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CHAMBRE DES DEPUTÉS

SÉANCE DU JEUDI 5 NOVEMBRE 1896

SOMMAIRE.

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Procès-verbal MM. Chassaing, Vidal de Saint-Urbain. Excuses et demandes de congé. Communication d'une lettre par laquelle M. Bézine, élu sénateur, donne sa démission de député. Demande de renvoi à un mois d'une interpellation. Adoption. Dépôt et lecture, par M. Coutant, d'une proposition de loi portant ouverture au ministre de l'intérieur, sur l'exercice 1896, d'un crédit de 4 millions de francs, pour venir en aide aux ouvriers victimes du chômage. Adoption du projet de loi tendant à autoriser le département de l'Ain à s'imposer extraordinairement pour le service de l'assistance médicale gratuite. Ajournement de la prise en considération de la proposition de loi de M. Georges Berry et un grand nombre de ses collègues, tendant à faire créer, par les soins du ministre de la guerre, un signe distinctif destiné aux anciens combattants de la guerre franco-allemande 1870-1871. Discussion de l'interpellation de M. Jaurès sur l'action gouvernementale à Carmaux dans la journée et dans la soirée du 26 octobre: MM. Jaurès, le ministre de l'intérieur, le comte de Bernis, Millerand, Faberot, Goblet. Ordres du jour motivés 1o de M. Jaurès; 2o de M. Dulau; 3o de MM. Hubbard et Leydet; 4o de M. Cuneo d'Ornano; 5o de MM. Goblet, Mathé et Leydet. — Adoption, au scrutin, de l'ordre du jour de M. Dulau. Règlement de l'ordre du jour MM. BovierLapierre, le président du conseil, ministre de l'agriculture, Berteaux, du Périer de Larsan, Fleury-Ravarin, Mirman, Marcel Habert. Dépôt, par M. Charles-Roux, au nom de la commission du budget, d'un rapport sur le projet de loi portant ouverture d'un crédit extraordinaire de 881,000 fr. sur l'exercice 1896, pour les dépenses de l'exposition internationale de Bruxelles. Dépôt, par M. Vogeli, au nom de la commission du budget, de trois rapports: le 1er, sur le projet de loi concernant l'approbation des conventions passées par l'administration des postes et des télégraphes pour la location d'une partie de l'hôtel des postes de Marseille; le 2o, sur le projet de loi relatif à la construction d'un hôtel des postes et des télégraphes à Valence (Drôme); le 3o, sur le projet de loi relatif à la construction d'un hôtel des postes et des télégraphes à Cannes. Dépôt, par M. Michelin, d'une proposition de loi ayant pour objet de rendre obligatoire pour les départements l'hospitalisation des vieillards et des infirmes indigents. Dépôt, par M. Montaut (Seine-et-Marne) et plusieurs de ses collègues, d'une proposition de loi portant modification des dispositions de la loi sur les pensions civiles du 9 juin 1853 (tableau no 3 annexe de l'article 7, 3o section : Retraites des conducteurs des ponts et chaussées). Congés.

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PRÉSIDENCE DE M. HENRI BRISSON

La séance est ouverte à deux heures. M. Laroze, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de mardi dernier.

M. le président. La parole est à M. Chassaing sur le procès-verbal.

M. Chassaing. Le procès-verbal de la dernière séance me porte comme m'étant abstenu dans le scrutin sur l'ordre du jour présenté par M. Jaurès à la suite des interpellations sur les événements d'Arménie et dans le scrutin relatif au renvoi à un mois de l'interpellation de M. Rouanet sur les chemins de fer du Sud.

Je déclare avoir voté « pour » l'ordre du jour de M. Jaurès et «< contre » le renvoi à un mois de l'interpellation de M. Rouanet.

M. Vidal de Saint-Urbain. Dans le scrutin qui a eu lieu, à la dernière séance, sur l'ensemble du projet de loi portant ouverture d'un crédit extraordinaire de 1 million pour secours aux victimes des inondations, 1896.-DÉP. SESS. EXTR.- ANNALES, T. UNIQUE. (NOUV. SÉRIE, ANNALES, T. 59.)

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je suis porté au Journal officiel comme
m'étant abstenu ». Je déclare avoir voté
<< pour ».

M. le président. Il n'y a pas d'autres ob-
servations sur le procès-verbal?...
Le procès-verbal est adopté.

EXCUSES ET DEMANDES DE CONGÉ

M. le président. MM. Arnous, Jacquemin et Mercier (Haute-Saône) s'excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour et demandent des congés.

Les demandes seront renvoyées à la commission des congés.

DÉMISSION D'UN DÉPUTÉ

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rencontré que des sympathies, et je vous prie de vouloir bien exprimer à mes collègues, qui, par deux fois, m'ont nommé membre du bureau de la Chambre, mes sentiments de bien vive gratitude.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'hommage de mon profond respect.

"PAUL BÉZINE.

« Paris, le 4 novembre 1896. »

Acte est donné de cette démission, qui sera notifiée à M. le ministre de l'intérieur.

