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sente pour accoucher, on ne voit en elle qu'une mère respectable par le fruit qu'elle porte dans son sein. On ne voit non plus dans toute nourrice, qu'une femme qui offre de partager sa propre substance avec d'innocentes créatures; dans tout enfant on ne voit que l'espérance ou d'une mère de famille ou d'un citoyen utile à sa patrie. Nulle recherche, nulle inquisition à l'entrée dans l'hospice; et lorsqu'on y est admis, point de souvenir d'aucun événement antérieur.

Traiter les hommes comme vertueux, c'est leur apprendre à l'être.

Les femmes qui attendent le terme de leur accouchement, travaillent toutes à des ouvrages de couture. Cet ordre de travail n'est établi que depuis deux mois, et il produit les plus heureux effets. Il a écarté la mélancolie, la tristesse, l'ennui, affections capables d'influer sur la santé. Le travail récompensé d'un salaire, prépare une ressource aux femines pour les premiers momens qui suivront leur sortie de l'hospice. Le travail rappelle l'habitude d'une occupation utile aux femmes qui l'avaient perdue; il entretient dans les femmes les sentimens graves, sérieux, moraux que les approches de la maternité sont si propres à réveiller ou à faire naître.

La bienfaisance, un des trois objets indiqués, consiste à assister l'indigence, à consoler le malheur: ce sont des points que j'ai traités. Il me reste à parler, relativement à la bienfaisance, du soin de conserver la vie à ces malheureux enfans qui arrivent au nombre de quatre cents par mois à la Maternité, et dont un grand nombre récèle dans ses organes le germe d'horribles maladies. La mortalité de ces enfans est dans une proportion effrayante eu égard au nombre de ceux qui entrent dans l'hospice: et quoique ce soit des vérités très-exactes que la plupart sont apportés dans un état désespéré, qu'il est heureux d'en sauver quelques-uns parmi cette multitude que les parens abandonnent; que leur éducation est confiée aux filles les plus respectables dans le genre de vertus que An X. 3me. Trimestre.

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cet emploi exige on n'est pas moins affligé de voir si fréquemment la mention du décès écrite sur la même ligne que la mention de la naissance.

L'administration vivement touchée de la mortalité des enfans, a recherché les moyens de la diminuer. C'est une surveillance continue, animée par une sensibilité renaissante chaque jour; un régime exact; une propreté qui écarte des enfans tout ce qui blesserait leurs faibles organes; enfin des encouragemens, des récompenses, des primes susceptibles de croitre avec le nombre des enfans

conservés.

La surveillance consiste dans des visites fréquentes à l'hospice; mais convenons- en avec franchise, les visites des chefs de l'administration ne suffisent pas. C'est à toutes les personnes sensibles, c'est surtout aux mères heureuses dans le sein de leur famille, qu'il appartient de soutenir par l'intérêt qu'elles prendront aux enfans recueillis dans T'hospice, le zèle des personnes chargées de leur éducation. Par l'effet de l'habitude, la sensibilité s'émousse : elle s'use jusque chez les personnes que les affections les plus tendres, que des inspirations célestes ont déterminées à consacrer leur vie à la conservation d'êtres fragiles, malheureux, abandonnés. Rien n'est plus propre à réveiller ce feu sacré, que de se trouver en contact avec les personnes qui reçoivent les premières impressions du spectacle nouveau pour elles, d'une grande misère. Les mouvemens qui sont la suite de cette première impression et dont on est témoin, rappellent ceux qu'on a éprouvés soi-même; la sensibilité des autres devient la censure et le remède de l'indifférence dans laquelle on est tombé, je ne dis pas sans s'en apercevoir, je dis contre son gré et contre ses intentions très-prononcées.

Le régime des enfans est l'objet d'un travail des officiers de santé. Ils se sont réunis pour en rédiger le plan. Tous ont une réputation méritée et acquise spécialement par les soins qu'ils ont donnés à l'enfance. C'est Andry, de médecin; Baudelocque, l'accoucheur; Auvity, le chi

rurgien. Tous ont étudié bien et pratiqué beaucoup. Leurs décisions rassemblées formeront le régime diététique des enfans.

La très-grande propreté qui est le premier, le second et peut-être encore le troisième moyen de salubrité pour les enfans, dépend principalement de la grande quantité de linge et des fréquentes lessives. J'y insiste, parce que nous avons à cet égard deux terribles adversaires à combattre, la pénurie du linge et celle des eaux. Ces adversaires ne sont pas tels néanmoins qu'on ne puisse les

vaincre.

