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important qu'il soit.. La cour de Rouen a suivi cette doctrine, le 19 juin 1846 (t. LXXI, p. 687). La cour suprême l'a maintenue le 15 janvier 1851 (t. LXXXII, p. 95, art. 2589), en cassant un jugement contraire du tribunal de commerce du Havre, du 28 juin 1848, et. le 26 mai 1857 par deux arrêts de cassation (J. Av., t. LXXXII, p. 599, art. 2837), qui résument très-brièvement le système adopté : « La compagnie anonyme de chemin de fer formée pour l'exploitation du chemin de... constitue une société commerciale, et non un établissement public; aux termes des statuts de cette compagnie, légalement approuvés, cette société a son siége à Paris; en droit, les sociétés commerciales doivent être assignées en leur siége social, à peine de nullité; Il n'est pas constaté que la compagnie ait établi, à l'égard des tiers traitant avec elle, des agents ou préposés, sur la ligne du chemin de fer, chargés de la représenter et de recevoir les assignations qui la concernent, et dès lors en décidant que la compagnie a pu être valablement assignée à . en la personne de son chef de gare, le jugement attaqué a expressément violé les articles 69 et 70. D La cour de Bordeaux a statué dans le même sens, le 22 juillet 1857 (ibid.); mais la cour de Colmar a formellement déclaré, le 26 août 1857 (Journal de cette cour, 1857, p. 201), que les gares de chemins de fer doivent être considérées comme de véritables succursales attributives de compétence pour le juge local.

Il est à remarquer que les arrêts précédents s'appliquent au mode d'assignation et au lieu où l'ajournement doit être signifié, en sorte qu'on peut dire que si la question de compétence est préjugée, contre mon opinion, elle n'est pas encore tranchée, et que de cela que les compagnies doivent être assignées à Paris, il n'en résulte pas nécessairement qu'elles ne puissent pas être traduites devant les tribunaux de province suivant les règles de la compétence déterminée par l'art. 420. Čela est reconnu par l'arrêt susénoncé de la cour de Bordeaux, et la cour de cassation n'a pas inséré dans ses décisions une ligne qui ait trait à la difficulté que les cours d'Angers, de Bourges et de Metz ont résolue en faveur de la compétence locale; arrêts des 29 juill. 1853 (J. Av., t. LXXVIII, p. 687, art. 1680); 26 avril 1854 (t. LXXX, p. 97, art. 2035) et 27 février 1857 (t. LXXXII, p. 604, art. 2837).

J'ajoute enfin que la cour de cassation a validé l'assignation donnée devant un tribunal autre que celui du siége social, dans le ressort duquel,

subsister aussi longtemps que sa liquidation n'a pas été effectuée. Si la fusion d'une société anonyme avec une autre société de même nature a pu opérer la dissolution de la première en dehors des termes de ses statuts, cette société ne peut être réputée morte vis-à-vis d'un actionnaire qui prétend qu'on n'a pu le forcer à faire partie de la société nouvelle.-Ainsi la société ancienne a pu valablement être assignée par un actionnaire aux fins de nomination d'arbitres chargés de juger les difficultés concernant la société. Cette assignation est valablement donnée à la société prétenduement dissoute, en la personne

aux termes de ses statuts, la compagnie avait un agent pour recevoir les notifications et significations qui lui étaient adressées, 22 mai 1848 (J. Av., t. LXXIII, p. 442, art. 494). Par un autre arrêt du 2 déc. 1857 (J. P., 1858, p. 80),. la même cour a déclaré qu'une assignation a pu être valablement donnée à une compagnie industrielle en la personne du directeur de l'exploitation sociale, domicilié au lieu où elle s'opère, bien que le siége de la compagnie ait été fixé ailleurs par les statuts, s'il est constaté que le directeur est généralement reconnu pour le mandataire de la société, qui a ratifié et renouvelé ce mandat. Une telle décision, fondée sur une appréciation de faits, échappe à la censure de la cour de cassation.