DEMANDE DE RENVOI D'UNE INTERPELLATION

M. le président. M. Paulin-Méry demande le renvoi à un mois de l'interpella

M. le président. J'ai reçu de M. Paul tion qu'il a déposée le 27 octobre sur le Bézine la lettre suivante :

<< Monsieur le président,

« Appelé par le département de l'Yonne à faire partie du Sénat, j'ai l'honneur de vous adresser ma démission de membre de la Chambre des députés.

« Ce n'est pas sans regrets que je quitte une Assemblée où, pendant sept ans, je n'ai

maire du 13° arrondissement de Paris.

Il n'y a pas d'opposition?...

Le renvoi à un mois, c'est-à-dire au 27 novembre, est prononcé.

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. La parole est à M. Coutant pour déposer une proposition de loi

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en faveur de laquelle il a l'intention de demander l'urgence.

M. Coutant. Messsieurs, le Gouvernement n'a pas encore déposé le projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire, sur l'exercice 1896, pour couvrir les frais des fêtes et de la réception de l'empereur de Russie; mais M. le ministre des finances a bien voulu me dire à combien se monteraient les dépenses pour les fêtes précitées. Nous avons cru, mes amis et moi, devoir, dès aujourd'hui, déposer sur le bureau de la Chambre une proposition de loi tendant à l'ouverture d'un crédit, pour les ouvriers en chômage, d'un chiffre égal à celui des dépenses qui ont été faites pour la réception du tsar. (Mouvements divers.) Notre demande permettra à la commission du budget, j'en ai la ferme conviction, d'ajouter aux crédits qui lui seront demandés par le Gouvernement la somme que nous sollicitons pour les ouvriers en chômage.

Personne n'ignore, je suppose, dans cette Assemblée que le développement du machinisme et de l'outillage moderne jette chaque jour un nombre plus élevé de travailleurs dans cette galère qu'on nomme le chômage. (Rumeurs au centre.)

Je sais bien qu'il ne vous convient pas, messieurs, qu'on parle ici des ouvriers. Sur plusieurs bancs. Mais si! — Parlez! M. Coutant. Devant ce fait indéniable, nous avons pensé, dis-je, au lendemain des fètes franco-russes, qu'il appartenait à un gouvernement républicain, à une Chambre qui parle si souvent d'améliorer les raports entre le capital et le travail, de ven ir en aide aux ouvriers français victimes de chômage.

Et, messieurs, permettez-moi de dire sans acrimonie - car il est bon de le faire connaître à cette Assemblée - que pendant les fêtes franco-russes, si l'on a clos la Bourse pour les financiers, on n'a pas pour cela fermé les études d'huissiers pour les travailleurs en chômage, car, à cette heure, le Mont-de-Piété et ses annexes se remplissent d'objets nécessaires à tout foyer familial. Oui, à cette heure, beaucoup de travailleurs sont obligés de coucher sous les ponts (Exclamations sur divers bancs) et dans les asiles de nuit.

Cela vous étonne! Consultez les statistiques, mêmes officielles.

L'hospice est leur dernier refuge et un grand nombre de travailleurs préfèrent, pour eux et leur famille, le suicide à la triste situation qui leur est créée par la centralisation excessive de la petite industrie en un nombre de mains toujours plus petit. Est-ce que les statistiques du travail ne vous le disent pas? Voici ce qu'on lisait, ces jours derniers, dans plusieurs journaux. (Interruptions sur divers bancs.)

Il semblerait vraiment qu'on ne puisse pas parler des ouvriers dans cette enceinte! Plusieurs membres au centre. Nous aussi, nous représentons les ouvriers! Vous n'avez pas le monopole de la représentation des ouvriers!

M. Coutant. C'est possible; mais j'en re- | le Gouvernement vous eût démontré que présente, pour ma part, plus de dix mille. votre ratification constituait un acte de paVoici ce qu'on lisait, il y a quelques jours, triotisme bien entendu. Le patriotisme dans un journal républicain, la Petite Répu- consiste-t-il seulement à faire étalage de la blique, résumant le bilan des suicides pen- force armée devant des souverains étrangers et à organiser des fêtes coûteuses où << Cela fait, si nous savons bien compter, l'on dépense dans un jour de quoi nourrir 27 suicides en 22 jours. »

dant le mois d'octobre :

Et l'Intransigeant, du 2 novembre, constate de son côté trois suicides dans la même journée.

C'est

pour

remédier à ces misères, pour calmer quelques douleurs ouvrières, je dirai même pour essayer de désarmer quelques légitimes colères, que nous avons pensé, mes amis et moi, à déposer une proposition de loi tendant à ouvrir, en faveur des ouvriers en chômage, un crédit égal à la somme dépensée pour la réception de somme dépensée pour la réception de l'empereur de Russie.

Je vais avoir l'honneur de vous lire l'exposé des motifs de notre proposition de loi, qui est signée par MM. Edouard Vaillant, Arthur Groussier, Dejeante, Walter, Chauvière, René Chauvin, Gustave Rouanet, Bonard, Jules Guesde, Gérault-Richard et par

moi.

