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ne peuvent lui être révélées dans une circonstance plus

solennelle.

:

La France a nourri pendant un demi- siècle le destr légitime dans son principe comme dans son objet, de voir réformer les abus qui s'étaient successivement introduits dans le système de sa politique intérieure. Cette réforme, que des vœux con enablement exprimés commençaient à obtenir d'un Gouvernement paternel et sage, et qui de lui-même allait sur ce point au-devant de l'opinion éclairée du public; cette réforme, facile pour le Gouvernement, était impossible à des réunions nombreuses, où le desir du bien ne peut être toujours tempéré par la prudence, où des tentatives hasardées devancent trop souvent la marche lente et assurée de l'expérience de là des obstacles et dé malheureuses défiances qui devaient produire et ont en effet produit des haines, des résistances et de funestes ressentimens. L'affaiblissement, la ruine du pouvoir, l'oubli de la religion, le mépris des lois, la dissolution des liens sociaux, ont été en France la suite immédiate de cette présomptueuse entreprise. Une alarme générale s'est aussitôt répandue au-dehors; elle a, comme on devait s'y attendre provoqué des guerres sans terme et sans mesure. La France, en butte à toutes les nations, a déployé une énergie extraordinaire; tous les Etats ont souffert de ses efforts; elle a porté presque par-tout ses armes victorieuses: mais, il faut le dire, par-tout où elle a vaincu, elle a excité des craintes, provoqué des vengeances, et allumé des ressentimens que le temps, qu'une grande modération, qu'une persévérante et invariable prudence pourront seuls parvenir à calmer.

Vous avez été témoins de l'explosion de ces ressentimens, lorsqu'à la seconde apparition de l'homme fatal à la France, qui était parvenu à se faire une puissance, qu'il croyait indestructible, de la terreur que les principes révolu tionnaires et le courage des armées françaises avaient par-tout répandue, lorsque, dis-je, l'Europe, à cette terrible appa>

rition, a pu craindre de se voir encore une fois subjuguée par des soldats que le même prestige entraînait et qui semblaient animés du même enthousiasme; un commun instinct de préservation a comme instantanément concentré sur le même objet toutes les craintes, toutes les haines, tous les intérêts des peuples épouvantés. La politique a oublié ses rivalités; tous les produits de l'agriculture, du commerce, toutes les propriétes ont été offertes en sacrifice; les âges, les sexes, toutes les classes de la population ont été entraînées par la même impulsion, et plus d'un million de soldats s'est précipité sur nos frontières.

Sans doute, un tel appareil de forces n'était pas nécessaire pour abattre un parti qui était loin, comme on le pensait au-dehors, d'être secondé en France par le vœu national, par l'assentiment de l'opinion publique, et il ne nous est que trop permis de dire aux nations étrangères qu'elles ont été dans l'erreur sur la vraie mesure des forces qu'elles avaient à combattre, et que, dans le moment même où la faction faisait éclater ses fureurs, le peuple français était uni par ses vœux à son légitime souverain: mais ses efforts ont été paralysés par la perversité de ceux qui l'ont trahi; et les hommes généreux qui, de tous les points de la monarchie, préparaient la ruine du pouvoir usurpé, n'ayant pu commencer leurs mouvemens avant ceux des armées alliées, ni agir avec la même promptitude et lai même efficacité, elles ont considéré la chute du tyran comme leffet immédiat de leur victoire ; et la France, par cette combinaison de circonstances malheureuses; se voit ainsi exposée à répondre de tous les sacrifices, des pertes et des dommages éprouvés, bien qu'ils puissent être le résultat d'une alarme exagérée.

La rigueur extrême de ce principe aurait pu être tempérée dans son application, par l'équité et la magnanimité des souverains; mais il existe des considérations qui ont pu entraîner leur détermination, et qu'il est indispensable de connaître.

Les souverains influent sur la destinée des peuples par l'exercice de leur pouvoir, et les peuples, à leur tour, in-. fluent sur les conseils des souverains par l'action puissante de l'opinion: cette action acquiert une nouvelle force lorsque l'opinion d'un peuple est fortifiée par l'accord de plusieurs autres, et qu'elle est devenue, par la nature des événemens, une des causes les plus efficaces de leurs triomphes si le souvenir de procédés violens, de vives alarmes, de maux long-temps soufferts et souvent renou-. yelés, vient se réunir à l'exaltation du succès, alors les souverains même sont comme involontairement entraînés à des mesures qui répugnent à leurs sentimens personnels; et, malgré eux sans doute, leurs déterminations se res-: sentent des passions mêmes que leur générosité personnelle réprouve.