Un autre tempérament à la rigueur de la théo rie admise résulte des arrêts des cours de Bordeaux et de cassation, 22 mai 1856 et 4 mars 1857(J. Av., t. LXXXI, p. 668, art. 2558;t. LXXXII, p. 307, art. 1692), ce dernier rejetant le pourvoi dirigé contre le premier et tous les deux déclarant qu'une société peut avoir plusieurs maisons sociales, et, par conséquent, plusieurs domiciles où elle peut être valablement assignée ; qu'il en est ainsi notamment lorsque le siége social étant fixé dans une ville par les statuts, il est constant que la société a son principal établissement dans une autre ville, où elle est représentée par un comité choisi parmi ses administrateurs, où elle a ses bureaux, ses agents, où est le centre de ses opérations réelles et du mouvement commercial par lequel elle se manifeste au public.

Si à ces décisions j'ajoute un jugement du tribunal civil de Narbonne, du 18 avril 1844 (J. Av., t. LXIX, p. 628), qui a jugé que le canal du Midi étant une administration publique, les significations qui le concernent sont valablement remises, ailleurs qu'à Paris, aux bureaux de ses préposés, on aura sous les yeux tous les éléments jurisprudentiels du débat. Je n'ai pas l'intention de discuter longuement sur la question. Les inconvénients de l'opinion qui applique strictement l'art. 69, et qui en définitive, aurait pour résultat d'attirer à Paris toutes les contestations mues avec l'une de nos grandes compagnies financières, lorsque l'art. 420 ne pourrait pas être invoqué, sont si évidents que, si cette opinion doit être maintenue, il faut évidemment recourir à l'intervention législative. Un de mes honorables confrères, M. BRIVES-CAZES, le savant rédacteur du journal de la cour de Bordeaux, a démontré, dans plusieurs articles du Courrier des Tribunaux,

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nos des 12 octobre 1856, 1er février 1857, et dont les principaux passages ont été insérés (J. Av., t. LXXXI, p. 668, art. 2558; t. LXXXII, p. 307 et 665, art. 2692 et 2868), combien il était souverainement injuste de contraindre les habitants de la province à venir plaider à Paris contre les compagnies de chemins de fer. Il me semble que, pour trancher la question, il faut l'envisager de plus haut et se demander si les compagnies de chemins de fer sont simplement des sociétés de commerce telles que la loi les a en vue dans le § 6 de l'art. 69, ou bien si elles ne participent pas des administrations publiques, à l'égard desquelles la compétence est réglée par le § 3 du même article.

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Si les compagnies de chemins de fer ne sont pas des administrations publiques se rattachant à l'Etat, comme la régie des domaines, celle des contributions indirectes et des douanes, les contributions directes, etc., etc., qui font partie intégrante de notre système administratif, il n'en est pas moins vrai qu'elles constituent des administrations d'intérêt et d'utilité publics, organisées avec des formes solennelles et substituées temporairement à l'Etat dans l'exploitation des lignes ferrées. L'Etat concède, parce qu'il n'exploite pas lui-même. Or, pourquoi le public, mis en contact avec le représentant de l'Etat, ne pourrait-il pas user vis-à-vis de ce représentant de facilités analogues à celles qui lui sont accordées vis-à-vis de l'Etat? Pourquoi le fait de la concession aurait-il rendu incompétents les tribunaux qui auparavant étaient compétents? Pourquoi le public devrait-il subir, dans ses relations avec ces voies de communication, une perturbation telle, que toutes les contestations, comme tous les actes de la procédure, dussent être désormais traités ou faits à Paris, au lieu de l'être là où la contestation a surgi, où le dommage a été causé ? — A mes yeux, les canaux, les entreprises générales de diligences, les compagnies de chemins de fer, comme celles des assurances, sont valablement assignées devant le juge du lieu où le fait quisert de base à l'action s'est produit, et l'assignation

(1) La loi ne requiert pas d'assigner tel ou tel des représentants d'une société anonyme; il suffit de la simple assignation à la personne morale de la société sous la seule indication de sa firme sociale. Peu importerait qu'on eût joint dans l'exploit le nom du ci-devant directeur alors décédé. Cette adjonction 'inutile n'a pu invalider l'ajournement. Il en serait surtout amsi en l'absence, de toute information légale du décès de cet administrateur. Gand, 26 novembre 1852 (Pas. 1855. 274).