Cet exposé des motifs est ainsi conçu : Messieurs, dans la séance du 30 janvier 1894, un de nos collègues, aujourd'hui ministre, déposait sur le bureau de la Chambre un rapport concluant au rejet de trois propositions tendant à l'allocation de se

cours à des ouvriers sans travail et à des familles victimes de sinistres maritimes, propositions faites par les citoyens Basly, Chauvin et Dejeante.

Un des principaux arguments du rapporteur pour justifier d'aussi dures conclusions consistait à faire observer que les auteurs de ces propositions de loi n'indiquaient aucune recette correspondante afin de couvrir les dépenses proposées.

C'est là un argument qui tient du lieu commun et dont ni l'esprit ni la lettre ne sont d'une rigoureuse observation, même pour les ministres.

En effet, ne voyons-nous pas, à chaque instant, voter des dépenses considérables, émanant de l'initiative des membres du Parlement, ou de l'initiative ministérielle, sans qu'on se donne la peine de nous indiquer des recettes correspondantes? Il n'est même pas rare de voir des ministres engager des dépenses sans consulter les élus de la nation. Sans vouloir remonter plus haut, le fait ne s'est-il pas présenté à propos des fêtes franco-russes? On parle d'une dépense de 4 millions, et je ne doute pas que s'il en eût fallu le double pour assurer, plus qu'elles ne l'ont été encore, la quiétude et la sécurité des hôtes de la France, le Gouvernement les eût dépensés sans hésiter, quitte à présenter la carte à payer après coup. On nous eut dit, le cas échéant, qu'il s'agissait d'un événement du plus haut intérêt national, et je suis certain, messieurs, que vous auriez ratifié une dépense de 8 millions, aussi bien qu'une de 4, pour peu que

des centaines de familles pendant un an! Non, messieurs, vous penserez comme nous que le patriotisme est plus large que cela et que c'est faire acte de patriote aussi que de penser à ceux de nos concitoyens que le froid et le chômage vont réduire à la plus grande misère dans quelques jours; c'est aussi faire œuvre de patriotisme que de soulager la mère de famille dont les privations ont altéré la santé, et de donner du pain à ces petits êtres qui grelottent dans les mansardes, d'où souvent on les expulse sans pitié pour cause de misère.

Nous serions bien coupables, messieurs, d'oublier que, pendant que Paris était en fête, les ouvriers de Lyon allaient demander du travail ou du pain au maire, M. Gailleton, et que ceux de Narbonne vous adressaient de leur côté une supplique pour obtenir des travaux. Vous devez comprendre aussi la situation désastreuse des verriers de Rive-de-Gier; celle, non moins intéressante, des ouvriers de la banlieue de Paris, où de nombreuses usines viennent d'être fermées, grâce au développement du machinisme qui ne sert qu'à quelques

financiers.

Les chiffres navrants publiés en septembre et octobre par le « Bulletin de l'Office du travail » sur le nombre des chômeurs ne confirment que trop les cris de détresse qui s'élèvent de toutes parts.

Ce n'est donc pas seulement pour célébrer la venue d'un empereur que le conseil municipal de Paris et le conseil général de la Seine ont voté, l'un 200,000 fr. et l'autre 40,000 fr. pour les indigents. Ces deux assemblées ont eu cette pensée éminemment démocratique de soulager, ne fût-ce qu'un instant, l'infortune des déshérités pendant que les heureux étaient en fête.

Nous pensons, messieurs, que vous voudrez, vous aussi, montrer à nos compatriotes que si vous prenez sans hésiter dans la caisse nationale 4 millions destinés à des fêtes et à des réjouissances, vous n'oubliez pas les misères créées par notre mauvaise organisation sociale, et que vous voterez d'urgence avec nous une somme égale destinée à être partagée entre tous les départements au prorata des misères à soulager.

Confiants dans votre esprit d'équité, nous déposons la proposition de loi suivante : «<< Art. 1er. Il est ouvert au ministère de l'intérieur, à titre de crédit supplémentaire au budget de 1896, un crédit de 4 millions de francs, au profit des travailleurs français en chômage.

«<< Art. 2. La répartition de cette somme aura lieu par les soins des conseils municipaux, assistés de délégations des syndicats ouvriers. >>

Messieurs, j'ai la ferme conviction que

vous accueillerez favorablement notre proposition de loi. Elle a pour but de venir en aide aux ouvriers français victimes du chômage. Sur les bons des indigents que l'Assistance publique a délivrés à Paris, elle a inscrit les mots « don de l'empereur de Russie ». Nous voulons, nous, et la Chambre voudra comme nous, que sur d'autres bons soient inscrits les mots, non pas « dons », mais « la République française aux ouvriers français en chômage ments à l'extrême gauche.)