J'ai cru devoir, Messieurs, faire précéder de ces observations la communication des deux conventions accessoires au traité, dont il me reste à vous donner lecture. Les charges qui nous ont été imposées sont pesantes, et les défiances qu'on nous montre sont bien faites pour nous affecter mais réfléchissez, Messieurs, à l'impression funeste qu'a dû faire sur l'Europe étonnée et irritée la catastrophe malheureuse dont la France vient d'être la victime, et encore plus la facilité avec laquelle les séditieux sont parvenus à triompher de leur propre patrie; réfléchissez que les temps où nous avons le malheur de vivre, succèdent immédiatement à une époque fatale, où pendant vingt-cinq ans, le respect dû aux alliances, aux engagemens de`la paix, la fidélité aux promesses, la bonne foi, la loyauté, ces bases autrefois si révérées de la sécurité des États ont été ébranlées dans leurs fondemens: observez que la violation habituelle, et, pour ainsi dire, systématique, de toutes les règles morales de la politique, est comme inhérente au principe même des révolutions; principe effrayant et funeste, dont il a été fait en France et avec tant

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d'éclat une profession malheureusement si récente : pensez enfin que ces infractions si multipliées de tout ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes, ont fait tour-à-tour le malheur de tous les peuples, et que le plus grand de nos maux est d'être encore, malgré nos disgraces et l'utile leçon que vous voulez en tirer, un objet de défiance et de crainte pour tous ceux sur lesquels nous avons exercé des droits, que la fortune leur a donné la faculté d'exercer à leur

tour sur nous.

Forcés de nous soumettre aux maux que la Providence nous envoie, tournons nos regards vers le Roi que le ciel nous a rendu : nous partageons sa douleur; imitons sa noble et touchante résignation. Il est personnellement P'objet de la confiance et de la vénération des peuples et des rois; sa magnanime constance a conquis pour nous l'amitié des souverains; cette amitié, si elle est aidée par notre prudence, par notre modération, et par notre fidélité à remplir les engagemens contractés, conquerra pour nous la confiance et l'affection de tous les peuples.

Nous avons assez ambitionné, nous avons assez obtenu la 'fatale gloire qu'on acquiert par le courage des armées et par les sanglans trophées de leurs victoires: il nous reste une meilleure gloire à acquérir; forçons les peuples, malgré le mal que l'usurpateur leur a fait, à s'affliger de celui qu'ils nous font; forçons-les à se fier à nous, à nous bien connaître, à ́se réconcilier franchement et pour jamais avec nous.

Je vais, Messieurs, vous donner lecture des deux conventions accessoires, dont l'une règle l'acquit des sommes annuelles qui doivent compléter le paiement de l'indemnité stipulée dans l'article 4 du traité principal, et l'autre détermine la forme et le mode de l'exécution de l'article`s relatif à l'entretien temporaire d'une armée étrangère sur nos frontières.

Après des discussions longues et soutenues, où des demandes plus exorbitantes encore nous avaient été faites et

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ont été enfin retirées, celles qui vous sont communiquées, nous ont été présentées comme un ultimatum, et les considérations les plus urgentes et les plus impérieuses nous ont fait une loi d'y souscrire.

Ces demandes sont certainement la partie la plus onéreuse, la plus dure et la plus pénible des stipulations que nous avons eu à discuter; et il suffit qu'on sache qu'elles ont été proposées à des Français, pour qu'on doive en conclure que la nécessité, et la nécessité la plus indispensable, a pụ seule les déterininer à y souscrire. Mais si, à l'exemple du Roi, que nous avons entendu, Messieurs, à l'ouverture de votre session, avec cet accent de franchise et de bonté qui sont les traits les plus saillans de son noble caractère, vous exprimer la profonde douleur dont son cœur est pénétré; si, dis-je, il peut nous être permis de rendre compte devant vous, et à la face de l'Europe, des impressions que nous aurons ressenties, je dirai qu'arrivés à cette période de la négociation la plus épineuse qui ait jamais exercé le zèle et éprouvé le dévouement des serviteurs d'un Roi malheureux, après avoir épuisé tous les moyens de discussion et de résistance que pouvaient suggérer la raison et cette politique prévoyante qui, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, devrait être la règle constante de la conduite des cabinets; voyant, d'une part, dans les dispositions des ministres des Puissances une détermination invariablement arrêtée; voyant, de l'autre, que la crise actuelle mettait incessamment en action sur l'étendue de la France le principe d'une oppression, d'un appauvrissement, d'une irritation, et enfin une suite de dévastations qui semblaient tous les jours s'accroître et prendre de nouvelles forces, nous avons jugé que si nous laissions cette crise se prolonger indéfiniment, il y allait du sort de la France, du sort même de ceux qui nous ont imposé de si grands sacrifices, et peut-être dẹ la destinée de l'ordre social en Europe.

Et c'est à la vue de tant de dangers que, sacrifiant sans

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