-Une société dissoute est valablement assignée, pour les actes posés pendant son existence, 1o à son ancien domicile juridique 2° sous sa raison sociale; 3o en la personne de ses aministrateurs et non de ses liquidateurs. Cass., 11 av 1851 (Pas. 1851: 398). [ÉÐ? B.]

(2) En fait de résidence, il n'y a pas de règle fixe, ef tout est soumis à l'empire des circonstances. - Un étranger naturalisé en Belgique où il habite un château, domaine de sa famille, et qui abdique sà qualité de Belge, après avoir obtenu sa naturalisation dans son pays où il va prendre son domicile, a pu valablement être assigné

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Add. Conf. DALLOZ, 2e édit., vo Exploit, no 392 et 445. Contra, Rodière, t. 1, p. 306.

371 bis. Add. Il est incontestable que la signification d'un jugement doit être faite au parquet, lorsque la partie n'a pas de domicile connu; cass., 3 décembre 1844 (J. Av., t. LXIX, p. 445); Nimes, 24 mars 1851 (Journ. de cette cour, 1852, p. 42); lorsqu'elle n'est pas seulement absente momentanément de son domicile, mais qu'elle l'a quitté définitivement sans qu'on sache ce qu'elle est devenue; Bordeaux, 8 août 1857 (Journ. de cette cour, 1857, p. 352); que la femme séparée de corps, dont le domicile n'est pas connu, doit être assignée, non à son domicile d'origine, que le mariage lui avait fait perdre, mais au domicile et dans les formes indiquées par l'art. 59, § 8; Bordeaux, 13 février 1844 (t. LXVI, p. 305). Mais on ne peut pas considérer comme étant sans domicile une personne ayant habité pendant dix ans la même ville où elle exerçait une profession et où elle occupait le même appartement garni depuis huit ans, qui a pris la fuite pour se dérober à l'exécution d'un mandat d'amener; la remise de la copie doit être faite au maire et non au procureur impérial; Metz, 9 septembre 1857 (J. P., 1857, p. 1101). Enfin, je puis invoquer en faveur de mon opinion un arrêt de la cour de Douai, du 2 août 1854 (DALLOZ, 1855, 2, p. 24), qui décide que l'action dirigée contre celui qui n'a ni domicile, ni résidence en France, peut, sauf les cas où la loi attribue juridiction, être portée devant le tribunal du choix du demandeur (2).

en restitution pour moitié d'une hérédité ouverte en Belgique et qu'il a appréhendée pour le tout, par exploit notifié au susdit château, qui a continué à être occupé par ses gens de service et où il a conservé des relations personnelles de séjour et où il paye des contributions personnelles. Il y a surtout lieu de le décider alors que - la citation lui est parvenue. — N'ayant aucun domicile en Belgique, il a pu être assigné au lieu de sa résidence. L'arrêté du fer avril 1814 n'est applicable qu'aux assignations à donner dans les lieux de résidence qui se trouvent en pays étranger.- La mention de la demeure exigée par l'art. 61 doit s'entendre de la désignation du lieu de la résidence, lorsqu'il s'agit d'un exploit nonfré à ceux qui n'ont aucun domicile connu en Belgique, mais qui y possèdent cependant une résidence. Il y a surtout lieu de tè décider ainsi alors que la désignation de la demeure, telle qu'elle a été faite, n'est pas de nature à porter préjudice au défendeur appartient au magistrat qui délivre une ordonnance sur requête pour cause d'urgence, de statuer sans contrôle sur ce pomt. Cette brdonnance

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371 ter.-Conf. Massé, Droit commercial, t. II, p. 313 (1).