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bat, la discussion sur la prise en considéra- | ritable luxe de précautions, qui dénote de la
tion de la proposition de loi de M. Georges part du Gouvernement ou de ses agents un
Berry et un grand nombre de ses collègues, singulier état d'esprit. Il s'agissait d'une
tendant à faire créer, par les soins du mi- fête ouvrière, d'inauguration, longtemps at-
nistre de la guerre, un signe distinctif tendue, d'une verrerie, qui avait été con-
destiné aux anciens combattants de la struite à l'aide des fonds de quelques dona-
guerre franco-allemande 1870-1871.
teurs généreux, pour une part, et, pour une
autre part, très large, avec des souscrip-
tions, par des tickets à quatre sous, d'un
grand nombre d'ouvriers français. C'était
une fête qui ne pouvait, à Albi même, pro-

Mais deux orateurs s'étant fait inscrire, un
débat doit donc se produire et, dans ces
conditions, il y aura lieu de fixer ultérieu-
(Applaudisse-rement la date de la discussion.

Je demande la déclaration d'urgence, monsieur le président, en faveur de notre proposition de loi.

M. le président. Monsieur Coutant, de toutes façons, votre proposition de loi sera renvoyée à la commission du budget et, dans ces conditions, il n'est pas utile de voter l'urgence.

M. Coutant. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Jules Méline, président du conseil, ministre de l'agriculture. Nous acceptons le renvoi de la proposition de loi à la commission du budget. Mais si la Chambre devait voter sur l'urgence, le Gouvernement interviendrait.

M. le président. La proposition de loi sera imprimée, distribuée et, d'un commun accord, renvoyée à la commission du budget. (Assentiment.)

ADOPTION D'UN PROJET DE LOI
D'INTÉRÊT LOCAL

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion d'un projet de loi tendant à autoriser le département de l'Ain à s'imposer extraordinairement pour le service de l'assistance médicale gratuite.

Personne ne demande la parole ?... Je consulte la Chambre sur la question de savoir si elle entend passer à la discussion de l'article unique du projet de loi. (La Chambre, consultée, décide qu'elle passe à la discussion de l'article unique du projet de loi.)

à

« Article unique. Le département de l'Ain est autorisé, conformément à la demande que le conseil général en a faite, s'imposer extraordinairement, pendant l'année 1897, 436 millièmes de centime additionnels au principal des quatre contributions directes, dont le produit sera et restera exclusivement applicable aux dépenses du service de l'assistance médicale gratuite mises à sa charge par la loi du 15 juillet 1893.

« Cette imposition sera recouvrée indépendamment des centimes extraordinaires, dont le maximum est fixé chaque année par la loi de finances, en vertu de la loi du 10 août 1871. »

M. Georges Berry. Je demande la pa- voquer aucune émotion excessive. Il n'y a role, monsieur le président.

M. le président. Je ne puis vous la donner en ce moment. Quand la Chambre sera appelée à régler l'ordre du jour, vous pourrez demander la parole; mais, actuellement, je suis obligé de me conformer à la décision prise par la Chambre.

DISCUSSION D'UNE INTERPELLATION

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de l'interpellation de M. Jaurès sur l'action gouvernementale à Carmaux dans la journée et la soirée du 26 octobre. La parole est à M. Jaurès, pour développer son interpelation.

M. Jaurès. Je prie la Chambre de m'excuser si je suis obligé, pour préciser les responsabilités politiques du Gouvernement dans les événements de Carmaux, d'entrer dans un détail minutieux et qui, trop souvent, je le crains, pourra vous paraître fastidieux.

Mais il importe, à côté des débats nécessaires sur la politique générale et sur les directions essentielles de cette politique, de saisir par quelques exemples précis quelle est l'action du Gouvernement. M. le ministre de l'intérieur, à coup sûr, a reçu à cette heure les renseignements qu'il attendait, et il nous opposera sans doute les résultats de l'enquête qu'il a tout naturellement fait conduire par ses agents. Messieurs, j'apporterai à la tribune des faits que j'ai vus ou que j'ai soigneusement contrôlés. Je les apporterai sous ma responsabilité propre, et, de plus, vous me permettrez bien d'invoquer à l'appui de mes affirmations le témoignage de mes collègues et amis présents à Carmaux, MM. Vaillant, Sautumier, Walter, Faberot, Antide Boyer, Carnaud, et aussi le témoignage des représentants de plusieurs grandes municipalités

de France.

Au reste, messieurs, des délégués très nombreux de la France ouvrière tout entière étaient présents, et je crois qu'il sera difficile aux uns ou aux autres, même dans l'entraînement de la passion, même dans le parti pris politique, d'arriver à fausser définitivement dans les esprits les

(L'article unique est mis aux voix et faits qui se sont passés là-bas. adopté.)

AJOURNEMENT DE LA

DISCUSSION

Et d'abord, messieurs, dès la veille même, dès le jour de l'inauguration de la verrerie ouvrière, le dimanche 25, à Albi nous avons trouvé devant nous un véritable luxe M. le président. L'ordre du jour appelle- je ne veux pas dire parce que je ne le rait, sous la réserve qu'il n'y aurait pas dépense pas de provocations, mais un vé

D'UNE PROPOSITION DE LOI

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pas, en effet, à Albi, une population industrielle considérable, et le Gouvernement ne pouvait pas redouter je ne sais quelle effervescence d'enthousiasme.

