Page images
PDF
EPUB

Autre fait parlementaire concernant les questions soulevées par la grève des mineurs :

Au début de la séance du 18 novembre, M. Ernest Roche a déposé une proposition de loi tendant à organiser la participation aux bénéfices dans les exploitations minières.

En voici le texte :

« Dans toutes les exploitations minières, les compagnies concessionnaires devront, sous peine de déchéance, organiser la participation aux bénéffces pour leur personnel salarié.

<< Les contrats de participation devront, dans un délai de six mois à partir de la promulgation de la présente loi, être soumis à l'homologation du ministre du com

merce. »

Cette proposition a été renvoyée à la commission d'enquête sur les mines.

Enfin, pour compléter les indications fournies au cours de l'interpellation au sujet des caisses de retraite. des ouvriers, il convient de mentionner le dépôt, par M. Basly, dès l'ouverture de la session extraordinaire, d'une proposition de loi organisant ces caisses sans retenues sur les salaires.

Le 24 octobre M. Klotz déposait une proposition de loi ayant pour objet le rétablissement du scrutin de liste. Cette proposition est la reproduction de celle que le député de la Somme avait déposée au cours de la dernière législature et qui avait été repoussée, le 17 mars 1902, à la veille de la période électorale, par 292 voix contre 222. Les articles 1 et 2 de cette proposition sont ceux mêmes de la loi du 16 juin 1885, mais les articles 3 et 4 apportent à cette loi deux modifications importantes : ils décident la réduction des élections partielles et le sectionnement des grands départements au nombre de 20 pour la France entière.

Les départements de l'Aisne, des Bouches-du-Rhône, des Côtes-du-Nord, du Finistère, de l'Ille-et-Vilaine, de

l'Isère, de la Loire, de la Loire-Inférieure, du Maine-etLoire, du Morbihan, du Puy-de-Dôme, de Saône-et-Loire, de Seine-et-Oise et de la Somme, seraient divisés en deux circonscriptions; les départements de la Gironde, du Pas-de-Calais, du Rhône et de la Seine-Inférieure en trois; le Nord en quatre; la Seine en huit, « afin d'assurer, dit l'exposé des motifs, la sincérité des opérations du dépouillement et de sauvegarder les droits des minorités politiques. » Le même jour M. Réveillaud, saisissait la Chambre d'une proposition tendant à l'organisation de la représentation proportionnelle. Rappelons que dès le début de la législature, le 10 juin 1902, M. Dansette avait déposé une proposition de loi portant rétablissement du scrutin de liste et organisation de la représentation proportionnelle.

Le renouvellement partiel de la Chambre des députés est visé par une proposition de M. Emile Morlot, (6 novembre) qui maintient le scrutin uninominal en étendant le mandat de député à six années.

Toutes ces propositions, d'autres similaires, et d'autres encore ayant pour objet d'assurer la liberté et la sincérité du vote, ont été renvoyées à une commission. de 22 membres, dite du suffrage universel. » La Commission, à peine constituée, s'est mise à l'ouvrage et a pris tout d'abord deux décisions importantes. Elle a adopté le vote sous enveloppe et le cabinet d'isolement, cette innovation qui effrayait l'année dernière l'esprit si libre de M. Waldeck-Rousseau. Les partisans de ces palliatifs, rendus indispensables par le maintien du mode actuel de recrutement de la Chambre des députés, regrettent que la Commission se soit laissé arrêter par la routine, en repoussant le papier uniforme obligatoire, sans lequel les deux autres précautions sont insuffisantes. Mais la Chambre pourra corriger cette imperfection et décider également la présence au bureau de dépouillement des représentants de chaque candidat, mesure que la Commission n'a pas adoptée.

D'autre part, la commission propose que les commis

sions de recensement, jusqu'ici nommées par les préfets, c'est-à-dire composées exclusivement d'amis du candidat officiel, (le mot est redevenu courant) soient désormais recrutées parmi les conseillers généraux par voie de tirage au sort, et que les candidats aient le droit de consigner leurs observations par écrit, à l'issue des opérations sur le procès-verbal lui-même, dont un exemplaire sera adressé au président du tribunal civil. Il ne suffit pas, en effet, de protéger le secret du vote: il faut encore pourvoir à la régularité du dépouillement. Le travail de réorganisation électorale en était là, lorsque la session extraordinaire a été close.

Si des questions qui touchent au recrutement de la Chambre des députés, nous passons à celles qui ont pour objet la confection des lois, où nous avons constaté qu'il n'y avait rien au début de la session, nous nous trouvons tout à coup en présence d'une organisation précise, d'une machine perfectionnée, d'un progrés réalisé d'emblée.

