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vrières ou de mulets. Les soins que ces derniers rendent aux jeunes larves ne lui échappèrent point; mais il parait avoir cru que les femelles sont aptères (2) comme eux. il vit ces pères adoptifs suivre attentivement le cours du soleil, et transporter les larves aux différens points de la fourmillière, exposés plus directement à ses rayons; il les vit, lorsque la terre était trop sèche, les porter à une plus grande profondeur, et lorsqu'elle était au contraire trop humectée, les rapporter aux étages plus voisins de la superficie.

C'est à Linné qu'on doit la distinction plus exacte des måles et des femelles; la femelle est plus grande et le mâle plus petit: l'un et l'autre out des ailes. L'ouvrière, ou le mulet, est privé d'aîles: il est encore plus petit que le mâle. Cet illustre naturaliste a décrit cinq espèces de fourmis, et il a suivi la marche de la seconde (rufa) dans les routes qui partent de son habitation, comme d'un/centre, et qui se répandent au loin de toutes parts. Les routes sont incessamment couvertes d'ouvrières qui vont en longues files chercher des provisions, et reviennent dans le même ordre, traînant et roulant le fruit de leur conquête ou le prix de leur labeur. Quand ces fourmis sont irritées, elles lancent une liqueur spiritueuse, acide, pénétrante et corrosive: c'est l'acide désigné sous le nom de formique, qui plaît à quelques personnes et qui, employé dans les crémes, leur communique un goût et une légère odeur de citron. L'habitation de ces mêmes fourmis contient beaucoup de morceaux de résine du génévrier. L'usage pour lequel elles la recueillent est encore inconnu.

Le C. Latreille rend un hommage éclatant au baron de Geer, qu'il appelle, avec raison, le Réaumur suédois; et il déclare avec candeur que les mémoires de cet observateur si exact, formeront la base de son travail. Mais il est trop modeste en disant qu'il ne fera qu'y joindre quelques remarques ; ces remarques sont de très-neuves et très-précieuses observations.

(2) Ou dépourvues d'ailes.

De Geer à décrit, avec un soin minutieux, plusieurs espèces de fourmis ; il a fait connaître l'anatomie et les fonctions de leurs principaux organes, dont à peine pouvait-on se flatter de bien déterminer la forme extérieure et la destination. La fourmi rouge de Linné est celle sur laquelle il s'est le plus appesanti. Il a épié les mâles et les femelles; il a été témoin de leurs amours, qui se passe hors de l'habitation. Un crime inoui s'est commis sous ses yeux. Des ouvrières, placées dans un poudrier avec des nymphes de leur espèce, ont déchiré les enveJoppes qui renfermaient ces nourrissons, ordinairement si chéris; elles les ont dévorés sans pitié. Mais ce qui peutêtre est plus étonnant encore, de Geer a vu dans une même espèce une partie des larves filer une coque pour s'y changer en nymphes, et les autres se transformer

à nu.

Dans les sociétés des fourmis, on distingue donc trois ordres différens : c'est une de ces républiques, ou prétendues telles, d'où l'égalité est bannie. Les mâles et les femelles n'ont d'autre emploi que de faire l'amour et de voltiger (3) autour de la fourmillière. Les ouvrières ou les mulets sont chargés de tous les soins pénibles; ce sont eux qui veillent sur les petits, qui font les approvisionnemens, qui maintiennent dans le logis, ou dans la ville, l'ordre et la propriété. Semblables aux eunuques de l'Orient, toutes les affaires roulent sur eux: ils gouvernent leurs maîtres; et par cela seul qu'ils sont toujours en activité, ils jouissent des principaux avantages de la vie sociale, et même le véritable pouvoir réside dans leurs mains. C'est surtout par les soins maternels confiés aux mulets des fourmis, par cette sollicitude touchante qui paraît les animer sans relâche, que la belle ame du C. Latreille les juge particulièrement heureux.

(3) Les mâles conservent leurs ailes jusqu'à la mort ; les femelles les perdent souvent avant ce terme, et les environs des fourmillières ou les fourmillières elles-mêmes offrent quelquefois une grande quantité de ces légers débris.

Il faut voir dans l'ouvrage lui-même ce charmant tableau qu'il trace des mœurs et des travaux de la petita république. Quand une nouvelle colonie se fonde, la sagesse préside au choix du local; le choix du local détermine le genre de construction: architectes, vivaudiers, balayeurs, chargés de tenir en bon état les rues de la cité et les routes qui s'y rendent des environs, tout ce monde est en mouvement, et chacun a son emploi particulier.

Les fourmis paraissent guidées particulièrement dans leurs travaux et dans leurs excursions par le sens de l'odorat: elles se suivent les unes les autres à la piste. Si l'on passe le doigt sur les routes couvertes de leurs files, on divise le courant des émanations qui leur servent de guides. Aussitôt elles reviennent sur leurs pas ou se détournent ce n'est qu'après beaucoup de tâtonnemens qu'elles retrouvent leur chemin.