D'autre part, nos ennemis mêmes, à Albi, avaient été frappés depuis plusieurs mois de la courageuse attitude des verriers se transformant en menuisiers, maçons et charpentiers et construisant eux-mêmes leur usine. Ils y étaient entourés, je vous l'assure, de la part de toutes les classes de la population d'Albi, d'une véritable sympathie.

Il était tout naturel que Rochefort, qui avait apporté les premiers 100,000 fr., vìnt constater l'emploi qu'on en avait fait; il était très naturel aussi, messieurs, que moi-même, qui avais dépensé à cette œuvre beaucoup de temps et d'efforts, j'aille assister à cette fête d'inauguration, et il était plus naturel encore que les représentants des syndicats ouvriers et des coopératives de France vinssent y participer. On ne pouvait donc attendre à Albi qu'une véritable unanimité de sentiments heureux et de dispositions conciliantes et pacifiques.

Pourtant, messieurs, dès le matin du 25, l'accès de la gare était rigoureusement interdit à ceux de nos amis qui voulaient venir nous attendre, et quatre-vingts gendarmes à cheval gardaient l'entrée de la gare.

Lorsque nous sommes arrivés, c'est sous leur conduite, dont on ne dira pas, j'imagine, qu'elle était destinée à nous protéger, c'est sous leur conduite, dis-je, que nous avons été jusqu'au cœur même de la ville et, le mème jour, toutes les troupes d'Albi, les troupes de l'armée active et de l'armée territoriale étaient consignées dans les casernes, comme si une fête pacifique d'inauguration ouvrière équivalait à un veritable péril de commotion sociale.

Voici un détail que je n'ai pu contrôler sur place, que je crois exact, mais je le livre à M. le ministre de l'intérieur pour qu'il s'en informe des territoriaux, casernés à ce moment à Albi, m'ont adressé des lettres signées affirmant que, durant cette journée, où on a retenu dans la caserne tous les soldats d'Albi, dans les chambrées les officiers et sous-officiers instructeurs ont passé le temps à apprendre aux soldats la théorie de leur devoir contre les foules émeutières (Mouvements divers), à bien leur persuader qu'en aucun cas, quels que puissent être les parents ou amis présents dans cette foule, ils ne devaient hésiter,

sur l'ordre des chefs, à faire le coup de feu. (Rumeurs sur divers bancs.)

Voilà la leçon qu'on jugeait opportune de donner aux soldats de France, aux ouvriers et paysans, camarades de ceux qui fêtaient pacifiquement l'inauguration de la verrerie. ouvrière!

M. le président. Messieurs, veuillez garder le silence et permettre à l'orateur de s'expliquer.

M. le comte de Bernis. M. Jaurès ne chanterait pas la Carmagnole, ici!

Vous

M. Dejeante. Pourquoi pas ? Si
ne la connaissez pas, ce serait une occa-

(M. Louis Barthou, ministre de l'intérieur, sion de vous l'apprendre. fait un signe de dénégation.)

En tout cas, monsieur le ministre de l'intérieur, puisque vous m'opposez un signe de dénégation, est-ce que le seul fait de consigner ce jour-là dans les casernes toutes les troupes de la garnison n'est pas d'une signification morale déplorable? Ne signifie-t-il pas que vous voulez peser sur l'esprit des ouvriers de toute la force armée? Ne signifie-t-il pas que vous voulez créer entre l'armée et les ouvriers un état

perpétuel de défiance, et au moment même où les ouvriers célèbrent une fête pacifique, mettre la partie ouvrière de l'armée sous un véritable harnais de guerre civile ? Voilà

ce qui est détestable dès le premier jour et voilà la caractéristique de l'attitude gouvernementale! (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Il est vrai qu'à la même heure, lorsque la cloche de Sainte-Cécile et celle de SaintSalvy sonnaient pacifiquement deux

res...

D'habitude, quand les préfets veulent se substituer aux fonctions qui appartiennent normalement au maire, ils daignent au moins le prévenir; ils lui demandent quelles mesures il compte prendre pour sauvegarder l'ordre; ils l'informent ensuite que ces mesures ne lui paraissent pas suffisantes ou que le maire n'est pas en état de

M. le comte de Bernis. Oh! nous la connais- faire respecter l'ordre efficacement.
A Carmaux, que s'est-il passé? Voici le
témoignage du maire :

sons.

M. Jaurès. Je suis heureux de la bonne
humeur que la Chambre témoigne à cette
occasion; elle me montre que, malgré tout,
elle ne voudra pas se prêter à la tactique
de diversion un peu enfantine que les jour-
naux officieux paraissent conseiller depuis
quelques jours au Gouvernement. Nous ve-
nons lui demander pourquoi il s'est com-
mis des violences à Carmaux, pourquoi la
loi y a été violée? Et les conseillers ordi-
naires du Gouvernement lui disent: Il n'y a
qu'une question à poser à la Chambre :
Etes-vous pour » ou «< contre » la Carma-

gnole? (Applaudissements et rires à l'ex-
trême gauche.)

