Page images
PDF
EPUB

rencontré un auxiliaire plein d'intelligence dans M. Joseph Samuda, frère de l'un des inventeurs du système.

La première que j'ai dû faire est relative au vide obtenu dans le tube de propulsion. Ce vide est opéré par un appareil pneumatique que met en mouvement une machine à vapeur placée près de l'extrémité supérieure du chemin. La pression atmosphérique est mesurée, comme on sait, par une colonne de mercure de 30 pouces anglais (76 centimètres) de hauteur. J'ai constaté que, dans un baromètre mis en commuuication avec le tube, le mercure s'élevait jusqu'à 25 pouces, et cela dans un espace de temps de huit à neuf minutes. Plusieurs expériences faites après le passage du convoi m'ont donné des résultats a peu près semblables. J'ai remarqué que plus il passait de convois sur le chemin, plus vite on obtenait la hauteur de 25 pouces.

Il résultait de cette hauteur que le piston, pressé sur sa face d'arrière par le poids de l'atmosphère, qui équivaut à 15 livres (avoir-du-poids) par pouce carré, ne l'était, sur sa face antérieure, que par un poids égal au sixième de ces 15 livres, c'est-à-dire, à 2 livres 172. La force propulsive était donc de 12 livres 112 par pouce superficiel, et, comme la suface du piston est de 176 pouces, on avait, à cette hauteur du baromètre, une puissance de 476 multipliée par 12,50, égale à 2,200 livres. Mais, en général, on n'a pas besoin de cette force pour partir et marcher. On peut très bien le faire à une hauteur de 45 pouces, fournissant une force de plus de 1,300 livres et même à une hauteur moindre.

Le système a cela de particulier et d'avantageux que, si la machine pneumatique fait le vide plus vite que le piston n'avance, la force propulsive augmente. C'est ce qu'on reconnaît à l'ascension du mercure dans le baromètre.

Après avoir reconnu que le vide était obtenu d'une manière plus parfaite qu'on n'aurait osé l'espérer, je me suis occupé de la vitesse. Je rapporterai ici quatre expériences.

1o Avec un convoi pesant 38 tonnes (la tonne anglaise est de 2,240 livres), le baromètre marquant 25 pouces, on a

monté en 3 minutes 15 secondes. Par prudence on a employé les freins pour franchir les courbes, ce qui a produit un ralentissement. Le maximum de vitesse, dans cette expérience, a été de 40 milles (16 lieues) à l'heure.

2o Avec le même convoi l'on est monté en 3 minutes 7 secondes : maximum de vitesse, 45 milles (plus de 18 lieues).

3o On est parti, le baromètre marquant 8 pouces, avec le même convoi. Pendant le trajet, le baromètre est monté jusqu'à 20 pouces. Le voyage a été effectué en 4 minutes 30 secondes. Sur quelques points on a marché à 30 milles (12 lieues).

4° Enfin, le baromètre marquant 25 pouces on est parti avec un convoi de 60 tonnes. Le temps du trajet a été de 5 minutes 20 secondes.

Pour descendre on a employé la gravité. A cet effet, on a rangé le piston de côté (ce qui se fait avec la plus grande facilité), afin qu'il ne rencontrât pas de tube. Le temps de la descente a été d'environ 5 minutes. Le mouvement était ralenti par le frot. tement dans les courbes. Je n'ai rien à dire de ce moyen, usité sur plusieurs chemins de fer.

Le service exige qu'on s'arrête à l'instant où on le veut. J'ai fait aussi cette expérience; mais c'est au moyen du frein que le convoi a été arrêté. Je n'ai point dissimulé à M. Jacob Samuda, qui, avec M. Clegg, a inventé le système atmosphérique, les objections qu'on fait contre ce moyen d'arrêt. Il m'a répondu qu'il substituerait à l'emploi des freins celui d'une soupape et d'un piston d'arrière, lequel, à volonté, permettrait on empêcherait le passage de l'air. En fermant la soupape, le piston, tenu plein, ferait le vide en marchant,et le convoi s'arrêterait; pour repartir, on n'aurait qu'à ouvrir le registre du piston.

Pendant trois jours consécutifs le chemin atmosphérique n'a pas cessé d'être en activité. Une foule de peuple envahissait les wagons, et un grand nombre de personnes de la haute société de Dublin avaient été attirées par la curiosité. La compagnie du chemin de fer a amplement satisfait cette curiosité par des voyages multipliés, de sorte qu'on peut dire que le chemin

était réellement en exploitation. Pendant ce temps il n'est pas arrivé le moindre accident. Sur un pareil chemin la sécurité peut être regardée comme complète.

