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Les élections et les assemblées des comitats furent encore plus orageuses qu'à l'ordinaire. Ainsi, dans le comitat de Marmara, l'élection des députés s'était passée d'une manière sanglante. La foule, divisée en deux partis, les Valaches et les Magyares, avait engagé un combat dans lequel ces derniers avaient été forcés de prendre la fuite. Le tocsin sonna bientôt; le feu mis à plusieurs maisons par les nobles menaçait de dévorer la ville tout entière. Il fallut avoir recours à la force armée. Les habitants, irrités contre les nobles, auteurs de l'incendie, se joignirent à la troupe et poursuivirent ces derniers, qui se retranchèrent derrière des barricades. Plusieurs morts et 200 blessés, tel fut le résultat de cette collision (26 avril).

Ces désordres se renouvelèrent (5 novembre) dans le comitat de Sjatomar, à Pesth et à Presbourg, mais excités cette fois par des jeunes gens irrités d'avoir vu remplacer par le comitat des députés de l'opposition.

Le gouvernement dut intervenir et, le 25 novembre, le grand écuyer de Hongrie, c'est-à-dire, l'autorité légalement chargée de la police de la diète, publia le manifeste suivant :

« Dans sa paternelle sollicitude pour empêcher tous les événements qui pourraient troubler le bon ordre, la tranquillité et la sécurité publique, dont le maintien est nécessaire au lieu où la diète est assemblée, l'empereur a daigné récemment ordonner que tous les altroupements en pleine rue, de jour ou la nuit, serort sévèrement défendus en ce lieu et ne seront plus permis, sous aucun prétexte. »

Il est important de signaler une des causes les plus générales de ces collisions : c'est une scission depuis longtemps manifestée entre les deux noblesses, la haute noblesse et la noblesse inférieure. Une des innovations réclamées avec le plus d'instance par les comitats, c'est l'application à la noblesse des charges de l'impôt foncier. La haute noblesse est disposée à consentir à cette innovation, mais la

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te noblesse inférieure la repousse de toutes ses forces. Voici les demandes les plus importantes que les comitats adressèrent aux deux Chambres. Ils désiraient que, lorsque les deux Chambres auraient voté deux fois un projet de loi, ce projet eût, par cela même, force de loi ; ils réclamaient lat, l'incorporation de la Transylvanie et de la Gallicie; l'introduction de la liberté de la presse, avec des lois restrictives de ses abus, et l'établissement d'un journal spécial des États, la publicité des débats judiciaires et la liberté de la the parole; en fait d'administration, l'abolition des prérogatives. royales du second ordre, le rachat volontaire ou forcé des the corvées, et, ceci s'adressait à la noblesse, la répartition égale de l'impôt foncier; par rapport aux questions religieuses, 1 l'établissement d'une église nationale hongroise; 2° le rachat volontaire ou forcé des dimes ecclésiastiques; 3° la sécularisation des biens du clergé et leur emploi à d'autres biens; 4° le renouvellement des réclamations déjà portées nau pied du trône et restées sans réponse. A cette catégorie

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appartenaient les plaintes sur les mariages mixtes. Le prêtre qui refuse de bénir une pareille union est condamné à une amende de 100 florins; 5° l'autorisation de contracter mariage devant l'officier de l'état civil; 6° la permission, pour les catholiques, de changer de religion et l'abolition de l'instruction, pendant six semaines, des prosélytes; 7° la jouissance des mêmes droits et priviléges pour toutes les confessions chrétiennes.

Enfin, dans le but d'assurer la sincérité de la représentation nationale, les députés étaient engagés à n'accepter, ni dans le cours de la session, ni immédiatement après, c'està-dire, dans l'espace de trois ans, aucun emploi public.

L'empereur fit, en personne, le 20 mai, l'ouverture solennelle de la diète hongroise dans Presbourg, par un discours prononcé en langue latine. Huit propositions royales furent soumises à l'assemblée. Quelques unes de ces propositions se rapportaient notamment à la position respec

tive des divers cultes, au droit des non-nobles d'acquérir des propriétés foncières, aux moyens de favoriser le commerce, etc.

Le 4 juillet, la diète vota l'adresse en réponse au discours d'ouverture. Cette adresse contenait un passage très-remarquable où il était fait allusion, dans les termes suivants, à l'influence que la Russie exerce sur le Danube et les provinces danubiennes.

« Une influence étrangère, qui, chaque jour, devient plus redoutable, n'a pu échapper à notre attention. C'est pourquoi nous croyons qu'il est de notre devoir de signaler à la sollicitude de Votre Majesté une situation qui, indépendamment de son importance européenne, se trouve entièrement liée aux intérêts nationaux. >>

La diète eut à s'occuper d'un projet de nouvelle législation criminelle. Voici les principales innovations qu'elle introduisit dans le projet : 1o La procédure sera orale et les audiences de tous les tribunaux seront publiques. 2° Toute affaire criminelle sera instruite par des juges instructeurs qui seront choisis parmi les assesseurs des tribunaux. Les juges instructeurs ne participeront pas aux jugements des affaires instruites par eux. 3° Il y aura près de chaque tribunal criminel une chambre des mises en accusation, composée de dix membres qui seront élus par les citoyens domiciliés dans le ressort du tribunal. Les décisions de ces chambres seront sujettes à appel. 4° Il y aura des accusateurs publics nommés par le gouvernement. 5° Le domicile des citoyens est inviolable. Aucune perquisition ni aucune saisie de papiers n'y pourra être faite que dans le cas d'une nécessité absolue. 6° La mise en liberté sous caution est de plein droit dans tous les cas où les poursuites ne sont pas de nature à entraîner une peine afflic tive ou infamante.

Comme complément à ce projet, la diète adopta aussi

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une loi relative à la création d'un jury et à la publicité des débats judiciaires (octobre).

Un autre projet important soumis aux délibérations de l'assemblée fut le projet d'organisation des municipalités.. La diète ayant, à ce sujet, manifesté l'intention de n'accorder que seize voix aux qurante-sept villes royales libres de la Hongrie, de telle sorte que plusieurs de ces petites villes n'auraient eu ensemble qu'une voix à la diète, le magistrat et les délégués de la bourgeoisie de la ville de Pesth prirent la résolution d'enjoindre à leurs députés actuels de voter pour que toute l'affaire restât dans le statu quo, plutôt que de consentir à ce que chacune des quarante-sept villes royales libres n'eût pas à elle seule le droit de donner son suffrage. En même temps, la ville de Pesth adressa à toutes les autres villes du royaume une circulaire par laquelle elle les engageait à prendre la même résolution. Cependant les bourgeois de Pesth qui ne font pas partie de la municipalité et des délégués de la ville ne se trouvant pas satisfaits 15 de cette démarche, déclarèrent qu'ils préféraient accepter les seize voix que la diète avait l'intention d'accorder, plutôt que de voir les villes rester, pour ainsi dire, sans représentants à la diète, comme cela a eu lieu jusqu'ici. Ils choisirent deux députés qu'ils chargèrent d'aller présenter à la diète une pétition rédigée dans ce sens.

La diète eut encore à s'occuper de la censure et de la sanction que lui demandait le gouvernement pour l'établissement d'un collége de censure. La commission se prononça contre l'établissement du collège et contre la censure même, mais seulement par la raison que cette affaire n'avait pas été traitée selon les formes constitutionnelles, c'est-àdire, d'accord avec la nation. La commission reconnaissait, toutefois, que, s'il convient de donner une liberté de mouvement à la presse, il convient, d'un autre côté, d'en prévenir les abus possibles. En conséquence, la commission proposait le règlement mixte qui suit: « Seront soumis à une

censure préventive les écrits de moins de vingt feuilles d'impression et tous journaux et écrits périodiques. Il est défendu d'imprimer des ouvrages contenant des attaques contre le roi et la constitution du pays, des ouvrages immoraux ou irreligieux. Les ouvrages religieux seront censurés par des personnes appartenant à la religion dont l'ouvrage traitera. »

La question religieuse, traitée ici incidemment dans son rapport avec la censure, avait été plusieurs fois, dans le courant de l'année, l'objet des sollicitudes du gouvernement et des discussions de la diète.

Lé 6 juillet, il fut donné lecture à la diète d'un rescrit impérial dans lequel S. M. l'empereur exprimait son opinion sur divers projets de lois concernant les affaires religieuses, et notamment sur les mariages mixtes. L'empereur était disposé à admettre le principe suivant lequel les enfants nés d'un mariage mixte devraient suivre la religion de leur père; mais S. M. désirait conserver aux époux la liberté de faire des conventions sur la question de savoir dans quelle religion les enfants seraient élevés. S. M. exprimait ensuite le vœu que le projet de loi relatif aux mariages mixtes fût modifié dans ce sens.

Le 22 juillet parut un autre décret du gouvernement, qui demandait aux États de faire connaitre au pays l'établissement d'un collége de jésuites pour l'éducation des jeunes nobles, collége récemment fondé à Lemberg. Ce décret fut considéré comme illégal par les États, parce que, dans le premier titre, troisième chapitre, de la première partie de la loi fondamentale, il est expressément interdit de parler de l'ordre des jésuites. Par conséquent, les États ne donnèrent aucune suite à l'ordre émané du Roi.

Enfin, les deux comitats de Tolna et de Hont votèrent une adresse à l'Empereur, pour appeler l'attention de S. M. sur la persécution à laquelle les catholiques de la Pologne sont en butte de la part du gouvernement russe.

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