne serait pas rendu, mais conformément aux règles suivies, d'après le droit commun, en matière d'intervention.

à plus ou moins juste titre. Or, que viennent faire au procès les créanciers du mari? Rien autre chose que soutenir les droits de ce dernier. Mais le mari est déjà partie dans l'instance, et tout fait présumer qu'il agit de bonne foi; s'il en est autrement, la sagesse des juges saura le reconnaître et refusera la séparation. De quelle utilité est donc l'intervention des créanciers dans la plupart des cas? Je n'hésite pas à y voir l'expression d'un sentiment de défiance à l'égard de la femme; j'estime donc que les frais d'intervention doivent rester à la charge des intervenants qui se sont bornés à surveiller l'instance, tandis qu'ils obtiendront les dépens si leur intervention a été motivée par la nécessité de présenter des critiques admises par le tribunal.

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2941 quater. Quels sont les effets de l'intervention des créanciers dans une instance en séparation de biens? Cette intervention équivaut-elle à une saisie-arrêt?

Dans un arrêt du 1er février 1850 (DALL., 1850, 2, p. 28; J. Av., t. LXXVII, p. 585, art. 1384), la cour d'Angers a décidé que l'intervention d'un créancier dont les droits ne sont pas encore liquidés, dans une instance en séparation de biens, équivaut à une saisie-arrêt; qu'elle empêche le mari de céder valablement à sa femine, en payement de ses reprises matrimoniales et au préjudice des créanciers intervenants, les valeurs mobilières qui appartiennent au mari.

Cette décision, d'après laquelle l'intervention aurait pour effet de mettre sous main de justice les valeurs mobilières du mari, ne me paraît justifiée sous aucun rapport. Qu'en matière de partage, on admette que l'opposition du créancier suffit pour empêcher le copartageant, son débiteur, de faire volontairement un acte contraire aux intérêts de l'opposant, je le comprends, et cette opinion est aussi la mienne (voyez Question 2507 septies-decies). Mais je ne vois aucune analogie entre un partage et une séparation de biens. L'indivision empêchant les voies d'exécution, il a bien fallu donner aux créanciers un moyen de conserver leurs droits en attendant l'issue du partage. Cette raison n'existe plus lorsqu'il s'agit d'une séparation de biens.- L'intervention dans un partage a pour effet d'empêcher la fraude entre les copartageants et de rendre nulle toute disposition par laquelle le débiteur, cohéritier, voudrait soustraire la part qui lui est échue à l'action de son créancier. Cette interdiction n'a d'autre but que d'assurer l'application des règles tracées par la loi afin d'arriver à la détermination de la part du débiteur coparta

La cour de Metz a également décidé que les frais d'intervention ne devaient point incomber à la charge des créanciers. Son arrêt se base sur ce que les art. 1447 du code civil et 871 ne disent point que c'est à leurs propres frais que les créanciers doivent intervenir. Je pourrais rétor-geant, part inconnue au moment de l'opposition,

quer cet argument et dire que la loi ne dit nulle part que les créanciers interviendront aux frais du mari ou à ceux de la femme; mais je vois d'autres difficultés encore qui s'opposent à ce système. Nulle part, et dans aucune circonstance, le législateur n'a établi que celui qui voudrait exercer un droit à lui accordé devrait supporter, non pas seulement toutes les conséquences directes de l'exercice de ce droit, ceci est équitable, mais bien aussi toutes les conséquences indirectes qu'il plairait à des tiers de faire naître CARRÉ. SUPPL.

mais frappée par cette opposition dès qu'elle est fixée. Dans une instance en séparation de biens, le créancier intervient pour surveiller la procédure et prévenir la fraude. Lorsqu'il est certain, comme dans l'espèce, que la procédure est régulière, que la séparation était le seul remède qui pût sauver les reprises de la femme; quand cette séparation n'est pas attaquée par le créancier qui y a assisté, vouloir qu'une simple intervention ait pour effet d'empêcher le mari d'exécuter le jugement en payant sa femme, c'est

