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(en cas de défectuosité des produits) pour prévenir toute déchéance sur le marché du travail.

Sous le régime compétitif actuel, la responsabilité du producteur vis-à-vis du consommateur, au lieu de s'exercer à temps, directement, et d'être le gardien vigilant, incorruptible, de la bonne fabrication, ne s'exerce que par l'amoindrissement, s'il y a lieu, de la renommée de bonne fabrication de telle ou telle usine, laquelle peut déchoir ainsi sur le marché jusqu'à l'abandon complet par la clientèle, sans que celle-ci ait le moindre intérêt à s'en préoccuper.

Godin voyait tout l'intérêt du mouvement coopératif (le prochain chapitre en fournira des témoignages) mais il ne pouvait s'en aider pour son œuvre propre. L'idée coopérative n'a pris en France une importance de nature à occuper l'opinion que depuis 1885, époque de la fédération des Sociétés éparpillées jusque-là sur le sol français et sans aucun lien entre elles. Or, l'oeuvre de Godin avait déjà à cette époque revêtu depuis plusieurs années (1880) la forme légale.

Aucune organisation analogue aux Trade-Unions ne pouvait davantage lui servir de base pour le réglement des salaires. La loi sur les syndicats ouvriers date seulement de 1884.

Godin, dans le pacte même de la Société du Familistère, a visé et l'esprit coopératif (1) et l'esprit syndical (2) (celui-ci avant la création de la loi sur les Syndicats); cela prouve qu'il voyait dans ces mouvements, alors en germe, des promesses d'avenir ou des possibilités d'action en concordance avec son idéal; mais, nous le répétons, il ne pouvait leur emprunter aucune aide. Aussi la

(1) « Mutualité sociale ». Notions préliminaires, chap. XII, p. 64 et

statuts art. 3.

(2) a Mutualité sociale » 3o partie; Règlements. Art. 67.

Société du Familistère est-elle placée industriellement sous le coup des conditions du régime compétitif.

Pour le taux des salaires, Godin s'est appliqué à le tenir toujours au-dessus du cours adopté dans les industries similaires. Et ce taux élevé a continué de se maintenir. Quant à la clientèle, il faut chaque année envoyer vers elle des agents spéciaux, les représentants de commerce, chargés de recueillir les commandes. Les commerçants intermédiaires mettent en magasin les produits dont ils jugent l'écoulement le plus profitable pour eux, et trient ces produits à travers les offres des industries concurrentes.

Ces conditions générales font sentir tout le poids des réflexions de Godin touchant le rôle des directions industrielles, la nécessité de produits brevetés pour le maintien des hauts salaires et de produits soigneusement finis dans les ateliers.

La suite de ces chapitres nous montrera Godin appuyant avec la même force sur la nécessité de veiller simultanément à l'équilibre des prix de main-d'œuvre, un défaut de vigilance sur ce point pouvant rendre impossible le placement des produits.

Vve J.-B.-A. GODIN, née MORET.

(A suivre).

L'OEUVRE SOCIALE DU XIX SIÈCLE (1)

Peut-on dire, comme l'assurait M. le marquis de Voguë, que l'exposition d'Economie sociale a été « une véritable révélation? Je ne le pense pas. Il serait plus vrai de dire au contraire qu'elle n'a rien apporté de bien nouveau à l'inventaire déjà fait onze ans auparavant pour l'Exposition de 1889. Elle ne nous a révélé aucune institution qui nous fût encore inconnue, mais seulement le développement ou le déclin de certaines institutions existantes, que nous aurons à signaler ultérieurement. Ainsi la fin du XIXe siècle ne semble pas avoir été marquée par aucune expérimentation vraiment nouvelle, et Le Play, qui enseignait qu'en fait de science sociale il n'y a rien à inventer, s'en serait réjoui.

Mais cette impression un peu terne change si, ne nous bornant plus à embrasser la dernière décade du XIXe siècle, nous étendons nos regards à toute l'œuvre sociale accomplie au cours de ce siècle, comme d'ailleurs nous y invite le programme même de l'Exposition de 1900 instituant « une exposition une exposition rétrospective centenale ».

