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- Colonies.

-Plans de fédérations
-Mise en liberté de

municipales. Question de la permanence des districts.

Bezenval, d'Augeard et autres. -Accusations contre le Châtelet. - Il décrète Danton. Bruits de conspiration. Complot de Maillebois, Bonne-Savardin, etc. Adresse des Belges. Discussion à ce sujet.

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Les Jacobins.

L'ardeur révolutionnaire ne diminuait ni à Paris, ni dans les provinces. En Bretagne, on continuait à brûler des chartriers seigneuriaux, à insulter les châteaux. Dans le Limousin, dans la HauteGuyenne, les paysans imitèrent la conduite des provinces voisines; ils se mirent à effacer à leur manière les traces des servitudes féodales; l'acte décisif de la libération, à leurs yeux, était, comme partout ailleurs, la destruction des chartes où étaient écrits les droits de leurs seigneurs. Cela ne pouvait avoir lieu sans qu'il y eût résistance en plus d'un lieu, et, par suite, sans qu'il s'ensuivit quelques violences. La bourgeoisie de plusieurs villes vit dans ces mouvements des campagnes un désordre qu'elle crut devoir réprimer. Elle fit sortir ses gardes nationales. Les villes de Tulle et de Brives se distinguèrent dans ce mouvement pour l'ordre; il y eut des engagements assez vifs; il y eut quelques paysans tués, un grand nombre de blessés. Dans un de ces combats, on tua dix de ces 1

TOME III.

malheureux, et on en blessa un plus grand nombre. Dans ces affaires, les habitants des campagnes avaient toujours le dessous; ils n'étaient guère armés que de bâtons et de fourches, tandis que leurs adversaires avaient des fusils et de la discipline.

Le patriotisme, d'ailleurs, se manifestait, dans le même temps, par des actes exempts de tout esprit d'égoïsme et de tout intérêt de réaction. Le 7 mars, il y eut à Épinal une fédération de la milice nationale des Vosges. Les députés de diverses communes représentant 80,000 habitants, se prêtèrent serment de défendre la constitution. Ce fut une fête qui dura trois jours. En Alsace, en Champagne, comme en Franche-Comté, on imitait cette conduite, et ces provinces formaient des confédérations, se promettant entre elles de fournir cent cinquante mille combattants pour la défense de la révolution. « Mais, devant ce grand spectacle, dit un journal, que font Metz et Nancy? Pourquoi ce silence? Pourquoi cette inaction?... » (Annales patriotiques.) Une réunion semblable eut lieu à Orléans entre les gardes nationaux des environs.

Le 20 mars, l'assemblée nationale reçut une députation de l'Anjou et de la Bretagne, qui s'exprima ainsi : « Députés par trois millions d'hommes malheureux, mais prêts à sacrifier leur vie pour la patrie, nous venons exprimer leurs sentiments et leurs vœux. La Bretagne gémit sous un nouveau genre de féodalité aussi terrible que celui dont vous l'avez délivrée. Vous ne laisserez pas subsister sans doute les usements de la province... Votre décret sur le marc d'argent nous a paru trop rigoureux; nous craignons de voir substituer l'aristocratie de l'opulence à l'aristocratie de la naissance. Nous ne balançons pas de venir déposer dans votre sein nos sollicitudes. Jamais nous n'avons manqué à nos engagements, et jamais nous n'y manquerons. Le pacte fédératif entre la Bretagne et l'Anjou vous en est un sûr garant. »

La députation obtint ensuite la permission de lire le pacte fédératif entre la Bretagne et l'Anjou. Les citoyens de ces deux provinces juraient d'être unis par les liens indissolubles d'une sainte fraternité, et de défendre jusqu'au dernier soupir la constitution de l'État. Ils déclaraient solennellement que n'étant ni Bretons ni Angevins, mais Français et citoyens du même empire, ils renonçaient à tous leurs priviléges locaux et particuliers, et les abjuraient comme inconstitutionnels.

Cependant on organisait les municipalités : les réunions des citoyens électeurs, qui avaient lieu par toute la France, donnèrent lieu à une nouvelle manifestation de l'esprit public, après laquelle il ne put rester de doute sur l'opinion nationale. On remarqua que,

dans presque toutes les communes, le pouvoir municipal fut remis à des révolutionnaires; les choix furent même d'autant plus marqués dans le sens patriotiques, que le pouvoir local avait été antérieurement plus aristocratique. En outre, la plupart des réunions électorales terminaient leurs opérations par une adresse d'adhésion à l'assemblée nationale. Aussi en arrivait-il chaque jour à Paris par centaines.