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ART. 872.

donner à une mesure de précaution une efficacité que la loi ne lui a point attribuée. Dans ce système, la séparation de biens serait condamnée à l'impuissance, car une simple intervention suffirait pour en paralyser les conséquences, sinon en totalité, du moins en partie. Chose bizarre ! s'il n'y avait pas eu instance en séparation, le mari aurait été parfaitement libre d'aliéner à son gré, sans que son créancier pût l'en empêcher, le mobilier dont il s'agit, et, parce que la femme aura pris, pour la conservation de ses droits, une voie parfaitement legale, le créancier, en intervenant, aura fait indirectement ce qu'il ne pouvait faire directement. Telle n'a pas été et telle n'a pas pu être l'intention du législateur. Les créanciers auraient dû, dans la prévision d'une séparation prochaine, obtenir du tribunal la fixation d'un délai assez court pour que ce délai ne portât pas atteinte à l'exercice de leurs droits.

Je puis invoquer, en faveur de mon sentiment, un arrêt de la cour de Bordeaux du 29 juin 1849 (DALLOZ, 1850, 2, p. 25).

2942.-Add. Conf. DALLOZ, 2e édit., no 1730 ct 1875.

Le mari tombé en faillite n'ayant plus l'exercice de ses droits, il faut que, dans ce cas, la femme mette en cause les syndics, comme représentant les créanciers du mari et exerçant les droits de celui-ci. Il en est ainsi même lorsque le mari n'est tombé en faillite que depuis l'action régulièrement intentée. C'est ce qui résulte du texte de l'art. 443 du code de commerce. Vainement objecterait-on qu'aux termes de l'art. 345 du code de procédure civile, le changement d'état des parties n'empêche pas la continuation de la procédure et ne donne pas lieu à une reprise d'instance. L'art. 445 du code de commerce est formel: A partir de ce jugement (déclaratif de faillite), toute action, mobilière ou immobilière, ne pourra être suivie ou intentée que contre les syndics. Conf. Bourges, 24 mai 1826 (DALLOZ, 1827, 2, p. 39); Angers, 11 mars 1842 (le Droit, 20 avril 1842); DALLOZ, no 1724 et 1901.

Art. 872.

2942 ter. Le droit de condamnation proportionnel, établi par les art. 68, § 6, no 2 et 69, § 2, no 9, de la loi du 22 frim. an v11, est-il dû à l'occasion d'un jugement qui se borne à autoriser la femme à poursuivre le recouvrement de sa dot et de ses reprises matrimoniales, sans prononcer d'autres condamnations contre le mari que celle des dépens?

La cour de cassation a décidé, sur les conclusions conformes de M. NICIAS-GAILLARD, premier avocat général, qu'un pareil jugement ne porte point condamnation de sommes et valeurs, et ne doit être soumis qu'au droit fixe de 15 francs; aussi bien quand la séparation de biens a été l'objet principal de la demande que lorsqu'elle n'est que la conséquence de la séparation de corps. Arrêt du 14 février 1854 (DALL., 1854, 1, p. 78 et 79; J. Av., t. LXXIX, p. 624, article 1969), dont la solution me paraît évidente.

2942 quater. L'avoué chargé d'occuper sur une demande en séparation de biens a-t-il besoin

d'un mandat spécial de la partie pour poursuivre l'exécution du jugement?

Un jugement du tribunal d'Orange, du 25 avril 1849 (J. Av., t. LXXXI, page 554, art. 2502), a infligé une peine disciplinaire à un avoué qui avait poursuivi l'exécution d'un jugement de séparation de biens sans s'être muni d'un mandat spécial, et lui a même reproché d'avoir agi dans son propre intérêt.