Mais dans quel organe la nature a-t-elle placé chez la fourmi le sens de l'odorat? C'est ce que le C. Latreille a reconnu et constaté. Un jour étant auprès d'une fourmillière de l'espèce fauve, il arracha les antennés à plusieurs individus. Il les vit tomber à l'instant dans une sorte d'ivresse ou de folie: ils erraient çà et là. Il parait donc constant que les antennes leur tiennent lieu de nez. Mais ce ne fut pas tout : quelques autres individus s'approchèrent des malheureux mutilés, portèrent la langue sur leurs blessures, et y laissèrent tomber une goutte de liqueur. Le C. Latreille ajoute: « Cet acte de sensibilité se renouvela plusieurs fois ; je l'observai avec une loupe. » Animaux compatissans, quelle leçon ne donnez-vous » pas aux hommes ! »

Nous nous sommes livrés au plaisir de suivre l'habile entomologiste dans quelques-uns des détails intéressans qu'il a rassemblés avec choix, et qu'il a tous reconnus ou vérifiés lui-même. Le caractère de notre journal et la longueur de cette annonce ne nous permettent pas d'exposer la méthode d'après laquelle il a formé ses classi

fications. Nous dirons seulement qu'il n'existait encore rien'de complet et de systématique sur l'histoire des fourmis, et que l'ouvrage du C. Latreille ne laisse plus rien à desirer à cet égard; ajoutons que les nouvelles espèces qui seront sans doute découvertes pourront facilement trouver place dans son tableau.

Le volume est terminé par différens mémoires sur l'abeille tapissière de Réaumur, sur le philanthe apivore découvert par le C. Latreille; sur une nouvelle espèce de psylle, sur le kermès mâle de lorme, sur les araignées, sur les faucheurs, etc. Partout on retrouve le même génie d'observation, la même sagacité, la même exactitude et la même candeur. C. B. N.

MÉDECINE.

RECHERCHES HISTORIQUES ET MÉDICALES sur l'hypocondrie isolée par l'observation et l'analyse de l'hystérie et de la mélancolie; par LOUYER WILLERMAY, médecin, membre de la société médicale d'émulation et de celle d'instruction médicale.

L'HYPOCONDRIE choisit ses victimes dans la classe des hommes les plus estimables qui, consacrant leur vie au bonheur général, se livrent sans réserve aux méditations et se trouvent souvent réduits à la nullité la plus absolue, ou bien elle frappe celui qui, après avoir rempli la tâche du vrai citoyen par une vie active et laborieuse, se croyant quitte envers la société, l'abandoune, en quelque sorte, pour terminer sa carrière dans le repos moral et l'inaction physique.

Ces motifs ne réclamaient il pas le travail d'un médecin qui, muni également de connaissances philosophiques, littéraires et médicales, pût embrasser tous les rapports de cette maladie, et arriver au complément de sa connaissance?

«

Ce traité est partagé en quatre sections qui sont précédées de considérations préliminaires dans lesquelles l'auteur fait connaître le but qu'il s'est proposé, c'est-à-dire : << De rallier l'opinion trop incertaine des médecins sur » l'idée que l'on doit se former de l'hypocondrie, d'ap» profondir ses causes et d'en assigner avec précision les >> caractères principaux. » Ce préambule renferme aussi quelques idées générales relatives à l'influence des passions sur l'organisation physique de l'homme.

La première section comprend l'histoire chronologique de l'hypocondrie. Des nombreuses recherches auxquelles il s'est livré, il résulte que dans les tems les plus reculés, cette maladie était très-rare et peu prononcée ; qu'elle est devenue plus fréquente avec les progrès de la civilisation dont elle suit évidemment la marche; qu'elle a été ensuite méconnue et confondue avec l'hystérie et la mélancolie, par beaucoup d'auteurs dont un petit nombre a su esquisser ses caractères. On n'observe pas moins de discordance dans les opinions relatives aux causes de cette affection. Cette versatilité d'opinions ne pouvait manquer d'influencer ce traitement qui, rarement bien ordonné, a roulé, presque toujours sur un assemblage confus de médicamens dont les moindres inconvéniens étaient de perpétuer la maladie, mais qui trop souvent conduisaient à des lésions organiques plùs graves qui venaient la compliquer.

Ce que nous venons de dire sur l'hypocondrie, se représente pour la mélancolie et l'hystérie, à l'origine desquelles l'auteur a été forcé de remonter, pour en faire un examen comparatif avec l'hypocondrie.

On trouve dans cette section plusieurs observations de ces trois maladies, dont la lecture excite l'intérêt de ceux même étrangers à l'art de guérir.

La deuxième section a pour objet la distinction de l'hypocondrie, de l'hystérie et de la mélancolie. Pour parvenir à saisir la différence de ces trois maladies, l'auteur s'étayant d'un axióme de Bacon, procède par la méthode

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