Jusqu'alors, la Chambre élisait ses commissions, petites ou grandes, au fur et à mesure des nécessités ou de ses décisions.

Désormais, au début de chaque législature, elle nommera 16 grandes commissions permanentes, sans préjudice des autres commissions spéciales ou permanentes dont elle pourra décider la constitution. On a parlé à ce sujet d'innovation. L'innovation n'est pas dans la création des grandes commissions. Les précédentes Chambres les ont vu fonctionner. A l'exception de la commission des postes et télégraphes, toutes les grandes commissions dont la nomination a été ordonnée par la Chambre existaient sous la dernière législature. On voit que de ce chef le changement n'est pas considérable. En signalant comme une nouveauté l'institution par la Chambre actuelle de grandes commissions permanentes, quelques-uns de nos confrères ont donc commis une erreur. Sur cette erreur, ils en ont greffé une autre, en confondant les comités exécutifs de la conven

tion avec les comités dans lesquels s'élaborait le travail législatif de cette assemblée, la plus laborieuse qui ait jamais existé, et en attribuant à ceux-ci la responsabilité des mesures prises par ceux-là. On voit d'avance quelles sombres prophéties vont surgir de cette assimilation fantaisiste. L'imminente absorption du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif n'en est que la préface. Par le vote d'une simple résolution, la Chambre aurait donc abusivement tranché une question gouvernementale, constitutionnelle même au premier chef.

On donne des allures révolutionnaires à la modeste consécration par un article du règlement intérieur de l'œuvre du temps, contresignée Ribot, président, et Georges Gros, rapporteur de la Commission du règlement sous la précédente législature. L'exemple est parti de la tribune où l'on a dénoncé le danger de donner (on aurait dû dire de conserver) aux grandes commissions, les noms portés par des ministères. M. Charles Benoist, qui n'est pas réformateur pour rien, démontre la pressante nécessité de transformer en << commission des intérêts agricoles » la « commission de l'Agriculture », enfant gâté de M. Méline, dont la silhouette pastorale (quamtum mutatus ab illo) est inséparable du souvenir de la lointaine enfance de cette commission.

Toute la révolution accomplie est dans ces simples mots : « Au début de la législature ». Que contiennentils? D'abord la possibilité d'une répartition plus équitable dans les commissions de tous les députés, suivant leur compétence et leur aptitude personnelle.

il est désirable, en effet, que ce ne soit pas toujours les mêmes députés, les mêmes personnalités, qui accaparent toutes les délégations. Il y a bien un règlement qui interdit à chacun des membres de la Chambre de faire partie de plus de deux grandes commissions, mais jamais il n'a été possible de faire respecter cette disposition du règlement. En faisant nommer en même temps toutes les grandes commissions, il sera facile d'empêcher, pour certains, le cumul de nombreuses

délégations et par suite, la répartition des députés présents dans chaque bureau sera infiniment meilleure. Sans doute on aurait pu résoudre la question d'une plus parfaite façon, en instituant la représentation proportionnelle. Mais la Chambre avait repoussée pour les grandes commissions permanentes la nomination au scrutin de liste, qui en était la condition indispensable.

Alors que la question du scrutin de liste n'était pas encore tranchée, divers systèmes de représentation proportionnelle ont été produits. Il ne nous paraît pas oiseux de les indiquer, ne fût-ce que pour montrer à quel point cette question s'est emparée de certains esprits à la Chambre.

M. Lemire, notamment, a développé un amendement d'après lequel, quand une commission sera nommée au scrutin de liste, les groupes politiques seront représentés proportionnellement au nombre de leurs membres. Cet amendement a été repoussé sur l'observation faite par le président que les groupes n'ont pas une existence régulière vis à vis du règlement.

Au nom de la Commission, M. Breton proposait un système dont il est l'auteur et d'après lequel, pour faire partie d'une grande commission, il suffirait d'y être délégué par quinze membres de la Chambre:

<< Tout député ne pourrait donner qu'une seule fois sa délégation pour une grande commission et ne pourrait faire partie que d'une seule de ces grandes commissions. Les délégations signées de quinze membres seraient remises au président de la Chambre qui, après vérification des listes, proclamerait les commissaires en seance publique.

«Chaque commission serait régulièrement constituée dès qu'elle se composerait de plus de 20 membres. » Cette proposition qui offrait à la minorité toutes les garanties désirables, a été également repoussée.

On s'est donc contenté de faire nommer, comme à l'ordinaire, les grandes commissions permanentes de 33 membres par les bureaux, à raison de 3 membres par

« PreviousContinue »