Je trouverais cette décision bjen rigoureuse si les circonstances du procès n'étaient favorables à son explication; dans l'espèce, il était constaté que l'avoué avait poursuivi la liquidation judiciaire, malgré l'existence de lettres lui faisant connaître qu'il y avait eu liquidation amiable. L'esprit général de la jurisprudence tend, avec raison, à déclarer responsables les officiers ministériels qui n'ont pas fait, dans l'intérêt de leurs clients, tout ce qui devait être considéré comme la conséquence de leur mandat; le jugement précité contrarie aussi les règles établies pour le mandat, au code civil. J'admettrais plutôt, comme l'a fait la cour de Limoges, le 11 juillet 1839 (J. P., t. I de 1840, p. 736), que la circonstance qu'il restait nanti des pièces du procès, obligeait l'avoué à poursuivre l'exécution du jugement. Il est, en effet, permis de supposer que le client s'en est remis à son conseil du soin de remplir toutes les formalités que celui-ci connait mieux que lui, alors surtout qu'il ne fait rien pour indiquer qu'il lui a retiré tout ou partie de sa confiance. Cependant la cour de Nimes, arrêt du 11 juillet 1839 (J. Av., t. LVIII, p. 82), a pensé, comme le tribunal d'Orange, que le mandat de l'avoué cesse dès qu'il a assuré les formalités de publication du jugement de séparation de biens.- En présence de ces décisions, et pour éviter toute difficulté, il est prudent que les avoués se munissent de lettres de leurs clients les autorisant à agir dans la quinzaine du jugement. Il n'est pas douteux, comme l'a décidé, par le même arrêt, la cour de Nimes, que l'avoué est responsable de la nullité du jugement de séparation de biens résultant du défaut de publication dans la quinzaine.

2942 quinquies.— Les avoués doivent-ils attendre l'enregistrement des jugements de séparation de biens, pour en faire les extraits et les déposer auz tableaux des chambres des avoués et des notaires?

Non évidemment, car, comme l'a dit le tribunal d'Orange dans un jugement du 22 décembre 1846 (J. Av., tome LXXIII, p. 29, art. 335), aux termes des art. 1444 et 1445 du code civil et 872 du code de procédure civile, la séparation de biens, quoique prononcée en justice, est nulle, si dans la quinzaine du jugement elle n'a été exécutée au moins par un commencement de poursuites, et ce commencement de poursuites ne peut avoir lieu sans qu'au préalable la séparation ait été rendue publique par l'affiche de l'extrait du jugement.

Le même jugement ajoute que l'art. 20 de la loi du 22 frim. an vii, accordant aux greffiers un délai de vingt jours pour l'enregistrement des jugements de toute nature, si les avoués ne pouvaient, sous peine d'amende, rédiger et publier

par affiche les jugements de séparation avant l'enregistrement de ces jugements eux-mêmes, ces officiers ministériels n'ayant aucun moyen de contraindre les greffiers à soumettre à cette formalité les jugements de séparation avant l'expiration du délai imposé par la loi pour l'enregistrement de ces actes, se trouveraient, dans beaucoup de cas, placés dans l'alternative, ou de commettre forcément une contravention, ou de laisser tomber en nullité les jugements par eux obtenus, et telle ne peut être la volonté de la loi. Cette considération n'est pas exacte, car il est évident qu'en pareille matière, les greffiers ne jouissent pas du délai de vingt jours, comme je l'ai fait remarquer au texte, Quest. 2950. Puisque le jugement doit être exécuté dans la quinzaine de la prononciation, il faut bien qu'il soit enregistré avant l'expiration de cette quinzaine, car l'exécution n'a lieu qu'en vertu d'un jugement enregistré. J'estime, au surplus, que les extraits des jugements de séparation ne peuvent être considérés ni comme des actes faits en conséquence d'autres actes, ni comme des copies ou des expéditions, ainsi que l'a successivement soutenu la régie, mais sont bien réellement des actes destinés à être signifiés par affiches, et rentrant par conséquent dans l'exception contenue au § 2 de l'art. 41 de la loi de frimaire précitée.

