Page images
PDF
EPUB

jours là, dans les derniers temps, que s'est décidé le sort des divers gouvernements de l'Espagne. D'ailleurs, dans l'hypothèse alors toute probable où il faudrait se retirer devant l'insurrection, il importait d'avoir une issue sur l'Océan et une route sùre pour y arriver. Van-Halen, après avoir eu de fréquentes escarmouches, mais presque toutes insignifiantes, se dirigea de Cordoue et de Carmona vers Séville: il avait reçu des autorités de Carmona, où il se trouvait le 7 juillet, des témoignages rassurants; mais Séville montra d'autres dispositions et refusa de lui ouvrir ses portes; il se retira à peu de distance de cette ville sur la route de Cadix, où il attendit de l'artillerie qui devait lui venir de ce côté; mais il apprit bientôt que cette artillerie s'était prononcée au sortir de Cadix.

Cependant Espartero, que la situation des affaires dans le nord avait promptement effrayé, et qui n'avait pu sans de grands dangers chercher une rencontre avec l'ennemi, s'était décidé le 8 juillet à quitter Albacette, pour opérer avec Van-Halen la jonction dans laquelle il plaçait son dernier recours. Il s'avança par Balazotte, Lezuza, sur Cordoue où il se présenta le 16. Le 20 il rejoignait Van-Halen devant Séville, prêt à en commencer le siége; et, en effet, le 21, au moment où Narvaez et Aspiroz allaient décider des affaires du nord devant Madrid, la capitale de l'Andalousie était livrée à toutes les horreurs d'un bombardement. Mais aussitôt après l'événement de Torrejon, seize bataillons, six cents chevaux et quelques batteries furent envoyés par le gouvernement central au secours de Concha, qui n'avait pu encore arriver devant Séville.

Le bombardement continua jusqu'au 28 juillet et causa d'immenses désastres, qui ne purent cependant affaiblir l'héroïque résolution des assiégés. On vit avec effroi se renouveler les horreurs dont Barcelone avait été l'année dernière le théâtre. Séville obtint dans cette lutte douloureuse l'admiration de l'Espagne et du monde. Espartero n'y trouva

qu'une défaite honteuse et définitive qui fut le terme de sa carrière politique (1). En effet, sitôt que l'arrivée de Concha fut connue, le régent, abdiquant tout espoir, toute ambition, et ne songeant plus qu'à sauver sa liberté et sa vie, donna le signal de la retraite sur le port Ste-Marie, près Cadix, qui tenait encore pour lui. Concha se mit à sa poursuite avec quelques détachements de cavalerie. Mais il n'atteignit que les débris de troupes fugitives qu'il poussa devant lui jusqu'à soumission. Espartero s'était jeté sur un bateau qui le conduisit à bord d'un vaisseau anglais prêt à faire voile pour la Grande-Bretagne.

Ainsi s'écroulait une de ces hautes fortunes que les révolutions seules peuvent élever et qui ne sont point toujours méritées. La chute était honteuse comme elle était terrible, et aucune pitié ne pouvait s'attacher à cette catastrophe. Espartero ne trouva de sympathie que dans les intérêts anglais dont il s'était constitué l'esclave. L'espagne s'applaudit de la conduite qu'elle venait de tenir, et la France ne put que s'associer à la joie causée par le renversement d'un pouvoir qui lui était hautement hostile.

Le général Espartero ne montra que de l'obstination sans grandeur. Avant de quitter le rivage Espagnol, il adressa à ses concitoyens un manifeste dans lequel il cherchait à se justifier par des protestations emphatiques, et persistait à se considérer comme régent d'Espagne (Voy. cette pièce aux documents historiques).