372 et 373 Add. Conf. DALloz, 2o édit., vo Exploit, no 448. Ainsi une personne établie en pays étranger n'est pas valablement assignée en France au domicile de sa famme; l'exploit doit être remis au parquet; tribunal civil de la Seine, 8 mars 1853 (Journal des huissiers, 1854, p. 94); tandis que le Français qui, voyageant à l'étranger, ne s'est fixé nulle part, a conservé, à défaut de déclaration contraire ou de faits suni samment graves, son domicile d'origine où il a pu être régulièrement assigné; Bordeaux 7 juill. 1852 (Journal de cette cour, 1852, p. 327).

373 bis.- Add. Conf. DALLOZ, 2e édit., vo Exploit, no 478, en ce qui concerne l'assignation donnée par un huissier étranger; contra RODIÈRE, t. I, p. 308.

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Art. 76:

375. Add. J'ai cité supra, Quest. 369, les arrêts assez nombreux rendus sur cette question. Les peines édictées par l'art. 45 du décret du 14 juin 1813 ont été appliquées à un huissier qui avait fait remettre au parquet, par un tiers, la copie destinée au procureur impérial. Les premiers juges avaient exeusé l'huissier sur le motif que l'exploit n'était pas complet, parce qu'il y manquait le visa du magistrat; Agen, 25 août 1847 (J. Av., t. LXXIII, p. 167, art. 394, § 26); même solution quand la copie a été présentée par un clerc, bien que la partie ait refusé de la recevoir; cass., 1er avril 1852 (t. LXXVII, p. 508, art. 1352); contra, Orléans, 21 juin 1852 (J. P., t. Il de 1852, p. 204). Cet arrêt a été cassé le 5 avril 1855 (J. Av., t. LXXVIII, p. 610, art. 1655); quand l'huissier déclare avoir remis la copie au domicile du cité, alors qu'en réalité cette remise

emporte dispense du préliminaire de conciliation. Brux., 4 juillet 1855 (Pas. 1856. 137).

La règle de l'article 69, no 8, du code de procédure civile, prescrite pour l'introduction de l'instance, doit naturellement être suivie pour les actes subséquents de la procédure; ainsi, lorsque les qualités d'un arrêt reconnaissent à un plaideur étranger une résidence actuelle en Belgique, c'est à cette résidence que l'arrêt doit lui être signifié pour faire courir le délai du pourvoi en cassation.

- Il en est ainsi lors même que ce plaideur, ayant se réidence à l'étranger au début de l'instance, ne l'a ¡ransférée en Belgique que pendant le procès. Cass., 8 février 1862 (Pas. 1862. 162),

- L'article 69, no 8, du code de procédure, qui permet d'assigner elui qui n'a aucun domicile connu, à sa résidence, n'a pu entendre par là que l'endroit où l'assigné réside depuis un temps plus ou moins löng, et où les rapports qu'ils a établis donnent la certitude morale que la signification sera remise-Lo burt séjour qu'un voyageur fait dans l'hôtel où il descend à son arrivée dans une ville étrangère ne peut être considéré eqmme constitutif d'une résidente légale qui serait censé conservær jusqu'à đér

a été faite à la femme du cité et hors de son domicile; Nimes, 24 juin 1852 (t. LXXVII, p. 508, art. 1352). Mais le décret n'est pas applicable quand les énonciations de l'expoit sont exactes, bien que la remise ait été faite à une personne et dans un lieu autres que ceux voulus par la loi; cass., 6 mai 1842 (ibid.); ni la bonne foi, ni la dispense conventionnelle ne peuvent être invoquées comme excuse de l'infraction; cass., 8 janvier 1833 (t. (XXVIII, p. 332, art. 1549); 27 juin 1856 (BIOCHE, Journ., 1857, p. 28).