2944. DIÈRE et PONT, no 846. 2945. Add. Quelques auteurs sont d'avis que le payement réel des droits de la femme peut être effectué par acte sous seing privé, enregistré; M. TROPLONG, n° 1361, déclare même que l'enregistrement n'est pas nécessaire, s'il apparaît surtout que tout a été sérieux et sincère de la part de la femme, et il cite, à l'appui de sa doctrine, un arrêt de la cour de cassation du 23 août 1825; MM. RODIÈRE et PONT, t. Il, no 844, note 3, pensent, comme moi, que cette décision est peu fondée et qu'il suffit de se reporter au texte de l'art. 1444 pour s'en convaincre.

Add. Conf. DALLOZ, no 1803; Ro

Je reconnais, avec la cour de cassation, 12 août 1847 (DALLOZ, 1847, 1, p. 322; J. Av., t. LXXIII, p. 421, art. 485), que l'exécution d'un jugement de séparation de biens est effectuée par acte authentique dans le sens de l'art. 1444 du code civil, lorsque le payement des reprises de la femme se trouve constaté par l'huissier, sur le commandement adressé au mari, afin d'arriver à cette exécution.

(1) Lorsqu'un mari, contre qui sa femme a obtenu la séparation de biens, a son domicile dans un lieu où il existe un tribunal civil exerçant, en même temps, les fonctions de tribunal de commerce, faut-il que l'extrait du jugement de séparation soit affiché, non-seulement en l'auditoire de ce tribunal, mais, en outre, dans la principale salle de la maison commune? En d'autres termes, la double publicité, exigée par l'art. 872 du code de procédure civile, n'est-elle pas obtenue par le fait d'une seule affiche de l'extrait du jugement de séparation, en l'auditoire du tribunal civil, où ce tribunal tient aussi ses séances comme juridiction consulaire; ou faut-il, en outre, une affiche à la maison commune? Cette deuxième

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Les commandements faits au mari sont, en effet, des actes juridiques émanés d'un officier ministériel agissant dans l'exercice de ses fonctions; ils font preuve de leur date et de leur contenu et remplissent, par conséquent, toutes les conditions nécessaires pour constituer l'acte authentique dont parle l'art. 1444.

2946. Add. Conf. DALLOZ, no 1775; RoDIÈRE et PONT, no 838. Cette formalité ne doit, du reste, avoir lieu que lorsqu'il existe dans l'arrondissement du domicile du mari un tribunal spécial de commerce. Voy. Quest. 2946 ter, et mon Formulaire de procédure, tome II, p. 476, formule n° 913.

-

2946 bis. Add. Conf. DALLOZ, n° 1786; RODIÈRE et PONT, no 837. -Angers, 10 août 1839 (J. Av., tome LXXIII, page 212, art. 407); Caen, 16 janvier 1846 (DALLOZ, 1854, 5, p. 686); cass., 17 mars 1852, et Lyon, 23 février 1854 (DALL., 1852, 1, p. 113; 1855, 2, p. 44). Un jugement du tribunal de la Scine, du 21 octobre 1847 (J. Av., LXXIII, p. 210, art. 407), a décidé cependant qu'un jugement de séparation de biens n'est pas nul quoiqu'il ait été signifié avec commandement suivi d'acquiescement, ou du payement des frais, avant l'entier accomplissement des formalités de publication. L'opinion que j'ai émise au texte est contraire à ce jugement. J'ai cité à l'appui de ma doctrine un arrêt de la cour d'Amiens, 21 décembre 1825 (J. Av., t. XXXI, p. 174). Depuis, la jurisprudence a eu à trancher des difficultés soulevées par la variété des circonstances d'exécution des jugements de séparation. — Les cours de Rouen et de Riom notamment ont décidé, la première le 28 février, la seconde le 27 août 1844 (J. Av., t. LXVII, p. 408 et 607), que si les formalités de publication et l'acte de liquidation dont parle l'art. 1444 du code civil avaient lieu le même jour, il n'y avait pas nullité, parce que l'acte devait être réputé postérieur aux publications(1).

