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Genfure que quel

qui me délivrera de ce corps de mort? Oferois-je ajoûter avec vôtre Apôtre, ô mon Dieu, que ce fera vôtre grace toute-puifante Delà elle prend occafion de s'humilier, & de rejetter toutes les louanges qu'Abeillard lui avoit données dans fa précédente Lettre. Elle s'accufe d'être une hypocrite, puifqu'elle n'eft rien moins aux yeux de Dieu, que ce qu'elle paroît, aux yeux des hommes. Ceux-ci, dit-elle, me regardent comme une Sainte, & publient par-tout que je fuis un Ange: mais ils ne font pas réflexion que la chafteté eft plus une vertu de l'efprit corps. Ainfi j'ai beau être continente à l'extérieur, fi mon cœur n'est chafte, je ne mérite que le nom de proftituée. Elle finit en demandant à Abeillard le fecours de fes prieres.

que de

Quelques Auteurs (a) ont blâmé ques Cri- Cette Lettre, & l'ont trouvée trop tiques hardie pour une femme Religieufe, & de cette pour une Abbeffe. Ils veulent qu'He Lette. loife ait manqué de prudence en dé

ont faite

couvrant fes foibleffes, & faifant connoître des paffions dont on ne devroit jamais parler, ainfi que faint Paul,

(a) Ces Auteurs font quelques Théologiens de Paris, qui ont cenfuré les œuvres d'Abeillard. On voit cette confure à la tête de fes œuvres imprimées.`

difent

difent-ils, le recommande à tous les Chrétiens. Mais ils ne font pas réflexion que c'est une femme qui parle à fon mari, une fille à fon pere fpirituel, une pénitente à fon directeur; qu'elle ne parle de ces chofes que pour s'humilier, & lui demander des fecours auprès de Dieu, d'autant plus puiffans qu'elle croïoit en avoir plus de befoin; qu'elle en parle à un homme qui n'étoit plus fufceptible de ces foibleffes; qu'elle en parle enfin, comme elle en parleroit à un Confeffeur, ne pouvant pas prévoir qu'un jour fa Lettre pafferoit à la postérité. Mais fi l'aïant prévû, elle n'a pas laiffé de mettre ces chofes par écrit, il faut dire que fa vertu étoit bien grande, & que fon humilité alloit au-delà des bornes ordinaires, puifqu'à peine voïons-nous que les plus grands Saints aïent ainfi découvert leurs foibleffes à tout l'Univers. Au refte on voir encore tous les jours des perfonnes de piéte, fur-tout quand elles font éloignées ou enfermées rendre compte par écrit à leur Directeur de ce qui fe paffe de plus fecret dans leur ame, fans qu'on y trouve à redire & je ne vois pas pourquoi on veut faire un crime à Heloïfe, de ce qui pafferoit pour vertu dans une autre. Tome II.

C

lard à la

Lettre

d'Heloï

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Réponse La réponse d'Abeillard à cette fed'Abeil conde Lettre d'Heloïfe, eft du même fecon le caractere que la précédente, c'est-àdire qu'il s'y foûtient toûjours avec cet air de fageffe & de gravité, qu'il avoit gardé avec Heloïfe depuis fa converfion. Il l'inftruit, il l'exhorte, il la confole, il n'oublie rien de ce qui pouvoit contribuer à la remettre dans la tranquillité d'efprit, qui fait tout le bonheur d'une véritable Religieuse, Heloife s'étoit plainte de ce qu'il l'avoit nommée la premiere dans l'inscription de fa Lettre contre la coûtume & la raifon, qui veulent que lorfqu'on écrit à un inférieur, fon nom ne foit qu'après celui de la perfonne qui écrit: & Abeillard lui fait remarquer qu'étant devenue l'Epouse de Jefus-Chrift fon maître, elle étoit, fuivant l'expreffion de faint Jerôme, fa Dame & fa Maîtreffe; & qu'ainfi il avoit eu raifon de la nommer la premiere. Mais après ce petit compliment qui eft tout fpirituel, il en prend occafion de lui donner d'admirables inftructions, fur les vertus que doit avoir une Epoufe de Jefus-Chrift; il les tire la plupart du Cantique des Cantiques dont il fait des applications très-juftes, & qui conviennent parfaitement au su

jet qu'il traite. Il lui reproche à fon tour fon peu de foi, de s'abandonner ainfi à une douleur exceffive pour lui avoir parlé de fa mort, & du danger où il étoit exposé par la malice des hommes, de perdre la vie, quoiqu'il ne l'ait fait que parce qu'elle l'en avoit prié mais il lui fait remarquer que a elle l'aimoit autant qu'elle dit, elle devroit au contraire fe réjouir de voir qu'il eft fur le point de quitter une vie auffi miferable, quecelle qu'on mene fur la terre; & qu'enfin Dieu qui a pitié de lui, veut le retirer de cette vallée de larmes pour le placer dans le fein de fa miséricorde. Il approuve fort le mépris qu'elle fait des loüanges; pourvû, dit-il, qu'il foit fincere, & que vous ne feigniez pas de les méprifer par un fecret orgueil, qui trouve fouvent fon compte à paroître humble aux yeux des hommes. Enfin après l'avoir priée de ne le plus plaindre d'un malheur qu'il a bien mérité par péchés, il la conjure non feulement de n'en plus parler, mais de n'y penser que pour remercier Dieu de la grace qu'il leur a faite à l'un & à l'autre de les retirer par cette voïe, du défordre où ils avoient été, pour mener une vie reglée, & le mettre lui-même en état

fes

VIII.

nard

d'exercer les fonctions du Sacerdoce dont il l'a honoré, avec plus de pureté, n'étant plus fujet aux miferes qui font comme inséparables de la corruption de nôtre nature. Il finit, en lui envoïant une priere très-devote qu'il avoit composée pour elle & pour lui, & lui confeille (a) de la réciter tous les jours avec toute l'attention qui lui fera poffible.

Sur ces entrefaites faint Bernard vint S. Ber- rendre vifite à Heloïfe, foit qu'il ne fit rend vi- que paffer pour aller ailleurs, foit que 1'Abber la réputation de cette illuftre Abbelle fe du Pa- l'eût attiré au Paraclet. Il arriva com

fite à

raclet. me on fonnoit Vêpres; & fe faifant un

au terme

fcrupule de l'empêcher par fa vifite d'y trouve affifter, il alla droit à l'Eglife. Mais il à redire fut extrêmement choqué, lorsque la de su Supérieure étant venue à prononcer perfubf tout haut le Pater nofter fur la fin de dont on P'Office, comme il fe pratique dans fe fervoit l'Ordre de faint Benoît, elle dit; clet. Donnez-nous aujourd'hui nôtre pain su

tantiel

au Para

(a) M. Dupin n'y penfoit pas, lorsqu'il a dit dans fon 12. fiécie. P. 373. que cette Oraifon devoit être récitée par les Religieufes du Paraclet. Il n'y a qu'à lire pour être convaincu du contraire. Elle commence ainfi 0 Dien, qui nous avez unis aurefois par les liens Jacrés du mariage, &c. N'auroit il pas été bien édifiant de voir toutes ces filles faire une telle priere, & déclarer publiquement que chacune d'elle étoit la femme d'Abeillard?

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