Quant à l'application de la peine du faux, elle ne pourrait être faite qu'autant que l'huissier aurait agi avec une intention frauduleuse. Voy. dans ce sens l'arrêt de cassation du 8 janvier 1853 susénoncé. Cette jurisprudence est aujourd'hui bien établie; elle vient confirmer l'opinion que j'ai émise avec M.HÉLIE, dans la Théorie du Code Pénal, 3e édit., t. II, p. 562, (édit. Bruylant, t. I, p. 465).

Je partage l'opinion de MM. les rédacteurs du Journal des huissiers (1855, p. 63) au sujet de la prescription de la peine encourue par l'huissier; prescription de trois ans si l'infraction non frauduleuse a le simple caractère d'un délit; de dix ans, si, avec l'influence de la fraude, elle devient crime. La prescription court du jour de l'infraction. Art. 71.

377. Add. Les tribunaux n'hésitent pas à mettre à la charge de l'huissier les frais de l'exploit nul par sa faute, ainsi que de l'incident en nullité, mais ils se montrent beaucoup plus réservés dans l'allocation de dommages-intérêts : Nancy, 27 décembre; Caen, 14 janvier 1854 (BIOCHE, Journ., 1855, p. 121; Journ. de la cour de Caen, 1854, p. 52). Ils apprécient, d'après les circonstances, ces dommages-intérêts; Paris, 5 novembre 1846 (J. Av., t. LXXII, p. 80, article 25). Pour qu'une condamnation intervienne, il faut qu'il y ait un préjudice causé; or, si l'ac

claration contraire faite à la police locale. Brux., 11 avril 1854 (Pas. 1856. 99). (ÉD. B.)

(3) Les formalités de l'arrêté du 1er avril 1814, concernant les assignations à faire aux étrangers, doivent être observées à peine de nullité. — Ainsi, l'exploit d'appel contre un étranger doit être affiché à la porte de la cour d'appel, Il est nul s'il a été affiché à la porte da tribunal de première instance. — L'on ne pourrait se právaloir, pour décliner la nullité, de la comparution des întimés devant la cour, ce qui témoignerait que l'exploit leur était parvenu. Bruxelles, 24 janvier 1855 (Pas. 1855. 218).

Des trepreneurs étrangers peuvent are traduits devant le tribunal du royaume où ils ont éla damicile et où les travaux dont on réclame contre eux la réception ont été exécutés. Liége, 19 fév. 1850 (Pas. 1851, 98).

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tion ou la défense du requérant sont, en fait, reconnues devoir échouer, aucun dommage n'a été causé, aucune réparation n'est due en dehors des frais relatifs à l'exploit et à la déclaration de nullité; alors le requérant peut être condamné aux dépens de sa demande en dommagesintérêts. Cass., 5 avril 1840 (t. LXXII, p. 354, art. 160); Toulouse, 13 juillet 1850 (t. LXXV, p. 583, art. 962); Montpellier, 8 juillet 1850 et 11 avril 1851 (t. LXXVI, p. 586, art. 1178), 13 janvier 1854 (t. LXXX, p. 511, art. 2185), et les arrêts déjà cités des cours de Caen, 14 janvier, et Nancy, 27 décembre 1854. Il a été jugé, avec raison, par la cour de Bordeaux, arrêt du 20 février 1854 (Journ. de cette cour, 1854, n° 169), que l'huissier qui, chargé de ramener à exécntion un jugement par défaut, a négligé, après avoir obtenu l'acquiescement du débiteur, de le faire enregistrer avant l'expiration du délai de la péremption, est responsable des dommages éprouvés par le créancier.

Quel est le tribunal compétent pour apprécier cette responsabilité? En s'appuyant sur l'art. 73 du décret du 14 juin 1815, la cour de cassation a décidé, le 25 avril 1855 (t. LXXVIII, p. 678, art. 1693), que les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître les demandes en dommages-intérêts ou restitutions dirigées contre les huissiers à raison des faits accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, bien que le taux de la demande rentre dans les limites de la compétence du juge de paix. La même cour avait rendu une décision identique le 29 juin 1840 (J. Av., t. LIX, p. 583). M. RODIÈRE approuve cet arrêt, t. 1, p. 52, et cette opinion est partagée par BoNCENNE, t. III, p. 416; CAROU, no 33, et GILBERT, Sous l'art. 1er de la loi du 25 mai 1858, n° 32. Je vois d'autant moins d'inconvénients à l'adopter qu'en présence des termes formels du décret du 14 juin 1813, il me paraît difficile de justifier une solution contraire.