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2946 ter. Add. Conf. RODIÈRE et PONT, n° 838 et 839. Mon opinion que le tribunal désigné est celui de l'arrondissement et non pas taxativement celui de la localité où réside le mari, a été consacrée par les arrêts suivants: Rouen, 28 février 1844 (J. Av., tome LXVII, page 408); Orange (T.), 8 septembre 1851 (J.Av., t, LXXVII, p. 610, art. 1390); Rennes, 14 janvier 1850 (t. LXXVI, p. 622, art. 1181); Caen, 2 décembre 1851 et cass., 17 mars 1852 (t. LXXVII, p. 496),

affiche à la maison commune est-elle, en tout cas, requise à peine de nullité. Si la double affiche, prescrite par l'art. 872 du code de procédure civile, est requise à peine de nullité, cette nullité ne peut être invoquée que par ceux qui souffrent de la contravention; ceux qui n'en souffrent pas et ne peuvent en souffrir doivent être repoussés par la règlé qu'il n'est pas de nullité sans grief; surtout, si la loi n'est pas exempte d'équivoque et que la nullité est sujette à controverse. Ainsi, le créancier contre qui la femme, qui a obtenu la séparation de biens demande la révocation de l'aliénation du fonds dotal, en vertu de l'art. 1560 du code civil, ne peut se prévaloir de la nullité de la séparation de biens, pour défaut de publi

ART. 872.

art. 1344; DALL., 1854, 2, p. 189); Lyon, 23 février 1854 (ibid., 1855, 2, p. 44).

Il résulte aussi des mêmes arrêts que s'il n'y a pas de tribunal de commerce dans le ressort du domicile du mari, l'extrait du jugement de séparation de biens doit, à peine de nullité, être affiché, non pas seulement dans l'auditoire du tribunal civil qui juge aussi des affaires commerciales, mais encore dans la principale salle de la maison commune du domicile du mari. Et il suffit, du reste, que ce domicile soit situé dans le ressort d'un tribunal de commerce, pour que la double affiche dans les auditoires du tribunal civil et du tribunal de commerce rende inutile l'affiche dans la salle de la maison commune. Voy., dans le même sens, Revue critique de législation et de jurisprudence, 1855, p. 259, § 4.

Relativement à l'insertion à faire à la chambre des avoués et des notaires, s'il y en a, mon opinion que la loi a entendu parler du lieu où réside le mari, et non de celui où siége le tribunal de première instance et où il existe toujours des chambres de cette nature, a été vivement critiquée par MM. DALLOZ, n° 1780; RODIÈRE et PONT, n° 840.

Un nouvel examen de la question me porte à modifier ma première opinion. Je reconnais qu'il y a même raison de décider pour l'insertion dont il s'agit que pour celle à faire au tribunal de commerce on doit, dans les deux cas, ajouter, par interprétation, aux mots du texte : s'il y en a, ceux de dans l'arrondissement. Il est, en effet, peu présumable que le législateur n'ait voulu ordonner cette publicité très-sérieuse et surtout très-utile, que pour le cas où les maris seraient domiciliés dans les chefs-lieux d'arrondissement. On doit, au contraire, croire qu'il a voulu embrasser tous les cas, même celui où le mari habiterait le plus petit village. Tels sont, du reste, les errements constants de la pratique, et il faut présumer que l'art. 872 a eu en vue le cas où la chambre des notaires ou celle des avoués n'a pas de local fixe pour se réunir, ou bien celui où, par suite du petit nombre d'avoués près d'un tribunal, il n'y a pas de chambre de discipline. Voyez Quest. 2935.