Il résulte de ce qui précède, Monsieur le ministre, que le problème est résolu pour un chemin de 2,800 mètres de longueur. Quand le chemin de Kingstown a Dalkey sera livré au public, et cela sera sous peu de jours, les choses se passeront comme elles se sont passées pendant les trois jours d'expériences; seulement il y aura plus d'or dre et de régularité dans le service. On ne doit pas oublier, d'ailleurs, Monsieur le ministre, que ce chemin est dans de mauvaises conditions de tracé, ce qui était contraire au succès de l'épreuve.

La première question qui vient à l'esprit est de savoir si ce procédé pourra s'appliquer à des chemins plus étendus. Nous n'avons jusqu'ici ni interruption de tube, ni croisement de convois, ni plusieurs autres circonstances qui se présenteront dans l'exploitation d'un chemin à long parcours. Je n'affirmerai rien à l'égard de cette question toutefois, je crois pouvoir dire, sans sortir d'une sage réserve, que les conversations que j'ai eues à ce sujet avec M. Jacob Samuda, à qui j'ai reconnu un esprit remarquable et une grande loyauté de caractère, ainsi que les réflexions que j'ai faites moi-même, me portent à penser que le problème peut être résolu pour une longue ligne aussi bien que pour une courte ce n'est point ici le lieu d'entrer dans des développements à cet égard ; je le ferai plus tard, et je solliciterai de vous un essai; car l'avenir des chemins de fer en France est fortement intéressé dans la question. Je pense qu'un chemin comprenant trois ou quatre machines fixes serait suffisant pour sa solution complète. La grande dépense serait celle du tuyau, car les machines, si l'essai n'avait pas de succès, pourraient être revendues. La voie est exactement la même que celle d'un chemin à locomotives. Seulement il ne faudrait pas perdre l'avantage que présente le système atmosphérique pour les pentes fortes. On en ferait une condition de l'essai, dût-on faire ensuite quelques terras

sements pour revenir au système locomotif.

Je terminerai ce rapport en vous disant, Monsieur le ministre, que j'ai rencontré en Irlande toutes les facilités possibles pour les expériences, autant que j'en aurais eu en France. J'ai aussi trouvé un grand secours dans M. James Bonfil, mon zélé et intelligent interprète. Je ne dois pas oublier M. Pim, trésorier de la compagnie du railway de Dublin à Kingstown. Promoteur éclairé du système atmosphérique, c'est à ses efforts persévérants et à la considération grande et méritée dont il jouit à Dublin qu'on doit l'établissement du chemin de Kingstown à Dalkey. I a veille avec soin à ce que rien ne me manquât pour les expériences.

Je vais maintenant, Monsieur le ministre, m'occuper de la rédaction du rapport que je dois vous adresser sur l'intéressant sujet que je viens de traiter sommairement. Après les développements nécessaires sur mes expériences et sur leurs résultats, je m'occuperai des questions de dépense, soit pour l'établissement du chemin, soit pour son exploitation. Je com parerai ces dépenses avec celles auxquelles donne lieu, dans les mêmes circonstances, le système actuel des chemins de fer.

Je suis, etc.

MALLET,

Inspecteur divisionnaire adjoint des ponts et chaussées.

BEAUX-ARTS.

Lorsqu'un art, une littérature sont en décadence, ils ne peuvent être ramenés au beau et au vrai que par un coup de génie, et c'est là un effort qui nous paraît dépasser les forces de tous les hommes qui ont aujourd'hui un nom dans les arts comme dans les lettres.