« Je soussigné, Jean Calmettes, adjoint faisant fonctions de maire de la commune de Carmaux, par empêchement de ce dernier, déclare ce qui suit:

"Ayant appris dans les journaux du 25 octobre que l'on avait fait distribuer des sifflets à la verrerie et aux enfants des écoles, et qu'on se disposait à ne laisser pénétrer personne dans la rue de la Gare, à l'arrivée du train de six heures dix minutes du soir, que seuls ceux qui seraient porteurs d'un sifflet auraient accès aux alentours de la

gare, j'ai fait appeler le commissaire de police le lendemain à trois heures du soir et je l'ai mis au courant de tout ce qui se préparait.

Messieurs, il s'agit d'une question de légalité républicaine et d'une question de « Je l'ai prié de se trouver à mes côtés politique générale, et non d'une discussion critique sur le répertoire des chansons ré- dans la soirée pour maintenir l'ordre dans heu-volutionnaires. Quoi qu'il en soit, si l'on la rue. Il m'a alors déclaré qu'il ne pouvait insistait, je me bornerais à vous rappeller pas m'obéir, ayant reçu des instructions à un simple souvenir : il y a cinq ans, lorsque ce sujet. Il m'a même dit qu'il m'enlevait M. Victorien Sardou produisit contre la Ré-les agents municipaux et que, dans le cas où

M. Dejeante. Ce n'étaient pas les vêpres

siciliennes !

M. Jaurès.... il s'est produit à Albi un événement très grave, qui justifie toutes les précautions prises là-bas, toutes les violences à Carmaux, et ici tous les ordres du jour de confiance dans le Gouvernement. Il s'est trouvé qu'à ce moment-là — et depuis quelques jours dans les polémiques de presse ce fait est devenu, en quelque sorte, le centre de la question, du banquet d'inauguration de la Verrerie, nous avons, messieurs, suivant l'usage des réunions carmausines, depuis la grande grève des mineurs, chanté la Carmagnole à Albi. (Applaudissements à l'extrême gauche. Mouvements divers.)

-

- à la fin

Voix nombreuses au centre et à droite. Bis! bis! (On rit.)

M. Faberot. On crie bien: Vive le roi! dans certains pays.

M. Gérault-Richard. Ces messieurs vous

prennent pour un financier; ils veulent vous faire chanter. (Très bien! très bien! el rires à l'extrême gauche.)

M. Jaurès. Vous me criez: bis! J'aurais peur de ne pas pouvoir compter suffisamment sur vous pour le refrain. (Nouveaux applaudissements à l'extrême gauche.

On

volution une diatribe dont on a eu bien ils se refuseraient à marcher, ils seraient
tort, à mon sens, de s'émouvoir (Très bien! | révoqués dans les quarante-huit heures.
très bien! à l'extrême gauche et sur divers
bancs à gauche), M. Clémenceau a apporté
à cette tribune, en lui donnant une force
nouvelle, la parole décisive de Renan : « La

Révolution est un bloc. » Et si vous nous

(Exclamations à l'extrême gauche.) Il me pré-
vint aussi que l'accès de la gare me serait
interdit. » (Nouvelles exclamations à l'ex-
trême gauche.)

M. Dejeante. Le voilà, l'ordre !
M. Jaurès. Voilà, messieurs, les procé-

pressiez, messieurs, si vous vouliez déplacer
la question de Carmaux et la transformer dés de décentralisation et de liberté ! (Rires
en une discussion rétrospective sur la Car-ironiques sur les mêmes bancs.)
magnole, je pourrais vous montrer que c'est
avec les plus grandes et les plus nobles
journées de la Révolution qu'elle a fait bloc.
(Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)
Mais, messieurs, je n'insiste pas et j'espère
que vous n'insisterez pas davantage.

M. le comte de Bernis. La chanson et la conférence, c'est complet! (Exclamations à l'extrême gauche.)

M. Jaurès. Je demande done au Gouvernement d'abord pourquoi, dès le lendemain 26, il a dessaisi de la police la municipalité de Carmaux. Est-ce simplement parce qu'elle est une municipalité socialiste? Elle est régulièrement élue. L'ancien maire Calvignac, que vous avez révoqué, a été remplacé par un autre. Il y a à l'heure actuelle, à la tête de la commune de Carmaux, une municipalité contre laquelle vous ne pouvez invoquer aucun grief d'ordre légal; et cependant, messieurs, vous qui parlez toujours de décentralisation et de liberté communale, vous avez, sans autre C'est le refrain que vous avez chanté, n'est- raison que son attitude politique, enlevé à ce pas ? la municipalité de Carmaux le droit de M. Chenavaz. Cela vaut bien le Sacré- maintenir l'ordre conformément à la loi. Et Cœur! dans quelles conditions, messieurs?

rit.)