J'ajouterai que les certificats d'extraits de jugements de séparation de biens, délivrés par le secrétaire de la chambre des avoués, doivent être considérés comme des actes judiciaires et enregistrés au droit de 1 fr. 10 c. (J. Av., t. LXXX, p. 115, art. 2046, et Journal de l'enregistrement, 1854, no 2016, p. 507). Voy. men Formulaire de procédure, 3 édit., t. II, p. 471, remarque de la

cité de cette séparation dans les formes voulues par la loi, ce défaut de publicité n'ayant pu lui porter préjudice. - Toute nullité, à laquelle l'ordre public se mêle, n'est pas pour cela absolue; elle ne l'est que lorsque l'intérêt général et social dont elle découle est en première ligne et domine l'intérêt privé, dont il se montre indépendant; mais lorsque l'intérêt de la société ou l'ordre public consiste seulement à ne pas permettre qu'un de ses membres soit lésé par la contravention; lorsque, en un mot, l'intérêt privé se trouve sur le premier plan, si cet

formule n° 908; et p. 478, remarque de la formule n° 915.

Il résulte d'un arrêt de la cour de Rouen que la preuve de l'affiche à la maison commune peut être établie vis-à-vis des tiers autrement que par un acte authentique et, par exemple, par un certificat du maire, bien que ce certificat n'ait pas été enregistré au moment de sa date; 29 avril 1845 (DEVILL., 1847, 2, p. 164). 2946 quater. Où doivent être faites les lectures et affiches, quand le mari a changé de domicile dans l'intervalle qui sépare la demande du jugement?

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Pour la lecture comme pour l'affiche au nouveau domicile du mari, on peut dire que les personnes appelées à contracter avec lui ont intérêt à connaître sa situation, et que le plus sûr moyen de sauvegarder Jeurs intérêts serait de faire afficher le jugement dans leur ville. Cependant l'article 92 du tarif, qui accorde à l'avoué un droit pour faire insérer l'extrait du jugement qui aura prononcé la séparation de biens dans les mêmes tableaux (où a été insérée la demande), me paraît concluant. Je pense donc que ces formalités devront, dans tous les cas, être remplies devant le tribunal qui aura cennu de l'instance. Conf. DALLOZ, no 1792; RODIÈRE et PONT, no 841. M. DAL LOZ conseille cependant, pour prévenir toute difficulté, de faire les affiches dans les deux villes. Je crois prudent de suivre cette opinion, qui sauvegarde tous les intérêts, puisque la double formalité appelle l'attention des intéressés à l'ancien et au nouveau domicile.

2950. Add. Conf. RODIÈRE et PONT, t. II, n° 445; TROPLONG, no 1358; DALLOZ, no 1798.

2950 quater.-La cour de Bordeaux, 31 mars 1857 (DALLOZ, 1857, 2, p. 113), semble s'être prononcée contre mon opinion Elle a admis que la simple liquidation des reprises de la femme dans la quinzaine de la prononciation du jugement de séparation de biens n'est pas un acte d'exécution et n'équivaut pas non plus à un commencement de poursuites dans le sens de l'art. 1444 du code civil, encore bien que le mari ait déclaré, dans le procès-verbal de liquidation, être actuellement dans l'impossibilité d'acquitter les reprises de sa femme et promis de les payer le plus tôt possible.

Mais, en examinant attentivement cet arrêt, on y remarque qu'il laisse subsister le principe que la liquidation des reprises, sans interruption, vaut exécution, et qu'il se base sur des faits tout à fait particuliers, notamment sur l'indétermination du délai imparti au mari, pour juger en sens contraire.

intérêt se tait ou disparaît, à défaut de préjudice causé, l'intérêt public disparaît en même temps; la nullité dé crétée n'est plus que relative et la règle point de nullité sans grief, reprend tout son empire. - En conséquence, les nullités édictées par les art. 872 du code de procédure civile et 1443 du code civil, pour défaut de publicité du jugement de séparation de biens, et par l'art. 1444 da code civil pour inexécution de ce jugement dans le délai prescrit, ne sont que relatives. Gand, 27 avril 1861 (Pas. 1861. 301). [ÉD. B.]

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