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nouement, style, chaque partie fournit un texte à ses réflexions et à ses éloges; il n'oublie pas de montrer les différentes sources où Molière a puisé, les imitations qu'il a faites; et il prouve très-bien qu'il n'a jamais imité sans embellir. Que Me Dacier, poussant l'amour des anciens jusqu'à l'idolâtrie, préférât l'Amphytrion de Plaute à celui de Molière, cela se conçoit ; mais il est difficile de croire que le judicieux Despréaux ait partagé cette erreur (1); les grossièretés et les mauvaises plaisanteries de l'auteur latin ne peuvent soutenir aucune comparaison avec le charme et l'élégance du poëte français (car cette pièce est peut-être celle dans laquelle Molière a le plus soigné son style). Le rôle seul de Cléanthis, et ses scènes avec son mari, valent mieux que toute la pièce latine.

Le dénouement de l'Ecole des Maris a été souvent cité comme parfait, et Voltaire est de cet avis; celui du Tartuffe a été beaucoup critiqué, comme postiche et tombant des nues. Le C. Cailhava réfute ces deux opinions; et il nous semble le faire avec avantage. Le dénouement de l'Ecole des Maris est fondé sur une erreur assez peu vraisemblable; ce n'est qu'un tour de passe-passe; et le tuteur à qui l'on excroque son consentement, pourrait le révoquer aussi facilement qu'il le donne, et. alors il n'y aurait pas de dénouement.

Celui du Tartuffe a le mérite de ramener aux yeux du spectateur le scélérat au moment de sa punition; il est si odieux qu'on jouit volontiers de son châtiment; il n'est ni impossible ni invraisemblable qu'un ministre éclairé, que le roi lui-même ait pu percer les replis du cœur de l'hypocrite; et l'on est averti

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(1) On ne trouve point cette opinion écrite dans ses Œuvres.

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Pour moi, j'avoue que j'ai toujours admiré ce dénouement, et que dans ce qu'il a de mystérieux, il me semble voir un coup de la providence; c'est un avertissement que l'on peut tromper long-tems les hommes, mais qu'il est une justice à laquelle les imposteurs les plus habiles ne peuvent enfin échapper. Malheureusement cela n'est pas toujours vrai; mais il est utile de professer cette maxime, et théâtral de la mettre en action.

.....

Le C. Cailhava relève plusieurs opinions très - légèrement hasardées par Voltaire, sur différentes pièces de Molière, comme lorsqu'il dit, par exemple: Le Misanthrope est admirable...... Oui; fort bien; le Bourgeois Gentilhomme est plaisant. . . . . . Ce dernier éloge est mince. Il y a dans les trois premiers actes de cette dernière pièce une vérité, une force de comique qui en font un vrai chef-d'œuvre. Mais Voltaire avait un esprit trop brillant pour bien sentir ce genre de mérite; aussi n'a-t-il point fait de véritables comédies.

L'ouvrage du C. Cailhava doit être lu et médité par les amateurs, par les hommes qui veulent courir la carrière glissante du théâtre. Il est une partie de son travail qui pourrait avoir aussi beaucoup d'utilité ; c'est celle qui traite de la manière dont les pièces de Molière sont jouées, et de celle dont elles devraient l'étre. Toute cette partie de son livre est excellente, pleine de sagacité; s'il existe encore des acteurs qui aiment leur art, qui aiment Molière, le père de la comédie française, ils peuvent trouver beaucoup à s'instruire dans ce commentaire. Mais les comédiens lisent fort peu; et les excellens avis que le C. Cailhava leur donne, pourront bien être perdus ; à moins que le public ne s'avise de les adop ter et de les leur transmettre immédiatement. Mais autrefois on jugeait les comédiens; aujourd'hui il est convena qu'on doit les applaudir, et les trouver sublimes, même lorsqu'ils sont le plus mauvais. On s'extasie devant des débutantes de dix-sept ans qui sont obligées, d'après l'im

portance qu'on leur donne, de se croire tout d'un coup Clairon des Gaussin ou des Dangeville.

Le commentaire est semé d'anecdotes curieuses ou plaisantes. En voici une que nous n'avons encore vue nulle part. « Des comédiens jouaient dans une ville de province » dont l'évêque était mort depuis peu ; son successeur, » moins favorable au spectacle, donna ordre que les co

médiens eussent à partir avant son arrivée. Ils jouèrent >> encore la veille; et comme s'ils eussent dû jouer le lendemain, celui qui annonça, dit: Messieurs, vous aurez » demain Tartuffe. »

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LITTÉRATURE.-ROMANS.

BELINDE, conte moral de MARIA EDGEWORT, traduit par le troducteur d'Ethelwina, etc. A Paris, chez Maradan, libraire, rue Pavée-Saint-André-des-Arcs, no 16.