Alors le progrès accompli apparaît. Et pourtant, à celui qui avait parcouru toutes les galeries de l'Exposition universelle, ce progrès ne se manifestait certes pas avec autant de majesté que dans le Palais des Industries, du Génie civil, des Machines et de l'Electricité. En fait d'inventions, ou si l'on préfère d'expérimentations, l'histoire sociale du XIXe siècle ne semble rien offrir de comparable à ces découvertes merveilleuses dont chaque date marque une ère nouvelle: la machine à vapeur à haute pression en 1801, la locomotive en 1814, le télégraphe électrique en 1837, la photographie

(1) Extrait du Rapport général sur l'Exposition Universelle de 1900, Economie sociale, par M. Charles Gide.

en 1839, la première ligne transatlantique de bateaux à vapeur en 1840, le téléphone en 1877, les rayons X en 1895, la télégraphie sans fil en 1900. Aussi le naturaliste anglais Wallace a-t-il pu dire « en comparaison de nos étonnants progrès dans les sciences physiques et de leur application dans la pratique, nos systèmes de gouvernement, de justice administrative, d'éducation nationale, toute notre organisation sociale et morale, sont à l'état de barbarie ».

Néanmoins, nous ne saurions souscrire à une sentence si sévère, du moins en ce qui concerne l'organisation sociale. La science sociale, elle aussi, peut dresser un tableau glorieux de toutes les victoires remportées dans la lutte contre les maux sociaux, de toutes les étapes de ce voyage à la poursuite du bonheur.

Nous allons essayer de le faire de la façon la plus simple, la plus indiscutable et la plus éloquente en donnant simplement l'énumération chronologique des institutions d'économie sociale créées dans les différents pays au cours du XIXe siècle. La liste pourrait être indéfiniment allongée, mais nous nous sommes bornés à inscrire une seule fois chaque institution à la date où elle a apparu pour la première fois sous forme d'expérimentation couronnée de succès ou sous forme de loi écrite, sans tenir compte de celles, beaucoup plus nombreuses, qui sont venues postérieurement compléter et développer l'idée première.

1801. Crèches. Paris, Mme de Pastoret (ou en 1802.) (Allemagne, princesse Pauline de Lippe-Detmold).

1802. Protection des enfants ouvriers. Angleterre, loi pour la préservation de la santé et moralité des apprentis et autres employés dans les fabriques de coton. (Lois postérieures; Angleterre, 1833: France, 22 mars 1841).

(Paris 1818,

1804. Caisse d'épargne.- Angleterre Saving bank, par Miss Wakefield à Tottenham. Delessert).

1806. Conseils de prud'hommes. - Lyon.

1808. Dépôts de mendicité.

1808.

-

France, loi du 5 juillet

1818. Colonies d'assistance agricole.

Hollande, par

Van der Bosch. - (Allemagne, 1822, par Bodelschwing).

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1822. Caisse d'épargne postale. - Angleterre. (France,

1881).

1825. Grèves. - Angleterre, loi de 1825 reconnaissant le droit de coalition. (France 1864).

1831. Réglementation du salaire et abolition du TruckSystem, Angleterre. (Belgique, loi du 16

août 1887).

1831 Maisons ouvrières.

Philadelphie, société coopé

rative de construction, Building and loan

society,

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(1853, Mulhouse, par Jean Dollfus). 1831. Association coopérative agricole. Ralâhine,

Irlande.

1831. Association coopérative de production. - Paris,

par Buchez.

1832. Lutte contre l'alcoolisme.

Angleterre, Associa

tion des Teetotalers, par Livesey, à Preston. — (New-York, 1853 l'association des Bons Templiers; Genève, 1897, la Croix bleue).

1834. Epargne scolaire.

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1842. Réglementation du travail des femmes. Angleterre loi prohibant le travail dans les usines. 1844. Réglementation et inspection des fabriques.- Angleterre, The factory Act. (France, loi du 19 mars 1876).

1844. Sociétés coopératives de consommation. Les Pionniers de Rochdale.

1848. Limitation légale du travail des adultes.

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