M. le comte de Bernis.

Les barons au bout du canon,

Les marquis au bout du fusil !

M. le comte de Bernis. Vous agiriez de même envers nous si vous étiez au pouvoir! Rappelez-vous la Commune!

M. Jaurès. Comme le maire exprimait son étonnement, le commissaire de police ajouta: «Du reste, monsieur le maire, je suis chargé de vous avertir que, pour quarante-huit heures, Carmaux est en état de siège.» (Exclamations à l'extrême gauche et sur plusieurs bancs à gauche.)

M. le comte de Bernis. Je demande la

parole.

M. Faberot. Je demande aussi la parole. M. Jaurès. Très étonné, dis-je, le maire télégraphie au préfet d'Albi :

« Mon commissaire de police me déclare que Carmaux est en état de siège pour une durée de quarante-huit heures. Une telle déclaration ne pouvant avoir de valeur légale que signifiée par mon chef hiérarchique, je vous demande, si le fait est vrai, de me le confirmer. >>

Messieurs, l'impression qu'on cherchait à produire était produite, et éludant la question précise, qu'en termes très corrects, il me semble, le maire de Carmaux lui adressait, M. le préfet lui répondit, le soir:

rageusement pour leur indépendance et leur dignité, sans atteindre en même temps d'autres intérêts respectables et sans menacer peut-être les ouvriers qui ont trouvé un abri dans l'usine même de M. Rességuier.

« Les incidents qui se sont antérieure- | tion qui rendit nécessaires les précautions | d'abri à des hommes qui ont lutté coument produits à Carmaux et l'état de surexcitation particulière des esprits qu'accuse le ton des divers placards apposés dans cette ville m'ont amené à donner à M. le commissaire de police les ordres les plus sévères pour le maintien rigoureux de l'ordre public pendant la soirée de ce jour... (Très bien! très bien! au centre et à droite.)

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« C'est dans ce but que d'importantes forces supplétives y ont été concentrées. » (Très bien! très bien! sur les mêmes bancs. - Rumeurs à l'extrême gauche.) Messieurs, encore une fois, car là est la question, pourquoi donc l'autorité préfectorale a t-elle cru devoir se substituer, pour le maintien de l'ordre à Carmaux, à l'autorité municipale? Est-ce que, depuis quelques jours, depuis que la fête de l'inauguration de la verrerie à Albi et la conférence des députés socialistes à Carmaux étaient annoncées, il y avait, soit de la part de la municipalité socialiste, soit de la part du parti socialiste de Carmaux, la moindre provocation, la moindre apparence de violence, le moindre propos inquiétant pour le pouvoir et pour l'ordre public?

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Oui, il y avait eu des placards, ceux auxquels M. le préfet fait allusion; mais je dois dire à la Chambre et nos collègues de la région du Midi le savent déjà — que le premier placard apposé et il était contre nous d'une extrême violence l'avait été par les soins de nos adversaires qui dénonçaient notre venue à Carmaux comme une provocation, qui nous qualifiaient en termes injurieux et qui invitaient la population à nous faire l'accueil que nous méritions.

A l'extréme gauche. Lisez-le! M. Jaurès. Je n'ai pas apporté ce placard. M. le ministre de l'intérieur l'a peut-être entre les mains. A coup sûr, la Chambre serait frappée du ton de violence dans lequel il est conçu. M. le ministre ne contestera certes pas et je tiens à ne pas allonger inutilement ce débat sur ce point que ce soit le premier placard apposé. M. le ministre de l'intérieur fait un signe d'assentiment.)

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M. le ministre me fait un signe d'assentiment. Il ne contestera pas non plus que ce placard est conçu en termes violents.

(M. le ministre de l'intérieur fait un nouveau signe d'assentiment.)

Eh bien! messieurs, par qui donc était rédigé ce placard? Par le cercle de nos adversaires, de nos ennemis, par le cercle des républicains progressistes.

Et de ce cercle sont membres actifs, précisément, le lieutenant de gendarmerie et le commissaire de police de Carmaux. En sorte que le Gouvernement allait remettre, à l'insu du maire et contre lui, l'entière disposition de l'ordre public, à Carmaux, à ceux-là mèmes qui étaient responsables du placard, et du seul placard qui constitue une menace de désordre! (Exclamations à Textreme gauche.)

