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Que si la tante en avait fait une condition commune aux époux, ce n'était pas dans la vue de la restreindre au seul effet que prétend aujourd'hui lui donner le sieur Hiernaux ;

Qu'il n'est pas même possible de supposer que la tante ait entendu faire dépendre son bienfait des événemens qui pourraient le rendre illusoire ou im praticable par les mauvais procédés que son mari, ou une seconde femme, seraient toujours les maîtres d'exercer envers sa nièce dans l'intérieur du mé nage, par le genre d'éducation auquel elle serait soumise, et les vexations auxquelles son existence onéreuse la mettrait en butte à un donateur tracassier, puisqu'il ne l'est plus d'après les sentimens de

son cœur.

L'appelante considérait d'ailleurs l'âge de sa fille, les dangers, ou tout au moins l'inconvenance d'abandonner son éducation à un célibataire dont l'alliance avait été dissoute par le décès de la tante;

Que s'il prenait une seconde épouse, le sort de sa fille ne serait pas moins à plaindre.

Que cependant, l'obligation subsistait, et que c'était aux magistrats à en fixer l'exécution, arbitrio boni vivi.

La veuve Duvivier citait plusieurs autorités, et entr'autres celles du nouveau Denizard et de Ferrière, verb. alimens., pour démontrer que la personne à qui il est dû des alimens, n'est pas tenue de vivre chez le débiteur.

. Le code civil (art, 210) n'autorise à prononcer le contraire que lorsque celui qui doit des alimens, justifie qu'il est dans l'impuissance de s'acquitter autrement qu'en recevant la personne dans sa demeure, et observons qu'il s'agit là d'obligations naturelles et réciproques entre ascendans et descendans.

Rien ne manifeste mieux combien le législateur témoigne d'éloignement sur ce mode d'acquitter une pension alimentaire : les inconvéniens en sont palpables.

Le sieur Hiernaux est loin d'être dans l'exception: outre sa fortune personnelle et son commerce, son épouse lui a fait de très-grands avantages, qui sont en partie le prix de l'affection de la tante pour sa nièce, et de l'engagement qui en a été la conséquence arrêtée dans les conventions matrimoniales.

Le sieur Hiernaux soutenait que ses offres étaient suffisantes.

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Il faut, repondait-il, interpréter le contrat de mariage, d'après ce qui s'était fait par la tante en viduité, pendant la communauté, et même depuis le décès de son épouse.

Désirée-Joséphine Duvivier était élevée chez sa tante durant son veuvage; en stipulant en sa faveur, les parties n'ont pu comprendre autre chose, que ce qui s'était fait jusqu'alors.

En effet, la nièce a été nourrie, entretenue et éduquée depuis le mariage, comme pendant la vidui té de la tante. Elle a continué de résider chez la

survivant sur le même pied depuis la mort de Marie-Joseph Malengré, ce qui explique l'intention des contractans.

Il invoquait la loi 22 ff. de ́alim. et cib. leg. et la loi 14, eod. tit.

Ces lois enseignent qu'à l'absence d'une détermination expresse, les pensions alimentaires s'acquittent selon ce qui se pratiquait auparavant de la part des donateurs.

:

Hiernaux ne s'était pas soumis à autre chose il n'a jamais entendu contracter l'obligation de placer Désirée-Joséphine Duvivier dans un pensionnat, et de lui donner une éducation distinguée, qui serait peu conforme à sa fortune.

Elle était à portée d'apprendre le commerce, et déjà elle avait reçu toute l'instruction nécessaire à cet égard elle devenait utile à ses bienfaiteurs, et à elle-même, par l'habitude du travail qui doit former la partie essentielle de son patrimoine.

Le sieur Hiernaux défiait la preuve de tous mauvais traitemens.

Il écartait l'idée des dangers que pourraient faire naître ses relations avec une jeune personne du sexe.

D'abord, parce que c'est une vanité chimérique dont le sentiment contraste avec la présomption de l'honnêteté ;

En second lieu, parce qu'il avait chez lui une sœur très-âgée, et d'une conduite vertueuse (il était remarié au moment de l'arrêt).

M.1 Mercx, substitut-procureur général, est entré dans les détails des inconvéniens attachés à la vie de Désirée-Joséphine Duvivier chez le sieur Hiernaux, devenu un étranger à son égard.

Il a relevé les fausses conséquences tirées par l'intimé, des lois 14 et 22 ff. de alim. et cib. leg.

Il n'était question dans ces lois que de régler des alimens légués, sans détermination de quotité; et, à la vérité, on prend pour base ce qui se pratiquait auparavant par le défunt; mais il n'y est pas dit, et il ne pouvait pas même y être dit, que le légataire serait tenu de les recevoir chez le donateur, puisqu'il s'agit d'alimens dus après sa mort.

La difficulté qui se présente doit donc se résoudre par d'autres principes.

Eh bien, la saine raison ne nous dit-elle pas que l'obligation dont il s'agit est née de l'affection particulière de la tante, et que si elle a pu s'exécuter même avec avantage pour désirée-Joséphine Duvivier pendant la vie de sa tante, il est impossible d'attendre les mêmes soins, la même tendresse et sur-tout les mêmes procédés de la part du survivant. Il est même difficile de ne pas prévoir qu'elle ne soit pas considérée comme un fardeau que l'on parviendrait à secouer, si elle restait nécessairement dans la dépendance du sieur Hiernaux. Ainsi, s'évanouirait le bienfait de la tante et l'obligation qu'elle a imposée à son mari, en cas de survie.

Aussi est-il certain, et la jurisprudence des arrêts nous atteste, que ces sortes de bienfaits ou de dettes

alimentaires se résolvent en prestation pécuniaire. Ce serait conserver une servitude personnelle que d'astreindre le créancier d'une portion alimentaire à la recevoir et à vivre, malgré lui, chez celui qui la doit, sauf les exceptions qui ont leur fondement dans les devoirs des époux ou des enfans.

Ici, se présentait, dit M.r Mercx, une autre considération.

Désirée-Joséphine Duvivier est placée sous la puissance et sous la tutèle de sa mère.

A qui appartient le soin de son éducation? N'estce pas à sa tutrice légitime? Sera-t-elle contrainte à l'abandonner à des mains étrangères ? Cette portion de l'autorité maternelle ne saurait être ravie sans offenser la nature et la loi. Il vaudrait mieux que la libéralité restât sans effet; que de compromettre le sort d'une jeune fille soustraite à la sollicitude de sa mère.

La Cour écartera dans sa sagesse l'un et l'autre de ces inconvéniens : elle réalisera l'intention de la tante, en estimant la valeur de son bienfait; elle remettra Désirée-Joséphine Duvivier entre les mains de sa mère. Ainsi se concilieront à-la-fois le respect dû aux contrats, à la puissance maternelle et à la loi.

Sur quoi,

« Attendu que l'objet de la nourriture, entretien «et de l'éducation convenable de Désirée-Josephe Du« vivier, stipulés dans le contrat de mariage du 23 ven

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