Mais que faudra-t-il décider au point de vue spécial de la nullité d'un exploit? Le tribunal (juge de paix, tribunal de commerce, etc.) est-il compétent pour connaître de l'action qui a donné lien à l'exploit, pourra-t-il seul apprécier la validité de cet exploit, en prononcer la nullité, s'il y a lieu, et évaluer le préjudice que cette nullité peut occasionner? J'ai pensé que le tribunal civil auprès duquel l'huissier exerce ses fonctions est seul compétent pour déterminer la responsabilité (voy. supra, Quest. 276 bis, et infra, Question 771 bis, § 4). La jurisprudence la plus récente admet néanmoins que l'action en responsabilité pour nullité d'un acte d'appel peut être portée de plano devant la cour d'appel; Toulouse, 13 juillet 1850, et Nancy, 27 décembre 1854, déjà cités. Il faut d'ailleurs déclarer, avec la cour de cassation, arrêt du 3 décembre 1856 (1. LXXXII, p. 286, art. 2686), que l'huissier qui a notifié un exploit nul, et qui, assigné en garantie devant les juges du fond, n'a été renvoyé que parce que l'exploit a été déclaré valable, peut être cité directement devant la cour de cassation, chambre civile, en déclaration d'arrêt commun. A chacun sa part de responsabilité; à l'huissier pour les

formalités que la loi confie exclusivement à son intelligence et à son exactitude; à l'avoué pour les exploits par lui préparés, et qui contiennent des énonciations inexactes qu'il n'appartient pas à l'huissier de corriger. Ainsi, c'est avec fondement que la cour de Paris, 5 novembre 1846 (t. LXXII, p. 80, art. 25), a déchargé l'huissier de toute responsabilité pour la reporter sur l'avoué qui avait préparé l'acte, déclaré nul parce qu'une seule copie avait été signifiée à deux héritiers. On peut lire (J. P., t. II de 1856, p.513), des observations critiques fort étendues dont M. LEVESQUE a accompagné cet arrêt. — La signification d'une requête d'avoué qui entraîne le payement d'une amende et d'un double droit d'enregistrement n'engage que la responsabilité de l'avoué rédacteur de la requête; tribunal civil de Rouen, 3 mai 1849 (t. LXXV, p. 145, art. 836). - L'avoué est exclusivement responsable quand la nullité provient d'une fausse qualification du requérant fournie par cet avoué lui-même; cass., 7 novembre 1849 (t. LXXVI, p. 168, art. 1039).

- La partie doit s'attribuer la nullité provenant de l'indication par elle faite de la résidence comme étant celle du domicile du défendeur; Douai, 30 avril 1851 (ibid., p. 477, art. 1142). Alors même qu'il y a nullité du fait de l'huissier si déjà l'acte est nul par le fait de la partie, c'est cette dernière qui en supporte les conséquences; Orléans, 5 août 1851 (t. LXXVII, p. 652, article 1407). Mais la cour de Montpellier a posé un principe trop absolu en déclarant que l'huissier est toujours responsable de la nullité, alors même que l'acte a été rédigé par l'avoué; 11 avril 1851 (t. LXXVI, p. 586, art. 1178),

C'est à tort que la cour de Toulouse a affranchi l'huissier de la responsabilité provenant du défaut de constitution d'avoué, sur les motifs que l'irrégularité était due à la partie; 7 août 1848 (t. LXXIII, p. 525, art. 533). La cour de Grenoble s'est néanmoins prononcée dans le même sens, le 12 mai 1853 (t. LXXIX, p. 657, article 1786). En ce qui concerne les conséquences de la nullité d'un protêt vis-à-vis des endosseurs, la cour de Rouen, 1er juin 1843 (t. LXVI, p.238), a jugé que l'huissier qui fait un protêt nul n'est responsable de cette nullité qu'envers le porteur pour lequel il a instrumenté et non à l'égard de l'endosseur qui a payé sans s'inquiéter de la validité du protêt. Le contraire avait été décidé par la cour de Paris dont l'arrêt avait été cassé le 17 juillet 1837 (t. LIII, p. 415) avec renvoi devant la cour de Rouen.