MARIA EDGEWORT est honorablement citée parmi les aimables Anglaises qui enrichissent la littérature de leurs charmantes productions. Le roman de Belinde, présenté modestement sous le titre de Conte moral, doit assigner à l'auteur une place honorable auprès des Miss Inchbald, Burnet, etc. Le lecteur y découvrira ce tact fin et délicat, ces traits d'une douce sensibilité, et cet art de rendre intéressans les plus simples détails, qui caractérisent presque exclusivement les ouvrages des femmes, et surtout des femmes anglaises. On ne trouvera point ici de ces per sonnages colossalement vertueux, ou hideux à force de laideur. Tous les portraits sont vrais, naturels et tracés avec la plus élégante simplicité.

Lady Stanhope, femme d'esprit qui avait tout sacrifié à son intérêt, s'énorgueillissait d'avoir avantageusement marié une demi-douzaine de nièces. Il ne lui en restait qu'une: c'est Belinde Portman, qu'elle parvient à placer auprès de lady Delacour, l'une des femmes les plus à la

mode de son tems. C'est ainsi que l'héroïne, arrivant de sa province, paraît sur un brillant théâtre, au milieu de personnages dont le caractère et les goûts sont si opposés aux siens. Elle voit lady Delacour jouissant d'une immense fortune et de la réputation de femme d'esprit, objet de l'amour des hommes et de l'envie de toutes les femmes, tourner sans cesse dans un cercle de bruyans plaisirs. Elle voit lord Delacour méprisé de sa femme, qu'il laisse livrée à toute la dissipation du grand monde, s'abrutir de son côté dans la plus honteuse débauche, mettant toute sa gloire à pouvoir dire qu'il ne se laisse pas mener par sa femme, etc.... Belinde, quoique jeune et sans expérience, conserve toujours, dans le tourbillon du monde, les qualités aimables qu'elle reçut de la nature. Elle est bientôt remarquée par le lord Harvey, un des hommes les plus aimables de Londres, et qui passait pour l'amant de lady Delacour. Belinde n'est pas insensible à ses soins; mais (c'est ici peut-être le seul reproche qu'on puisse faire au roman) on ignore constamment si Belinde a de l'amour. Le caractère de cette héroïne est en général trop faiblement dessiné, et répandrait beaucoup de froideur sur l'ouvrage, si le charme des détails et la vérité des tableaux n'en soutenaient l'intérêt jusqu'à la fin. L'amour, cette passion impérieuse qui est presque tout dans les romans, n'est ici qu'une affection douce et un moyen purement secondaire. On voit que l'auteur en a fait le sacrifice au but moral qu'il se proposait en traçant le caractère principal, celui de lady Delacour. Il faut achever de faire connaître cette femme au lecteur.

Un jour Belinde, revenant d'un bal où lady Delacour avait développé tout le brillant de sou esprit, la félicitait sur son étonnante gaîté. Etonnante en effet, répondit milady qui soupira pofondément, et après plusieurs plaintes amères, ajouta : - C'est fiui; je vais mourir. - L'étonnement de Belinde fut extrême. « Vous allez mourir? mais vous me paraissez de la meilleure santé, et il n'y a pas une demi-heure que vous étiez d'une gaîté folle......

Vous

creuses,

Vous vous trompez, reprit Milady, je vous répète que je vais mourir.» Et elle conduit Belinde dans un cabinet mys térieux. Elle parut alors agitée d'une espèce de fureur. Elle essuya son rouge avec un mouvement brusque et violent; puis se tournant du côté de Belinde, elle lui fitt remarquer ses traits livides, ses yeux enfoncés, ses joues etc. Vous êtes étonnée, dit-elle à Belinde; eh bien! voyez en achevant ces mots elle découvrit son sein dévoré d'une large plaie. Ah! plaignez-moi; mon ame est tourmentée de maux incurables, comme mon corps; le remords me déchire. C'est alors que ladý Delacour lui raconte toutes les circonstances de sa vie. Cette femme si belle, si aimable, si heureuse, était martyre de l'ambition de plaire, esclave des faux plaisirs. Elle avait tout sacrifié pour la réputation de femme à la mode.

Tout ce qui tient au caractère de cette femme, dont la société pourrait offrir plus d'un modèle, est plein de force et de sensibilité. Elle doit servir de leçon, et d'une leçon terrible, aux jeunes femmes que séduit le desir d'être femmes à la mode.

Il faut rendre justice aux traducteurs ; ils ont fait passer dans notre langue toute l'élégance et la simplicité de l'original anglais. On trouvera bien dans leur traduction quelques négligences de style; mais la plupart ne peuvent être considérées que comme des fautes d'impression. H. D.

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LITTÉRATURE.

REVUE

CRITIQUE.

LITTÉRAIRE.

DESCRIPTION du département de l'Aveyron; par A. A.
MONTEIL, professeur d'histoire à lEcole centrale du
même département. Deux vol. in-8° de 500 p. les deux.
. Deux volumes pour un seul département! et pour un
des moins considérables par son étendue, sa situation, sa
An X. 3me Trimestre.
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