Dans beaucoup de lieux, on témoigna autant de méfiances à l'égard du ministère qu'on montrait de confiance pour les législateurs. Le ministre avait nommé des commissaires pour présider à l'organisation des départements et des municipalités. On les reçut en général assez mal; il fallut que l'assemblée intervînt par un décret qui fixait la nature, les limites et la durée de leurs fonctions: autrement, en beaucoup de lieux on ne les eut pas admis, et nulle part peut-être on ne leur eût prêté l'obéissance nécessaire.

L'esprit insurrectionnel s'était étendu jusque dans nos colonies des Antilles. Saint-Domingue s'était créé une assemblée composée de membres élus parmi les blancs; l'assemblée s'était saisie de tous les pouvoirs constituants et exécutifs; elle cherchait à organiser une milice. Le but de cette insurrection est caractérisé par deux faits: elle fit arrêter et emprisonner un M. Dubois pour avoir dit que l'esclavage des nègres est contraire aux lois chrétiennes et au droit naturel; elle déclara en outre, dans les discussions qu'elle eut à ce sujet avec le gouverneur et son conseil, qu'elle ne tenait à la métropole qu'à certaines conditions. Cependant, le gouverneur ordonna que M. Dubois fût remis en liberté sans pouvoir l'obtenir. De part et d'autre on écrivit en France. La nouvelle de ces événements causa une grande rumeur dans toutes les villes maritimes. La Martinique s'était également insurgée, et elle avait ouvert ses ports au commerce étranger. Il fallait donc que l'assemblée s'occupât de suite de ces colonies. Elle autorisa d'abord les colons à faire connaître leur væn sur la constitution, la législation et l'administration qui leur convenaient. Nous verrons plus tard, d'une manière plus détaillée, quel fut le caractère, quelles furent les suites des insurrections coloniales. Nous nous occuperons de ces faits au moment où nous rencontrerons le lien qui les unit aux affaires de la mère patrie.

Paris. Les représentants de la commune continuaient à tenir des séances publiques à l'hôtel de ville; mais elles n'avaient plus cet intérêt dramatique qu'elles présentaient alors que la capitale était livrée à l'insurrection. Elles étaient, en général, occupées d'intérêts locaux, de questions réglementaires et financières. La pro

position pour l'achat des biens du clergé, dont nous parlerons plus tard, remplit plusieurs séances. Cependant, au milieu de l'aridité de ces occupations, il y eut plus d'un fait à noter. La commune reçut communication d'un assez grand nombre d'adresses de gardes nationales de province à la garde nationale de Paris, avec proposition d'affiliation; elle n'en rejeta aucune. Il semblait qu'elle voulût réaliser, sans l'avouer, un projet présenté par l'abbé Fauchet, vers le milieu de février. Fauchet avait proposé d'unir toute la milice par un pacte fédératif, et de donner le commandement de l'union au général Lafayette, commandant de Paris. Cette proposition fut rejetée, parce qu'on y vit le danger de substituer au pouvoir royal un pouvoir exécutif nouveau; cependant on continua les affiliations. En même temps, l'abbé Fauchet émit un autre projet semblable quant au fond, quoique différent dans la forme. Il n'y avait peut-être aucune des députations envoyées de la province à la constituante, qui ne fût chargée d'une adresse particulière pour la ville de Paris. Si l'on promettait dévouement à l'assemblée nationale, on jurait assistance et fraternité à la capitale. Prenant texte de cet usage, Fauchet proposa d'établir une fédération entre tous les municipes de France, fédération dont la tête serait la municipalité parisienne. Cette proposition resta à l'état de simple tentative.

Le premier de ces deux projets fut repris à l'occasion de la députation de Bretagne que nous avons vue à la barre de l'assemblée, le 20 mars, et qui alla ensuite présenter ses hommages à la commune de Paris. M. Broussonnet ouvrit l'avis qu'on invitât toutes les armées citoyennes de France à envoyer chacune un homme sur mille à Paris, pour y prêter le serment d'union devant l'assemblée nationale et le roi. Cette motion fut ajournée; mais l'auteur, persistant, déclara qu'il la proposerait aux soixante bataillons de la capitale. Au reste, la municipalité ne se faisait pas faute de s'emparer, dans toutes les occasions, d'une autorité qui ne lui appartenait pas. Nous avons sous les yeux les procès-verbaux manuscrits de son petit conseil qu'on appelait bureau de la ville, et nous y voyons qu'elle commandait des fabrications de poudres, qu'elle en ordonnait des envois, qu'elle continuait d'exercer la censure sur les pièces de théâtre, etc.

La principale affaire des 500 représentants était la rédaction du projet de loi pour la municipalité de Paris, qu'ils devaient présenter au comité de constitution de l'assemblée nationale. Sur la réclamation presque unanime des districts, ceux-ci avaient été appelés à l'examiner. En conséquence, ils avaient nommé, chacun, deux députés

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