Jusqu'à ce que des talents nouveaux et inconnus viennent donner à notre époque une direction nouvelle, en rétablissant le sentiment du simple et du

grand, nous n'avons à constater dans ces notes que d'incessants progrès vers le mal. Ce n'est pas que l'activité de la production se ralentisse; elle prend, au contraire, d'effrayantes proportions, et, pour nous servir des paroles d'un critique judicieux, jamais on ne vit une telle fécondité d'avortements... Les maîtres eux-mêmes de l'école moderne, ou, pour mieux dire, ceux qui jouissent aujourd'hui de la plus grande vogue, ne donnent plus que des œuvres inférieures à tout ce qu'ils ont produit dans la première période de leur carrière artistique. C'est ainsi que M. Ho race Vernet a échoué sous le rapport de la composition comme de couleur, dans le sujet de Juda et Thamar, exposé cette année au salon, sujet, d'ailleurs, délicat pour des yeux pudiques, dénué de tout intérêt et dont le choix, par le seul fait de la civilisation où il est pris, révèle chez l'artiste une médiocre intelligence des besoins de l'esprit moderne. A part les grandes scènes historiques du passé, qui seront toujours belles et qui appartiennent à tous les temps, à part ces grandes scènes qui ne doivent, d'ailleurs, êtres traitées qu'avec réserve, il n'y a plus d'autres légitimes sources d'inspiration que notre histoire et que la valeur individuelle apparaissant dans la famille et dans la vie publique, telles que les entendent les sociétés modernes.

[ocr errors]

Un jeune élève de l'école de Rome, M. Papety, dont le nom apparaît au salon avec honneur, nous paraît cependant avoir manqué également de cette intelligence des temps dans son Reve du bonheur. En outre, sa composition pèche par l'absence d'unité d'un côté sont les personnages auxquels le peintre a voulu donner l'expression du bonheur materiel, de l'autre ceux auxquels il a donné le bonheur intellectuel. Les deux groupes, assis sur un terrain fantastique, dans une atmosphère, sous un ombrage qui ne le sont pas moins, ne sont point suffisamment reliés entre eux. Dans l'expression du bonheur matériel nous trouvons trop de fatigue, dans celle du bonheur intellectuel pas assez de vivacité, et, dans tous les deux, quelque chose qui ressemble parfois à de l'ennui. Nous devons encore signaler l'absence de variété et de naturel dans le coloris. Pour être juste,

il faut cependant accorder à l'artiste' malgré tous ces défauts difficiles à éviter dans un premier essai et dans toute la décadence du goût, une grande puissance d'imagination, qui n'a besoin que d'être réglée par la réflexion et par de sérieuses études morales. Les autres œuvres exposées au salon sont en nombre considérable (1,597). Il nous est impossible d'entrer dans le détail, même de celles qui, à défaut de mieux, s'y sont fait remarquer.

Nous devons cependant signaler Charles-Quint ramassant le pinceau du Titien, par M. Robert Fleury, composition agréable, une de meilleures du salon, mais dans laquelle on a critiqué beaucoup d'incorrections de dessin, et qui laisse à désirer pour la distribution des couleurs. Le Tintoret retraçant l'image de sa fille morte, par M. Léon Cogniet, œuvre remarquable par l'effet des couleurs et par l'expression donnée à la figure du grand artiste, mais qui ne dissimule pas assez le souvenir d'une admirable tête de Tintoret, peinte par lui-même. Un tableau religieux, les Martyrs de Créteil, par M, Raverat, talent sage et modeste, nourri de sérieuses études, qui a donné à son œuvre une grande pureté de forme et une remarquable douceur d'expression. Jeanne d'Arc faisant son entrée à Orléans, par M. Henry Scheffer, toile estimable, mais un peu confuse et manquant d'inspiration, etc., etc. En général, depuis quelques années les paysages et les tableaux de genre valent mieux que les tableaux d'histoire; mais encore faut-il dire que, dans les paysages qui se montrent au salon, le joli a plus de place que le grand, et que les artistes n'y savent pas assez relever, animer la nature par la présence de l'homme; et, qu'enfin, dans les tableaux de genre, le goût n'est pas toujours assez respecté, et que le trivial n'en est point assez sévèrement exclu.

Quant à la sculpture, qui est encore tombée plus bas que la peinture, et qui, d'ailleurs, est moins cultivée, nous devons citer une statue de M. Pradier, Cassandre, dont la figure ne manque pas de simplicité et de noblesse. Un groupe, la Charité, par M. Oudine, qui a su répandre dans son principal personnage une expres

sion de candeur et de bonté très naturelle, sans toutefois lui accorder assez d'expansion dans la bienfaisance. Une tête de vierge, par M. Bosio, dont le grand âge n'a point épuisé les forces, mais qui n'a point eu la prétention de donner là une composition impor

tante.

Si nous cherchons en dehors du salon le progrès des arts pour cette an née, nous ne serons pas plus heureux. Beaucoup de travaux se font: vantés longtemps à l'avance, ils cessent de l'être sitôt qu'ils deviennent publics. I! en est arrivé ainsi pour les fresques de la Madeleine.