Est-ce qu'il y avait à Carmaux, malgré ces affiches, un état général de fermenta

prises par M. le préfet? A coup sûr, et nous n'avons aucun intérêt à le dissimuler, - depuis plusieurs mois le transfert de la Verrerie ouvrière à Albi avait causé dans une très grande partie de la population de Carmaux un mécontentement très vif. Elle ne comprenait pas qu'après avoir supporté à côté des verriers les souffrances de la grève, elle n'eût pas le bénéfice matériel et le bénéfice politique de la verrerie ouvrière qui allait se construire. - Et, à ce propos, permettez-moi de le dire, messieurs, lorsque les verriers de Carmaux, à la fin de la grève, acculés, par la résistance de M. Rességuier, à la construction d'une verrerie ouvrière, pensèrent que le terrain le plus favorable serait le terrain d'Albi, ils m'en avertirent, et ils me dirent : « Oui, notre intérêt serait d'aller à Albi, mais cela peut personnellement vous faire du tort en vous privant d'abord d'un certain nombre de nos amis et en indisposant contre nous la population de Carmaux.›

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Je leur répondis et je demande à la Chambre la permission de m'en honorer que je les priais, s'il n'y avait, entre les conditions économiques d'Albi et celles de Carmaux qu'une différence peu sensible, de rester à Carmaux; que leur départ serait pour tous nos amis comme pour moi une douloureuse épreuve, mais qu'ils ne devaient tenir aucun compte, dans le choix définitif qu'ils feraient, ou de mes convenances personnelles, ou de la situation électorale de Carmaux; qu'ils devaient tenir compte uniquement de leurs intérêts de producteurs. Et ils me firent l'honneur, messieurs, de penser que je parlais sérieusement. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

C'est dans le même esprit que nos amis, que mes amis socialistes chargés de servir d'arbitres dans cette question du terrain entre Albi et Carmaux ont prononcé courageusement leur sentence. Et c'est nous, messieurs, qu'on accuse d'avoir été là des excitateurs et des agitateurs ! Mais les excitateurs, ce sont ceux qui, au mépris de l'intérêt général des ouvriers eux-mêmes, ont essayé d'animer contre nous les intérêts locaux et les intérêts particuliers des débitants et des fournisseurs. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Ce sont ceux-là qui ont fait œuvre de démagogues; mais c'étaient des démagogues de gouvernement (Sourires sur les mêmes bancs), et à ceux-là tout est permis. (Nouveaux applaudissements et rires sur les mêmes bancs.)

Il y avait encore, dans le personnel que M. Rességuier avait amené pour remplacer les ouvriers exclus par lui, quelque animation contre nous; et, pour le dire en passant, c'est là, messieurs, un des signes les plus frappants]de l'état d'anarchie et d'antagonisme de la société présente qu'on n'y puisse essayer de faire un peu de bien sans être exposé en même temps à faire du mal, qu'on ne puisse essayer de construire une verrerie ouvrière, qui servira

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Mais nous ne sommes pas responsables de cet ordre de choses, et la population de Carmaux l'avait si bien compris, elle était si peu disposée contre nous à des violences que l'autorité municipale n'aurait pas pu réprimer, que, dans toutes les élections successives, elle avait continué à donner la majorité aux candidats de notre parti; que, lorsque nos amis les arbitres ont lu courageusement devant 3 ou 4,000 Carmausins la sentence qui transportait la verrerie à Albi, il y a eu, à coup sûr, des protestations véhémentes, mais il ne s'est produit aucun acte de violence.

Et la preuve, monsieur le ministre de l'intérieur, qu'il n'y avait pas là un soulèvement spontané de la population, la preuve que vous n'aviez pas le droit, comme l'ont dit quelques journaux, de craindre pour nous et d'étendre sur nos personnes une protection qui a été singulièrement dangereuse, c'est qu'il a fallu, à cette prétendue spontanéité de colère dans la population de Carmaux, fournir une organisation patronale d'abord, et ensuite une organisation gouvernementale.

Organisation patronale! Messieurs, il s'est produit un fait sur lequel j'appelle l'attention des esprits vraiment conservateurs de cette Assemblée. M. Rességuier, irrité contre nous et c'est son droit - de la longue lutte soutenue, irrité aussi et peut-être inquiet du succès probable de la verrerie ouvrière, tenait à ce que nous fussions mal reçus à Carmaux, c'est encore son droit. Mais dans quelles conditions a été organisée la manifestation contre nous ? A-t-on simplement conseillé, avec quelque discrétion, aux ouvriers qui constituent la garde de M. Rességuier à l'heure actuelle, de manifester contre nous ? Messieurs, c'est dans l'usine même, c'est pendant le travail que les sifflets ont été distribués aux ouvriers par les contre maitres de l'usine; et, permettez-moi de vous le dire, messieurs, si vous voulez bien y rófléchir, c'est là pour nous, si nous en avions besoin, la meilleure des revanches.

Voilà une lutte qui n'avait pas manqué de grandeur, entreprise par un grand patron obstiné pour raffermir, disait-il, l'autorité patronale menacée, pour exclure de l'usine tous les syndiqués qui y mélaient, prétendait-il, une funeste agitation politicienne; et voilà le même grand patron, gardien de l'autorité patronale dans tout le pays de France, qui, pour satisfaire sa rancune contre ceux qui ont lutté contre lui, ne craint pas d'organiser pendant le travail et dans son usine une véritable manifestation politicienne, ravalant ainsi l'autorité patronale (Applaudissements à l'extrême gauche) comme jamais peut-être elle ne l'avait

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