(1) Tous les rangs de la population rivalisèrent d'ardeur et renouvelèrent le spectacle des héroïques efforts de la guerre d'indépendance. Voici une lettre adressée au capitaine-général Figueras, commandant de Séville, par un vieillard, l'évêque des Canaries:

• Excellence, désirant occuper le poste qui m'appartient dans les dangers dont se trouve menacée cette immortelle cité, je viens vous offrir mes services personnels dans les ambulances qui ont été préparées pour les blessés. JOSÉ TADEO, Dieu garde voire excellence! Séville, le 15 juillet. évêque dés Canaries. »

-

-

[blocks in formation]

[ocr errors]

Premiers actes du ministère. Récompenses nationales. - Manifeste du cabinet. - Décret de convocation des Cortès. - Dissolution de la municipalité de Madrid.-Réduction des juntes provinciales à l'état de juntes consultatives. -Décrels relatifs aux mines d'Almaden et aux conirals passés avec le régent. — Discours de M. Lopez à la reine, sur la majorité de S. M. Décret qui proclame la déchéance d'Espartero. - Demande d'une junte centrale. - Refus du ministère.—Insurrection. -Manifeste du cabinet. - Élections. - État des partis. — Ouverture des Cortès. Nomination du président. - Présentation du projet de loi pour la majorité de la reine. Interpellations adressées au ministère. — Discussion de la loi de majoritė. - Vote de la loi. - Prestation de serment.-Décret de la reine pour le maintien du ministère. Vole de remerciements du congrès au ministère.-Soumission de Sarragosse et de Barcelone.-Continuation de l'insurrection à Figuières.— Retraite du cabinet.—Ministère Olozaga. Projet de loi sur les municipalités.- Reconnaissance des grades et décorations accordées par le régent. — Questions personnelles entre le président du conseil et les généraux Serrano et Narvaez.-Présentation à la reine d'un décret de dissolution. - Résistance de la reine. - Conduite d'Olozaga. — Destitution du président du conseil.-Chute du cabinet.-Ministère Gonzalès Bravo.- Déclaration de la reine.-Discussion. Vole d'un message à la reine.-Fuite d'Olozaga. Ajournement des Cortès. — Décret pour la réorganisation des municipalités.Rappel de l'ex-régente.-État des partis.

[ocr errors]

Le ministère Lopez reprit avec fermeté l'exercice du pouvoir. Son premier soin fut de réorganiser le personnel de la haute administration et de placer à tous les postes élevés des hommes d'un dévouement bien connu au nouvel ordre de choses. On les choisit indistinctement parmi les progressistes et les modérés. Le héros de l'insurrection, Narvaez, fut promu au grade de lieutenant-général des armées nationales

(24 juillet), et le duc de Baylen (Castagnos),nommé d'abord au commandement des hallebardiers de la reine, fut appelé: à succéder à Augustin Argüelles dans la haute fonction de tateur, d'Isabelle II et de son auguste sœur (28 juillet). Tous les hommes ou les corps politiques qui s'étaient distingués dans l'insurrection recurent des récompenses et des hommages publics proportionnés aux services qu'ils avaient rendus au pays (1).

Lorsque les premières mesures de salut et d'administra

(1) Concha obtint le grade de lieutenant-général et Prim celui de général commandant de la Catalogne, avec le titre de comte de Reuss, etc., etc. Une commission fut aussi formée pour aller remettre à la municipalité de Séville, de la part de la reine, une couronne de laurier d'or. Les commissaires transmirent aux autorités de cette courageuse cité la lettre suivante signée du chef du cabinet, au nom de la reine, en date du 2 août :

Très-excellente junte provisoire de salut public, illustre et vénérable chapitre métropolitain, très-excellent ayuntamiento, brave garde nationale, vaillante garnison, et vous tous, héroïques habitants de la très-noble, loyale, illustre et invincible cité de Séville; salut:

» Émerveillée du grand courage que vous avez déployé, à l'aide du Dieu des batailles et sous la protection de la Sainte-Vierge Marie et du glorieux Saint-Ferdinand, dans la défense de vos antiques murailles et de vos paisibles foyers, en butte à l'agression la plus injuste et la plus féroce que les siècles aient vue; émerveillée de cette constante loyauté envers ma personne, envers le trône et la constitution, je veux vous donner une marque de ma royale reconnaissance, et j'envoie auprès de vous, comme commissaires, MM.., afin qu'ils vous présentent en mon nom royal une couronne de laurier d'or, qui ornera désormais le cimier de l'écu dont vous a doté le sage roi don Alphonse X.

J'entends que cette couronne soit immédiatement bénie dans la sainte église patriarcale, en présence du corps de Saint-Ferdinand, avec la plus grande solennité et sous les yeux du chapitre, par le vénérable évêque des Canaries, qui réside en ce moment dans le diocèse, et que, ensuite, elle soit portée processionnellement par mes commissaires à l'hotel-de-ville, et là remise par eux à la municipalité, pour que, dans toutes les cérémonies publiques, elle la fasse porter devant elle par un majordome, sur un coussin de velours.

[ocr errors]

J'entends également que tous les ans, à l'anniversaire de votre héroïque défense, le pavillon national soit arboré au sommet de la tour de la cathédrale; qu'il y demeure jour et nuit pendant un nombre de jours égal à celui des jours pendant lesquels vous avez si glorieusement combattu; qu'il soit salué par des salves royales d'artillerie, au moment où il sera arboré et au moment où il sera amené, et que les pièces qui feront ces salves soient situées à la place même où vous avez été si barbarement bombardés.

» Après avoir été lue en public par mes commissaires, la présente lettre sera déposée aux archives de la ville avec le procès-verbal constatant sa remise, ainsi que la bénédiction et le dépôt de la couronne. Deux copies de chacun de ces documents, certifiées par le premier alcade constitutionnel et par le doyen du chapitre ecclésiastique, seront déposées, l'une aux archives de la sainte église métropolitaine, l'autre au tribunal supérieur de la province. »

tion eurent été prises, le ministère crut devoir adresser au pays un manifeste pour expliquer son origine et éclairer les populations sur la politique qu'il se proposait de pratiquer. Il rappela comment au milieu de l'insurrection il avait été chargé du gouvernement par les juntes de salut de Barcelone et de Valence, el comment les autres juntes s'étaient empressées d'approuver sa reconstitution.

« Cet assentiment général, ajoutait le ministère, est le titre le plus décisif qu'un gouvernement puisse invoquer en sa faveur; et il importerait peu de dire aujourd'hui que le pouvoir qu'exerce le cabinet actuel ne dérive pas de la nomination de l'ex-régent, puisqu'il est le fait de la volonté générale, principal élément sur lequel, dans les pays libres, repose toute autorité et toute obéissance. Ainsi, la position du cabinet actuel pourrait être anormale, puisqu'il n'avait pas ce caractère lorsque la régence demeura vacante, auquel cas il l'aurait remplacée provisoirement, conformément à la constitution; mais il exerce une autorité dont il a été revêtu par les populations, et sa mission est la plus élevée, puisque le peuple est l'origine et la source de toute autorité constituée. Les provinces, engagées dans une noble lutte, ont voulu centraliser l'action; elles ont parlé, le gouvernement leur a obéi, et personne ne peut leur résister sans être rebelle. »

Quant aux devoirs du ministère, ils ressortaient de son origine c'était d'accepter et de défendre la situation actuelle, l'esprit qui avait fait l'insurrection et le but qu'elle avait eu en vue, c'est-à-dire, le maintien des institutions et du trône. Les ministres déclaraient, d'ailleurs, qu'ils étaient toujours inspirés par les principes qui les avaient réunis le 9 mai, et qu'ils prenaient de nouveau tous les engagements qu'ils avaient alors contractés. Ils promettaient de gouverner dans le même esprit de justice et de conciliation; ils repoussaient toute pensée de réaction, tout en affirmant qu'ils seraient fermes à l'égard des partis, et terminaient en annonçant la prochaine convocation des cortès.

Un décret de convocation fut en effet publié le 28 juillet; il fixait la réunion des cortès au 15 octobre. Le ministère pensait (ce sont les paroles du décret) que ce n'était que par

11

« PreviousContinue »