Une seule a de l'éclat et une certaine grandeur, bien qu'elle n'ait rien d'émouvant, c'est celle de M. Ziegler, placée au-dessus du maître-autel, au point le plus éclairé de l'édifice. C'est une sorte de triomphe de la religion associé à la grandeur de la France. Le sujet était vaste et beau; mais on sait aussi tout ce qu'il demandait de force et de puissance dans la conception pour être parfait; il était de la taille des plus grands maîtres. M. Ziegler en a tiré des effets de couleur, de draperie et d'attitude louables, sans doute, mais insuffisants.

Les autres peintures qui décorent la Madeleine ne sont ni meilleures ni plus mauvaises que celles que nous avons vues au salon. Quant aux statues, et particulièrement celles qui ornent l'extérieur du monument, on ne saurait imaginer rien de plus pauvre et quelquefois même de plus grotesque. Une chose est cependant digne d'attention, ce sont les portes en bronze de M. Triquetti, qui portent, représentés en relief, les Commandements de Dieu. C'est une œuvre d'un travail considérable et dans laquelle l'artiste est souvent parvenu à rendre avec énergie la pensée du texte sacré. Quant au monument en lui-même, au point de vue de l'architecture, on sait qu'avec une splendide apparence il n'a d'autre caractère qu'un caractère d'imitation grecque, et que l'intérieur semble peu fait pour la prière.

Durant toute cette année SaintGermain-l'Auxerrois continue à être en voie de réparation; la façade a été restaurée d'après l'ancien modèle. L'intérieur a subi également de graves

changements; mais les peintures dont on a décoré cette antique église ont trompé l'espoir que le nom des artistes auxquels elles avaient été demandées avait fait concevoir.

Nous ne pouvons pas terminer cette note sans signaler un événement assez minime, il est vrai, mais cependant heureux pour les arts. C'est la restauration des remarquables fresques de l'ancien hôtel du président Lambert. Elles sont, comme on sait, pour la plupart, de Lebrun et de Lesueur; et, sans être citées comme les chefs-d'œuvre de ces deux grands maîtres, elles ont joui de tous temps de l'admiration des amis de l'art. Le prince Czartoriski, qui s'est rendu propriétaire de l'hôtel depuis longtemps délaissé, a pris soin que tout ce qui était œuvre d'art fût rétabli autant que possible avec son caractère primitif. C'est une bonne fortune pour la peinture.

Nous ne sachions pas que l'étranger ait été cette année beaucoup plus beu. reux que la France dans la carrière des arts.

L'Italie, l'Espagne, l'Angleterre n'ont rien produit qui ait attiré l'attention. L'Allemagne a continué d'admirer la Walhalla. Les grands artistes qui, d'ailleurs, sont dans une voie mauvaise, dans la voie du moyen-âge, comme le roi de Bavière et le roi de Prusse pour les réformes, les grands artistes ne nous paraissent pas valoir mieux que les nôtres.

Après Canova un seul artiste étranger est parvenu, dans ces derniers temps, à une renommée éclatante et durable, c'est le danois Thorwaldsen. L'illustre sculpteur se repose sous le poids des ans, et arrive au terme de sa belle et laborieuse carrière.

Quant à la musique, qui est arrivée il y a quelques années à un très haut degré de perfection, elle sommeille également et ne donne plus que des œuvres insignifiantes dont le titre ne vit pas au delà d'une année. Il faut, en revanche, remarquer le progrès que la passion de la musique fait dans les masses. Si elle est portée jusqu'au ridicule dans les classes bourgeoises, dans l'éducation desquelles la vanité a tant de place, et qui, encore aujour d'hui, imitent gauchement les façons de vivre de l'ancienne aristocratie,

on doit reconnaître cependant que l'engouement qu'elle a fait naître, tempéré un jour par le goût, pourra produire de bons effets. Les concerts jouissent toujours de la même vogue; les institutions de chant se fondent, et l'étude de la musique vocale continue de faire partie de l'éducation des colléges royaux.

A l'étranger la grande musique se tait comme en France; mais, on le sait, beaucoup de pays, comme l'Allemagne, le Danemarck et la Suède, accordent, dans la vie privée, à la partie vocale et instrumentale de l'art une place plus considérable que celle qu'elle a chez nous.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »