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On ignorait complettement encore que Napoléon après son abdication eut été retenu prisonnier à la Malmaison. On présumait qu'il avait différé son départ dans l'espoir d'être replacé à la tête de l'armée et du gouvernement. Ces Mémoires feront connaître que cet espoir, s'il régna intérieurement dans le cœur de Napoléon, ne fut pas le motif réel de son séjour en France, et qu'il y fut retenu par la commission du gouvernement jusqu'au moment où, l'honneur l'emportant sur toute considération politique, elle força Napoléon de s'éloigner pour le préserver de tomber entre les mains de Blucher.

Les négociations et les entretiens des plénipotentiaires Français avec les généraux ennemis; les procédés du Prince d'Eckmuhl; les intrigues du Duc d'Otrante; les efforts des membres de la commission restés fidèles à leur mandat; les débats sur la capitulation de Paris, et tous les faits accessoires qui se rattachent à ces diverses circonstances, avaient été totalement dénaturés. Ces Mémoires rétablissent la vérité, ou la dévoile. Ils mettent au jour la

conduite tenue par les membres de la commission qu'on supposait dupes ou complices de M. Fouché, par les maréchaux, par l'armée, par les Chambres. Ils renferment en outre la correspondance des plénipotentiaires et leurs instructions; documens inédits, qui feront connaître quels étaient alors la politique et les vœux du gouvernement de la France.

J'observerai enfin, pour compléter le compte que je crois devoir rendre au lecteur de la substance de cet ouvrage, qu'il offre sur la campagne de 1815, des éclaircissemens dont le besoin s'était fait sentir impérieusement. On ne savait point les causes qui déterminèrent Napoléon à se séparer à Laon de son armée; je les indique. Le Général Gourgaud, dans sa relation, n'avait pu donner l'explication de la marche du corps du Comte d'Erlon à la bataille de Ligny, de la conduite du Maréchal Ney le 16, de l'inaction de Napoléon le 17, &c. J'éclaircis, je crois, tous ces points. Je montre aussi que ce ne fut point, comme l'avancent encore et le Général Gourgaud et d'autres écrivains, pour relever le courage

et le moral de l'armée Française que son chef lui fit annoncer l'arrivée du Maréchal Grouchy. Napoléon, et ce fait est certain, fut abusé lui-mêm par une vive fusillade engagée entre les Prussiens et les Saxons, et c'est à tort qu'on lui impute d'avoir trompé sciemment ses soldats dans un moment où les lois de la guerre et de l'humanité lui prescrivaient de songer plutôt à la retraite qu'à prolonger la bataille.

J'avais d'abord refusé l'entrée de ces Mémoires aux pièces officielles déjà connues. J'ai cru devoir les y admettre: cet ouvrage, qui embrasse tous les événemens du règne des Cent Jours, serait incomplet s'il fallait que le lecteur recourût aux écrits du tems pour relire ou consulter l'Acte du Congrès de Vienne qui plaça l'Empereur Napoléon hors de la loi des nations; l'Acte Additionnel qui lui fit perdre sa popularité, et les discours éloquens et les déclarations vigoureuses par lesquels Napoléon, ses ministres, et ses conseillers cherchèrent à expliquer, à justifier le 20 Mars. J'ai pensé, d'ailleurs, qu'il ne serait peut-être point sans intérêt

de rendre le lecteur témoin des combats livrés à cette grande époque par la légitimité des nations à la légitimité des souverains.

Les couleurs sous lesquelles je représente Napoléon, la justice que je rends à la pureté de ses intentions, ne plairont pas à tout le monde. Beaucoup de personnes, qui auraient cru aveuglement le mal que j'aurais pu dire de l'ancien souverain de la France, n'ajouteront peut-être que peu de foi à mes éloges: elles auraient tort: si les louanges prodiguées à la puissance sont suspectes, celles données au malheur doivent être vraies; ce serait un sacrilège d'en douter.

Je ne me dissimule pas davantage que les hommes qui, par respect pour les principes, persistent à ne voir dans la révolution du 20 Mars qu'une odieuse conspiration, m'accuseront d'avoir embelli les faits et défiguré à dessein la vérité; peu m'importe j'ai peint cette révolution telle que je l'ai sentie, telle que je l'ai vue. Que d'autres se complaisent à flétrir l'honneur national, à représenter leur patrie comme un composé de poltrons ou de rebelles: Moi je crois

qu'il est du devoir d'un bon Français de prouver à l'Europe, Que le Roi ne fut point coupable d'abandonner la France;

Que l'insurrection du 20 Mars ne fut pas l'ouvrage de quelques factieux qu'on aurait pu réprimer, mais un grand acte national contre lequel seraient venus se briser les efforts des volontés particulières;

Que les royalistes ne furent point des lâches, et les autres Français des traîtres;

Enfin, que le retour de l'île d'Elbe fut la terrible conséquence des fautes des ministres et des ultras qui appelèrent sur la France l'homme du destin comme le fer provocateur appelle la foudre.

Ce sentiment me portait naturellement à terminer ces Mémoires par l'examen philosophique des Cent Jours, et la réfutation des reproches journellement adressés aux hommes du 20 Mars. Des considérations faciles à pénétrer m'ont retenu. J'ai du me borner à mettre les pièces du procès sous les yeux du grand jury public, et à lui laisser le soin de prononcer. Je sais que la question a été décidée dans les champs de Wa

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