Les primes et les récompenses sont des moyens trop efficaces pour les négliger. A quoi se réduit le nombre des hommes qui font le bien sans calculer le produit qu'ils en retireront? Avec quelle sagacité n'évalue-t-on pas toutes ses démaches, toutes ses peines? L'enfant introduit dans l'hospice de la Maternité, n'est pas reçu dans une main, ne passe pas d'une main dans une autre, qu'il n'assure à chaque personne qui le presse dans ses bras, la récompense des soins qu'elle donnera à son éducation. La berceuse qui alaite un enfant à la Crêche, est assurée d'une prime de 20 sols pour l'enfant qu'elle passe aux nourrices en état de santé. La nourrice qui alaite l'enfant dans la maison, reçoit 2 fr. de récompense pour chaque enfant qu'elle remet bien portant à une nourrice de campagne; celle-ci reçoit après le troisième mois de nourriture, 8 francs de récompense; 6 francs au sixième mois, 6 autres au neuvième. Enfin le meneur qui conduit les nourrices, qui répond de leur bonne qualité et de leurs soins, reçoit 3 fr. à raison de chaque enfant conservé audelà du nombre qui avait été conservé dans l'année antérieure. Il reçoit pareille prime pour chaque nourrice qu'il amène au-delà du nombre de celles qu'il avait amenées l'année précédente. Tels sont les moyens par lesquels on s'est efforcé de diriger vers le but essentiel de la couservation des enfans, l'activité de toutes les personnes appelées à y concourir,

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Il reste le troisième objet de l'organisation de l'hospice, l'instruction.

Les plaintes de l'impéritie des sages-femmes dans les campagnes et même dans les villes, sont multipliées, auciennes, fondées. S'il existe des chirurgiens-accoucheurs habiles, c'est seulement dans quelques grandes villes. Les cours particuliers d'accouchement sont insuffisans faire pour cesser ces plaintes, et ils en excitent d'autres très-graves. Ces cours ne peuvent avoir lieu que dans des villes populeuses; ils sont coûteux pour les élèves ; on pourrait dire qu'ils ne sont fondés que sur l'immoralité dés femmes que l'appât d'une rétribution pécuniaire invite à se montrer dans les amphithéâtres: et que ne peut-on pas soupçonner relativement à la discrétion pour les opérations de l'accouchement, relativement à la conservation des mères et des enfans, dans des établissemens isolés qui ne sont pas sous la surveillance immédiate et habituelle de l'autorité publique ?

Coppenhague et Vienne (en Autriche) nous offraient des modèles à suivre. On y a pensé que l'état qui fournissait abondamment des secours, pouvait demander par une juste réciprocité, qu'on lui fournit des sujets d'instruction dans une maison que l'autorité publique a établie, et où elle assure décence, ménagement, discrétion, prudence.

C'est d'après ces vues que l'on ouvre dans l'hospice de la Maternité une école publique d'accouchement. Des élèves accoucheurs et des élèves sages-femmes seront envoyés successivement par chacun des départemens de la République. Baudelocque est chargé de la direction générale de l'école. L'instruction pratique des sages-femmes est confiée à Mme Lachapelle, habituée depuis plusieurs années à remplir ces fonctions avec beaucoup de succès. Tous les six mois, des élèves chirurgiens et des sages femmes, instruits par les meilleurs maîtres et par la pratique d'environ trois cents accouchemens dans chaque division, se répandront de Paris dans les dépar

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temens, et feront place à de nouveaux élèves. Ils ne seront admis à l'école qu'après un examen qui aura fait reconnaître qu'ils possèdent les notions préliminaires propres à les mettre en état de profiter des leçons théoriques et pratiques qui leur seront donnés. Ils n'obtiendront à leur départ le diplôme dont les élèves de la maison seront récompensés, qu'après qu'un nouvel examen aura constaté les fruits qu'ils auront retirés de leurs études.

Voilà quel est actuellement (floréal an 10) l'état de l'hospice de la Maternité. Les détails que je viens d'exposer sont le résultat soit de règlemens nouvellement faits par le conseil d'administration et par le ministre de l'intérieur, soit de ce qui se pratique journellement dans cette maison. Combien je m'estimerais heureux si j'avais pu rendre ces détails, attachans par eux-mêmes, avec assez. de sentiment pour fixer l'attention de mes concitoyens, et les engager à s'intéresser au succès d'un établissement dont l'ame, le but, le mobile sont la moralité, la bienfaisance, l'instruction publique ! CAMUS.

HISTOIRE.

VIE PRIVÉE, politique et militaire des Romains, sous AUGUSTE et sous TIBÈRE, dans une suite de Lettres d'un patricien à son ami; traduites de l'anglais, avec cette épigraphe :

Justum et tenacem propositi virum
Non civium ardor prava jubentium,
Non vultus instantis tyranni
Mente quatit solidà.

HORACE, liv. 111, ode 3.

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Un vol. in-8o de 450 pages, imprimé sur carré fin, et caractères de cicero neuf. Prix, 4.fr. 50 cent. et 5 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez F. Buisson, imprimeurlibraire, rue Hautefeuille, n° 20.

DEPUIS quelque tems on met l'histoire en drame. Je n'examinerai point quelle peut être, sous le rapport de

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