Art. 72.

378. Add. On sait que je n'admets aucune voie de recours contre l'ordonnance qui permet d'assigner à bref délai, qui, par cela même, attribue le caractère de célérité à la demande et entraîne pour elle la dispense du préliminaire de conciliation. La divergence signalée se perpétue dans la doctrine et dans la jurisprudence. M. DALLoz, 2e édit., vo Appel civil, nos 393 et suiv.; Délai, nos 118 et suiv.; Conciliation, no 161 et suivants; Exploit, no 584 et 585, expose les éléments de la controverse sans se prononcer. Mon opinion

-

est aussi celle de MM. BIOCHE, vo Ajournement, n° 62, et RODIÈRE, t. I, p. 313. Ce dernier auteur pense néanmoins que l'assigné peut soutenir que le délai a été mal à propos abrégé pour obtenir que la cause soit portée au rôle ordinaire. M. COLMET-D'AAGE, t. I, p. 164, se rallie à l'opinion de BOITARD, sauf qu'il n'admet pas la voie d'opposition et qu'il pense que le cité doit demander, au moyen de conclusions, soit un délai plus long, soit la nullité de l'exploit si, mal à propos, le préliminaire de conciliation a été omis. M. DEVILLENEUVE (1853, 2, p. 177) se prononce en principe, comme moi, contre tout recours. Il ne l'admet qu'autant qu'il y a eu excès de pouvoir. Cet honorable jurisconsulte (1851, 1, p. 160) s'est livré à de savantes recherches sur la distinction à établir entre la juridiction volontaire et la juridiction contentieuse, propre ou déléguée. On consultera avec fruit cet important travail (1). Quant à la jurisprudence, voici les principaux et les plus récents monuments :

On s'est demandé d'abord si l'ordonnance abréviative pouvait être valablement rendue par le vice-président, sans mentionner l'absence ou l'empêchement du président titulaire? La négative résulte des arrêts des cours de Colmar, 11 novembre 1831, et Bourges, 7 avril 1832 (J. Av., t. XLII, p. 273; t. XLIII, p. 574), et d'un jugement du trib. civ. de Toulouse, du 28 novembre 1843 (t. LXVII, p. 415), infirmé sur l'appel, le 29 janvier 1845 (t. LXIX, p. 559), par la cour qui admet que l'absence ou l'empêchement sont présumés, par cela seul que le vice-président signe à la place du président. Cette dernière doctrine est beaucoup trop indulgente; elle n'est pas d'accord avec les principes proclamés pour les cas de remplacement dans la composition des cours et tribunaux. C'est avec fondement que la cour de Rouen, arrêts des 28 et 30 août 1856 (J. Av., t. LXXXII, p. 61, art. 2584, et t. LXXXIII, p. 99, art. 2903), a décidé que les matières de faillites sont urgentes de leur nature, et par suite peuvent donner lieu de la part du premier président, sur l'appel, à la délivrance d'une ordonnance autorisant l'assignation à bref délai.

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Le tribunal civil de Charleroi (Belgique) a tranché, le 25 février 1857 (Belg. judic., 1857, p. 1575), une question qui n'est pas dénuée d'intérêt. Il a décidé que l'autorisation d'assigner à bref délai, accordée, en cas d'urgence, par le président du tribunal n'affranchit pas celui qui l'a obtenue, de l'obligation de se conformer à l'art. 58 du décret du 30 mars 1808, qui veut que toute assignation en matière civile soit donnée à la chambre où siége habituellement le président, et que, même dans le système de ceux qui accordent ce pouvoir au président, la circonstance que la requête indique un jour où la chambre à laquelle il est attaché n'a pas d'audience, n'autorise pas à induire qu'il a voulu permettre d'assigner devant une autre chambre, si son ordonnance d'autorisation ne reproduit pas le jour

(1) Voir aussi, au texte, Quest. 1013 bis, 1581 quinq., 1581 sept., 1873, 3561 et COMM. DVI sous l'art. 782.

indiqué dans la requête. Je ne pense pas qu'il faille suivre cette solution; sinon, dans beaucoup de cas, l'application de l'art. 72 serait impossible. Exemple: la première chambre où siége le président tient audience les lundi, mardi et mercredi de chaque semaine; la deuxième chambre, présidée par le vice-président, siége les jeudi, vendredi et samedi. Le mardi, on présente une requête tendant à réduire à deux jours le délai ordinaire de huitaine; la requête est répondue immédiatement. N'est-il pas évident que s'il faut attendre au lundi suivant pour la comparution, le bénéfice de notre article n'existera plus? Voy. Quest. 378 bis, au texte.

L'ordonnance régulièrement rendue est-elle souveraine? Oui; Rouen, 13 avril 1847(t. LXXIII, p. 177, art. 394, § 69); Bruxelles, 4 juillet 1855 (Pas., 1856, p. 157); Riom, 12 mars 1856 (J. Av., t. LXXXI, p. 280, art. 2358); Douai, 15 juin 1837 et 18 juin 1856 (ibid., p. 671, art. 2559);

non, car elle constitue un acte de juridiction (argument de l'art. 417) susceptible d'acquérir l'autorité de la chose jugée, si elle n'est pas attaquée; cass., 4 janvier 1844 (t. LX, p. 167).

L'appel est recevable, Bordeaux, 25 juin 1847 (t. LXXII, p. 690, art. 317); Agen, 12 mars 1847 (t. LXXVI, p. 16, art. 994); Besançon, 12 juillet 1853 et 22 mars 1854 (t. LXXX, p. 365, art. 2113),

L'opposition doit être admise, et, par opposition, il faut entendre, non pas un recours soumis au magistrat qui a rendu l'ordonnance, mais une opposition déférée, par voie d'incident en nullité, au tribunal devant lequel le défendeur a été appelé; Rouen, 2 août 1845 (t. LXXIII, p. 177, art. 394, § 69); cass., 25 juillet 1854 (t. LXXX, p. 46, art. 2009), qui casse l'arrêt de la cour de Besançon susénoncé, du 12 juillet 1855.

que

Enfin la cour de Douai a décidé, dans son arrêt du 12 juin 1856, précité, que si l'ordonnance est souveraine, il appartient au tribunal d'accorder au demandeur un délai pour présenter sa défense. La même cour a déclaré, le 18 septembre 1840, l'ordonnance quí, sous prétexte d'urgence, permet d'assigner devant la chambre des vacations, ne lie pas cette chambre quant à la question d'urgence, et que les juges peuvent se déclarer incompétents, s'ils reconnaissent que l'affaire ne présente rien d'urgent. En rapportant cet arrêt, MM. DEVILLENEUVE et CARETTE (1840-2, p. 514), après avoir rappelé la jurisprudence et la doctrine sur le principe de la souveraineté d'appréciation attribuée au président, fout remarquer que, dans l'espèce, l'ordonnance n'avait pas seulement pour effet d'abréger les délais, mais encore de rendre compétents des juges qui, sans cela, n'auraient pu connaître de la contestation, et qu'alors même que l'on admettrait, en thèse générale, l'irrévocabilité des ordonnances abréviatives des délais, on ne saurait reconnaître au président le droit de changer, en quelque sorte, l'ordre des juridictions. Cette observation me paraît exacte.

La question n'a surgi, dans la plupart des cas, qu'à l'occasion de la dispense du préliminaire de la conciliation. On reconnaît au président le droit de permettre d'assigner à bref délai, mais

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